Verset à verset Double colonne
1 Je suis le narcisse de Saron, le lis des vallées.Sulammith explique cette préférence ; elle n’est pas née dans les villes, elle est une fille des campagnes.
Narcisse (comparez Ésaïe 35.1). D’autres traduisent crocus ou tulipe ; une fleur très commune.
Saron : la côte de la Méditerranée, de Jaffa jusqu’au Carmel, plaine réputée pour la richesse de sa végétation.
Le lis : il y a des fleurs de ce nom de différentes couleurs (Cantique 5.13). On peut penser à l’anémone rouge. C’est comme si Sulammith disait en notre langage : Je ne suis que la primevère ou l’hépatique printanière.
Salomon entre dans la pensée de Sulammith, mais la corrige en la changeant en louange par l’opposition du lis aux épines, qui sont l’emblème de tout ce qu’il y a de commun, de laid et de fastidieux (Juges 9.14).
Sulammith relève la balle, mais pour la faire tourner à l’honneur de son bien-aimé.
Un pommier : rien de plus ravissant qu’un pommier dans sa parure printanière, qui le distingue de tous les arbres de la forêt.
Son fruit est doux : le pommier de Syrie et de Palestine donne un fruit exquis et parfumé ; dans Joël 1.12, il est mis au rang des plus excellents arbres fruitiers.
J’ai pris plaisir : elle croit sentir son bien-aimé près d’elle et jouir de sa présence.
Il m’a fait entrer dans la maison du vin : un lieu de récréation où se réunissent les jeunes gens des deux sexes. Sulammith s’imagine jouir en ce moment même d’une réunion de ce genre avec son ami.
Sa bannière : image de la protection. Elle a beau être captive, elle sent que l’amour de son bien-aimé la protège contre les séductions dont elle est l’objet.
Soutenez-moi… Elle s’adresse aux jeunes filles qui l’entourent en ce moment où elle se sent défaillir dans la lutte avec sa situation périlleuse.
Gâteaux de raisins ; comparez Ésaïe 16.7 ; Osée 3.1 ; 2 Samuel 6.19.
Avec des pommes : dont le goût fortifiant lui servira de cordial.
Sa main gauche …, sa droite … : dans la vivacité de sa passion, elle croit se sentir dans les bras de son bien-aimé.
En parlant ainsi, elle se sent tomber en défaillance et supplie les jeunes filles qui l’entourent de ne pas la réveiller de son rêve d’amour avant qu’elle en sorte d’elle-même.
Les gazelles, les biches des champs. Ces animaux, charmants par leur grâce et leur timidité qui les fait fuir au moindre bruit, sont le symbole le plus délicat d’un amour tel que celui de Sulammith.
Dès ce moment, nous assistons à des scènes d’extase qui se prolongent jusqu’à Cantique 3.5. Sulammith, plongée dans une douce rêverie, voit son bien-aimé et s’entretient avec lui, comme s’il était réellement présent. Les scènes qui suivent se passent uniquement au-dedans d’elle et perdent ainsi tout ce que bien des traits auraient de choquant, si on les prenait à la lettre.
Voix de mon bien-aimé ! Elle entend dans son rêve le bruit, soit de la voix, soit des pas de son ami. Plutôt les pas, puisqu’elle le dépeint sautant, bondissant comme une gazelle ou un jeune cerf.
Derrière notre mur : le mur d’enceinte qui entoure l’enclos devant sa demeure.
Regardant par les fenêtres : cherchant à voir à travers les fenêtres ce qui se passe dans la maison. Elle aperçoit son œil brillant, qui perce à travers le treillis qui orne les fenêtres (comparez Juges 5.28).
Le bien-aimé invite Sulammith à une promenade pour jouir de toute la beauté d’une journée printanière. Rien de plus exquis que ce tableau de la nature qui se réveille après la courte saison des pluies.
Le figuier rougit ses jeunes figues. Le figuier porte en Palestine deux espèces de figues : les précoces, qui poussent sur le bois de l’année précédente et qui sont mûres au mois de juin et les tardives, qui poussent sur les branches nouvelles de l’année et apparaissent à la base des feuilles, mûrissant successivement dès le mois d’août, les unes encore durant l’été, les autres restant suspendues à l’arbre pendant tout l’hiver et n’étant mûres qu’au printemps, souvent seulement après l’apparition des feuilles ; comparez Marc 11.13.
Comme Sulammith ne répond point, le berger la compare à une colombe qui se cache dans les fentes des rochers ; il désire voir sa figure ou du moins entendre sa voix.
C’est ici l’une de ces paroles énigmatiques, comme Cantique 1.6, qui mettent en quelque sorte aux abois les interprètes. C’est en tout cas un fragment de chanson populaire que s’approprie Sulammith pour répondre à la demande de son bien-aimé.
Dans son application primitive, on se demande si elle doit être prise au sens propre, comme un ordre à des jeunes filles de veiller à la garde des vignes, en ce moment où elles sont exposées à des déprédations causées par les jeunes renards, ou s’il faut, comme l’ont entendu plusieurs, y voir une invitation figurée à ceux qui ont à surveiller les jeunes filles pour les mettre en garde contre leurs galants. À notre point de vue (voir l’introduction), les vignes dont parle Sulammith figurent, comme Cantique 8.12, la terre de Canaan et les déprédations des renards sont l’emblème des razzias que ne cessaient de faire en Canaan les peuples voisins, particulièrement les Philistins et les Syriens. L’obligation imposée à Sulammith de garder les vignes représenterait le service militaire auquel Israël était soumis depuis l’établissement de la royauté pour réprimer ces agressions.
Sulammith, obligée de refuser l’invitation du bien-aimé, n’en déclare pas moins qu’elle lui reste étroitement unie, lors même qu’elle ne peut le suivre sur la montagne fleurie, où il va faire paître son troupeau.
Mais elle le prie de revenir avant la fin du jour, passer au moins la soirée avec elle.
Jusqu’à ce que fraîchisse le jour. Le vent du jour désigne le soir et non pas le matin, comme l’ont cru plusieurs interprètes ; comparez Genèse 3.8 (Ewald traduit : Avant que vienne le soir). Le soir est en Orient le moment où l’on sort ; c’est l’heure où, avec le soleil qui disparaît, s’évanouit toute ombre particulière. Alors le bien-aimé reviendra, aussi leste et agile qu’il va repartir maintenant.
Les montagnes de séparation. On a entendu aussi : les montagnes de parfum. Le terme est obscur. Dans le sens que nous adoptons, Sulammith ferait allusion aux énormes crevasses qui se creusent dans les montagnes du désert de Juda.