Verset à verset Double colonne
1 Et le peuple, voyant que Moïse tardait à descendre de la montagne, s’assembla autour d’Aaron, et ils lui dirent : Allons ! Fais-nous un dieu qui marche devant nous ; car celui-là, Moïse, l’homme, qui nous a fait sortir du pays d’Égypte, nous ne savons ce qu’il est devenu.Un moment comprimée par les manifestations de la puissance de Dieu au Sinaï, l’idolâtrie, dont Israël était loin d’être complètement guéri (Ézéchiel 20.7-8), reparaît. Succombant à l’épreuve que Dieu lui fait subir par l’absence de Moïse, pensant probablement qu’il a disparu au milieu des éclairs et des tonnerres du Sinaï, les Israélites demandent à Aaron de leur faire une représentation de Dieu qui leur permette de croire à sa présence au milieu d’eux. Aaron par crainte du peuple cède à ce désir ; il leur fabrique un veau d’or avec les bijoux que lui apportent les Israélites et proclame une fête à l’Éternel, suivie de divertissements.
On a souvent pensé que le veau d’or était une reproduction du dieu Apis, dont les Israélites avaient vu le culte célébré en Égypte (voir l’image ci-jointe). Mais auraient-ils pu avoir l’idée de représenter le Dieu qui les avait tirés de la servitude d’Égypte sous la forme d’une divinité égyptienne ? D’ailleurs le dieu Apis était un taureau ou un bœuf et non pas un veau. Peut-être était-ce plutôt le souvenir d’un ancien culte hébreu (Josué 24.14), analogue à celui qui fut établi plus tard dans le royaume des dix tribus. L’histoire du veau d’or est rappelée Deutéronome 9.8-21
Autour d’Aaron : qui avec Hur avait reçu de Moïse la charge de diriger le peuple (Exode 24.14). La tradition rapporte que Hur fût mis à mort pour avoir voulu résister au peuple et qu’après cela Aaron, effrayé, céda.
Fais-nous un dieu. Le terme hébreu qui signifie dieu (Elohim) est pluriel, seulement il se construit ordinairement avec le verbe au singulier ; ici le verbe est aussi mis au pluriel, évidemment parce qu’il y a dans ce fait comme un commencement de retour à l’idolâtrie (versets 4, 8 et 23 ; 1 Rois 12.28). Il leur faut un conducteur visible ; Moïse a disparu ; il doit être remplacé par une image de la divinité qui les a tirés d’Égypte par son moyen. C’était plutôt là une transgression du second commandement du Décalogue que du premier. Voir Exode 20.1-6
Il y a dans ces termes : celui-là, l’homme, un manque de respect et de reconnaissance.
Arrachez les boucles… Aaron s’excusait sans doute intérieurement de cet acte de faiblesse en se disant que c’était le seul moyen d’empêcher le peuple de retomber ouvertement dans le paganisme dont ils avaient eu si longtemps en Égypte l’exemple sous les yeux ; car enfin c’était l’Éternel que le veau devait représenter. Il a bien soin de le rappeler au verset 5. Et il comptait sur le retour de Moïse pour ramener l’ordre.
De vos fils. Il paraît qu’en Orient les hommes aussi portaient de pareils ornements. Et en effet les monuments nous montrent plusieurs rois égyptiens et la plupart des monarques assyriens ornés de boucles d’oreilles.
D’après Exode 12.35 les Israélites avaient emporté d’Égypte une quantité d’or.
Le travailla au burin. Traduction incertaine ; d’autres entendent : le jeta au moule.
L’art de travailler l’or est très ancien. Dès les temps les plus reculés il y avait dans la péninsule du Sinaï des mines et des fonderies exploitées par les Égyptiens.
Un veau de métal. Sans doute un veau de bois recouvert d’or battu ; voir verset 20. Les grandes statues des dieux chez les anciens étaient en bois recouvert de plaques d’or ; comparez Exode 30.22 ; Exode 40.19
Aaron, dans le but de retenir le peuple sous son autorité, prend la direction de la fête qui se prépare.
Devant le veau. Il y a proprement devant lui. Ce pronom ne peut être rapporté qu’au veau, considéré comme représentant Jéhova.
Holocaustes et sacrifices d’actions de grâces : comme pour l’Éternel (Exode 24.5).
Pour manger et boire… les banquets et les divertissements avec chants et danses accompagnaient chaque fête païenne.
Quelles que fussent les excuses par lesquelles Aaron cherchait à se déguiser la culpabilité de sa conduite, Deutéronome 9.20 montre bien combien fut sévère le jugement de Dieu sur son compte. Il fallut l’intercession de Moïse pour le sauver de la colère divine, aussi bien que le peuple.
Dieu fait connaître à Moïse le péché du peuple (versets 7 et 8) ; puis il lui offre de faire de lui le père d’une nouvelle nation élue qui remplacera celle sur laquelle plane le jugement d’extermination (versets 9 et 10).
Descends. Ce morceau se rattache donc étroitement au verset 18 du chapitre précédent. La fin des quarante jours du séjour de Moïse sur la montagne était arrivée.
Ton peuple : il y a dans ce mot à la fois un indice de la réjection qui menace le peuple et une invitation au médiateur d’intercéder en sa faveur.
Et maintenant laisse ma colère. C’est comme si déjà, sans avoir rien dit. Moïse exerçait par sa présence et son regard suppliant une action qui arrête le bras de l’Éternel prêt à frapper.
Que je les consume. En agissant ainsi Dieu n’aurait pas rompu ses engagements avec Abraham, Isaac et Jacob. Car Moïse, dont la postérité aurait été substituée au peuple actuel, était lui-même de la postérité des patriarches.
Je ferai de toi… La fidélité de Moïse à son office de médiateur et son attachement à son peuple sont ici mis à une forte épreuve. Il s’agit de savoir ce qu’il préférera : sauver l’existence de ce peuple rebelle et obstinément idolâtre, ou voir surgir un nouveau peuple auquel son nom restera à jamais attaché. Mais à quoi bon cette épreuve ? Dieu ne connaît-il pas déjà les derniers replis de son cœur ? Assurément ; mais le progrès de la vie morale de l’homme exige qu’il soit mis de temps en temps en demeure de prendre de saintes et héroïques décisions.
Ces mots Laisse ma colère…, lui ont rendu la parole en réveillant en lui le sentiment de sa puissance, même dans cette situation qui paraît désespérée. Il ne répond pas même à l’offre divine qui lui a été faite et se borne à plaider en faveur d’Israël.
Chercha à apaiser, littéralement : caressa le visage.
Son Dieu : qui, lors même qu’il n’est plus le Dieu d’Israël, est encore le sien.
Contre ton peuple. C’est comme le rendu de l’expression divine, verset 7. Le premier argument du plaidoyer de Moïse est tiré de ce que Dieu a déjà fait pour le peuple en le faisant sortir d’Égypte. Toute cette œuvre de la grâce et de la puissance divines deviendrait inutile, si Dieu donnait cours à sa justice.
Un second motif : l’honneur de l’Éternel lui-même. Le caractère de l’Éternel n’apparaîtrait plus aux yeux des Égyptiens, qui ont été les objets de sa justice, que sous un jour sinistre et perfide.
Troisième motif : les promesses faites aux patriarches en faveur de leur postérité. Car lors même qu’un nouveau peuple issu d’eux pourrait être appelé maintenant à l’existence, il n’en est pas moins vrai que ce peuple ne s’appellerait plus la postérité d’Abraham, mais celle de Moïse.
Ce verset n’implique point le pardon d’Israël. Dieu renonce simplement à le détruire. Sur le repentir de Dieu, voir à Genèse 6.6. Comparez sur toute cette scène Psaumes 106.23
Tous ces détails servent à faire sentir la gravité de l’acte accompli par Moïse, verset 19.
Lorsque Moïse avait reçu de Dieu connaissance de la conduite du peuple, Josué n’avait point été associé à cette révélation.
Ce n’est pas que Moïse eût l’ouïe plus fine que Josué, mais la communication qu’il avait reçue (versets 7 et 8) faisait qu’il se rendait compte plus distinctement de ce qui se passait.
Cette émotion subite, qui saisit le cœur de Moïse, n’a rien d’étonnant. Voir est encore autre chose que savoir.
Le brisement des tables représente la rupture de l’alliance par le peuple. Car c’était le Décalogue qui en était l’acte constitutif.
Le brûla et le broya. Le terme de brûler se rapporte à la forme en bois que recouvrait l’or, celui de broyer doit se rapporter à l’or lui-même. Quoique l’or ne soit pas friable et cassant, il peut le devenir lorsqu’on le fond en y joignant un mélange de plomb, d’arsenic, d’antimoine ou d’étain. Autrement il faudrait dire que Moïse l’a réduit en poussière à force de le piler ou de le râper, ce qui est moins probable.
La répandit sur l’eau. Le Deutéronome (Exode 9.24) dit qu’il versa la poudre dans un torrent qui descendait de la montagne et dont il fit boire l’eau au peuple. Il voulait sans doute, en leur faisant avaler ce qu’ils avaient adoré leur montrer l’absurdité de l’idolâtrie à laquelle ils s’étaient livrés et la dégradation qu’ils s’étaient eux-mêmes infligée par un pareil acte.
Interrogatoire d’Aaron
Après que le peuple a subi son humiliation, Aaron est aussi appelé à rendre compte. En consentant à la demande du peuple, il s’est conduit envers lui comme s’il eût été son plus implacable ennemi.
Au lieu de se condamner lui-même, Aaron cherche à s’excuser. Ce qui s’est passé était, le résultat inévitable des mauvais instincts du peuple et le veau s’est trouvé fait comme de lui-même. Toutes ces misérables excuses ne l’auraient point sauvé ; nous avons déjà dit (verset 6) que l’intercession de Moïse put seule le préserver de la mort.
Ce que Moïse craint, ce n’est pas, comme on l’a pensé, que quelque ennemi vienne surprendre le peuple au milieu de son orgie ; ce qu’il redoute, c’est que ce débordement de licence ne le conduise à une désorganisation totale et qu’il ne devienne ainsi un objet de risée pour tous ces peuples d’alentour qu’avait fait trembler la sortie d’Égypte.
Moïse sent qu’il faut, couper court à cette orgie. Un réveil terrible est nécessaire. Autour de lui il voit un groupe d’hommes, en partie de sa propre famille, qui partagent son indignation. Il les appelle à mettre de côté toute autre considération que, l’honneur de Dieu à sauver.
On doit se rappeler que l’idolâtrie en Israël était punie de mort.
Personne ne résiste. Une poignée d’hommes décidés, au milieu d’une foule plongée dans la débauche, ne trouve rien qui l’arrête.
Et Moïse dit : Consacrez-vous, littéralement : Remplissez vos mains pour l’Éternel. Emplir les mains est, l’expression reçue pour dire : consacrer quelqu’un à la charge sacerdotale en lui donnant le moyen de présenter l’offrande. Mais il ne s’agit point pour les Lévites de préparer un sacrifice pour l’expiation du sang qu’ils ont versé. Moïse les appelle à se consacrer dès aujourd’hui au service de l’Éternel, en récompense du zèle qu’ils ont déployé ; comparez Deutéronome 33.8-11
Une bénédiction : la position glorieuse de tribu devenue dès ce moment la tribu sacerdotale.
Qu’y avait-il besoin d’intercession ? Dieu n’avait-il pas encore pardonné ? Mais, au verset 14, il était dit simplement que Dieu renonçait à détruire le peuple. Ce n’était point là le pardon complet, la réhabilitation d’Israël dans sa position de peuple de Dieu. Israël aurait pu, comme tout peuple qui a émigré, continuer seul son voyage et se chercher une patrie. Mais c’en eût été fait dans ce cas de sa dignité de peuple élu.
On a soulevé ici une autre difficulté. Le langage de Moïse ne suppose-t-il pas qu’aucun châtiment n’a eu lieu ? N’est-il pas ainsi en contradiction avec le récit des versets 26 à 29 ? Non ; le massacre qui avait eu lieu et qui était le résultat de la sainte, indignation de Moïse, ne suffisait nullement pour obtenir de Dieu le rétablissement du peuple dans sa position théocratique.
Cette nouvelle intercession de Moïse exigeait avant tout une humble confession du péché commis ; comparez les intercessions semblables dans Daniel 9 et Esdras 9. Il est donc puéril de dire que Moïse apprend ici à Dieu un fait que Dieu lui avait appris à lui-même (verset 7 et suivants). Ceci n’est pas une narration, mais un aveu.
Pardonne : Pardonne complètement en rendant à ce peuple sa dignité de peuple élu.
Ou sinon… L’autre alternative serait le maintien de la réjection du peuple. Dans ce cas, Moïse veut être rejeté avec eux. Il ne peut consentir à être sauvé sans eux. C’est la réponse, non encore donnée jusqu’ici, à la proposition de l’Éternel (verset 10). Cette parole a de l’analogie avec celle de Paul, Romains 9.3, mais en diffère pourtant. Elle reste dans le domaine du possible, tandis que celle de Paul en sort expressément.
Ton livre. L’image d’un livre dans lequel Dieu inscrit les noms de ceux qu’il connaît comme siens, est empruntée à l’usage l’inscrire dans un registre les noms des membres du peuple, par tribus, branches, familles, maisons (Josué 7.16-18). Est privé du salut celui dont Dieu efface le nom de ce livre ; comparez Ésaïe 4.3 ; Psaumes 69.29 ; Daniel 12.1 et plusieurs passages du Nouveau Testament.
Dieu répond à Moïse qu’il ne peut le rejeter puisqu’il n’a pas pris part au péché du peuple. Et, comme Dieu ne peut pas rejeter Moïse, il suit de là qu’il ne peut non plus rejeter le peuple. Nulle part n’apparaît aussi magnifiquement la hardiesse et la puissance de l’intercession que l’amour inspire.
Si Dieu renonce à rejeter le peuple ce n’est pas dire pourtant qu’il le réhabilite. Entre l’abandonner tout à fait et redevenir son Dieu, il y a un intermédiaire : c’est de continuer à le conduire, mais au moyen d’un agent d’ordre inférieur. C’est là le sens du verset 34 expliqué ensuite plus clairement par Exode 33.1-4
Va maintenant, conduis ce peuple. C’est l’ordre de départ immédiat de Sinaï pour Canaan.
Voici, mon ange ira. Ce terme mon ange (mon envoyé) est assez général pour pouvoir être appliqué de différentes manières. Dans Exode 23.20 ; Exode 23.23 ce nom renfermait la plus grande, des promesses. Car l’ange que Dieu promettait à Moïse d’envoyer avec lui pour conduire le peuple, n’était rien moins que l’Ange en qui est son nom, la parfaite révélation de son essence, en particulier de sa sainteté (verset 21), la manifestation suprême de Dieu dans laquelle Dieu serait lui-même. Mais ici le terme mon ange ira signifie au contraire : Un quelconque de mes envoyés ; pour moi, je cesse d’être moi-même votre conducteur. Ce sens ressort clairement de Exode 33.3-4. Si Dieu ne veut plus, les guider lui-même, c’est par ménagement pour ce peuple, trop mal disposé pour que la présence de l’Éternel dans son sein ne l’exposât pas à être consumé à chaque instant. Il enverra donc, avec eux un être dont le contact immédiat et journalier ne sera plus pour eux un danger permanent. On comprend la désolation du peuple à l’ouïe de ce message qui constate sa dégradation (Exode 33.4)
Cependant Dieu n’abandonne pas entièrement les rênes. Il se réserve d’intervenir si les circonstances l’exigent : Et au jour où je jugerai… Le moment pourra venir, même malgré cette abdication partielle, où il exercera lui-même le jugement définitif.
Ce verset n’indique point un fait nouveau qui ne serait pas raconté ; c’est simplement la formule qui résume le châtiment précédent exécuté par les Lévites.