Verset à verset Double colonne
Ces deux chapitres contiennent quatre tableaux représentant le relèvement du peuple de Dieu, qui semblait avoir reçu le coup de mort. Dans le premier (Ézéchiel 36.1-15), l’Éternel se tourne vers les montagnes d’Israël pour leur annoncer la future restauration de son peuple. Ce tableau est de tout point le pendant du précédent. Dans les versets 1 à 6, le prophète rappelle à ces montagnes personnifiées le mépris profond que les païens ont toujours témoigné pour elles ; dans les versets 7 à 12, il leur annonce qu’elles vont recouvrer leur fertilité et leurs habitants ; enfin les versets 13 à 15 célèbrent la réhabilitation de la terre d’Israël aux yeux du monde entier.
Et toi, fils d’homme. Ce n’est pas ici un nouveau discours ; c’est la continuation et le complément du précédent.
Les collines éternelles. Aux montagnes du pays d’Israël se rattachait, comme nous l’avons dit, toute l’histoire des relations de Dieu avec son peuple dès les temps les plus antiques (ceux des révélations patriarcales) ; comparez, pour le terme même, Genèse 49.26 ; Deutéronome 33.15 ; Habakuk 3.6 ; et pour le sens, Psaumes 121.1 ; Psaumes 125.1 ; Psaumes 125.2.
Vu et attendu. C’est la forme juridique d’un considérant de sentence, comme déjà Ézéchiel 13.10.
Ce qui reste des nations. Ces mots supposent que le jugement que Nébucadnetsar devait exercer sur les nations voisines d’Israël, est déjà accompli. Ce qui reste de ces populations, de Moabites, de Philistins et surtout d’Édomites, aspire à se partager l’héritage du peuple de Dieu.
Aux malins propos. Ces nations se moquent du Dieu d’Israël, qui n’a pas pu défendre son pays et son peuple contre les conquérants païens.
Pour en achever le pillage : après que les Chaldéens ont enlevé le meilleur du butin.
Dans ma jalousie. C’est de l’honneur du pays que Dieu avait donné à son peuple, qu’il est jaloux.
Il est près de venir. Ces mots s’appliquent au peuple, dont le retour approche.
La maison d’Israël tout entière : les membres maintenant dispersés du royaume des dix tribus et de celui de Juda. Ce ne fut pas seulement la Judée, mais aussi la Galilée qui se trouva repeuplée à la suite du retour de l’exil.
Ils te posséderont. Le prophète s’adresse, non plus aux montagnes, mais au pays lui-même.
Tu ne les priveras plus.
Il semble qu’il y ait ici une allusion a cette parole des espions qui, décriant le pays de Canaan devant les enfants d’Israël, disaient : C’est un pays qui consume ses habitants (Nombres 13.33). Cette parole de mépris devait être et rester fausse, tant que Dieu bénissait son peuple ; mais elle pouvait devenir vraie par la faute du peuple, s’il forçait son Dieu à le châtier ; et c’est ce qui avait eu lieu. Mais il n’en sera plus ainsi désormais ; relevé spirituellement, Israël ne sera plus dévoré par son pays.
Cette expression figurée de dévorer peut se rapporter soit à la nature du pays qui, pour peu que la pluie manque, devient aussitôt d’une extrême stérilité, ou bien aussi à sa situation, qui en faisait le lieu de passage de tous les conquérants venant du nord ou du sud. Par l’une et par l’autre de ces raisons, il n’y a peut-être pas de pays qui, plus aisément que Canaan, pût devenir pour ses habitants, au premier signe de la volonté divine, soit un Éden, soit un tombeau.
Dans ces mots : Tu ne les priveras plus, l’action de Dieu par le moyen du pays est attribuée au pays lui-même.
Tu as dévoré, littéralement : dévoreuse d’hommes, toi et privant d’enfants ta nation. Voir verset 12, note.
Rien ne justifiera plus la mauvaise réputation que l’on a faite dans le monde à la terre d’Israël.
Les derniers mots signifieraient d’après le texte reçu : Tu ne feras plus broncher la nation ; comme si c’était le pays qui avait entraîné le peuple dans le péché et dans le malheur. Ce sens peut s’appuyer sur le verset 15. Mais la transposition d’une seule lettre conduit au sens que nous donnons dans la traduction, sens que paraissent exiger le parallélisme avec le premier membre de phrase et la relation avec le verset 13.
Tu ne feras plus broncher. C’est sans doute la ressemblance des termes theschakkeli (tu as privé d’enfants) et thakeschili (tu as fait broncher), qui amène ici ce dernier verbe. Israël n’aurait pas perdu ses enfants, s’il n’avait pas bronché ; et la terre de Canaan pouvait bien être accusée de l’avoir fait broncher, puisque c’étaient les restes des anciens Cananéens qui avaient commencé à entraîner Israël dans l’idolâtrie.
Après s’être adressé aux montagnes et à la terre d’Israël, Dieu parle maintenant au peuple lui-même. Son relèvement national sera suivi de sa régénération morale, laquelle amènera un état de parfaite félicité. L’Éternel fera tout cela pour sa propre gloire. C’est donc ici l’indication de la manière en laquelle s’accompliront les promesses renfermées dans le discours précédent.
Les versets 16 à 24 sont un préambule : Les péchés du peuple ont contraint l’Éternel à le disperser hors de son pays, ce qui a terni l’honneur de son nom aux yeux des païens. Mais c’est précisément là le motif de l’œuvre de grâce que Dieu promet dans le passage suivant, versets 22 à 32, qui est le centre du discours : en vue de l’honneur de son nom, compromis par la ruine de son peuple, Dieu ramènera Israël, puis le convertira. De là résultera enfin (versets 33 à 38) la transformation du pays lui-même en un Éden.
Il y a évidemment une relation établie entre la souillure dont il est parlé verset 17 et le sang criminellement répandu, verset 18.
Ils ont déshonoré mon nom : non par les péchés qu’ils ont commis chez les païens, mais, comme le prouve la suite, par le fait même de la captivité. Car, en voyant ce peuple conduit en exil, les païens ne se disaient pas : c’est son Dieu qui le châtie ; ils se figuraient que ce Dieu était impuissant à le protéger contre leurs ennemis. Voir Ésaïe 48.9-11.
J’ai eu pitié de mon saint-nom. C’est la transition à la promesse. Dans cette expression frappante et paradoxale, Dieu fait de son nom quelque chose de distinct de lui-même. C’est qu’en effet son nom est sa manifestation et son reflet dans la conscience des créatures. Quand ce reflet pâlit, Dieu sait bien ce qui en résulte pour la créature elle-même. Sa pitié pour son nom est donc au fond sa compassion pour les hommes. C’est pour cela que Luther et d’autres ont cru pouvoir traduire : J’ai eu pitié pour l’amour de mon saint nom.
Chez lesquelles ils sont allés. Cette expression est répétée plusieurs fois, parce que c’est là le fait par lequel le nom de Dieu a été déshonoré.
La promesse du salut (comparez Ézéchiel 11.19-20 ; Jérémie 31.31-34)
Ce n’est pas à cause de vous. Le Seigneur parle de l’œuvre qu’il va décrire dans les versets 23 et suivants. Afin de couper court à toute satisfaction propre et à toute vanterie de la part, d’Israël, à l’occasion des bienfaits incomparables qu’il va lui accorder, Dieu explique que c’est par égard pour son nom déshonoré qu’il les graciera de la sorte. Le salut est-il donc pour Dieu affaire d’intérêt propre ? Non ; car son nom (sa révélation parfaite) est le trésor le plus précieux de la créature.
Je sanctifierai mon grand nom. Il le fera resplendir aux yeux des hommes dans sa sainte majesté par trois œuvres successives :
En vous, à vos yeux. Il n’est pas nécessaire de modifier le texte pour traduire : à leurs yeux (ceux des nations). Chacun contemplera l’œuvre de sainteté accomplie chez ses frères, comparez Ésaïe 29.23.
Rassemblement et retour du peuple.
Purification et régénération du peuple.
Une aspersion d’eaux pures. Cette image est empruntée au culte israélite (comparez Nombres 19.17-19). La tache résultant d’un attouchement impur ne pouvait être nettoyée que par la lustration prescrite pour ce cas. C’est à ce fait que font allusion Psaumes 51.9 et Zacharie 13.1. L’eau pure est à la fois un emblème du pardon de la part de Dieu et de la rupture avec le mal de la part du pécheur, ainsi de la repentance et de la grâce. Jean-Baptiste avait probablement en vue cette parole, quand il instituait le baptême comme préparation du peuple au royaume de Dieu.
Il ne suffit pas à la sainteté divine de détruire le mal ; elle veut encore rétablir le bien. C’est ce qu’elle ne peut opérer que par un changement intérieur et radical, la création d’un cœur nouveau.
Le cœur naturel de l’homme est comparé à un cœur de pierre, c’est-à-dire insensible aux attraits divins (voir Ézéchiel 11.19), le cœur nouveau à un cœur de chair, que les bienfaits et les châtiments de Dieu touchent profondément (voir même passage). C’est ici l’œuvre de l’envoi du Saint-Esprit qui ne s’est pas accomplie pour la masse du peuple juif, par sa propre faute.
Ce cœur nouveau produit une conduite nouvelle, conforme à la volonté divine. Toute cette œuvre est attribuée à l’Esprit de Dieu, qui pourra agir efficacement dans un peuple rendu docile par l’humiliation.
La prospérité extérieure qui couronnera ce changement moral.
Et vous habiterez dans le pays. C’est la réalisation de la bénédiction promise aux montagnes d’Israël dans le discours précédent. La promesse est adressée ici au peuple lui-même.
Et d’abord plus de séparation, mais union intime entre Dieu et son peuple.
Puis, pas de retour aux anciens péchés ; par conséquent, plus de famine pour châtier les pécheurs, mais la plus riche abondance.
L’opprobre dont Dieu parle ici, est celui qu’attiraient sur Israël les fréquentes famines auxquelles l’exposait la nature de son pays (voir versets 12 à 15, note). C’est un peuple d’affamés disait-on. Sans doute Israël dut aller bien des fois, dans le cours de son histoire, chercher du pain en Égypte comme au temps des patriarches. Car la fertilité de l’Égypte ne dépendait pas des pluies locales, comme celle de la terre de Canaan.
À la Suite de cette bénédiction extraordinaire, Israël est saisi de honte et de dégoût pour ses iniquités précédentes. C’est là enfin la vraie repentance, celle qui résulte non de la crainte, mais de la reconnaissance et de l’amour ; c’est l’enfant prodigue s’écriant, non plus sur la terre étrangère, mais dans les bras de son père : Père, j’ai péché.
Un dernier mot dans lequel s’exprime encore une fois la pensée fondamentale de tout ce discours : Israël n’a pas à se glorifier de ce salut, dont le but est l’honneur de Dieu lui-même. Toutes choses sont de Lui, par Lui et pour Lui (Romains 11.36). C’est ce que son peuple doit se rappeler, même parvenu au faîte du bonheur.
Conclusion : la restauration éternelle du pays. Tout ce tableau est le développement de la promesse sommaire, versets 29 et 30. Il serait une répétition oiseuse, s’il n’était destiné à servir de pendant à celui de la désolation d’Édom.
Le jour où je vous purifierai. Ces mots rappellent la relation étroite entre le renouvellement spirituel du peuple et la splendeur de l’état nouveau du pays.
C’est le pendant de Ézéchiel 35.4 ; Ézéchiel 35.7.
Pendant de Ézéchiel 35.10 ; Ézéchiel 35.12, où se trouve dans la bouche des Édomites le dire opposé.
Comme places fortes : pour toujours à l’abri de toute surprise, comme le seraient des villes fortifiées.
Les nations qui seront demeurées : après le jugement dont le monde païen aura été frappé ; comparez versets 3 et 5.
J’ai rebâti…, planté… C’est Dieu qui a tout fait, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur ; pendant de Ézéchiel 35.11.
Non seulement le pays sera rétabli, mais le peuple recevra un accroissement merveilleux.
Je me laisserai chercher. Le contraire de Ézéchiel 14.3.
Je multiplierai les hommes. La plus grande partie du peuple avait péri dans la catastrophe nationale et un bien petit nombre seulement étaient revenus de la captivité. Dieu invite le peuple à lui demander l’accroissement qu’il doit désirer.
Des troupeaux de brebis saintes. Le terme traduit par troupeau comprend tout le menu bétail, chèvres, moutons, béliers ; c’étaient les animaux destinés aux sacrifices ; de là l’épithète de saintes.
Dans ses fêtes solennelles. 2 Chroniques 35.7, il est parlé de 30 000 agneaux et chevreaux et de 3000 bœufs que Josias fit venir à Jérusalem pour la fête de Pâques.
Cette image exprime à la fois l’abondance et la sainteté de cette population nouvelle qui remplira le pays d’Israël (Michée 2.12). Le retour du peuple après la captivité a certainement été le commencement de l’accomplissement de ces promesses. Israël rentra dans son pays et il y vint purifié de ses instincts idolâtres et fermement attaché à son Dieu ; ce renouvellement moral fût bientôt suivi d’une certaine bénédiction temporelle. Mais ce n’était là qu’un point de départ. Le peuple n’était pas réellement converti et cet état nouveau, au lieu d’aboutir à la régénération complète et à la gloire finale, conduisit le peuple, sur le chemin de l’orgueil contre lequel tant de paroles dans cette prophétie même le mettaient en garde, à une chute nouvelle et à un châtiment plus sévère. Voilà pourquoi la promesse n’est pas accomplie. Mais elle n’est pas abolie pour cela. À la suite de cette longue interruption, un jour viendra où la grâce reprendra son cours et où les promesses de Dieu seront pour Israël aussi oui et amen en Christ.