Verset à verset Double colonne
Ce psaume contraste fortement avec le précédent. L’accent de triomphe du Psaume 68 est remplacé ici par un long cri de douleur et de détresse.
Cette complainte comprend cinq parties d’inégale longueur. Le psalmiste commence par exposer à Dieu l’horreur de sa position (versets 2 à 5). Il ne nie point ses fautes, mais il constate que c’est pour la cause de Dieu qu’il souffre (versets 6 à 13). Dans la prière qui forme la partie centrale du psaume, il supplie Dieu de le délivrer (versets 14 à 22), puis sa requête se change en malédiction contre ses ennemis (versets 23 à 29). À partir du verset 30 apparaît, comme une lueur grandissante, l’espoir, puis la certitude de la délivrance (versets 30 à 37).
Plusieurs traits de ressemblance avec les complaintes de David ont pu donner lieu à la note du titre, concernant l’auteur. Les derniers versets ne s’accordent pas avec cette donnée. Il ne pouvait être fait mention de Sion au temps des persécutions de Saül et à aucune époque de la vie de David il n’a pu être question pour le peuple de Dieu de reprendre possession de la Judée comme d’un territoire momentanément perdu (versets 36 et 37). La situation décrite serait plutôt celle de Jérémie, au moment où, pour avoir obéi à l’Éternel, il fut couvert d’outrages, renié par les siens (versets 8 à 10), et cela, quand Juda était envahi, sa population déjà en partie captive et Jérusalem sur le point de tomber entre les mains de l’ennemi. La description des premiers versets pourrait, dans cette supposition, avoir pour point de départ l’emprisonnement du prophète dans une citerne (Jérémie 38.6) ; elle rappelle la plainte de Lamentations 3.53 : Ils ont anéanti ma vie dans la fosse…
Les eaux montaient par-dessus ma tête…
Si notre psaume n’est pas du même auteur que le Psaume 40, celui qui l’a composé a dû s’en inspirer. Les deux cantiques parlent de bourbier fangeux, de péchés commis par le psalmiste, d’ennemis nombreux et implacables, d’actions de grâces ou du don du cœur remplaçant avantageusement les sacrifices. Néanmoins ces ressemblances n’ôtent rien à l’originalité du Psaume 69, qui se distingue entre autres par de nombreux traits que l’on peut appeler messianiques. Nous reviendrons sur ce point à la fin de nos notes.
Sur les lis : voir Psaumes 45.1, note.
Jusqu’à l’âme : jusqu’au foyer de la vie, qu’elles vont éteindre. Les eaux débordées sont souvent l’image de calamités accumulées (Psaumes 18.17 ; Psaumes 32.6).
Un bourbier. Comparez Psaumes 40.3.
Mes yeux se consument à attendre… Les deux notions de l’épuisement physique et de l’accablement de l’âme, résultat d’une longue et inutile attente, sont ici confondues.
Ce que je n’ai pas dérobé… C’est ici un simple exemple des accusations injustes portées contre le psalmiste et des haines dont il est l’objet.
C’est à cause de son obéissance envers Dieu que souffre l’affligé.
Tu connais, toi… Si les hommes l’accusent injustement, Dieu a certainement de bonnes raisons de le châtier. Mais ce n’est pas pour ces fautes, dont il s’humilie, qu’on le persécute.
À cause de moi. Tout pécheur qu’il est, il n’en représente pas moins la cause de Dieu ; c’est même pour cette cause qu’il souffre et sa ruine porterait une grave atteinte à la foi de ceux qui cherchent Dieu.
Seigneur, Éternel des armées… Dieu d’Israël. Le psalmiste en appelle à Dieu comme étant à la fois le maitre de l’univers et le roi d’Israël.
Pour toi… Comparez Psaumes 44.23.
Étranger à mes frères. En parlant de ses frères, le psalmiste entend tous les membres de sa tribu qui refusent de partager son opprobre. Comparez Psaumes 38.12 ; Job 19.13 ; Jérémie 12.6.
La maison de Dieu, avec le culte qui s’y célèbre, est pour le psalmiste le centre du royaume de Dieu sur la terre. Le zèle pour cette maison pénètre de part en part, comme un feu, la vie de l’homme de Dieu (Jerémie 20.9) et par là soulève contre lui la haine de ceux qui n’aiment pas Dieu. Comparez Jean 2.13-17.
J’ai pleuré… Son zèle n’a point été amer, mais a produit en lui une douleur profonde, quand il a vu l’état d’abandon ou de profanation de la maison de Dieu. Ce trait est plus à sa place dans la bouche de Jérémie que dans celle de David.
Un sac. Comparez Psaumes 35.13. Ces manifestations d’une sainte tristesse n’ont eu d’autre effet que d’ajouter le mépris et les railleries aux outrages dont on l’accablait.
Pour moi, ma prière… Il ne répond point aux hommes, mais il parle à Dieu.
Ta grâce…, la vérité. La grâce de Dieu n’est point arbitraire ; elle est conforme à la vérité des promesses divines relatives au salut du peuple de Dieu.
Retire-moi du bourbier… Les images du commencement du psaume reparaissent ici, avec cette différence que le mal qui, au verset 3, semblait déjà consommé, paraît ici pouvoir être évité. C’est là un effet de la prière, l’homme qui prie commence déjà par là même à sortir du bourbier où auparavant il se croyait perdu sans ressource.
Approche-toi de mon âme. Il faut se rappeler que l’hébreu néphesch, désigne le principe de vie physique, aussi bien que la vie spirituelle qui est en l’homme.
Ils me donnent du fiel… Ces images sont familières à Jérémie (Jérémie 8.14 ; Jérémie 9.15 ; Jérémie 23.15. Comparez Jean 19.29).
L’indignation légitime provoquée dans l’âme du juste par l’excès d’iniquité et d’impiété qu’il vient de décrire, s’exprime ici sans le contrepoids qu’elle trouve chez le chrétien dans la révélation parfaite de l’amour infini de Dieu, aussi bien que du sort épouvantable des réprouvés. Voir à ce sujet nos réflexions concernant le Psaume 35. Seul celui qui s’est appelé la vérité a réuni sans effort les éléments de vérité qui semblent le plus inconciliables : la parole la plus sévère qui ait jamais été prononcée, celle qui se rapporte au blasphème contre le Fils de l’homme et au blasphème contre le Saint-Esprit (Matthieu 12.21-22), est aussi celle qui porte jusqu’aux plus extrêmes limites la mansuétude et le pardon. Quant à l’usage inconsidéré que l’on croirait pouvoir faire de malédictions telles que celles de notre psaume, en s’autorisant de l’exemple des hommes de Dieu, il est bon de se rappeler ce que dit à ce sujet Luther : Commence par devenir un saint Pierre, un saint Paul, un David, un Élisée ; alors il te sera aussi permis de proférer des malédictions au nom de Dieu.
Leur table, si richement pourvue, en opposition à celle du psalmiste (verset 22), doit contribuer à leur perte. Et que de gens en effet trouvent leur ruine dans la facilité même avec laquelle ils peuvent satisfaire tous leurs désirs.
Une telle vengeance de Dieu nous doit certes bien faire trembler, quand le Saint-Esprit prononce que toutes les aises qui doivent servir à faire vivre sont mortelles aux réprouvés
Un piège. La même image, est appliquée par saint Paul aux cérémonies du culte juif sur l’accomplissement tout extérieur desquelles reposait le pharisaïsme (Romains 11.9).
Leurs reins : siège de leur force. Cette force doit se changer en faiblesse, de même que leur clairvoyance en aveuglement, leurs jouissances en détresse.
Verse ton indignation… Le psalmiste se représente cette indignation sous la forme d’une tempête qui dévaste un campement dans le désert (verset 26).
Que leur demeure devienne déserte. L’apôtre Pierre cite cette parole à l’occasion de la mort de Judas Iscariote (Actes 1.20). Elle s’est accomplie aussi, de même que les menaces précédentes (aveuglement et impuissance), à l’égard du peuple juif dans son ensemble.
Celui que tu as frappé. Il y a une sorte d’impiété, de la part d’hommes pécheurs, à intervenir dans le procès entre Dieu et son serviteur, pour ajouter encore à la souffrance de celui-ci le poids de leur méchanceté. C’est cette impiété, qui achève d’attirer sur eux la condamnation divine.
Ajoute l’iniquité… Le plus terrible châtiment qui puisse tomber sur le méchant consiste en ce que Dieu le prive tellement de sa grâce que, accumulant péché sur péché, il se ferme à lui-même le chemin du retour à la justice. Comparez Apocalypse 22.14.
Le livre de vie, c’est-à-dire où sont inscrits les vivants. L’endurcissement du méchant a pour conséquence sa radiation du nombre de ceux que Dieu juge dignes de faire partie de son peuple (comparez Exode 32.32 ; Apocalypse 3.5). Les vœux terribles des versets 23 à 29 ne se suivent pas au hasard. Ils expriment les conséquences successives, voulues de Dieu, de la perversité des méchants. Le dernier anneau de cette chaîne de malédictions est la radiation du livre de vie. Le psalmiste ne demande pas autre chose que l’accomplissement du décret divin à l’égard du mal librement commis.
Tandis que les persécuteurs travaillent à leur propre ruine, leur victime entrevoit déjà son relèvement, qui sera un encouragement pour tous les croyants (comparer Psaumes 5.12 ; Psaumes 22.23 et suivants).
Cela plaira plus… Comparez Psaumes 40.7-8 ; Psaumes 50.8-15 ; Psaumes 51.18-19.
Ayant cornes et sabots : sans défaut et dans la plénitude de sa force (Lévitique 1.3).
Que votre cœur vive !, Ce passage semble être une réminiscence de Psaumes 22.27. Le psalmiste, voyant ceux qui cherchent Dieu s’associer à sa joie, va au-devant d’eux avec des paroles de bienvenue.
La délivrance annoncée est si certaine que les accents de louange se font déjà entendre et elle est si merveilleuse que l’univers entier s’associera à l’allégresse du peuple de Dieu.
Dieu bâtira les villes de Juda. Cette expression, de même que la mention des captifs (verset 34), ne saurait être attribuée à David (voir l’introduction au psaume). À l’époque de Jérémie, des déportations avaient déjà eu lieu ; la plupart des villes de Judée étaient détruites et Jérusalem allait être prise.
Peu de psaumes ont été cités autant que celui-ci par les auteurs du Nouveau Testament. Et il est certain que plusieurs de ses paroles les plus frappantes ont eu leur plein accomplissement dans la vie et dans les souffrances du Sauveur :
Le sort de ses ennemis, non moins que le sien, semble décrit à l’avance dans notre psaume, ainsi que le font remarquer saint Pierre, pour Judas Iscariote (Actes 1.20 ; comparez notre verset 26) et saint Paul, pour toute la nation juive (comparez verset 23 et Romains 11.9). Il n’est donc pas étonnant que l’antique version syriaque ait intitule ce psaume : Prophétie de la passion de Jésus-Christ et de la réjection des Juifs. Cependant le psaume dans son ensemble ne saurait être envisagé comme directement messianique. L’auteur se reconnaît coupable devant Dieu, et, si les malédictions qu’il profère contre ses ennemis sont conformes, ainsi que nous l’avons vu, aux décrets divin eux-mêmes, nous savons que le Sauveur, qui a annoncé des châtiments tout aussi graves, ne l’a pas fait sous forme d’imprécations. Le juste qui parle ici décrit évidemment son propre état, sans donner lui-même ses paroles la portée lointaine qu’elles ont pourtant bien réellement. Que conclure de cela, sinon qu’un Esprit auquel était présente l’œuvre à venir du Messie a coopéré ici avec le psalmiste, éclairant, d’une lumière particulièrement vive, les traits de ressemblance qui rapprochent le juste de l’ancienne alliance du juste parfait, souffrant pour la cause de Dieu.