Verset à verset Double colonne
L’auteur de la lettre
En signant sa lettre, Paul énumère les titres qu’il possède à la confiance des Romains (1).
L’Évangile, que Paul a mission de prêcher et que Dieu avait promis par les prophètes, présente le Fils de Dieu, qui est issu, en tant qu’homme, de la race de David, qui a été déclaré Fils de Dieu, d’une manière puissante, par sa résurrection, selon l’esprit de sainteté qui était en lui (2-4).
L’apostolat de Paul et les destinataires de son épître
Paul a reçu, par Jésus-Christ, le salut par grâce et la charge d’apôtre pour amener à la foi les gentils. De leur nombre sont aussi ses lecteurs de Rome qui appartiennent à Jésus-Christ. À eux tous Paul adresse sa lettre, en leur souhaitant la grâce et la paix (5-7).
Selon l’usage des anciens (Actes 15.23 ; Actes 23.26), Paul met en tête de sa lettre sa signature et le nom des destinataires. Mais au lieu de la brève formule usitée, qui pour notre épître serait : « Paul aux Romains, salut », il ajoute à son nom les titres qui l’autorisent à s’adresser aux chrétiens de Rome et qui sont propres à assurer à son message un accueil favorable de la part d’une Église qu’il n’a pas fondée et dont il n’est pas connu de visage.
Le premier de ces titres est : serviteur de (grec) Christ-Jésus.
Christ-Jésus est la leçon de B et de quelques Pères, adoptée par la plupart des critiques. Quand Christ précède Jésus, il a conservé, en quelque mesure, le sens qu’il a comme nom commun, même quand il n’est pas accompagné de l’article : le Christ, l’oint, en hébreu le Messie. Paul ne prend le titre de serviteur de Jésus-Christ, en tête d’une de ses lettres, qu’ici et dans Philippiens 1.1. Ailleurs il le donne à tous les croyants (1 Corinthiens 7.22 ; Éphésiens 6.6).
Le terme de serviteur, qui signifie proprement esclave, exprime la condition d’appartenance : le chrétien appartient à Jésus-Christ qui l’a « acheté à prix » (1 Corinthiens 7.22 ; 1 Corinthiens 7.23).
Dans Colossiens 4.12, Paul appelle Epaphras « serviteur de Jésus-Christ » par manière d’éloge. En se disant lui-même ici serviteur de Jésus-Christ (serviteur de Dieu, dans 1.1), il affirme sa complète consécration au Maître.
Il ajoute : apôtre en vertu d’un appel, pour indiquer quelles fonctions il accomplit au service de Jésus-Christ.
Ce titre d’apôtre (envoyé) désigne en premier lieu les douze témoins que Jésus s’était choisis (Luc 6.13). Mais ce n’est qu’au second siècle qu’il leur fut réservé d’une manière exclusive. Au temps de Paul, il est attribué à tous les missionnaires (Romains 16.7 ; Actes 14.14) ; cependant alors déjà l’apostolat était considéré comme le premier des ministères (1 Corinthiens 12.28).
En s’attribuant cette qualité, Paul se met sur le même rang que les douze ; et comme il n’avait pas été de leur nombre durant la vie du Maître, il fait souvenir qu’il n’en a pas moins été appelé à l’apostolat par Jésus-Christ d’une manière directe et solennelle (Actes 9.15 ; Actes 26.16 ; Actes 26.17 ; Galates 1.1), qu’il est (grec) apôtre appelé.
L’adjectif appelé indique que la qualité d’apôtre lui appartient en vertu de cet appel. Paul ne s’arroge pas arbitrairement la charge d’apôtre, le Seigneur la lui a imposée par une vocation irrésistible (1 Corinthiens 9.16).
Paul ajoute un dernier trait destiné à caractériser l’action de la grâce souveraine de Dieu à son égard : mis à part pour l’Évangile de Dieu, c’est-à-dire pour l’annoncer. Dans Galates 1.15, il dit même que Dieu « l’a mis à part dès le sein de sa mère ».
De toutes manières donc, son apostolat repose sur l’autorité de Dieu et non sur celle des hommes (Galates 1.1). On a prétendu à tort que Paul faisait allusion à l’acte par lequel, sur l’ordre du Saint-Esprit, il fut avec Barnabas, « mis à part » pour là mission parmi les païens (Actes 13.2). Il pense, non à cette consécration spéciale au sein de l’église d’Antioche, mais à sa vocation initiale par le Seigneur lui-même.
On a remarqué que ce qualificatif : mis à part, est la traduction de l’épithète de « pharisien », dont Paul s’enorgueillissait avant sa conversion (Philippiens 3.5).
Le grand objet de l’apostolat de Paul, l’unique but de sa vie, est l’Évangile, c’est-à-dire la « bonne nouvelle » du salut par grâce offert à tous les hommes. Cet Évangile est appelé ici l’Évangile de Dieu, parce qu’il émane directement de lui et qu’il est le message salutaire de Dieu à l’humanité déchue.
Dieu avait d’avance, dès les temps de l’ancienne alliance, promis l’Évangile par ses prophètes, qui lui servaient d’organes.
Leurs prédictions sont consignées dans les Écritures saintes.
Bien que l’article manque en grec, il ne faut pas traduire : « Dans de saints écrits », car Paul a en vue le recueil de l’Ancien Testament ; s’il omet l’article, c’est pour relever particulièrement le caractère des écrits qui le constituent : ils sont saints, parce qu’ils ont pour auteurs des hommes inspirés.
Par les prophètes de Dieu, Paul entend tous les auteurs sacrés : Moïse, David, aussi bien que les prophètes au sens spécial. L’apôtre insiste sur l’étroite relation de l’ancienne et de la nouvelle alliance : elle est à ses yeux une preuve irrécusable de la vérité de l’Évangile (Romains 3.21 ; Romains 16.25 ; Romains 16.26 ; Galates 3.8).
Jésus lui-même relève souvent l’accord de son enseignement avec les révélations précédentes (Matthieu 5.17-19 ; Matthieu 11.10-13 ; Matthieu 22.29 ; Luc 24.25-27 ; Luc 44-46 ; Jean 10.34).
Le Nouveau Testament est voilé dans l’Ancien, l’Ancien est déployé dans le Nouveau.
Les mots concernant son Fils indiquent à la fois le contenu de l’Évangile de Dieu et l’objet de la prophétie.
Le Fils de Dieu se présente à l’apôtre sous un double aspect : issu de la postérité de David selon la chair, déclaré Fils de Dieu selon l’Esprit de sainteté.
Selon la chair, c’est-à-dire en tant qu’homme, Jésus est issu (grec devenu rejeton) de la race de David.
Il importe de bien entendre ce mot de chair appliqué à Jésus-Christ. D’une part, il semble dire trop peu, car le Sauveur s’est approprié la nature humaine tout entière et pas seulement notre chair ; d’un autre côté, il paraît exprimer trop, parce que, à l’idée de chair, s’attache celle de péché ; or Paul n’admettait pas que le Sauveur ait eu part à notre corruption.
Le terme de chair est employé dans des acceptions diverses par les auteurs sacrés il désigne proprement les parties molles du corps de l’homme (Genèse 2.23) ; puis le corps tout entier (1 Corinthiens 15.37-40). Le corps était destiné à servir d’instrument docile à notre esprit, qui devait lui-même obéir à l’Esprit de Dieu.
Originairement donc, aucun élément de péché n’était impliqué dans l’idée de la chair, partie matérielle de notre être. Mais lorsque, par la chute (Genèse 3), l’esprit de l’homme se fut soustrait à l’influence et à la direction de l’Esprit de Dieu, l’homme livré à une volonté sans boussole et sans force, fut incapable de maintenir son corps dans l’obéissance.
La chair acquit une vie propre, une activité indépendante, l’intelligence et la volonté furent soumises à l’empire des sens. Dès lors l’esprit, qui devait commander, sert le corps, qui devait obéir, commande.
En tenant compte de cet état de choses, les écrivains sacrés attachent souvent l’idée de péché au mot de chair. Ce n’est pas qu’ils envisagent le corps comme la source et le siège unique du péché ; celui-ci gît essentiellement dans la volonté humaine révoltée contre Dieu, privée de la communion avec Dieu et cherchant en vain dans les créatures une compensation à cette perte irréparable, un point d’appui contre le sentiment de son propre néant.
Mais quoique le péché se manifeste le plus souvent par le corps, parce que l’homme est tombé sous l’esclavage des sens, il est des vices de nature spirituelle auxquels le corps n’a aucune part directe, que l’écriture qualifie pourtant de charnels, « d’œuvres de la chair ; » l’orgueil spirituel (Colossiens 2.18), la haine, la jalousie, la colère, les animosités (Galates 5.20).
En un mot, la chair, dans ce second sens, désigne la nature humaine déchue, corrompue, assujettie au péché (Jean 3.6), incapable par elle-même de se relever en saisissant la vérité salutaire quand celle-ci lui est présentée (Matthieu 16.17 ; 1 Corinthiens 2.14).
Enfin, comme les conséquences du péché, sinon les plus funestes, du moins les plus apparentes, se manifestent surtout dans le corps qui lui a servi d’instrument (la douleur, les infirmités, les maladies, la mort), le mot de chair est souvent employé pour désigner notre nature souffrante, défaillante, mortelle, que le péché a vouée à la destruction (1 Pierre 1.24).
De ces trois sens du mot chair : substance matérielle du corps, état où l’esprit est asservi aux sens, faiblesse de l’homme soumis à la douleur et à la mort, lequel est appliqué à Jésus-Christ ? Évidemment le dernier.
Il a pris notre nature dans son infirmité, portant en elle les conséquences amères du péché ; de là vient qu’il a partagé toutes nos misères et que, de plus, il a subi les diverses tentations auxquelles nous sommes exposés (Luc 4.1-13 ; Hébreux 5.7 ; comparez Romains 8.3 note).
Cependant il est resté pur de toute atteinte du péché, de toute souillure du corps et de l’esprit (Hébreux 4.15 ; Hébreux 7.26 ; Hébreux 9.14 ; Jean 8.46), en lui, la chair fut constamment soumise à la domination d’une volonté sanctifiée par l’Esprit de Dieu. Second Adam, il a ainsi parfaitement accompli, au sein de notre humanité déchue, la loi divine que le premier Adam aurait dû accomplir dans son état d’intégrité originelle. Par sa victoire sur le péché, il a ramené la chair et l’esprit, l’homme entier, à sa destination primitive.
Le moyen de cette victoire a été l’esprit de sainteté. Cette expression n’est pas synonyme de Saint-Esprit. Paul ne veut pas dire que le Saint-Esprit ait été en Jésus-Christ, par opposition à la chair humaine, l’élément spécifiquement divin de son être.
L’esprit dans le langage de Paul est d’une part la faculté qui rend l’homme capable de subir l’action de l’Esprit de Dieu, l’organe par lequel il entre en rapport avec Dieu (1 Thessaloniciens 5.23 ; 2 Corinthiens 7.1) ; et, d’autre part, le principe divin et créateur qui accomplit dans le cœur du croyant l’œuvre de la régénération (Romains 8.9 ; Romains 8.10).
En Jésus-Christ, pendant sa vie terrestre, l’esprit humain fut constamment dominé par l’Esprit de Dieu, de sorte qu’il fut saint dans toute sa conduite et dans tout son être. Cette parfaite sainteté fut la cause morale de sa résurrection, de sa victoire sur la mort, salaire du péché.
C’est conformément à l’esprit de sainteté qui était en lui qu’il est ressuscité. Et par cette résurrection, nous dit l’apôtre, il a été déclaré Fils de Dieu avec puissance.
Nous traduisons ainsi un verbe que d’autres rendent par il a été établi et qui signifie proprement déterminé, délimité. Il exprime l’effet de la résurrection de Jésus-Christ : elle a manifesté aux hommes sa qualité de Fils de Dieu.
L’apôtre ne veut pas dire que Jésus est devenu Fils de Dieu par sa résurrection, que celle-ci lui a conféré une dignité qu’il ne possédait pas avant ; c’est pourquoi il nous paraît préférable de traduire déclaré plutôt que établi Fils de Dieu.
Avec puissance se rapporte à déclaré par sa résurrection : cette résurrection fut une puissante, une éclatante démonstration de sa qualité de Fils de Dieu. D’autres rapportent ce complément circonstanciel à Fils de Dieu : il a été déclaré ou établi Fils de Dieu dans la puissance, par opposition à son existence terrestre où il était Fils de Dieu dans la faiblesse.
Par sa résurrection d’entre les morts (grec par une résurrection de morts) : par cette tournure, Paul ne désigne pas directement le fait de la résurrection de Jésus-Christ, mais veut indiquer plutôt de quelle sorte était cette démonstration de la divinité du Christ.
La préposition grecque pourrait avoir le sens temporel : dès sa résurrection ; mais cette indication chronologique n’aurait pas une grande utilité. La pensée de l’apôtre est plutôt de présenter la résurrection de Jésus-Christ comme la cause efficiente de sa glorification.
Par sa résurrection, le Christ a été élevé à la droite du Père ; il n’appartient plus dès lors à Israël seul, mais à l’humanité entière ; et, en vertu de la toute-puissance qui lui a été donnée au ciel et sur la terre, il étend son règne sur tous les peuples par les instruments qu’il s’est choisis pour cela (verset 5).
L’apôtre revient à son apostolat et déclare qu’il a reçu, par l’intermédiaire de Jésus-Christ, non seulement cet apostolat, mais avant tout la grâce, c’est-à-dire le don du salut (1 Corinthiens 15.10), qui en a été la source et l’âme.
C’est à tort que plusieurs ne voient dans ces deux termes qu’une seule et même chose et traduisent : « La grâce de l’apostolat ».
La grâce, il l’a en commun avec tous les fidèles, mais non l’apostolat.
Le but de la mission de Paul est d’annoncer et de produire parmi les gentils l’obéissance de la foi.
Cette expression est remarquable ; la foi, dans son essence subjective et morale, n’est autre chose que l’obéissance de l’homme à la grâce, à la volonté de Dieu qui lui offre le salut, comme l’incrédulité est la révolte de la créature contre le Créateur (Romains 10.3 ; 2 Thessaloniciens 1.8 ; Jean 3.36 ; Jean 5.44).
D’autres traduisent : en vue de l’obéissance à la foi, à l’Évangile que Paul prêche, à la doctrine qu’il enseigne dans cette épître même ; mais le mot foi n’a jamais ce sens chez Paul.
Le but suprême de cette mission destinée à propager l’obéissance de la foi, c’est d’exalter le nom de Christ (grec pour son nom) parmi tous les gentils (Philippiens 2.9-11).
Le terme que nous traduisons par les gentils désigne les nations dans leur opposition à Israël, le peuple élu (Genèse 12.3 ; Ésaïe 11.10 ; Ésaïe 49.6 ; Galates 2.7-9).
Les interprètes qui pensent que l’Église de Rome était composée de Juifs convertis, sont obligés de prétendre que Paul compte la nation juive parmi toutes les nations. Mais Paul ne s’est jamais attribué un apostolat universel (Comparer Romains 11.13 ; Galates 2.7-9).
La plupart de nos versions traduisent le terme en question par les païens, mais cette expression évoque une idée d’idolâtrie et de corruption morale, qui ne se trouve pas dans le mot grec.
Comment l’apôtre pourrait-il écrire (verset 6) aux chrétiens de Rome : « Vous êtes au nombre des païens, vous les appelés de Jésus-Christ ? »
Appelés de Jésus-Christ, qui, en vertu de l’appel que vous avez reçu, appartenez à Jésus-Christ ; et non : « appelés par Jésus-Christ ; » car l’auteur de l’appel, c’est Dieu (Romains 8.30 ; Romains 9.24).
Ils sont appelés par Dieu pour être à Jésus-Christ (1 Corinthiens 1.9 ; 1 Corinthiens 1.26-28 ; Galates 1.6).
Il s’agit de cet appel efficace qui est une partie essentielle de l’œuvre de la grâce (Romains 8.29 ; Romains 8.30), d’un appel entendu et suivi (verset 7), et non d’une vocation à laquelle l’homme résiste, comme celle dont Jésus parle dans Matthieu 22.14, où le mot appelé est opposé à « élu ».
Le mot : « tous ceux qui sont à Rome… » élargit le cercle des destinataires de l’épître : ce ne sont pas seulement les chrétiens d’origine païenne nommés au verset 6, mais aussi des Juifs de naissance.
Ils sont saints en vertu de l’appel qui leur a été adressé, grec saints appelés, comme, au verset 1, Paul se disait « apôtre appelé ».
L’appel n’est pas le fruit de la sainteté, mais la sainteté est le fruit de l’appel.
Les croyants sont saints parce que, arrachés au monde par la vocation divine qu’ils ont acceptée, ils sont devenus la propriété de Dieu (saint, en hébreu, signifie mis à part, consacré, comparez Exode 19.6 ; Exode 2.14 ; 1 Pierre 2.9) et parce que la vie nouvelle qu’ils ont reçue de Dieu, est un principe indestructible de sanctification qui finira par triompher en eux de tout mal (Colossiens 3.12 ; 2 Thessaloniciens 1.10 ; Hébreux 3.1 ; Hébreux 6.10).
La salutation épistolaire usitée chez les Grecs et placée après les noms de l’auteur et du destinataire de la lettre, était : « Réjouis-toi ! » Par cette formule les païens ne souhaitaient à leurs amis qu’une joie terrestre et charnelle (Jacques 1.1, 3e note).
Les chrétiens, pour qui toutes les relations de la vie humaine étaient envisagées au point de vue de l’éternité et pénétrées de l’Esprit d’en haut, souhaitaient à leurs frères la grâce, l’amour de Dieu manifesté aux pécheurs, source du pardon, de la sainteté, de la victoire sur la mort et le fruit de cette grâce, la paix ; la paix avec Dieu, la paix du cœur assuré de son salut, la paix avec les hommes.
Ces deux mots grâce et paix se retrouvent toujours dans l’ordre où nous les avons ici (1 Corinthiens 1.3 ; 2 Corinthiens 1.2 ; Galates 1.3 ; Éphésiens 1.2 ; Philippiens 1.2 ; Colossiens 1.2 ; 1 Thessaloniciens 1.1).
La grâce et la paix nous sont données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ : nous n’avons d’autres titres aux dons de Dieu que la médiation et les mérites de notre Sauveur.
Actions de grâces et vœu
Paul rend grâces à Dieu de ce que les chrétiens de Rome sont parvenus à la foi. Il prend Dieu à témoin de ses constantes intercessions pour eux. Il lui demande d’être conduit auprès d’eux pour leur communiquer quelques dons spirituels et se fortifier lui-même dans la communion de leur foi (8-12).
Le désir de l’apôtre de prêcher l’Évangile à Rome
Paul s’est déjà souvent proposé d’aller voir les Romains, car il se doit à tous ; il est donc plein de zèle pour leur annoncer l’Évangile, dès que les circonstances le permettront (13-15).
L’apôtre est tellement pénétré de reconnaissance pour les immenses bienfaits de Dieu envers ses enfants, qu’il commence presque toutes ses lettres par d’ardentes actions de grâces, même quand il s’agit d’Églises où, comme dans celle de Corinthe, il y avait beaucoup à reprendre et à blâmer (1 Corinthiens 1.4).
Tout d’abord, grec premièrement, cette tournure fait attendre un « secondement » qui n’est pas exprimé.
Le vœu formulé versets 10 et 11 constituait probablement ce second point que l’apôtre avait en vue.
Il appelle Dieu : mon Dieu, parce qu’il a reçu de nombreuses preuves de sa fidélité paternelle.
Il rend grâces à son Dieu par Jésus-Christ.
Il en est de nos actions de grâces comme de nos vœux : (verset 7, note) nous ne pouvons les adresser à Dieu que par Jésus-Christ ; c’est lui qui allume dans nos cœurs la reconnaissance ; et lorsque l’expression en monte vers Dieu comme un encens, c’est lui encore qui la purifie de toute souillure (Hébreux 13.15).
La foi des chrétiens de Rome est renommée, citée, publiée, dans le monde entier.
Cette dernière expression est hyperbolique et signifie : partout où il y a des chrétiens (1 Thessaloniciens 1.8).
Ce que l’on vante ainsi, ce n’est pas la qualité exceptionnelle de la foi des Romains, mais le fait qu’ils ont été gagnés à Christ et qu’une Église s’est formée dans la capitale de l’empire.
L’amour et l’espérance, la religion tout entière trouve son expression complète dans ce mot la foi.
Les fréquentes prières que Paul adresse à Dieu pour les Romains expliquent et confirment (car) l’ardente reconnaissance qu’il vient d’exprimer pour leur foi (verset 8).
Il prend Dieu, qui sonde le cœur (Psaumes 44.22 ; Actes 1.24), à témoin de sa sollicitude pour eux, parce qu’il craint que, ne le connaissant pas personnellement, ils ne trouvent quelque exagération dans l’expression de ses sentiments.
Dieu que je sers (grec auquel je rends un culte) en mon esprit dans la prédication de l’Évangile : le ministère de l’Évangile se présente à l’apôtre comme un culte spirituel, comme le véritable office sacerdotal, dont celui du temple de Jérusalem n’était que l’image. Et c’est parce qu’il sert Dieu dans son esprit, dans le sanctuaire intime de son cœur, qu’il le sert si bien dans l’Évangile de son Fils.
Spirituel indique la nature du don que Paul espère apporter aux Romains ; l’unique source en a déjà été indiquée au verset 7.
L’apôtre ne prétend point dispenser ces dons à son gré, mais il croit que Dieu les communique aux âmes par la parole de ses serviteurs.
Paul attend de sa présence à Rome que les chrétiens de cette ville soient affermis dans la vérité qu’ils ont déjà reçue par d’autres ; il n’estime donc pas qu’il soit nécessaire de corriger ni de compléter sur des points essentiels l’enseignement qui leur avait été donné.
Après avoir émis la pensée que son arrivée au milieu d’eux serait pour les chrétiens de Rome une source de bénédictions spirituelles, Paul se hâte d’atténuer ce qui pouvait paraître présomptueux dans cette espérance, en ajoutant qu’il compte, lui aussi, être béni par le moyen de ses frères, qu’ils le seront les uns et les autres par leur commune foi, grec par la foi de vous et de moi qui est dans les uns et les autres, c’est-à-dire en vous comme en moi ; que nous serons encouragés chacun par la foi de l’autre, vous par la mienne moi par la vôtre.
Ce verset 12 est écrit en toute sincérité comme le verset 11 en toute humilité.
De telles relations réalisent la vraie communion des saints. Que nous sommes encore loin de la domination exclusive du prêtre dans l’Église de Dieu !
Nous ne pouvons dire exactement ce qui avait empêché l’apôtre de venir à Rome.
Dieu, souverainement libre dans ses sages dispensations, diffère souvent d’accomplir les désirs les plus légitimes de ses meilleurs serviteurs.
On appelait barbares tous les peuples qui n’avaient point de part à la civilisation des Grecs.
Les Romains avaient reçu des Grecs leur culture. La langue grecque fut pendant longtemps encore celle de l’Église de Rome. Il est donc probable que l’apôtre range ses lecteurs dans la catégorie des Grecs.
Les savants et les ignorants sont ceux qui avaient reçu leur instruction dans les écoles de la sagesse antique et ceux qui y étaient demeurés étrangers. L’Évangile convient aux hommes de toute race et de toute condition sociale et intellectuelle.
La mission de le leur annoncer est une dette (je suis débiteur), dont l’apôtre se sent pressé de s’acquitter (1 Corinthiens 9.16). L’Église a longtemps oublié cette dette, qui est aussi la sienne et trop nombreux sont encore les chrétiens qui n’en ont souci.
D’autres traduisent : Autant qu’il dépend de moi, je suis tout disposé.
Cette traduction, qui est celle des anciennes versions latines, suppose un texte grec légèrement modifié. Bien que les chrétiens de Rome aient déjà reçu l’Évangile, Paul désire le leur annoncer (grec évangéliser à vous aussi qui êtes à Rome).
L’Évangile est un trésor qu’une première prédication ne saurait épuiser. Chaque messager de la Bonne Nouvelle la présente sous un aspect nouveau. Paul en particulier, avec sa manière si personnelle et si profonde de concevoir le salut en Christ, avait beaucoup à apprendre aux chrétiens de Rome.
Il est du reste probable qu’en écrivant : « J’ai le désir de vous annoncer l’Évangile à vous aussi qui êtes à Rome », il portait sa pensée au-delà du cercle restreint des âmes déjà gagnées à Christ, vers les foules qui formaient l’immense agglomération de la capitale de l’empire.
L’Évangile, une puissance de Dieu pour le salut de tout croyant
Si Paul est prêt à annoncer l’Évangile à Rome, c’est qu’il n’a pas honte de ce message, qu’il s’en glorifie, au contraire ; n’est-il pas une puissance de Dieu ? N’apporte-t-il pas le salut à quiconque croit, aux Juifs d’abord, puis aux Grecs (v. 16) ?
La justice par la foi
Dans cet Évangile, en effet, est révélée une justice de Dieu, une nouvelle relation de l’homme avec Dieu, dans laquelle l’homme est placé par Dieu lui-même, en vertu de sa foi et par laquelle s’accomplit la parole de l’Écriture : Le juste vivra par la foi (v. 17)
Le texte reçu porte l’Évangile de Christ, mots qui manquent dans la plupart des majuscules, des versions et dans quelques minuscules.
Il y a dans l’Évangile quelque chose dont l’homme naturel aura toujours honte : il y lit sa condamnation et y découvre l’opprobre de son péché ; le pardon et la délivrance lui sont présentés au nom d’un crucifié et par le moyen même de la croix ; il doit recevoir le salut comme une grâce qu’il ne saurait mériter et qui anéantit son orgueil ; et enfin le Sauveur, rejeté du monde, n’offre ici-bas à ses disciples qu’une part dans ses humiliations et ses souffrances.
La croix de Christ, dans laquelle se résume tout l’Évangile, est « scandale aux Juifs, folie aux Gentils » (1 Corinthiens 1.23).
Porter ce message de la croix au centre de la puissance et de la gloire de l’empire, dans la ville où toutes les écoles de la sagesse antique avaient leurs représentants, c’était encourir un opprobre certain et par conséquent s’exposer à la tentation d’avoir honte de l’Évangile.
Mais l’apôtre sera préservé d’une telle défaillance par l’expérience qu’il a faite, en lui-même et en beaucoup d’autres, de la puissance divine du salut qu’il annonce (1 Corinthiens 1.18).
Il y a plus. Quand il dit : je n’ai point honte, il veut dire : j’y trouve le plus sublime sujet de gloire (Galates 6.14 ; 1 Timothée 1.11).
L’Évangile n’est ni un système de doctrines, ni un code de morale, il est une puissance de Dieu, agissante et efficace ; par laquelle, le pécheur est arraché à son état de condamnation et de mort, pour avoir part à la grâce et à la vie. Cette puissance est en salut à tout homme qui croit.
Le salut a un côté négatif : il consiste à être délivré de la colère de Dieu (verset 18), de la peine du péché, qui est la mort éternelle (Romains 6.23), et un côté positif : il est le don de la justice, de la faveur et de l’amour de Dieu, le don d’une vie conforme à sa volonté et de la félicité éternelle (Matthieu 1.21, note).
Ce salut est assuré tout homme qui croit.
Croire, c’est se confier sans réserve en la grâce de Celui qui offre le salut ; c’est l’acte du cœur par lequel le pécheur repentant accepte avec joie l’œuvre que son Dieu Sauveur accomplit pour lui et en lui.
Du moment que l’unique condition pour avoir part au salut est de croire, ce salut est offert et est accessible aussi bien aux Gentils qu’aux Israélites ; les uns et les autres sont à son égard sur un pied de parfaite égalité.
Cependant, Paul dit : pour le Juif premièrement.
Premièrement manque, il est vrai, dans B et dans un manuscrit gréco-latin du 9e siècle. Tertullien atteste que Marcion l’omettait aussi. Quelques critiques pensent qu’il a été introduit ici par analogie avec Romains 2.9 ; Romains 2.10. Mais la plupart le tiennent pour authentique.
Les uns pensent que Paul veut dire : en vertu de l’alliance de grâce, traitée par Dieu avec son peuple et parce que le salut vient de ce peuple (Jean 4.22 ; Romains 3.1 et suivants ; Romains 9.1 et suivants), il convient que l’Évangile soit annoncé au Juif premièrement. L’apôtre se conformait à cette règle dans son œuvre missionnaire et lorsqu’il arrivait dans une ville où il y avait des Juifs, il commençait par prêcher dans leur synagogue (Actes 13.46 ; Actes 16.13 ; Actes 17.1 ; Actes 18.4).
D’autres entendent premièrement dans le sens de « principalement ». L’apôtre voudrait dire que le Juif était, par la discipline de la Loi et par les promesses des prophètes, mieux préparé que le Grec à recevoir le salut. Ou bien sa pensée serait, avec une nuance d’ironie, que le salut gratuit offert dans l’Évangile est indispensable au Juif qui connaît le vrai Dieu, autant et plus qu’au Grec plongé dans les erreurs de l’idolâtrie. Le sens temporel de premièrement paraît pourtant le plus simple.
De récents interprètes ont essayé de tourner la difficulté en traduisant : l’Évangile est une puissance de Dieu en salut… premièrement au Juif et au Grec ; l’apodose sous-entendue serait : et ensuite aux représentants des autres nationalités. Mais l’apôtre ne dit nulle part que les Grecs aient eu un avantage sur les autres nations ; tandis qu’il oppose les Juifs et les Grecs (1 Corinthiens 1.22-24).
L’apôtre confirme (car) sa déclaration précédente, que l’Évangile est une puissance de Dieu : c’est qu’en lui se révèle une justice de Dieu.
Plusieurs interprètes ont vu dans ce terme : justice de Dieu, tout d’abord l’une des perfections divines, soit l’attribut par lequel Dieu récompense les bons et punit les méchants, soit la sainteté qui est l’essence même de son être et qui exclut tout mal.
Cette justice de Dieu, voudrait dire l’apôtre, est communiquée à tout croyant en vertu de l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ et par l’action du Saint-Esprit, de sorte que l’homme, devenu participant de la sainteté de Dieu, reprend sa position normale d’enfant du Père. Ainsi l’Évangile est une puissance de Dieu à salut pour tout croyant.
La plupart des commentateurs actuels se refusent à admettre, dans notre passage, ce sens de l’expression : justice de Dieu. Ils estiment que si Paul avait eu en vue l’attribut de Dieu, il aurait écrit : la justice de Dieu, tandis qu’il omet l’article ; que l’Évangile n’est pas précisément une révélation de la justice et de la sainteté de Dieu, déjà manifestées dans l’Ancien Testament ; que le verbe se révèle ne conviendrait pas pour exprimer une communication de la sainteté de Dieu à l’homme, qu’il suppose plutôt un fait extérieur que l’homme saisit par la foi ou constate par l’observation (comparez verset 18 « La colère de Dieu se révèle… »).
Par cette justice de Dieu qui se révèle dans l’Évangile, Paul entend donc une relation nouvelle avec Dieu, dans laquelle l’homme est placé par Dieu lui-même et qui lui permet d’atteindre le but qu’il avait vainement poursuivi par ses seuls efforts, d’être juste, c’est-à-dire tel qu’il doit être selon la volonté de Dieu, en parfait accord avec la loi divine.
Si cette justice est appelée justice de Dieu, cela ne veut pas dire seulement qu’elle est « valable devant Dieu », ni de même essence que la justice divine, mais que Dieu en est l’initiateur : c’est lui qui, par un acte de sa grâce (Romains 3.24), rétablit l’homme dans une relation normale avec lui. Cette justice de Dieu est opposée à « celle qui vient de la loi » (Philippiens 3.9), à la propre justice de l’homme (Romains 10.3).
Cette justice est par la foi pour la foi, grec de (hors de) la foi pour (dans) la foi.
Les Pères admettaient que la foi d’où la révélation de la justice de Dieu procède, c’est la foi israélite, celle à laquelle elle aboutit, la foi chrétienne.
Les réformateurs trouvaient de même, dans les termes employés par l’apôtre, l’idée d’un progrès intérieur dans la foi : la justice de Dieu est révélée à la foi et reçue par elle et comme cette justice est dans le pécheur un principe actif de vie, elle augmente la foi et produit dans l’âme une foi toujours plus complète.
Calvin a rendu cette idée en traduisant : « de foi en foi ».
Les interprètes modernes objectent que l’idée d’un progrès dans la foi n’est pas indiquée dans les termes employés et qu’elle est trop spéciale pour figurer dans l’énoncé du sujet de l’épître. Ils préfèrent voir dans le premier complément : par la foi, le principe qui, dans l’homme, établit cette relation nouvelle de la « justice de Dieu ».
C’est une justice de foi, que l’homme obtient par la foi seule ; et dans le second complément : pour la foi, l’indication du but, de la destination de la justice nouvelle : c’est une justice destinée à la foi, qui éveille et développe la foi de ceux à qui elle est révélée.
La justice légale, que l’homme acquiert en accomplissant la loi, est une « justice d’œuvres », elle consiste en œuvres ; son but est de produire et de multiplier les œuvres.
La justice de Dieu est, de sa nature, une justice de foi et elle est offerte à la foi ; c’est par la foi que l’homme la saisit. Quand l’homme est entré dans cette nouvelle relation avec Dieu, c’est sa foi qui lui est imputée à justice, à l’exclusion de toute œuvre.
Il importait à l’apôtre de faire ressortir dès l’abord, dans ce résumé de l’Évangile, cette vérité fondamentale qu’à la foi seule appartient le privilège de rendre l’homme poste devant Dieu.
L’idée de la justice par la foi pouvait paraître une doctrine nouvelle ; elle ne l’était point. L’apôtre montrera plus loin (Romains 4) qu’Abraham et David la connaissaient déjà.
Ici il en appelle à une parole du prophète Habakuk (Habakuk 2.4). Les Chaldéens vont fondre sur la Judée et massacrer ses habitants, qui sera sauvé ? non pas l’orgueilleux qui se confie en ses forces et en ses œuvres ; mais « le juste », « qui vivra par sa foi », c’est-à-dire par son humble confiance en Dieu.
Le moyen du salut est le même dans tous les temps et en présence de tous les jugements de Dieu.
Quelques interprètes rattachent les mots par la foi, non au verbe vivra, mais au substantif le juste et traduisent « le juste par la foi vivra ». Le texte hébreu ne peut se rendre ainsi et il n’y a aucune raison de penser que Paul ait voulu changer le sens de l’original, qui répondait suffisamment à son but. Comparer Galates 3.11 ; Hébreux 10.38, où se trouve cette même citation d’Habakuk.
Révélation du jugement de Dieu sur tous les hommes
La colère de Dieu se manifeste contre tous les hommes parce qu’ils résistent à la vérité (18)
La culpabilité des gentils
Ils connaissent Dieu qui leur a révélé ses perfections dans ses œuvres ; ils sont donc inexcusables, lorsque, au lieu de le glorifier par leur gratitude, ils s’égarent dans de vains raisonnements et rendent leur culte à des idoles qui représentent l’homme ou des animaux (19-23).
Le châtiment des gentils
Par une conséquence morale inévitable, qui est un juste jugement de Dieu, l’adoration de la créature les a entraînés dans la servitude de passions dégradantes, dont l’apôtre dresse l’effrayant catalogue. C’est, conclut-il, le juste salaire de leur égarement, puisqu’ils commettent et approuvent des actes qu’ils savent condamnés par Dieu (24-32).
Il faut remarquer la transition par la particule car.
La justice de Dieu qui s’obtient par la foi est indispensable, car la colère de Dieu se révèle. La révélation de la première dans l’Évangile est motivée par la révélation de la seconde dans l’état moral de l’humanité.
Cette colère est une manifestation de la justice rétributive de Dieu.
Exempte de tout ressentiment personnel et du trouble moral que produit la colère humaine, elle est
un jugement par lequel le châtiment est prononcé sur le péché.
Elle se révèle par l’idolâtrie et les vices abominables dans lesquels les hommes sont tombés, lorsque Dieu les eut abandonnés à eux-mêmes pour les punir de ce qu’ils ne s’étaient pas souciés de le connaître (Romains 1.21-32 ; 2 Thessaloniciens 2.10-12).
Lorsque la mesure de nos iniquités fut comble, dit un Père de L’Église, il fut révélé aux yeux de tous que le salaire du péché, c’est la mort alors le temps est venu où Dieu a voulu révéler sa grâce et sa puissance.
C’est donc à tort qu’on a prétendu que cette révélation de la colère de Dieu aurait lieu au jugement dernier seulement (Romains 2.4-5), et que nous n’avons, dans Romains 1.19-2.3, qu’une description du péché des hommes.
L’antithèse des deux verbes au présent : se révèle (versets 17 et 18), et la formule trois fois répétée : c’est pourquoi Dieu les a livrés (versets 24, 26 et 28), montrent que Paul décrit, déjà dans cette partie, les manifestations de la colère divine, le châtiment infligé par Dieu aux pécheurs.
La colère se révèle du ciel. Le ciel, séjour de Dieu, est le symbole de l’ordre moral dont Dieu est le garant. « J’ai péché contre le ciel et devant toi » (Luc 15.18). Mais ici il est plutôt le symbole de la toute-présence et de la toute-puissance divines : nul ne peut échapper à une colère qui se révèle du ciel.
L’impiété s’applique aux dispositions de l’homme envers Dieu et comprend les manquements de sa vie religieuse. L’injustice se rapporte à sa conduite envers ses frères et aux transgressions de la loi morale.
Les hommes retiennent la vérité captive dans l’injustice, comme on retient un prisonnier de guerre, un animal dompté. L’homme qui vit dans le péché a intérêt à retenir, à étouffer la vérité, une fois qu’il l’a reconnue, afin de s’affranchir de son empire. Les versets 19 et 20 montreront de quelle vérité il s’agit.
Dans l’injustice peut signifier qu’ils font volontairement prévaloir l’injustice sur la vérité, qu’ils étouffent celle-ci dans celle-là qu’ils empêchent le germe de la vérité divine en eux de se développer et de fructifier.
D’autres donnent à ce complément un sens adverbial : « Ils retiennent injustement la vérité captive ». Ou bien, pour échapper à l’objection qu’on ne saurait étouffer la vérité justement, ils traduisent : « Méchamment, par méchanceté ».
D’autres enfin donnent au verbe un sens différent : « ils possèdent la vérité dans l’injustice », c’est-à-dire : « Ils vivent dans l’iniquité tout en possédant la vérité ». Mais on peut se demander si Paul aurait dit des païens : « Ils possèdent la vérité ». Le premier sens : « retenir, étouffer », est donc préférable.
Ils étouffent la vérité, attendu que la vérité leur a été révélée.
Ce qu’on peut connaître (grec le connaissable) de Dieu est manifeste en eux ; ils le voient dans leur être intime, par une révélation permanente qui est la conséquence de la révélation initiale de Dieu à l’homme : car Dieu le leur a manifesté. Dieu s’est manifesté dans ses œuvres pour réveiller dans l’âme humaine la faculté innée de le connaître.
L’apôtre, en des termes admirablement choisis, enseigne dans quelle mesure l’homme peut acquérir la connaissance de Dieu en contemplant la création.
Les perfections invisibles (grec : les invisibles, neutre pluriel) de Dieu sont son être même et les attributs qui le constituent.
Elles sont appelées invisibles par opposition aux œuvres visibles dans lesquelles elles se manifestent.
C’est avant tout sa puissance éternelle, qui frappe quiconque considère ses ouvrages avec sérieux et recueillement.
C’est ensuite sa divinité, terme très général qui désigne, non une autre perfection de Dieu, comme on l’aurait attendu après la mention de la toute-puissance, mais cet ensemble d’attributs et de caractères qui constituent l’être divin.
Le sens un peu vague de divinité répond à l’impression que laisse la contemplation de la nature et à la pensée de l’action incessante exercée par le Créateur dans ce monde qu’il anime de sa vie et où il a tout disposé dans un ordre admirable (Actes 14.17 ; Actes 17.24-28).
Cette révélation est incomplète : les perfections morales de Dieu, sa justice, sa sainteté, sa miséricorde n’y sont pas mises en évidence ; et le désordre causé par le péché la trouble et l’obscurcit de bien des manières. Elle aurait dû suffire cependant pour retenir l’homme loin d’une dégradante idolâtrie.
Paul rappelle en outre que cette révélation a lieu depuis la création du monde : de tout temps les hommes ont pu considérer Dieu dans ses ouvrages et y voir comme à l’œil ses perfections.
Le verbe que nous traduisons ainsi fait antithèse à invisibles ; il s’entend de la perception sensible. Paul l’explique en ajoutant : quand ces choses invisibles sont (grec) considérées par l’entendement, c’est-à-dire deviennent l’objet d’une intuition intellectuelle ; on pourrait traduire : « se voient avec les yeux de l’intelligence ».
Afin qu’ils soient inexcusables : la tournure employée par l’apôtre exprime bien l’intention qu’avait Dieu en permettant aux hommes de voir dans la création ses invisibles perfections. Sa volonté est que leur aveuglement soit sans excuse, s’ils étouffent dans leur injustice ce germe de la vérité (verset 18).
Ne point glorifier Dieu comme Dieu, ne point lui rendre grâces, ne pas lui donner son cœur dans une reconnaissance vivante et une entière consécration, c’est, pour l’homme, manquer le but de son être et outrager son Créateur. Par là, il se dérobe à Dieu, à qui il appartient et se livre à une idolâtrie grossière ou raffinée. Cet éloignement de Dieu est le péché, source de tous les péchés.
Les hommes sont devenus vains dans leurs pensées ou leurs « raisonnements » (mot pris en un sens défavorable dans le Nouveau Testament), c’est-à-dire, ils se sont attachés à ces « choses vaines » que les idoles étaient aux yeux des Juifs (Actes 14.15 ; comparez Jérémie 2.5 où se lit dans les Septante la même expression que dans notre passage).
Leur cœur, siège de toute la vie de l’esprit, de l’entendement comme des affections, s’est enveloppé de ténèbres, a été obscurci. Il ne reste dès lors plus rien de sain en l’homme.
Grec : En ressemblance ou représentation de l’image de l’homme, ce que les uns interprètent : « en une image qui ressemble à l’homme ; » les autres : « en une reproduction matérielle de la figure de l’homme ou du type humain » (comparez Deutéronome 4.16-18).
Lorsque l’homme est séparé de Dieu, il devient l’esclave de sa chair et du monde visible. Il est alors entraîné à chercher la satisfaction de ses besoins religieux dans le culte de la nature. Il rabaisse Dieu jusqu’à voir son image dans l’homme corruptible.
Ignorant que Dieu avait en effet créé l’homme à son image et ne se souciant guère de chercher dans l’être spirituel de l’homme les restes de cette image divine, les Grecs avaient trouvé dans le corps humain la réalisation la plus parfaite de la beauté. Ils en étaient venus à adorer l’homme tout entier, à diviniser ses vices aussi bien que ses vertus.
D’autres peuples se sont abaissés par degrés jusqu’à rendre un culte à des êtres privés d’intelligence, à des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles. Ceux qui présidaient à ces cultes dégradants étaient des prêtres qui se vantaient de posséder une sagesse supérieure ; et les adorateurs de leurs idoles furent les peuples les plus civilisés de l’ancien monde : les Égyptiens, les Assyriens, les Hindous.
On ne saurait alléguer pour les excuser que les plus éclairés parmi eux n’adoraient dans les animaux que les forces de la nature, émanations de la divinité, car c’était encore se faire l’esclave de ce que l’homme est appelé à dominer. Ils déshonoraient le Dieu vivant et saint qu’ils auraient dû glorifier, se ravalaient au niveau de la créature dépourvue d’intelligence et justifiaient ainsi le jugement sévère que l’apôtre porte sur eux : se disant sages, ils sont devenus fous.
Le texte reçu porte : « C’est pourquoi aussi… » Ce dernier mot manque dans Codex Sinaiticus, B, A, C, versions, Pères.
Selon les convoitises de leur cœur (grec dans les convoitises), tandis qu’ils s’adonnaient à elles.
Ils déshonorent eux-mêmes leurs propres corps, grec leurs propres corps en eux-mêmes.
En eux-mêmes peut signifier : « entre eux », les uns envers les autres, ou servir à « caractériser cette flétrissure comme désormais inhérente à leur personnalité elle-même », Godet (1 Corinthiens 6.18).
Ainsi Dieu punit le péché par le péché même (verset 28), en retirant aux pécheurs sa grâce ; c’est le jugement que l’apôtre annonce en répétant par trois fois : (versets 24, 26 et 28) il les a livrés.
Il ne veut pas dire que Dieu les a poussés au mal, mais l’expression qu’il emploie ne signifie pas simplement que Dieu les a laissés se livrer au mal. Il les a livrés en tant qu’il a établi dans le monde moral une loi semblable à la loi de la pesanteur dans le monde physique, en vertu de laquelle celui qui s’engage sur la pente du vice, la descend avec une rapidité croissante et est entraîné par une force de plus en plus irrésistible.
Parmi les péchés auxquels les païens sont livrés, ceux de la chair (l’impureté) tiennent le premier rang, parce qu’ils étaient en relation étroite avec l’adoration des forces de la nature. La débauche et la prostitution étaient non seulement tolérées dans maintes religions païennes, mais revêtues d’un caractère sacré et associées aux actes du culte.
La vérité de Dieu, c’est la vraie notion de l’Être divin, le vrai Dieu. Paul relève encore une fois (comparez verset 23) la faute des païens envers Dieu pour en faire ressortir l’énormité et montrer ainsi que le sévère châtiment qui les atteint n’est que trop justifié.
La sainte indignation qu’il éprouve à la pensée d’un tel outrage au Créateur, l’oblige à interrompre son exposé par un cri d’adoration et de louange (comparez Romains 9.5 ; Romains 11.36 ; Galates 1.5).
Ces abominations nous montrent le péché qui ravale l’homme au-dessous de la brute et exerce sur lui le plus affreux châtiment.
Il y a en grec un jeu de mots qui fait ressortir comment le châtiment du péché est la conséquence du péché même : « comme ils n’ont pas approuvé de connaître Dieu, Dieu les a livrés à un entendement réprouvé ».
Dans ces versets 29-31, l’apôtre décrit l’état moral où tombent ceux qui ne se soucient pas de connaître Dieu.
Cette description de la corruption païenne, dont les détails n’ont pas besoin d’explication, ne paraît pas exagérée à ceux qui connaissent l’antiquité ou les mœurs actuelles des peuples païens et même celles de quelques parties de nos sociétés prétendues chrétiennes et civilisées, qui voient reparaître dans leur sein les pires vices du paganisme, quand la crainte de Dieu s’en est allée.
Toutefois, si telle était la corruption du monde antique, qui nous est dépeinte sous des couleurs aussi sombres par les historiens et les satiriques du temps, l’apôtre ne veut pas dire que tous les individus fussent parvenus à ce degré de dépravation.
Il n’ignore pas qu’il y a eu en Grèce et à Rome, même aux époques de l’abaissement le plus profond et le plus général, de nobles exemples de vertu et de grandeur morale (Comparer Romains 2.14-15).
On a en vain cherché à indiquer un principe d’après lequel l’apôtre grouperait les péchés et les vices qu’il énumère.
Le terme traduit par haïssant Dieu (verset 30), ne se trouve dans le grec classique qu’avec le sens passif : « haï de Dieu ». Certains interprètes lui donnent ce sens ici, mais il ne convient guère et la plupart admettent le sens actif, que lui attribuent déjà les Pères Grecs.
Un livre apocryphe de l’Ancien Testament, la Sapience, renferme (Sapience 13 et 14) une peinture de l’idolâtrie et de l’immoralité des païens, qui n’est pas sans analogies avec notre chapitre, en particulier l’immoralité est présentée comme un fruit de l’idolâtrie.
Ce dernier trait du tableau révèle toute leur culpabilité. L’apôtre affirme que, même dans les ténèbres dont elle est enveloppée, la conscience des païens n’a jamais cessé de rendre témoignage à la sentence de Dieu, en vertu de laquelle il punit de mort ceux qui commettent de tels actes ; et cependant ils s’y livrent sans scrupules et même ils approuvent ceux qui les commettent.