Verset à verset Double colonne
Ce discours prononcé, comme les précédents, peu d’années avant la ruine de Jérusalem, décrit les projets de révolte du dernier roi de Juda, Sédécias, contre Babylone. Ces folles tentatives lui étaient inspirées par l’espoir du secours que lui promettait l’Égypte. Le prophète annonce l’insuccès de ces efforts et leurs résultats désastreux pour la maison de David ; mais il promet à celle-ci un glorieux relèvement et la domination finale sur le monde entier. Trois parties :
Une énigme… une parabole. Le premier de ces termes se rapporte au sens caché que renferme le tableau suivant ; le second à la forme figurée sous laquelle, l’enseignement est donné.
Le grand aigle. Par cette image, Ézéchiel, aussi bien qu’Ésaïe (Ésaïe 46.11) et Jérémie (Jérémie 48.40), désigne la grande puissance politique contemporaine ; c’était l’empire babylonien, gouverné par Nébucadnetsar.
Les grandes ailes sont le symbole de la rapidité des mouvements et des conquêtes. La large envergure représente l’immensité de l’empire chaldéen ; et l’abondance du plumage aux couleurs variées, la multitude de races différentes et de peuples aux langues et aux mœurs multiples, rangés sous le sceptre de ce roi.
Vint au Liban. Les Juifs aimaient à faire de cette montagne magnifique l’emblème de Sion et de sa grandeur spirituelle. En Sion se trouvaient le temple de l’Éternel et le palais de David et peut-être cette figure de langage se rapporte-t-elle à l’emploi qui avait été fait du bois des cèdres du Liban dans ces constructions royales ; comparez Jérémie 22.6 ; Zacharie 11.1.
La cime d’un cèdre. Le cèdre représente la famille royale issue de David ; et la cime du cèdre le roi Jehojachin (ou Jéchonias). Ce fut le dernier souverain de Juda qui jouit encore d’une sorte d’indépendance.
Dans un pays de Canaan. Ce terme, par une singulière ironie, désigne ici Babylone. Il est expliqué par l’expression parallèle : une ville de marchands. Les Cananéens paraissent avoir eu le génie du négoce. Les Phéniciens, qui appartenaient à cette race, faisaient le commerce et le passage Proverbes 31.24, prouve que le terme kenaani désignait le petit marchand. La Babylonie où Nébucadnestar avait conduit Jehojachin prisonnier pouvait donc bien (voir plus bas) être appelée une terre de Canaan, mais une Canaan de punition, en opposition à la Canaan bénie assurée à David et à sa race. L’emploi de ces termes de Canaan et de Liban appartient au caractère énigmatique de ce discours.
Dans une ville de marchands. Ces mots servent à expliquer le mystère du mot Canaan. Babylone était alors en vertu de sa position géographique (entre l’Arménie au nord et l’Arabie au sud, l’Inde et la Perse à l’est, l’Asie occidentale, l’Afrique et l’Europe à l’ouest), le grand centre de commerce international pour le monde entier.
Il prit du plan du pays : un fils de la terre d’Israël, non un étranger. Nébucadnetsar aurait pu imposer au pays de Juda, après la destitution de Jéhojachin, un gouverneur babylonien ; il préféra lui laisser un roi israélite descendant de David, Sédecias, dont il fit son vassal.
Près d’une eau abondante. Dans cette situation humble, le royaume pouvait pourtant encore jouir d’un certain bien-être.
Comme un saule. Cet arbre croît près des eaux, mais n’a aucune apparence et n’atteint jamais qu’à une hauteur médiocre. Du reste, le sens du mot de l’original est incertain.
On voit ici que le rejeton planté (verset 5) était celui d’un cep de vigne ; il n’avait été nommé saule que par comparaison. On pouvait donc s’attendre à le voir porter des fruits qui ne seraient point à mépriser.
Un cep de vigne étendu. : Si le territoire actuel de Juda ne pouvait, pour son étendue, être comparé à l’empire de David et de ses successeurs, il était cependant encore, respectable.
Ses serments tournés : en ce que Sédécias dépendait de Babylone et tirait de là son pouvoir.
Ses racines sous lui : en ce qu’il possédait encore en quelque mesure l’usage de sa liberté dans l’administration du pays qui lui était confié.
Un autre grand aigle. C’est le roi d’Égypte. Ézéchiel ne lui attribue pas, comme au précédent, un plumage bigarré ni une grande envergure ; car l’Égypte possédait un territoire moins vaste et peuplé de nations moins diverses que l’empire chaldéen.
Tendit ses racines vers lui : Sédécias fit un mauvais usage de ce qui lui restait de liberté (racines sous lui, verset 6) ; il rechercha l’alliance de Pharaon Hophra, qui régnait alors sur l’Égypte, Jérémie 44.30. Il y a un contraste intentionnel entre ses sarments (verset 6) et ses racines. Ostensiblement il était soumis au roi de Babylone ; mais en cachette il s’adressait à l’Égypte.
Pour qu’il l’arrosât : pour qu’il lui envoyât du secours contre Babylone.
Et cependant Juda possédait chez lui tout ce qu’il fallait pour prospérer encore sous la domination babylonienne et devenir, sinon un cèdre magnifique, du moins un cep chargé de fruits excellents. Ce verset laisse entrevoir le vrai motif de la rébellion de Sédécias. Il n’avait nullement à se plaindre d’oppression ou de misère ; il se laissa aller a un mouvement d’orgueil, qui était une révolte contre Dieu lui-même ; c’est ce qui ressort également du passage 2 Chroniques 36.13.
Il était impossible qu’un parjure comme celui de Sédécias reussit. La sécurité et le bien-être dont Juda recommençait à jouir sous le sceptre de Nébucadnetsar, aboutiront à une ruine complète, et cela, sans que le roi de Babylone eût besoin de rassembler de bien grandes forces pour en finir avec ce petit État rebelle.
Le vent d’orient est l’emblème de l’armée babylonienne ; le symbole est choisi avec d’autant plus d’à-propos qu’elle venait d’orient ; comparez Job 27.21 ; Ésaïe 27.8 ; Jonas 4.8, où l’on voit que le vent d’orient, qui a passé, sur les déserts d’Arabie, est le plus grand ennemi de la végétation en Palestine.
Ces versets donnent la solution des énigmes renfermées dans la parabole précédente. Il ne reste plus que quelques détails à éclaircir.
Sur le serment prêté par Sédécias à Nébucadnestar voir 2 Rois 24.17 et 2 Chroniques 36.13.
Les hommes puissants du pays ; comparez 2 Rois 24.14-16, où il est raconté que Nébucadnetsar emmena à Babylone avec le roi Jéhojachin les vaillants hommes de guerre, les forgerons, les maçons, les charpentiers, etc., en un mot tous ceux qui auraient pu être utiles à Sédécias en cas de révolte.
Nébucadnetsar laissait subsister le royaume afin d’en retirer le plus gros revenu possible, mais il le maintenait dans un état de faiblesse suffisant pour qu’il demeurât dans la soumission.
Voir la note, verset 7.
Des chevaux. Les chevaux abondaient en Égypte. L’historien Diodore raconte que ce pays pouvait armer vingt mille chariots de guerre ; comparez Deutéronome 17.16 ; Ésaïe 36.9.
Dans Babel. Voir à Ézéchiel 12.13.
Pharaon n’agira pas, du moins pas efficacement, pour la délivrance de Jérusalem ; voir Jérémie 27.5.
Le serment, même envers ce monarque païen, était sacré, car il avait été prêté par Sédécias au nom de Jéhova.
Dieu appelle ce serment son serment, parce qu’il engageait Sédécias envers Lui aussi bien qu’envers le souverain babylonien. On trouve ici le même point de vue général que dans le passage Jérémie 27.6, où Dieu désigne Nébucadnestar, roi de Babylone, comme son serviteur. Le parjure contre celui-ci était ainsi un parjure contre Dieu même.
Dans mes rets. Comparez Ézéchiel 12.13.
Dans les versets 22 à 24 s’ouvrent, en opposition à cet abaissement profond, les glorieuses perspectives du royaume messianique.
Je prendrai, moi. Dieu oppose ce qu’il fera, lui, à ce qu’a fait Nébucadnestar. Celui-ci a transplanté la cime du cèdre (le rejeton de la maison royale de Juda) en Babylonie. Dieu prendra de l’extrémité de l’une de ses branches un faible rameau, qu’il replantera dans le sol d’Israël et qui, devenant un cèdre plus grand que tous les autres arbres, abritera la terre entière. Il est évident qu’Ézéchiel ne peut penser ici qu’au Messie et à son règne universel. Déjà Ésaïe avait représenté, Ésaïe 12.1, le Messie comme un rejeton surgissant des racines du tronc d’Ésaïe (le père de David) et Ésaïe 53.2, comme un rejeton s’élevant d’une terre aride devant l’Éternel. Toutes ces images expriment l’état d’abaissement où se trouvera la maison royale au moment où en sortira le Messie.
Un cèdre majestueux. Le Messie, né pauvre, grandira jusqu’à être couronné d’une gloire divine ; c’est ce qu’avait prédit Ésaïe 9.5-6 et ailleurs.
Tout passereau, tout oiseau : ces expressions désignent les divers peuples de la terre, petits et grands, venant successivement s’abriter sous la puissance du Messie ; comparez Ésaïe 2.2-4 ; Ésaïe 11.10 ; Ésaïe 49.6 et ailleurs ; Psaumes 2.8 ; Daniel 2.35 ; enfin l’application que fait le Seigneur de cette image dans la parabole du grain de sénevé, Matthieu 13.31-32.
Tous les arbres des champs : tous les rois de la terre (Juges 9.7 et suivants). Ils reconnaîtront dans le Messie le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs ; comparez Ésaïe 52.13-15.
L’arbre élevé n’est pas ici, comme on pourrait se le figurer, le roi de Babylone et la puissance païenne. D’après tout ce qui précède, Ézéchiel désigne par cette expression la maison royale de Juda si glorieuse autrefois et qui, en la personne de Sédécias, allait descendre au dernier degré de l’abaissement.
L’arbre bas est cette même maison royale qui, relevée dans la personne du Messie, atteindra en lui un degré de gloire et de puissance, non seulement égal, mais supérieur à son élévation passée.
L’arbre vert, que Dieu fait sécher, est cette même famille royale frappée de stérilité en la personne de Jéhojachin, resté sans fils qui pût lui succéder (Jérémie 22.30, note) et en celle de Sédécias, dont tous les fils furent égorgés à Ribla (2 Rois 25.7).
L’arbre sec qui verdit est le Messie qui, comme l’avait déjà prédit Ésaïe, aura une postérité, innombrable. Anne, la mère de Samuel, avait déjà proclamé, la loi du gouvernement divin dont Ézéchiel fait l’application dans ce passage (comparez 1 Samuel 2.4-8) et que Marie, la mère du Messie, célébrera de nouveau à l’occasion de sa naissance (Luc 1.51-53).