Verset à verset Double colonne
1 Écoutez cette parole que je profère sur vous ; c’est une complainte, maison d’Israël.Un préambule, sous forme de complainte, sur la chute imminente et certaine d’Israël.
C’est une complainte. Le mot employé ici est le terme technique pour désigner les chants de deuil (comparez le titre du livre des Lamentations de Jérémie et 2 Samuel 1.17). La ruine est si certaine qu’Amos fait entendre d’avance le chant funèbre.
La vierge d’Israël : la nation personnifiée sous l’image d’une jeune fille pure. Quel contraste avec cette nation semblable à un être couché dans la boue !
Elle ne se relèvera pas. Le prophète ne veut pas nier l’espérance finale d’Israël, mais simplement dire que la ruine totale ne peut plus maintenant être détournée ; le temps des châtiments simplement préalables est passé.
Sur son sol : sur son propre terrain. C’est une catastrophe qui fondra sur le peuple dans son propre pays. Telle a bien été la calamité finale, la ruine de Samarie.
Personne ne la relève : aucun allié humain ne vient à son aide et ne la soutient au moment de sa chute.
Le prophète revient au moment présent et aux temps qui précèdent la ruine.
Il voit la population du royaume successivement diminuée par une série de batailles malheureuses ; chaque ville ne peut plus livrer à l’armée nationale que la dixième partie du contingent qu’elle fournissait autrefois.
Opposition entre le Dieu esprit qui s’est révélé à Israël et le Dieu matérialisé sous la forme du veau d’or qu’on adore à Béthel.
Béthel, Guilgal : voir Amos 4.4, note.
Béerséba. Ce nom étonne en cet endroit, car Béerséba appartenait au royaume de Juda (Josué 15.28). Elle était située à l’extrémité méridionale de cet État, sur les confins du désert d’Arabie. Il est probable qu’il y avait là un sanctuaire pour un culte semi-idolâtre, comme à Béthel et à Guilgal. De même que Béthel, Béerséba était un lieu célèbre par les souvenirs de l’histoire patriarcale (Genèse 21.31 ; Genèse 26.23-24 ; Genèse 46.1-2). Peut-être les habitants des dix tribus se rendaient-ils parfois aux fêtes célébrées en ce lieu.
Guilgal sera déporté ; en hébreu : galo jiglé ; assonance.
Béthel… néant : allusion au nom de Beth-Aven (maison de néant) que les prophètes substituent parfois à celui de Béthel (maison de Dieu). Comparez Osée 4.15 ; Osée 10.5 et particulièrement Osée 10.8. Béerséba n’est plus mentionnée ici, parce qu’il s’agit de la menace qui ne concerne que le royaume des dix tribus.
La maison de Joseph : les deux tribus du royaume d’Israël, Éphraïm et Manassé, représentant le pays tout entier.
Personne pour éteindre. Aucun sacrificateur de Béthel ne pourra détourner la ruine par son intercession.
Qui changez le droit en absinthe. Comme le droit de l’innocent, une fois reconnu, réjouit son cœur, ainsi, lorsqu’il est méconnu, il se change pour lui en amertume.
D’abord Dieu, comme créateur du cours ordinaire des choses (comparez Amos 4.13).
Les Pléiades, littéralement : le monceau. Le groupe d’étoiles ainsi nommé fait partie de la constellation du Taureau et comprend sept astres très rapprochés les uns des autres.
Orion, littéralement : le fou ou le géant, l’une des plus belles constellations de notre hémisphère céleste. Elles sont aussi réunies toutes deux Job 9.9 ; Job 38.31.
Après les étoiles, la succession régulière du jour et de la nuit.
Mais Dieu n’est pas seulement le fondateur de l’ordre régulier des choses ; lui qui a resserré les mers dans leurs bassins, il peut les en faire sortir, quand il lui plaît, pour les répandre sur les continents.
Ainsi son bras renverse l’homme qu’il a élevé et brise les murailles que les hommes se sont bâties. Jéhova est le maître de l’histoire comme de la nature.
Ils haïssent à la porte… Celui qui se fait l’organe de la vérité et censure courageusement les péchés régnants, est détesté de tous. La porte de la ville est le lieu où le peuple se réunit et où se passent toutes les transactions (Ruth 4.1 ; Deutéronome 25.7 ; Psaumes 127.5) ; c’est là qu’on lui fait sentir le mécontentement qu’il excite.
Sur l’oppression du pauvre, voir Amos 2.6-8 ; Amos 8.4 ; Amos 8.6.
Vous prélevez un tribut : ils exigent des paiements injustes (comparez Amos 2.8). Ils seront punis par où ils ont péché ; ils ont commis ces exactions pour s’enrichir et vivre en sybarites, ils seront privés des fruits de leurs injustices.
Qui recevez des présents… de la part des riches pour les favoriser en justice à la porte (au tribunal, voir verset 10).
Conseils aux justes en vue des temps mauvais où l’on se trouve comparez Éphésiens 5.15-17.
On a vu dans ce verset un trait nouveau de la corruption régnante : Amos se plaindrait du lâche silence des fidèles qui restent en petit nombre, silence avec lequel contrasterait sa propre franchise. Il nous paraît plus simple de voir ici un conseil de la sagesse divine : il est des temps où le mal domine tellement que le juste n’est plus écouté et ne fait, en parlant, qu’exciter la perversité, tout en s’attirant à lui-même des souffrances inutiles. Naturellement, la position d’un prophète comme Amos, qui a reçu charge de l’Éternel pour avertir, est différente ; aussi continue-t-il sa mission dans les paroles suivantes.
Comme vous l’avez dit. Allusion aux vanteries fréquentes des Israélites, qui se flattaient d’avoir avec eux et pour eux le Dieu des armées : oui, si seulement ils eussent réformé leur conduite !
À la porte : voir aux versets 10 et 12.
Peut-être : tout espoir n’est pas perdu. Cependant, s’il y a salut, ce ne peut plus être que pour un reste ; la masse du peuple est irrévocablement condamnée, comme le montre la menace qui suit.
Le prophète annonce un deuil universel qui aura lieu dans les places et dans les rues des villes, puis dans les campagnes et spécialement dans les vignes, qui sont ordinairement le théâtre des rassemblements joyeux.
Ceux qui savent gémir : les pleureurs et les pleureuses de profession.
Je passerai : comme autrefois l’ange exterminateur à travers l’Égypte (Exode 11.4 ; Exode 12.12). Israël est devenu par sa conduite semblable aux ennemis de Dieu ; il sera traité comme tel.
Cette menace est développée dans le tableau suivant, où le prophète oppose le châtiment inévitable qui s’approche, à la piété apparente avec laquelle le peuple rend à l’Éternel l’hommage extérieur du culte, versets 18 à 27.
Le jour de l’Éternel, que les Israélites attendaient, d’après les déclarations d’Abdias 1.15 et de Joël 3.14, comme celui de la destruction de leurs ennemis, les frappera avant tout eux-mêmes d’une ruine complète.
Hélas ! Ce mot a été traduit par Malheur à… ! Mais ce n’est pas une malédiction ; c’est, comme plus bas (Amos 6.1), la constatation douloureuse d’un mal inévitable et prochain.
Vous qui souhaitez… : ils attendaient ce jour comme celui du triomphe, comme celui où Israël arriverait au faîte de la gloire.
Qu’avez-vous affaire… ? Votre espérance n’est qu’illusion.
Les images suivantes sont destinées à faire sentir l’impossibilité pour chaque Israélite d’échapper à la main de Dieu, quand elle se mettra à châtier : celui qui échappe au premier danger (le lion), tombe dans le second (l’ours) et s’il a échappé au second, voilà qu’au moment où déjà il croit s’être mis en sûreté, il en rencontre inopinément un troisième dans sa maison même (le serpent), auquel il succombe.
Et non de l’éclat, comme vous espérez ; voir verset 18.
Ces versets stigmatisent le formalisme religieux du peuple qui, par les cérémonies du culte, espère détourner les châtiments qu’attire sa vie de péché. Comparez Ésaïe 1.12-14, passage qui paraît être une imitation de celui-ci.
Le jugement, la justice peuvent, désigner ce que l’Éternel réclame (Ésaïe 1.16-17). Ou bien on peut appliquer aussi les expressions de justice et de jugement, non à la conduite les Israélites, mais à celle de Dieu : le jugement de Dieu qui va s’exercer sur le peuple coupable et la justice qui va le condamner, malgré ses actes de dévotion. L’expression coule, littéralement roule, qui exprime la violence et la relation avec ce qui suit, paraissent parler en faveur du second sens.
Un ruisseau permanent : coulant toute l’année, ce qui est rare en Orient. Le jugement, cette fois-ci, ne sera pas passager.
Ces versets sont d’entre les plus difficiles de tous les livres prophétiques. Les uns pensent qu’Amos veut rapprocher la conduite des Israélites de son temps de celle de leurs pères au désert : Ils ont été idolâtres : vous êtes comme eux et voilà ce qui ôte toute valeur aux sacrifices et au culte que vous m’offrez : M’avez-vous réellement offert des sacrifices jadis, en la personne de vos pères ? Non ; tout en me servant en apparence, c’étaient vos faux dieux que vous honoriez réellement dans votre culte. Mais cette interprétation n’est pas conforme au reste du livre d’Amos, dans lequel on ne trouve pas un passage où le péché de l’idolâtrie soit formellement reproché aux Israélites des dix tribus. Ils avaient sans doute le culte du veau d’or ; mais c’était, cependant l’Éternel qu’ils pensaient adorer sous cette image.
D’autres pensent qu’Amos veut opposer la conduite des Israélites de son temps à celle des pères sortis d’Égypte. Ceux-ci, dirait-il, n’avaient pas de culte organisé, de sacrifices et d’offrandes, comme les Israélites d’aujourd’hui ; mais ils pratiquaient la justice et jugeaient justement, ce qui valait mieux : c’est pourquoi, tandis qu’eux sont entrés en Canaan, vous en serez chassés : M’offriez-vous des sacrifices et des offrandes pendant les quarante ans au désert ? Non ; c’est pourquoi vous emporterez vos idoles en captivité au-delà de Damas (en traduisant le verbe hébreu par le futur : vous porterez et non par le passé : vous avez porté). Mais ce sens est de toutes manières impossible. Jamais les quarante ans du désert ne sont présentés autrement, que comme une époque de jugement et de malédiction ; et ils le seraient ici comme un temps de fidélité et de bénédiction, l’âge d’or en quelque sorte de la vie nationale ! Puis l’accusation d’idolâtrie élevée par Amos contre ses contemporains ne trouve aucun point d’appui dans le reste du livre.
Ou bien l’on admet que la réponse à la première question est affirmative : M’avez-vous offert des sacrifices… ? Oui ; mais en même temps, vous vous livriez à l’idolâtrie ; c’est pourquoi vos pères ont péri au désert et puisque vous faites comme eux, vous irez en exil, malgré les observances auxquelles vous mettez votre confiance. Rien de plus forcé que la transition ainsi établie entre le verset 25 et le verset 26 ; et toujours même supposition non prouvée de l’existence de l’idolâtrie dans le royaume des dix tribus.
Laissant de côté d’autres explications plus forcées encore, nous arrivons à la seule qui nous paraisse admissible. Amos vient de menacer Israël du jugement, malgré son attachement aux observances du culte. Il lui annonce ici comme châtiment la fin prochaine de ce culte tout extérieur et lui cite comme exemple ce qui est arrivé à leurs pères au désert. Quand Dieu les eut rejetés après leur révolte, qu’arriva-t-il ? Ils vécurent en excommuniés. Nous apprenons par Josué 5.4-9 que la circoncision cessa tout à fait ; le verset 10 montre aussi que les grandes fêtes ne furent plus célébrées. Nombres 15.3 ; Nombres 15.19 semble même prouver que les sacrifices institués par la loi cessèrent, bientôt après le départ du Sinaï. La tradition juive est positive à cet égard et c’est à ce fait connu de l’interruption du culte, pendant la plus grande partie du pèlerinage du Sinaï en Canaan, qu’Amos paraît faire allusion dans la question du verset : M’avez-vous offert des sacrifices pendant…. ? Les Israélites du désert se dédommageaient de cette absence du culte officiel en se livrant à des cultes idolâtres qu’ils pratiquaient plus on moins ostensiblement : Et vous avez porté… Eh bien ! Dit Dieu, verset 27, je vais vous renvoyer, vous aussi comme vos pères, au désert, le désert au-delà de Damas, ou vous ne pourrez pas non plus continuer à m’offrir ces sacrifices et ce culte qui me sont devenus odieux. Je vous replacerai sous l’interdit où j’avais placé vos pères après leur révolte ; et si vous voulez encore célébrer un culte, ce ne sera pas même celui du veau d’or, mais celui des dieux de ces peuples orientaux au milieu desquels vous serez captifs.
Vous avez porté Siccouth, votre roi. Le mot Siccouth ne se retrouve nulle part ailleurs dans l’Écriture. On lui a donné (en le rapprochant d’un mot hébreu voisin) le sens de tente : la tente, petite litière voilée de votre roi (Moloch ou Milcom, nom qui signifie roi). Mais on a trouvé dans une liste de divinités assyriennes en écriture cunéiforme le nom de Sakkut comme un surnom du dieu de la planète Saturne Adar, on Adrammélec (c’est-à-dire Adar le roi). Comparez le nom du dieu babylonien Succoth-Benoth, 2 Rois 17.30.
Le mot Kijoun, en hébreu Kéwan, a été appliqué aussi à un ustensile servant au culte d’une idole : le support ou piédestal sur lequel on posait l’image. Mais depuis qu’il est prouvé que Siccouth est le nom d’un dieu, le parallélisme exige que le nom de Kijoun soit aussi envisagé comme tel. Et comme le nom hébreu peut se prononcer aussi Kaiwan et que le mot Kéwan est connu comme un surnom assyrien du même dieu Saturne, il est évident que nous devons prendre ici dans ce sens le nom Kijoun. Nous aurions donc deux désignations différentes du dieu Saturne. Les anciens avaient, différents termes pour désigner le même dieu, selon les situations diverses de l’astre qui portait son nom. On a objecté que les Israélites sortant d’Égypte ne pouvaient avoir emporté que les cultes des divinités égyptiennes, mais non des assyriennes. Mais on a découvert dans un hiéroglyphe le nom Repan-Neteru (jeune entre les dieux), donné à Seb, le Saturne des Égyptiens ; et c’est probablement là la raison pour laquelle les Septante, qui traduisaient Amos sur le sol égyptien, ont substitué à Kaiwan Remphan. Du reste, il ne faut, point oublier que, lorsque les Israélites sont sorlis d’Égypte, ils venaient de passer dans ce pays des siècles sous la domination d’un peuple oriental et sémitique (les rois Pasteurs ou Hyksos) et qu’ils avaient pu contracter avec eux des habitudes d’idolâtrie plus conformes aux cultes asiatiques qu’au culte égyptien. Nous devons donc conclure de ce passage qu’en sortant d’Égypte les Israélites étaient infectés d’idolâtrie et qu’ils s’y livraient dans le désert. C’est ce qu’Étienne rappelle en plein sanhédrin, Actes 7.42-43, à leurs descendants, en citant librement les paroles d’Amos dans notre passage, d’après les Septante.
Votre roi : probablement allusion au nom d’Adrammélec (Adar : le roi) donné à ce dieu.
Vos idoles : on les portait en secret dans le désert à côté du tabernacle de l’Éternel.
L’étoile de votre dieu : l’étoile dont vous vous êtes fait un dieu et par l’image de laquelle vous le représentez.
Par-delà Damas : au désert à l’est de cette ville, comme vos pères au désert à l’orient de l’Égypte. C’est la première fois que la contrée des Assyriens et Babyloniens, est désignée ; elle ne l’est encore qu’en termes vagues.
Le Dieu des armées : celui qui domine sur les armées des cieux devant lesquelles on se prosterne. La menace renfermée dans ce verset, s’est réalisée lors de la destruction de Samarie, en 722, environ 80 ans après le moment où Amos prophétisait.