Verset à verset Double colonne
1 Malheur à ceux qui décrètent des décrets iniques, aux scribes qui écrivent des sentences injustes,Les violences commises contre les petits allument la colère de Dieu : les coupables n’ont à attendre que la mort ou l’exil. Mais ce ne sera pas encore la fin.
Comparez les reproches adressés à Juda, Ésaïe 1.17 ; Ésaïe 1.23 ; Ésaïe 3.14-15 ; Ésaïe 5.7-8 ; Ésaïe 5.23.
Le jour de la visitation : celui où Dieu leur demandera compte de leur conduite (Ésaïe 3.14).
L’expression : qui vient de loin, désigne clairement les Assyriens. Comparez Ésaïe 5.26 ; Ésaïe 9.10.
Vers qui fuirez-vous ? Amère ironie, car Israël (et cela lui a été sévèrement reproché par ses prophètes) n’a cessé jusqu’ici d’invoquer le secours des peuples païens. Comparez Ésaïe 2.6.
Ésaïe annonce au peuple des dix-tribus le même châtiment de l’exil, qu’il avait déjà prédit au peuple de Juda (Ésaïe 3.24-26 ; Ésaïe 5.13 ; Ésaïe 8.21). Mais ce châtiment suprême n’apaisera pas le courroux de Jéhova. Ésaïe laisse entrevoir que la destruction de Samarie et du royaume d’Éphraïm n’est pas le dernier mot des jugements de Dieu sur cette partie du peuple. Et il y a eu, en effet, une différence entre les destinées de Juda et celles d’Éphraïm depuis l’exil. Juda a été rétabli, les dix tribus ont disparu ; le jugement de Dieu a donc continué à peser sur elles après leur ruine.
Samarie est déjà détruite (Ésaïe 10.9-11) ; mais le royaume de Juda est encore tributaire de l’Assyrie (Ésaïe 10.27). Notre discours a donc été composé entre la prise de Samarie (722) et le moment où Ézéchias refusa le tribut à Sanchérib (après 705).
Ce discours se compose de quatre strophes (versets 5 à 11, 12 à 19, 20 à 26, 27 à 34) annoncées chacune (sauf la première) par un : il arrivera…Le thème du morceau précédent (Ésaïe 9.7-10.4) était le nom, menaçant pour Éphraïm, de Maherschalal-Chaschbaz (Ésaïe 8.3) ; le thème de celui-ci est le nom, consolant pour Juda, de Schéarjaschub (versets 20 à 22 ; Ésaïe 7.3).
Assur est l’instrument de la colère de Dieu pour purifier Israël, non pour le détruire, comme il se le propose.
Malheur à Assur, verge… Dieu s’est servi d’Assur pour punir Israël. Mais comme l’instrument a oublié qu’il n’était qu’instrument et n’a servi les desseins de Dieu que pour satisfaire ses passions, tout le mal qu’il a fait lui sera redemandé (Ésaïe 47.6-7 ; Zacharie 1.15). Même jugement prononcé sur Jéhu et sa maison, Osée 1.4.
Le bâton qui est dans sa main. Comparez Ésaïe 9.3 ; Ésaïe 10.24 ; Ésaïe 10.27. Dans la première partie du verset, Assur est lui-même la verge de Dieu ; dans la seconde, il tient cette verge en main pour frapper de sa part. L’image se transforme pour se rapprocher de la réalité : car Dieu ne frappe pas directement son peuple ; ce sont les Assyriens qui donnent les coups.
Nation impie, peuple (objet) de mon courroux : le peuple de Juda, qu’Assur a mission de châtier, de réduire à l’état le plus misérable (Ésaïe 7.25), mais non d’exterminer, car Dieu ne veut pas que son peuple périsse.
Mes princes… rois ? Les généraux, les satrapes du roi d’Assyrie portent eux-mêmes le titre royal, soit à cause de leur puissance princière, soit parce que plusieurs d’entre eux sont des rois soumis (2 Rois 25.28). Le roi d’Assyrie s’appelle le grand roi (Ésaïe 36.4).
Calno (ou Calné, Amos 6.2) ville de Babylonie, sur la rive gauche du Tigre (vis-à-vis de Séleucie) ; plus tard, sous le nom de Ctésiphon, résidence d’hiver des rois parthes.
Carkémis : le Circésium des classiques, à l’embouchure du Chaboras dans l’Euphrate ; illustrée par la victoire de Nébucadnetsar sur Pharaon Néco (604 avant Jésus-Christ ; Jérémie 46.2).
Hamath : ville importante de Syrie ; sous les successeurs d’Alexandre, elle fut comme sous le nom d’Epiphanie sur l’Oronte ; aujourd’hui elle a repris son ancien nom et comprend environ 30 000 habitants. Elle fut conquise par Sargon vers 720 (Ésaïe 36.19 ; Ésaïe 37.13).
Arpad : ville voisine de Hamath ; soumise par Tiglath-Piléser, plus tard réunie définitivement à l’Assyrie. On a cru la retrouver dans les ruines de Tel-Erfad, à douze kilomètres au nord d’Alep.
Damas fut prise vers par Tiglath-Piléser (2 Rois 16.9), Samarie en 722 par Sargon.
L’ordre dans lequel ces villes sont indiquées (en commençant par les plus éloignées de Jérusalem) marque à grands traits les différentes étapes de la conquête assyrienne. On voit l’orage s’approcher de Juda.
Les royaumes des dieux : les royaumes qui ont des dieux. L’Assyrien mesure la puissance d’un État d’après le nombre et la valeur de ses idoles : à chacune de celles-ci est attachée une force divine. Les idoles de Jérusalem sont traitées par lui avec le dernier mépris, comme si elles n’étaient que des images et n’avaient pas de dieux en elles. On peut comparer les paroles de Rabsaké (Ésaïe 36.7) déclarant qu’Ézéchias, en détruisant les idoles, s’est privé de l’assistance de Dieu.
Les idoles de Samarie statues de Baal, d’Astarté, sans parler des veaux d’or (Osée 8.5-6 ; Osée 10.5 ; Osée 13.1-2).
À Jérusalem : les idoles (Ésaïe 2.8) n’avaient pas sans doute disparu entièrement, même sous Ézéchias.
Semblable à l’outil qui se révolterait contre celui qui le manie, l’Assyrien se glorifie de n’avoir eu recours qu’à sa propre force ; Dieu va châtier son insolence.
Quand le Seigneur aura accompli… Dieu ne brisera l’instrument qu’après s’en être servi. Sa sévérité à l’égard du bourreau n’adoucira pas le sort des coupables.
Je visiterai (remarquez comment le discours passe brusquement de la troisième à la première personne). Jusque là, Dieu l’a laissé, faire ; il intervient dès que la limite des châtiments décrétés contre Israël est atteinte.
Le fruit du cœur hautain… : sa conduite insolente et cruelle envers Israël (Ésaïe 36.1 et suivants).
Ce verset caractérise bien les règnes des souverains assyriens contemporains d’Ésaïe (voir introduction).
J’ai détrôné les rois : littéralement : j’ai fait descendre ceux qui étaient assis (sur les trônes).
Belle image pour exprimer la facilité avec laquelle Assur a accompli ses conquêtes. Il n’a pas trouvé plus de résistance qu’on n’en rencontre quand on veut enlever un nid abandonné par les parents.
Toute la terre. Voir, dans les inscriptions des rois d’Assyrie, le récit de ces expéditions de conquête et de pillage qui se renouvelaient régulièrement chaque année comme une partie de plaisir. On y verra aussi l’expression de leur orgueil inouï.
Je suis le roi qui, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil, a mis en fuite tous ses ennemis. J’ai dominé les nations, … j’ai changé leurs rois et j’ai établi mes lieutenants au-dessus d’eux. (Annales de Tiglath-Piléser)
J’ai fait demeurer dans l’enceinte de la ville (Dur-Sarkin, bâtie par lui), des hommes de toutes les régions que le soleil éclaire et qui étaient la conquête de mes mains. (Sargon.)
Palais de Sinakhierib (Sanchérib), roi grand, roi puissant, roi du monde, … roi des quatre régions, favori des grands dieux, … pasteur des peuples et directeur des hommes, moi ! … Assur, le père des dieux, m’a créé lui-même… Il m’a conféré la royauté, sur tous les peuples, il a étendu ma domination sur tous les habitants de la terre, depuis le soleil couchant jusqu’au soleil levant. J’ai soumis à ma puissance tous les chefs des hommes. Les rois ennemis … évitaient de se ranger en bataille devant moi, leurs alliés les abandonnaient, ils s’envolaient comme une nichée d’oiseaux pour se soustraire à ma rencontre …
Ces quelques extraits des annales assyriennes suffiront pour faire voir combien est fidèle le portrait qu’Ésaïe a tracé de ces rois.
Ce qui n’est pas du bois : comme si le bâton soulevait le bras qui le manie.
Deux images pour décrire le châtiment de l’Assyrie : d’abord celle d’un corps robuste, atteint par la consomption (comparez Ésaïe 17.4) ; puis celle d’un feu qui dévore en quelques heures une magnifique forêt (Ésaïe 9.17). La seconde image complète la première, en marquant la soudaineté de la ruine (verset 17) ; toutes deux se mêlent dans les versets suivants.
Les hommes forts : littéralement hommes gras, les guerriers assyriens.
La lumière d’Israël : Dieu, son protecteur (Ésaïe 4.5-6), est l’auteur du jugement d’Assur ; il est un feu consumant pour les ennemis de son peuple. Comparez Ésaïe 9.17-18.
Les épines et les ronces : le gros de l’armée (voyez verset 18, note).
En un seul jour : comparez le récit de la destruction subite de l’armée de Sanchérib, chapitre 37.
La gloire de sa forêt : les chefs de l’armée assyrienne.
Corps et âme : c’est-à-dire l’homme tout entier ; l’armée est comparée à un malade qui dépérit à vue d’œil.
À ce moment-là (quand Assur sera châtié), Israël mettra sa confiance en Jéhova. L’élite du peuple se convertira au Dieu fort ; la colère de Dieu se tournera contre Assur pour le frapper, comme l’Égypte fut frappée autrefois.
Comparez le verset 20 et Ésaïe 7.4, note.
Avec vérité, c’est-à-dire sincèrement et non en apparence seulement (Ésaïe 29.13).
Voyez Ésaïe 7.3, note, l’explication du nom de Schéarjaschub. Un reste se convertira (verset 21), mais ce ne sera qu’un reste (verset 22). À l’époque d’Ésaïe, Dieu abandonnait la masse du peuple à son endurcissement, pour ne plus s’occuper que de la formation de ce reste saint qui devait survivre au jugement (chapitre 6 ; comparez Romains 9.27).
Dieu fort : comparez Ésaïe 9.5.
Qui reviendra. Le même verbe hébreu signifie revenir et se convertir. Le sens moral convient mieux au verset, 21 où il s’agit du retour à Dieu, le sens matériel au verset 22, où il s’agit du retour de l’exil. Ésaïe se sert à dessein de ce mot à double sens pour exprimer ces deux faits si inséparables qu’ils n’en font qu’un à ses yeux.
Destruction … justice. Il faut que les méchants périssent et que la justice de Dieu ait son cours. Sion même ne saurait être sauvée à une autre condition (verset 12 ; Ésaïe 1.27 ; Ésaïe 28.16-22 ; Romains 9.28).
C’est pourquoi se rapporte à la promesse versets 20 et 21. Les versets 22 et 23 sont une parenthèse, explicative du mot reste.
Fait allusion au refrain du discours précédent : Avec tout cela sa colère ne s’est point détournée. Maintenant que le but est atteint, que le reste est formé, la colère peut cesser.
Oreb : chef madianite, tué par les Éphraïmites, après la victoire de Gédéon (Juges 7.25) ; le rocher d’Oreb, où il périt, était situé près du Jourdain.
Son bâton est sur la mer… L’image est tirée du récit du passage de la mer Rouge (Exode 14.16).
Le joug de l’Assyrien sera brisé, mais seulement après qu’il sera parvenu jusqu’aux portes de Jérusalem : c’est alors que soudain il sera frappé par la main du Tout-Puissant.
Comparez le verset 27 avec Ésaïe 9.3.
Son fardeau : celui du roi d’Assyrie, qu’il a imposé à Israël.
Par la graisse. Pour comprendre l’image, il faut se représenter un jeune taureau qui, à mesure qu’il prend de la croissance et de la force, cherche à se dégager du joug et finit par secouer toutes ses entraves. Comparez Malachie Ésaïe 4.2. Contraste avec la maigreur dont sont atteints les guerriers assyriens (verset 16).
Ésaïe ne fait pas de l’histoire, mais de la prophétie. Il ne veut pas tracer l’ordre de marche de telle ou telle expédition, mais décrire dans un tableau idéal l’invasion triomphante des Assyriens en Juda, suivie de leur chute si soudaine. Tous les endroits indiqués se trouvent sur la route d’une armée marchant du nord sur Jérusalem. L’itinéraire suivi réellement par Sanchérib diffère de celui tracé ici par le prophète ; ce fait prouve que la date de la composition de ce morceau est antérieure à cette expédition.
Ajath : l’ancienne Aï (Josué 7) ; aujourd’hui Tell-el-Hajar, à trois kilomètres au sud-est de Beitin (Béthel), à peu près sur la frontière des deux royaumes de Juda et d’Éphraïm.
Migron : aujourd’hui Magroun, ruines situées à quelques minutes au sud de Béthel (1 Samuel 14.2).
Micmas : aujourd’hui Moukmas, à 14 kilomètres au nord de Jérusalem (1 Samuel 13 et 14). Ils y laissent leurs bagages pour avancer plus rapidement à travers un chemin difficile.
Le défilé : la gorge étroite et sauvage, de trois kilomètres de longueur, qui conduit de Micmas à Guéba, aujourd’hui Wady-es-Subeinit (1 Samuel 14.4 ; 1 Samuel 14.13).
Guéba : aujourd’hui Jéba, à 10 kilomètres de Jérusalem, dans une plaine fertile (1 Samuel 13 et 14).
Rama : la résidence de Samuel (1 Samuel 7.17) ; aujourd’hui er-Râm, à deux kilomètres à l’ouest de Guéba, non loin de la route de Naplouse à Jérusalem.
Guibéa de Saül : la patrie de Saül (1 Samuel 15.34) ; aujourd’hui probablement Tell-el-Fûl, localité située à mi-chemin entre Rama et Jérusalem, sur une colline élevée d’où l’on aperçoit cette dernière ville.
Gallim, Laïs : inconnues.
Anathoth : la patrie de Jérémie ; aujourd’hui le village d’Anata, à 6 kilomètres au nord-est de Jérusalem. Ésaïe joue sur le mot : Anathoth veut dire pauvre, malheureuse.
Madména, Guébim : inconnues.
Nob : probablement le village de el-Isawiyeh, à trois kilomètres de Jérusalem, du côté d’Anathoth. De là ils peuvent voir Jérusalem et la menacer ; c’est leur dernière étape avant de l’attaquer.
L’armée assyrienne, campée sous les murs de Jérusalem, est comparée à une superbe et épaisse forêt (versets 17 à 19. Tout à coup elle est anéantie par un jugement du Seigneur.
Le Liban est pour les Israélites la forêt par excellence.
Un Puissant : il n’est pas nommé, mais on comprend que c’est Dieu même. Voyez l’accomplissement Ésaïe 37.36.