Verset à verset Double colonne
1 Sentence du désert de la mer. Comme les ouragans qui, dans le midi, se précipitent du désert, il vient d’une terre redoutable.Le même événement avait été prédit Ésaïe 13.1 à 14.23. Mais le trait saillant, dans le tableau précédent, était l’orgueil de Babylone avec lequel contrastait son abaissement, tandis qu’elle est dépeinte ici comme une ville de joie, plongée dans la sécurité et surprise par une catastrophe inattendue. Le prophète annonce cette ruine avec l’émotion la plus vive : on sent dans ce tableau la fraîcheur d’une révélation récente, dont son âme est encore toute saisie. L’horreur est le premier sentiment qu’il éprouve ; puis cette impression fait place à la triomphante assurance que les idoles vont périr et qu’Israël sera sauvé.
Deux strophes :
Sur la question de l’authenticité de ce morceau, voir l’introduction aux chapitres 40 à 46.
Sentence du désert de la mer. Ce titre fait allusion à l’un des premiers mots du morceau (du désert, verset 1). Comparez verset 13 et Ésaïe 22.1. Le désert de la mer désigne la Babylonie. Cette contrée, voisine du golfe Persique, est souvent nommée dans les inscriptions assyriennes le pays de la mer. Ce pays de la mer est appelé ironiquement par le prophète le désert de la mer, parce que Babylone va être changée en désert. Comparez Ésaïe 13.19-22. Le mot mer pourrait aussi faire allusion aux fréquentes inondations de l’Euphrate, avant qu’un système de canalisation eût mis la contrée à l’abri de ce fléau. Comparez Ésaïe 14.23 et le nom de mer donné au Nil, Ésaïe 19.5
Dans le midi. Le midi : négueb désigne ordinairement dans l’Ancien Testament la contrée qui s’étend au sud de la Palestine, vers le désert d’Arabie. Les ouragans s’y déchaînent avec une violence extraordinaire. Comparez Job 1.19 ; Osée 13.15 ; Zacharie 9.14
Il vient. Le sujet est indéterminé :quelque chose vient.
Terre redoutable. Peuplée de nations redoutables. Comparez Ésaïe 13.4 ; Ésaïe 13.17 ; Ésaïe 13.18
Le perfide. Il s’agit ou de l’ennemi qui emploie des ruses de guerre contre Babylone, comme le fit Cyrus, ou des peuples sujets qui la trahissent pour se joindre à lui.
Ravage : ils dévastent tout le pays dans leur marche contre Babylone. Elam. Voir Ésaïe 11.11, note. Après la chute de l’empire assyrien, cette contrée fit partie de la monarchie perse et son nom désigne souvent chez les prophètes la Perse en général.
Mède. Voir Ésaïe 13.17, note.
Je fais cesser les gémissements : ceux que Babel faisait pousser aux peuples soumis et aux captifs (Ésaïe 14.3-6). C’est Dieu qui parle : l’armée médo-perse marche à son commandement. Comparez Ésaïe 13.3
Toute catastrophe, lors même qu’elle frappe un ennemi, émeut, de pitié celui qui en est témoin. Comparez l’émotion du prophète à la vue des malheurs de Moab : Ésaïe 15.5 ; Ésaïe 16.9 ; Ésaïe 16.11
Pour la description de la douleur, comparez Ésaïe 13.8
Le crépuscule que je désirais : l’heure désirée du repos est, par la terrible vision, devenue pour le prophète une heure d’angoisse.
Les grands de Babylone passent la nuit à table, pendant que la ville est cernée par l’ennemi. On a posé les sentinelles comme à l’ordinaire. Cette précaution prise, on se livre en sécurité au plaisir. Tout à coup, en plein festin, retentit le cri : Aux armes ! Il est trop tard pour préparer la défense : l’ennemi est déjà maitre de la ville. Voir la description que fait Daniel (chapitre 5) de la prise de Babylone pendant un banquet.
On fait le guet. Une autre traduction a été proposée : on observe les astres. Ce sens conviendrait bien à la description d’une nuit à Babylone, la patrie de l’astronomie et de l’astrologie (Ésaïe 47.13) et compléterait le tableau d’une manière piquante : les chefs sont en fête ; les mages sont, comme d’habitude, sur leurs observatoires, occupés à surprendre les secrets de l’avenir dans l’aspect du ciel. Et la ruine imminente leur échappe !
Oignez le bouclier. On frottait d’huile les boucliers de cuir, pour les rendre plus brillants et plus glissants pour les traits (2 Samuel 1.21 ; Virgile, Enéide VII, 625-626).
Après avoir dit ce qui se passera dans Babylone, au moment où elle sera prise, le prophète revient en arrière pour décrire l’arrivée de ceux qui ont mission de la détruire.
Une sentinelle. Ailleurs, le prophète est lui-même la sentinelle (versets 11 et 12 ; Habakuk 2.1). Ici, il place (en imagination) une sentinelle qui doit lui signaler l’approche de l’armée envoyée pour détruire Babylone. Comparez 2 Samuel 18.24-27 ; 2 Rois 9.17-20
La sentinelle voit d’abord la cavalerie régulière qui s’avance en bon ordre, puis des cavaliers sur des ânes et sur des chameaux ; ceux-ci ne marchent pas en rang comme les premiers. Cette description s’accorde bien avec ce que nous savons par Hérodote et Xénophon de l’armée médo-perse, qui prit Babylone. Elle ne comptait pas moins de quarante mille chevaux. Cyrus avait aussi des cavaliers montés sur des ânes et sur des chameaux.
Comme un lion… C’est le cri de la délivrance. La sentinelle va enfin être relevée du poste où, depuis longtemps, elle se tenait au guet, immobile et attentive comme un lion à l’affût. On sait que le lion guette parfois sa proie pendant des nuits entières.
Elle a rendu compte à son maître de ce qu’elle a vu (verset 6) ; elle se tourne maintenant vers Israël et lui déclare que ses maux sont finis.
Les statues de ses dieux, on les a brisées… Les monarques assyriens et babyloniens étaient très dévots. Ils ne cessent de parler, dans leurs inscriptions, des temples et des statues qu’ils ont élevés aux divinités qui les protégent. Comparez Ésaïe 46.4 ; Jérémie 50.2 ; Jérémie 51.47 ; Jérémie 51.52. Hérodote représente les Perses comme acharnés à briser les idoles.
L’aire : Babylone, où Israël est foulé comme le blé dans l’aire ; il en sortira battu, mais purifié. Comparez l’image semblable Ésaïe 28.27-28
L’accent de pitié avec lequel le prophète s’adresse au peuple écrasé, se retrouve dans toute la prophétie chapitres 40 à 46. Comparez par exemple Ésaïe 40.1
Le Dieu d’Israël. Il se montre le Dieu de son peuple dans le châtiment de Babylone, sa persécutrice.
Cette courte prophétie rappelle le genre énigmatique des anciens oracles (comparez par exemple Ésaïe 16.4-6). Elle se rapporte à Édom. On demande, de ce pays, au prophète si la nuit est bientôt passée ; il répond que le matin est près de luire, mais que la nuit ne tardera pas à revenir.
Sentence de Duma. Plusieurs Duma sont mentionnés, soit par les auteurs profanes, soit par la Bible (Genèse 25.14 ; Josué 15.52). Aucun ne se trouve dans le pays d’Édom. Il résulte pourtant des mots de Séir que c’est de ce pays que la question du verset 11 est adressée au prophète. Duma désigne donc certainement ici Édom. L’auteur fait un jeu de mots. Duma signifie silence. Le nom d’Édom est changé en celui, peu différent, de Duma, pour désigner cette contrée comme le pays du silence ; car la nuit y règne ; un grand désastre a fait d’Édom la terre du silence. Une voix en sort pour demander si la calamité n’est pas bientôt passée. Le prophète répond que, si elle passe, ce ne sera que pour revenir. Et si l’on revient le consulter on n’en saura pas davantage. Sa réponse est une sorte d’énigme : on peut bien l’appeler l’oracle du silence. Comparez les titres symboliques de deux prophéties voisines : Ésaïe 5.1 ; Ésaïe 22.1
Séir : plateau montagneux qui s’étend de l’extrémité sud de la mer Morte à la mer Rouge, occupé par les Édomites, descendants d’Ésaü (Genèse 32.3).
La sentinelle est le prophète lui-même. De Jérusalem, comme du haut d’une tour, il plonge ses regards dans la nuit qui couvre tous les peuples à l’entour ; c’est à lui qu’ils viennent demander si bientôt on ne verra pas poindre l’aurore.
La nuit : image de l’invasion et de l’oppression assyriennes (Ésaïe 8.20 à 9.1). Tous les petits États voisins de la Palestine furent, à cette époque, écrasés par les Assyriens. Seul, Juda demeurait intact. C’est donc à lui et à son Dieu que les Édomites regardent dans leur angoisse. Il est à remarquer que trois autres ambassades, réelles ou fictives, envoyées par des païens à Jérusalem, sont mentionnées dans cette partie du livre d’Ésaïe : Ésaïe 14.32 ; Ésaïe 16.1 ; Ésaïe 18.2
Le matin vient : il y aura donc un adoucissement à votre position ; mais la nuit aussi : de nouveaux malheurs vous attendent. C’est tout ce que le prophète peut leur dire. Par le matin, il faut entendre sans doute le soulagement momentané qui suivit, pour la Palestine et les États voisins, le désastre de Sanchérib. Mais la nuit revint bien vite : les incursions assyriennes dans le midi se renouvelèrent sous ses successeurs ; et Édom eut plus tard à subir la domination des Chaldéens, des Perses et des Romains. Dès l’époque de la seconde ruine de Jérusalem, son nom disparaît de l’histoire.
Faites des questions… revenez… Il y a certainement dans ces mots une intention ironique qui se trahit par la répétition de la terminaison insolite ajou (dans les quatre verbes hébreux) : le prophète contrefait le langage des Édomites.
Une tribu arabe a dû fuir devant l’ennemi (versets 13 à 15) ; Ésaïe annonce que dans l’espace d’une année d’autres tribus de l’Arabie septentrionale subiront le même sort (versets 16 et 17).
Sentence en Arabie. Ce titre est tiré d’un des premiers mots du texte : vous bivouaquerez en Arabie. Comparez verset 1.
Dans la forét : dans une contrée sans eau, où ils ont dû se réfugier pour échapper aux poursuites de leurs ennemis.
Dédan : tribu du nord de l’Arabie, voisine des Édomites (Genèse 25.3 ; Jérémie 49.8).
De l’eau. Les lieux ordinaires de campement sont toujours près des sources. Ils ont donc dû quitter la route des caravanes.
Théma est situé plus au sud que Dédan, sur la route actuelle de Damas à la Mecque. Comparez Job 6.19 ; Jérémie 25.23. Les Dédanites fuient vers le midi ; l’ennemi vient donc du nord.
Comme celles d’un journalier : voir Ésaïe 16.14, note.
Kêdar : tribu nomade issue d’Ismaël (Genèse 25.13) et qui habitait au sud-est du pays d’Édom non loin du golfe oriental de la mer Rouge cette tribu, souvent nommée comme l’une des principales de l’Arabie, désigne ici les Arabes septentrionaux en général. Comparez Jérémie 49.28 et suivants. Le désastre, dont elle est menacée lui fut sans doute infligé par les Assyriens. Hérodote nomme Sanchérib, à l’occasion de son expédition d’Égypte, roi des Arabes. Ce prince lui-même, aussi bien que Sargon, son père, parlent dans leurs inscriptions de tribus arabes qu’ils ont soumises.
Des nombreux arcs. Comparez Genèse 21.20. Le nombre des arcs, pour dire celui des guerriers