Verset à verset Double colonne
Saul rencontre Jésus sur le chemin de Damas
Ananias impose les mains à Saul
Encore, ce mot nous reporte à Actes 8.1-13.
La haine de Saul contre les disciples du Seigneur n’avait pas été assouvie par la persécution qui a ravagé l’Église de Jérusalem ; il respire la menace et le meurtre, comme on respire l’air ; dans l’original, ces compléments sont au génitif pour indiquer l’élément de son souffle : il respire de menace et de meurtre, c’est-à-dire de désir de tuer ; cette passion était devenue sa vie.
Paul décrira lui-même avec plus d’énergie encore cet état d’âme (Actes 22.4 ; Actes 26.11).
Les historiens se sont souvent demandé si une certaine préparation morale ne précéda pas pour Saul le miracle de sa conversion.
Sans diminuer en rien la réalité de ce miracle, des théologiens évangéliques, dans le désir bien naturel de montrer la possibilité psychologique d’une telle transformation, ont supposé que Saul avait dû recevoir de la mort d’Étienne, de sa foi triomphante, de sa prière pour ses bourreaux, une impression profonde ; que ses discussions avec les chrétiens (Actes 6.9, note), leurs réponses dans les interrogatoires qu’il leur faisait subir quand il les arrêtait (Actes 8.3), l’avaient ébranlé dans ses idées juives et lui avaient inspiré des doutes sur la voie qu’il suivait, des scrupules sur la légitimité de la persécution.
Cela est possible ; mais il faut tenir compte du caractère ardent et absolu de Saul : de telles pensées, si réellement elles se sont produites, furent bientôt étouffées par sa conviction de la sainteté de la loi mosaïque et par son orgueil de pharisien, en sorte que sa haine aveugle contre les chrétiens devint du fanatisme.
Saul pensait servir Dieu en s’efforçant d’anéantir une secte impie à ses yeux (Jean 16.2).
Seulement il était sincère dans son erreur ; et cette sincérité, ce ferme dessein d’obéir à Dieu (Jean 7.17), fut probablement toute sa préparation intérieure.
On l’a dit avec raison, un Caïphe plus hypocrite que fanatique, guidé par les intérêts de son ambition et non par la préoccupation de faire la volonté de Dieu n’aurait pu être converti comme Saul.
L’apôtre lui-même affirmera plus tard que tel était bien son état d’âme immédiatement avant sa conversion (Galates 1.13 et suivants, 1 Timothée 1.13-15).
Celle-ci fut un coup de foudre qui l’atteignit comme il marchait avec assurance dans la voie du pharisaïsme persécuteur (Philippiens 3.4-6), la grâce divine le « saisit » (Philippiens 3.12) dans son aveuglement et son orgueil ; il dut en éprouver la souveraine puissance, afin de devenir, comme d’autres après lui, un Augustin, un Luther, un Calvin, l’apôtre de la grâce (comparer verset 19, note).
Damas était l’antique capitale de la Syrie Nous savons, par l’historien Josèphe, que la population juive y était extrêmement nombreuse. Une Église chrétienne y était née, soit que des Juifs de Damas, s’étant rendus à Jérusalem à l’occasion des fêtes, en eussent rapporté la semence de l’Évangile, soit que celle-ci eût été portée jusqu’à Damas, par la dispersion des chrétiens de Jérusalem, qui venait d’avoir lieu (Actes 8.1).
Saul s’était donc muni de lettres du souverain sacrificateur pour les synagogues, auxquelles les chrétiens de Damas se rattachaient encore. Il espérait se saisir d’eux par l’entremise des chefs de ces synagogues. En effet, la juridiction du sanhédrin était reconnue par tous les Juifs, même à l’étranger. L’autorité civile aurait pu s’opposer a cette persécution ; mais les Romains laissaient aux tribunaux juifs l’exercice de la justice ; ils se réservaient seulement d’appliquer la peine de mort.
Le mot de synagogues, au pluriel, montre aussi combien les Juifs étaient nombreux à Damas, puisqu’ils y avaient plusieurs maisons de prière.
Le mot qui désigne l’Église, ordinairement traduit par secte, signifie proprement voie, chemin, c’est-à-dire une certaine direction, une conduite que suivent les hommes. Cette désignation ne se trouve que dans le livre des Actes (Actes 19.9 ; Actes 22.4 ; Actes 24.14-22 ; comparez Actes 18.25-26).
L’expression : s’il en trouvait quelques-uns, ne met pas en doute qu’il y eût des chrétiens à Damas mais signifie : ceux qu’il trouverait, qu’il pourrait atteindre.
Cette lumière, qui resplendissait (grec comme l’éclair) en plein midi (Actes 22.6), plus éclatante que la splendeur du soleil (Actes 26.13), c’était la gloire même du Seigneur, dans laquelle il apparaissait à Saul de Tarse (Actes 9.17-27 ; Actes 26.16).
Celui ci le vit (Actes 22.14) ; et longtemps après, le persécuteur, devenu apôtre, affirmait expressément qu’il avait « vu le Seigneur » et fondait sur ce fait son autorité apostolique (1 Corinthiens 9.1).
Bien plus, il mettait cette apparition du Seigneur sur la même ligne que celles dont furent favorisés les autres apôtres après la résurrection de Jésus (1 Corinthiens 15.8).
Saul entendit distinctement une voix et des paroles.
Quelle impression dut produire sur lui son nom, deux fois prononcé et ce reproche terrible : pourquoi me persécutes-tu ? Mais il lui fallait plus de clarté encore.
En réponse à sa question : Qui es-tu ? prononcée avec respect, comme le montre le titre de Seigneur, il entend le nom de ce Jésus qu’il haïssait, qu’il persécutait, mais qu’il voit maintenant dans la gloire !
La réponse du Seigneur porte littéralement : Moi, je suis Jésus que toi tu persécutes.
Moi, toi, quel contraste ! Mais comment Saul pouvait-il persécuter Jésus ? En la personne de ses disciples, avec lesquels le Sauveur s’identifie dans son tendre amour pour eux (comparer Luc 10.16 ; Matthieu 25.40).
Le texte reçu porte, à la fin du verset 5 et au commencement du verset 6 : Il t’est dur de regimber contre les aiguillons.
Tremblant et épouvanté, il dit : Seigneur, que veux-tu que je fasse ? Et le Seigneur lui dit : Lève-toi… Ces mots qui, à cette place, ne se trouvent dans aucun majuscules, ont été empruntés aux deux autres récits de la conversion de Saul (Actes 22.10 ; Actes 26.14), où ils sont authentiques.
Grec : Il te sera dit ce que tu dois faire.
Cela lui sera dit par ces chrétiens que jusqu’ici il avait haïs et méprisés. En attendant, il n’a qu’à croire et à obéir.
Les hommes qui faisaient route avec lui étaient les gens de la « caravane » (Luc 2.44) avec laquelle Saul voyageait.
Il ne s’agit pas de serviteurs qu’il aurait eu sous ses ordres, ni de soldats qui lui auraient servi d’escorte.
Il y a dans ce verset deux faits, sans importance, qui ne concordent pas avec les autres relations de la conversion de Saul :
On peut supposer que ces hommes entendirent une voix, un son, mais non des paroles, car celles-ci étaient destinées à Saul et prononcées d’ailleurs « en langue hébraïque » (Actes 26.14 ; comparez Jean 12.29, où se reproduit un phénomène semblable).
De même, ils ne virent personne, aucune forme distincte, mais seulement une lumière.
Telle est l’explication de Reuss et de beaucoup d’exégètes.
Il ne voyait rien, parce qu’il était aveugle (Le texte reçu, contre le témoignage de Sin, B, versions, porte : il ne voyait personne, ce qui signifierait, non qu’il ne voyait plus le Seigneur, mais plus aucun de ses compagnons de voyage).
La cécité fut causée par l’éblouissement de la lumière (Actes 22.11). Grâce à cette dispensation de Dieu, Saul fut, pour un temps, isolé du monde extérieur et concentré en lui-même. Il faut tout d’abord qu’il se laisse humblement conduire par la main et qu’il entre ainsi à Damas, non plus comme un inquisiteur redouté, mais comme un pauvre aveugle, brisé, plein d’angoisse, dépendant des hommes.
Telle fut la première phase de sa conversion.
Ces trois jours furent pour Saul de Tarse le temps de sa naissance à une vie nouvelle (Galates 2.20 ; 2 Corinthiens 5.14-17).
Il sait maintenant que ce Jésus qu’il persécutait dans ses disciples vit au sein de la gloire ; il l’a vu et entendu.
Une profonde et douloureuse repentance s’est emparée de son âme. Séparé du monde par sa cécité, seul avec sa conscience et son Dieu, il se prépare par le jeûne et la prière (verset 11) au message que le Seigneur lui a annoncé (verset 6).
C’est alors que pour la première fois, il descendit jusqu’au fond de son cœur et que tout un monde nouveau s’y révéla à lui, c’est là sans aucun doute, qu’il fit les expériences qu’il nous a décrites lui-même dans la page la plus saisissante de ses lettres, le chapitre 7 de l’épître aux Romains (Romains 7).
Le Seigneur (Jésus) ne laisse pas son œuvre inachevée. Après s’être révélé à Saul, il appela, dans une vision, nocturne, en un songe (Actes 16.9), ou de jour, en un état d’extase (comparer : Actes 10.3-10), le disciple qui devait terminer l’œuvre de la conversion de Saul et lui rendre la vue (verset 17). Même appel et même réponse 1 Samuel 3.1.
Ananias (hébreux : Chanania, l’Éternel m’a fait grâce, Actes 5.1) était, d’après son nom, un Juif converti (voir sur ce disciple Actes 22.12).
La rue Droite était probablement la longue rue qui aujourd’hui encore partage la ville de Damas en deux parties et s’étend de la porte orientale à la porte occidentale. Près de cette dernière, on montre au voyageur une maison qui aurait été celle où Saul logea.
Tarse était la capitale de la Cilicie, province de l’Asie Mineure, limitée au sud par la mer Méditerranée, au nord par la haute chaîne du Taurus.
Les historiens anciens nous dépeignent Tarse comme une ville distinguée par sa culture scientifique et littéraire. Elle était pour l’Asie, disent-ils, ce qu’était Athènes pour la Grèce et Alexandrie pour l’Égypte.
On a pu naturellement en conclure que Saul, élevé dans un tel milieu, bien que né au sein d’une famille juive, dut être dès sa jeunesse instruit dans les lettres grecques.
Une circonstance doit encourager Ananias à remplir la mission que le Seigneur lui confie : il trouvera Saul dans la meilleure disposition pour le recevoir et l’écouter : car voici, il prie. Jamais encore il n’avait prié ainsi. Sa prière fut la première respiration ou le premier cri de l’âme qui naît à la vie.
Tel était le but de la mission d’Ananias. Le Seigneur, répondant à la prière de Saul, lui a fait connaître par une vision qu’il va lui envoyer un frère qui sera pour lui un messager de bonne nouvelle et qui lui rendra la vue.
Les mots en vision manquent dans Codex Sinaiticus, A. Tischendorf, Nestle et d’autres les omettent.
Ces objections d’Ananias étaient bien naturelles. Il ne faut pas y voir une marque d’incrédulité ou un refus d’obéir, mais bien plutôt l’abandon filial avec lequel il expose tous ses doutes, afin que le Seigneur lui-même les dissipe.
Ananias avait probablement été informé du but de la venue de Saul à Damas par des lettres de chrétiens de Jérusalem qui avertissaient les chrétiens de Damas de se tenir sur leurs gardes. De là ses objections.
Les chrétiens sont appelés ici, pour la première fois dans le Nouveau Testament, des saints (Actes 9.32-41 ; Actes 26.10), des hommes mis a part du monde, consacres à Dieu et destinés à devenir saints en réalité (Romains 1.7, note ; comparez Daniel 7.18-22).
Déjà ils appartiennent au Seigneur : tes saints, dit Ananias.
Notre passage contient une autre désignation remarquable des disciples de Jésus : ceux qui invoquent ton nom (comparer Actes 9.21 ; Actes 7.59 note ; comparez Actes 2.21 et 1 Corinthiens 1.2, 3e note).
Afin de convaincre Ananias, le Seigneur lui dévoile la grande vocation du future apôtre ; il lui en présente le double caractère : l’activité qu’il déploiera et les souffrances qu’il endurera pour le nom de Jésus.
Grec : il m’est un vase d’élection, c’est-à-dire un instrument choisi pour mon service et destiné à porter mon nom, en premier lieu devant les nations, c’est-à-dire les païens ; telle sera la principale vocation de Paul et ce n’est qu’en seconde ligne qu’il portera le nom de Jésus devant les rois (Hérode Agrippa, Actes 26, Néron) et devant les fils d’Israël.
Une telle mission entraînera de grandes souffrances.
Je lui montrerai, dit le Seigneur, soit par des révélations (de Wette, Ebrard, Wendt), soit plutôt dans le cours de sa vie même (Meyer, Holtzmann), tout ce qu’il faut qu’il souffre pour mon nom.
Cette prophétie, qui s’est abondamment accomplie dans la vie de Paul (2 Corinthiens 11 et 2 Corinthiens 12), annonçait l’ardent amour que devait avoir pour Jésus celui qui jusqu’ici l’avait persécuté.
Il faut remarquer le mot trois fois répété : ton nom, mon nom (versets 14, 15 et 16), ce nom de Jésus, qui est l’expression de tout son être.
Avec quel amour Ananias aborde cet homme qui était venu à Damas pour persécuter les chrétiens !
Lui imposer les mains, sans doute en priant, était déjà lui donner un témoignage d’affection propre à lui inspirer confiance.
Aveugle, Saul ne voyait pas celui qui le touchait et lui parlait ; mais avec quelle émotion il dut entendre cette parole : Saul, frère !
Ananias expose ensuite simplement le message qu’il a reçu du Seigneur et qui devait avoir ce double résultat : que Saul recouvrât la vue et qu’il fût rempli d’Esprit Saint.
On peut supposer que l’Esprit descendit sur lui, soit quand Ananias lui imposa les mains, soit au moment du baptême (verset 18).
Il tomba de ses yeux comme des écailles.
L’auteur veut-il dire qu’une couche de matières qui couvraient les yeux de l’apôtre fut enlevée ?
Il se sert plutôt de cette image pour caractériser l’impression qu’éprouva Saul quand tout à coup la vue lui fut rendue.
La soudaineté de sa guérison est marquée dans le texte reçu par ce mot qui manque dans Codex Sinaiticus, B, A, C : à l’instant il recouvra la vue.
On pourrait rendre l’idée en disant : « comme si un voile lui était tombé de devant les yeux ». Cette guérison fut un miracle de la puissance de Dieu. Quel souvenir Saul dut garder de cette expérience !
Le futur apôtre fut baptisé par un simple disciple. L’Écriture n’enseigne pas le sacerdoce universel en théorie seulement, mais par des faits.
Le Seigneur a institué le ministère de la Parole, afin de pourvoir à l’instruction et au bon ordre dans l’Église, mais le droit et le devoir de tous les vrais croyants subsiste.
Ici, l’exercice de ce droit avait encore une raison importante : si Saul avait été baptisé par un apôtre, cela l’aurait mis dans une sorte de dépendance à son égard. Il aurait pu paraître qu’il tenait sa mission de cet apôtre. Or il importait qu’il n’en fût pas ainsi (Galates 1.1).
Le persécuteur uni aux disciples
Pendant quelques jours Saul demeure avec les chrétiens de Damas (19b).
Ses premières prédications
Il proclame, dans les synagogues, que Jésus est le Fils de Dieu. Ses auditeurs sont stupéfaits, le reconnaissant pour celui qui persécutait les chrétiens à Jérusalem et qui avait mandat de les emmener prisonniers. Saul se fortifie ; il prouve aux Juifs de Damas que Jésus est le Messie (20-22).
La première persécution qu’il endure
Au bout d’un assez long temps, un complot contre sa vie est ourdi par les Juifs de Damas. Il en est averti et comme ses ennemis gardent les portes de la ville, ses disciples le descendent par-dessus la muraille dans une corbeille (23-25).
Sa première visite à Jérusalem
Il est l’objet de la défiance des chrétiens. Barnabas le conduit aux apôtres et leur raconte sa conversion et ses prédications à Damas. Dès lors il a des rapports faciles avec les disciples, il prêche Jésus et discute avec les Hellénistes. Mais ceux-ci voulant attenter à sa vie, les disciples le conduisent à Césarée et le font partir pour Tarse (26-30).
Saul ne mit fin à son long jeûne, effet de sa repentance profonde, qu’après son baptême.
Alors ses forces, épuisées par les émotions et par la privation de nourriture, lui revinrent (grec il prit des forces).
La conversion de Saul a eu pour l’Église chrétienne des conséquences incalculables. Elle constitue, à elle seule l’apologie la plus puissante de l’Évangile. Elle prouve de la manière la plus évidente que Jésus est ressuscité (1 Corinthiens 15.3-8 ; 1 Corinthiens 15.14-15), qu’il est vivant et tout-puissant pour attirer les hommes à lui et établir son règne sur la terre (Matthieu 28.18-20 ; Jean 12.32).
Que cette conversion ait été opérée par le Sauveur glorifié, qu’elle suppose son intervention personnelle, c’est ce qui est attesté par l’apôtre lui-même, non seulement dans le double récit qu’il en fit devant le peuple de Jérusalem et devant Agrippa (Actes 22 et Actes 26), mais par de nombreux témoignages de ses épîtres (Galates 1.1 ; 13-16 ; 1 Corinthiens 9.1 ; 1 Corinthiens 15.8 ; 1 Timothée 1.13-15).
Il distingue nettement l’apparition de Jésus qu’il vit sur le chemin de Damas des visions qui lui furent accordées en d’autres temps (Actes 18.9 ; Actes 22.17-18) ; il l’assimile aux apparitions du Seigneur aux premiers disciples dans les jours qui suivirent sa résurrection. Il est donc impossible d’admettre que la conversion de Saul fut une crise tout intérieure, produite uniquement par des causes psychologiques et morales. Si l’apôtre Paul a été dans sa vie le plus puissant témoin de Jésus ressuscité, il l’est déjà par le fait même de sa conversion.
Saul, avec les disciples, en communion d’esprit et de cœur avec eux c’est là le sceau de sa conversion. Le persécuteur fanatique est lui-même un disciple de Jésus et va devenir le plus grand de ses apôtres et de ses missionnaires.
Cette indication se heurte à des objections.
D’après le récit de Luc, Saul serait resté à Damas assez longtemps (verset 23, note) et aurait commencé son apostolat immédiatement après sa conversion (versets 20-22). La persécution des Juifs l’aurait obligé bientôt à quitter Damas et il aurait fait alors son premier voyage à Jérusalem (versets 23-26).
Mais nous avons, sur cette époque de sa vie, une relation de l’apôtre lui-même, qui présente avec celle de Luc de notables différences.
Paul nous apprend :
Paul attache une grande importance à ce récit des faits qui suivirent sa conversion, puisqu’il ajoute : « Dans les choses que je vous écris, je proteste devant Dieu que je ne mens point » (Galates 1.18-20).
Les exégètes ont cherché de diverses manières à concilier ces deux relations, tous admettant d’ailleurs que celle de Paul lui-même doit servir de règle. Les uns, pour faire rentrer le voyage en Arabie dans le récit de Luc, le placent entre verset 22 et Actes 23 ; d’autres, après sa fuite de cette ville (verset 25). Mais il est évident que la première supposition brise le récit de Luc, qui ne comporte point une absence à ce moment et quant à la seconde, est-il probable que l’apôtre serait revenu à Damas après sa fuite et aurait pu y séjourner encore, comme le raconte l’épître aux Galates ?
Il faut donc reconnaître franchement que le aussitôt de Paul (Galates 1.16) contredit le aussitôt de Luc. Celui-ci aura été égaré par des renseignements incomplets. Son récit trahit du reste quelque incertitude : après avoir dit que Saul, après sa conversion, fut quelques jours avec les disciples à Damas (verset 19), il suppose (verset 23, note) qu’un « assez grand nombre de jours » s’étaient écoulés, quand la persécution obligea Saul à fuir Damas. Il a confondu les deux séjours que l’apôtre fit dans cette ville à un intervalle de quelques années.
Après sa conversion, Saul ne passa que quelques jours avec ses nouveaux frères. Quel devait être alors le besoin profond de son âme ? De prêcher dans les synagogues (verset 20) de disputer avec les Juifs ? Nullement ! Lui qui, par de graves raisons, ne voulait pas que l’évêque fût un nouveau converti (1 Timothée 3.6), se sentait encore trop faible dans la connaissance et l’expérience chrétienne il éprouvait le besoin du recueillement, de la prière, d’une silencieuse communion avec Dieu, qui lui permit de recevoir de nouvelles lumières, de nouvelles forces, même des révélations nouvelles (Galates 1.12 ; Éphésiens 3.3).
Voilà ce qu’il alla chercher dans une retraite prolongée en quelque contrée de l’Arabie. Puis il revint à Damas et c’est à cette seconde visite que s’adapte fort bien le récit de Luc (versets 20-30).
Le texte reçu porte : il prêchait Christ. Mais c’était bien Jésus (Codex Sinaiticus, B, A, C) que Paul, dès ce premier commencement de son apostolat, prêcha comme étant le Fils de Dieu. La nature divine du Sauveur s’était révélée à lui dans l’apparition de Jésus sur le chemin de Damas.
Il est dit ensuite au verset 22 qu’il « démontrait que ce même Jésus est le Christ », le Messie, l’Oint de l’Éternel.
Le titre de Fils de Dieu révèle la nature du Sauveur, le titre de Christ son office et sa royauté dans l’œuvre de la rédemption. Ces deux termes ne sont point équivalents.
L’étonnement des auditeurs de Paul se comprend encore mieux au point de vue de ceux qui pensent que le nouveau converti prêcha immédiatement dans les synagogues (verset 20, note) ; mais il n’est point inadmissible si cette prédication n’eut lieu qu’après le voyage en Arabie.
À Damas, on ne pouvait avoir oublié ni les persécutions de Saul, ni le but de sa précédente venue dans cette ville. Et sa prédication puissante de l’Évangile était bien propre à causer cet étonnement (comparer verset 26, note).
Celui qui persécutait (grec ravageait). Paul emploie, dans Galates 1.13-23, le même verbe pour caractériser sa conduite à l’égard des chrétiens.
Saul se fortifiait de plus en plus il s’affermissait dans ses convictions chrétiennes et dans la possession de la grâce de Dieu.
En conséquence de ces progrès sa prédication devenait de plus en plus une « démonstration d’esprit et de puissance »
Nous préférons entendre ainsi le verbe : il se fortifiait, plutôt que de le joindre au suivant et de traduire avec Stapfer : « Il mettait chaque jour plus de force à confondre les Juifs »
Lorsqu’un assez grand nombre de jours furent accomplis, cette expression peut désigner un temps prolongé (Actes 18.18) ; elle ne peut en aucun cas être équivalente aux quelques jours du verset 19.
Ainsi même le récit de Luc suppose un second séjour de Paul à Damas (verset 20, note).
Ici déjà l’apôtre, dès les premiers pas dans sa carrière, éprouve la violente opposition des Juifs, dont il aura tant à souffrir jusqu’à la fin.
L’apôtre lui-même rappelle ces faits comme faisant partie des humiliations qu’il eut à souffrir à Damas (2 Corinthiens 11.32-33).
Seulement il nous apprend, dans ce passage, que ceux qui gardaient les portes de la ville étaient des soldats du gouverneur qui commandait à Damas au nom du roi Arétas. Le gouverneur agissait sans doute à l’instigation des Juifs.
Les disciples qui sauvèrent la vie de Paul furent, selon la leçon de Codex Sinaiticus, B, A, C, ses disciples. Ainsi il dut son salut à ceux qu’il avait conquis pour Jésus-Christ, par sa prédication à Damas.
Ce premier voyage de Paul à Jérusalem, qui eut lieu trois ans après sa conversion (verset 20, note), est celui dont il nous parle lui-même, Galates 1.18-19.
Il nous apprend que son but était de s’entretenir avec Pierre et qu’il demeura quinze jours chez lui.
Il est difficile, au premier abord, de comprendre la défiance des chrétiens de Jérusalem à l’égard de Saul, car ils avaient certainement appris sa conversion qui datait de trois ans.
Faut-il en conclure, avec Meyer et d’autres, que le récit de Luc n’est pas exact en ce point ?
Avant de formuler cette conclusion, on doit au moins considérer que Luc ne dit pas que ces chrétiens ignoraient encore le changement opéré en Paul, mais qu’ils ne croyaient pas à sa réalité.
Et combien cela était naturel ! Paul avait quitté Jérusalem comme un persécuteur fanatique, qui ravageait l’Église ; puis il avait longtemps disparu pendant sa retraite en Arabie. Son séjour et sa prédication à Damas étaient trop récents pour que des nouvelles circonstances eussent pu en arriver à Jérusalem.
Et maintenant il reparaît tout à coup à Jérusalem au milieu de ceux qu’il a persécutés et ils n’auraient pas manifesté quelque défiance ? Le cœur de l’homme si prompt à croire le mal, l’est-il autant à croire le bien ? Au reste, nous avons ici le témoignage de Paul lui-même, nous disant qu’à cette époque il était inconnu de visage aux Églises de Judée et que seulement elles avaient « entendu dire » que l’ancien persécuteur annonçait l’Évangile (Galates 1.22-23).
La première mention de Barnabas se lit à Actes 4.36.
Nous le retrouverons bientôt comme le compagnon de Paul dans son premier voyage de mission.
C’est lui qui l’introduit auprès des apôtres et leur raconte l’événement qui s’est accompli sur le chemin de Damas et les preuves que Paul a données dès lors de sa conversion par sa fidèle et courageuse prédication de l’Évangile. Barnabas en avait été instruit soit par des renseignements particuliers qu’il avait reçus de Damas soit par les récits de Paul lui-même.
Il est encore un détail du récit de Luc qui paraît en contradiction avec l’épître aux Galates (Galates 1.18-19) ; Luc dit que Paul fut présenté aux apôtres, tandis que, d’après ses propres affirmations, il ne vit que Pierre et Jacques, frère du Seigneur.
Luc a pu sans doute ignorer cette circonstance, mais il n’est pas inadmissible qu’il ait compris sous ce titre d’apôtres un personnage tel que Jacques, qui eut de bonne heure une influence prépondérante dans l’Église de Jérusalem (comparer Actes 12.17).
Le séjour de Paul à Jérusalem ne dura que quinze jours, mais ce temps suffit pour que les faits racontés par Luc aient pu se passer (voir sur les Hellénistes Actes 6.1, 2e note).
Dans cette occasion encore, ce sont les frères qui sauvèrent Paul des embûches des Juifs.
D’après Actes 22.17-21, le Seigneur lui-même, apparaissant à Paul dans le temple, lui ordonna de quitter Jérusalem.
Les frères le conduisirent en sûreté jusqu’à Césarée (voir sur cette ville Actes 8.40, note) et de là le firent partir (grec l’envoyèrent) pour Tarse, capitale de la Cilicie, sa patrie (voir sur cette ville verset 11, note).
Ce récit se trouve confirmé par l’apôtre lui-même (Galates 1.21-24). Il dit seulement : « J’allai ensuite dans les contrées de la Syrie et de la Cilicie ». Il parait résulter de ces paroles qu’il traversa la Syrie pour se rendre à Tarse, en Cilicie.
Mais il se peut aussi qu’il soit allé par mer à Séleucie et à Antioche, pour se rendre de là en Cilicie, ou qu’il ait navigué de Césarée à Tarse et rayonné de là dans les contrées de la Syrie et de la Cilicie.
L’expression : ils le firent partir de Césarée pour Tarse semble indiquer un voyage par mer. En tout cas, il ne demeura pas inactif pendant ce séjour dans le pays de sa naissance, il y avait en Cilicie des Églises (Actes 13.23-41) qui, sans aucun doute, furent fondées par lui en ce temps là.
Guérison d’Enée le paralytique
Comme l’Église, dans toute la Palestine, jouissait de temps paisibles et grandissait par l’action du Saint-Esprit, Pierre, visitant les disciples en divers lieux, vient à Lydde. Il trouve un paralytique, Enée, couché depuis huit ans. Il lui déclare que Jésus-Christ le guérit. Le paralytique se lève aussitôt. Beaucoup d’habitants de Lydde et du Saron, témoins du miracle, se convertissent au Seigneur (31-35).
Résurrection de Tabitha
Ce temps heureux de repos pour l’Église succéda à la persécution qui avait commencé par la mort d’Étienne et dont Saul avait été le principal instigateur.
Maintenant qu’il est devenu un témoin de la vérité, l’Église est en paix.
Bien plus elle fait de grands progrès au dedans et au dehors ; c’est un fruit de la persécution même.
Au dedans, elle est édifiée comme un temple dont la construction avance vers son achèvement (comparer : Éphésiens 2.21-22 ; 1 Pierre 2.4-5) ; dans la vie pratique elle marche dans la crainte du Seigneur, c’est-à-dire dans une humble obéissance à sa volonté.
Au dehors, elle est multipliée, augmentée en nombre, et cela, dans les trois provinces qui composaient la terre sainte.
Le livre des Actes n’a point encore parlé de la prédication de l’Évangile en Galilée, mais comme Jésus y avait beaucoup de disciples, qui étaient devenus membres de l’Église nouvelle, la mention de cette contrée ne doit pas nous étonner.
L’agent puissant de ces progrès de l’Église était le Saint-Esprit, cet Esprit qui l’avait créée et qui seul y augmente la vie. Le mot que nous rendons par assistance du Saint-Esprit signifie aussi exhortation, consolation (Actes 4.36 ; Actes 13.15 ; Actes 15.31 ; comparez Jean 14.16, note).
Il s’agit de l’action puissante de l’Esprit de Dieu qui dispose les âmes à écouter et à croire la parole, mais le résultat de cette œuvre est toujours aussi une consolation intime qui attire les cœurs et augmente l’Église (Philippiens 2.1).
On pourrait traduire aussi : Marchant dans la crainte du Seigneur et dans l’assistance du Saint-Esprit, elle se multipliait.
Le texte reçu porte : les Églises au lieu de l’Église (Codex Sinaiticus, B, A, C).
Luc, en employant le singulier, a voulu faire sentir que les disciples du Sauveur forment une belle et sainte unité même quand ils sont dispersés en différentes contrées. Ils ne constituent qu’une Église.
Ce sont les erreurs et les passions des hommes qui font disparaître cette unité par les divisions qu’elles créent.
Luc raconte ici une journée dans laquelle Pierre, visitant les Églises, fut conduit jusqu’à Césarée, où eut lieu la conversion de Corneille (Actes 10), qui forme la transition naturelle à la prédication de l’Évangile parmi les païens.
Grec : Pierre parcourant tous les…lieux, comme sous-entendent nos anciennes versions.
Mais les commentateurs préfèrent sous-entendre le mot saints, qui se lit dans la proposition suivante.
Il descendit à Lydde, car cette petite ville située assez près de Joppé, non loin de la mer, était à une altitude moindre que Jérusalem et la contrée montagneuse de Juda.
Dans l’Ancien Testament, elle porte le nom de Lod (1 Chroniques 8.12 ; Esdras 2.33 ; Néhémie 11.35), qu’on retrouve aujourd’hui sous sa désignation arabe Loudd.
Les mots pleins d’assurance : Jésus-Christ (le Sauveur qui est le Messie) te guérit, ne sont pas un vœu, mais une déclaration positive, que Pierre puisait dans sa foi : Jésus te guérit actuellement.
Cette parole aussi attribuait toute la guérison au Seigneur Jésus et lui en rapportait la gloire.
Le malade qui, d’après son nom grec, était probablement un Juif helléniste, put ainsi apprendre à connaître ce Jésus qui le guérissait.
Les mots : fais ton lit toi-même (grec étends pour toi) annoncent au pauvre paralytique que désormais il pourra prendre lui-même les soins que jusqu’ici d’autres avaient dû prendre pour lui.
Le Saron est une belle plaine, très fertile, qui s’étend de Joppé jusqu’au Carmel, le long de la mer (Ésaïe 33.9 ; Ésaïe 35.2 ; Ésaïe 65.10).
Le mot tous est sans doute une hyperbole ; beaucoup de ceux qui virent le malade guéri se convertirent.
Grec : une disciple…remplie de bonnes œuvres et d’aumônes qu’elle faisait.
Il était dit d’Étienne que c’était « un homme rempli de foi et d’Esprit Saint d’amour et de puissance, ; » (Actes 6.5-8) ici, dans l’éloge de Tabitha, les fruits de ses vertus sont indiqués à la place des vertus mêmes.
Par ses bonnes œuvres, elle prouvait qu’elle était une disciple.
Ce mot, au féminin, ne se trouve qu’ici, dans le Nouveau Testament.
Le nom de Tabitha en hébreu, de Dorcas en grec, signifie gazelle. Le nom de cet animal gracieux, chanté par les poètes orientaux, était fréquemment donné aux femmes.
Joppé en hébreu Japho, aujourd’hui Jaffa, était un port de mer assez important. C’est encore, de nos Jours, par ce port qu’on aborde ordinairement en Palestine, lorsqu’on vient de l’Égypte ou de l’Europe. Il y a environ trois heures de marche de Lydde à Joppé.
Voir sur la chambre haute, qui se trouvait sur le toit en terrasse de la plupart des maisons en Orient, Actes 1.13, note.
L’usage de laver les morts avait, chez les Juifs, un sens symbolique de pureté légale.
Grec : d’après Codex Sinaiticus, B, A, C : le priant ne tarde pas à passer jusqu’à nous.
La grande réputation de Pierre inspira à ces chrétiens la confiance qu’il apporterait du secours, même après la mort de Dorcas.
Les larmes de ces veuves indigentes (Actes 6.1), objets des bienfaits de Dorcas, étaient de leur part la plus touchante oraison funèbre et la prière la plus persuasive pour l’apôtre de leur venir en aide.
Elles montraient sur elles mêmes (la voie moyenne du verbe l’indique) les tuniques et les manteaux que Dorcas faisait de ses propres mains.
Pierre fait sortir tout le monde probablement pour des motifs analogues à ceux qui dictèrent la conduite de Jésus chez Jaïrus (Marc 5.38-40) ; puis il se met à genoux et prie, demandant à Dieu de répondre aux larmes des pauvres veuves.
Quand il a par la prière acquis la conviction que Dieu l’exaucera, il se tourne vers le corps inanimé et adresse la parole à la morte, comme si elle pouvait l’entendre.
Il l’appelle de son nom hébreu Tabitha.
L’historien peint ensuite tous les degrés du retour à la vie, jusqu’au moment où Pierre présente à l’assemblée, pénétrée d’émotion et de joie, Tabitha vivante.
Voyez les fruits divers de ce miracle : Dieu voulait consoler les pauvres, rendre à l’Église une sainte femme dont la mort avait été une grande perte et appeler plusieurs âmes à la foi.
Les gens de ce métier étaient considérés comme impurs et avaient, à cause de cela, des habitations isolées (Actes 10.6).
Pierre, en demeurant chez Simon, se mettait donc, déjà alors, au-dessus des préjugés de sa nation.
Luc, en nous apprenant que Pierre prolongea un assez grand nombre de jours son séjour à Joppé, prépare le récit du chapitre suivant.