Verset à verset Double colonne
1 Et Jacob entendit les propos des fils de Laban, qui disaient : Jacob a pris tout ce qui appartient à notre père, et c’est de ce qui appartient à notre père qu’il s’est fait toute cette richesse.Première cause : jalousie des fils de Laban.
Seconde cause : jalousie et mécontentement de Laban.
Troisième cause : un ordre de Dieu. C’est cette révélation divine que Jacob racontera à ses femmes avec plus de détails dans les versets 10 à 13.
Un changement paraît être intervenu dans sa convention avec Laban (comparez verset 7), car d’après Genèse 30.35-36 Jacob ne s’occupait que des troupeaux de Laban et c’étaient les fils de Laban qui s’occupaient des siens. Maintenant chacun soigne son propre troupeau. Comparez verset 19.
Laban est irrité contre moi, veut dire Jacob. Il n’en a pourtant pas le droit, puisque c’est Dieu lui-même qui m’a enrichi et puisque je me suis acquitté fidèlement de tous mes devoirs (versets 5 et 6). C’est bien plutôt moi qui devrais m’irriter, car Laban a cherché de toutes manières à me léser, mais sans y réussir (verset 7). Les versets 8 et 9 développent les deux idées du verset 7.
Nous ne connaissons pas le détail de ces changements, que Jacob ne fait qu’indiquer ici.
Deux exemples de ces changements par lesquels Laban avait modifié et même restreint, le salaire primitivement promis à Jacob, mais que la bénédiction divine avait rendus impuissants.
Plusieurs pensent, que ce récit combine deux songes qui auraient eu lieu l’un au commencement, l’autre à la fin du séjour de Jacob en Mésopotamie. Mais il est plus naturel de voir ici la communication divine mentionnée verset 3, qui a eu lieu vers la fin du séjour de Jacob dans cette contrée.
Dieu veut montrer par là à Jacob que c’est à lui qu’il doit que le renouvellement du troupeau se soit produit comme si les béliers eussent été de la couleur favorable aux intérêts de Jacob. Dieu sanctionne donc le résultat obtenu, mais non les moyens employés. Il semble même dire à Jacob que ces moyens n’y ont été pour rien et que c’est sa volonté de le protéger contre l’injustice de Laban qui a été la cause réelle de ce résultat.
L’ange de Dieu. Rien ne prouve que ce soit ici l’ange de Dieu dans le sens le plus élevé de ce mot. Il s’agit de l’envoyé céleste quelconque que Dieu emploie dans cette occasion. Voir l’appendice du chapitre 21.
J’ai vu tout ce que te fait Laban. Laban avait continué à être un instrument pour faire sentir à Jacob combien il est douloureux d’être trompé ; mais il n’en méritait pas moins d’être puni.
Rachel et Léa veulent dire nous n’avons plus rien à attendre de notre père (verset 14), car il a fait de nous des étrangères en nous vendant et en mangeant seul les bénéfices qui lui en sont revenus (verset 15).
Puisqu’il nous a vendues. Sans doute c’était l’usage en Orient que le fiancé fit un don au père de la fiancée (comparez Genèse 29.18) ; mais il y avait eu une dureté excessive de la part de Laban à exiger pour remplacer ce don quatorze années de travail personnel, surtout de la part d’un parent.
Mangé notre argent. L’expression qu’elles emploient est très énergique et pourrait se traduire par : Il a mangé et mange encore…
Autre raison pour laquelle elles n’ont plus rien à attendre de leur père : Dieu lui-même a agi en leur faveur et a mis entre les mains de Jacob l’héritage qui devait leur revenir. Le car de ce verset ne doit donc pas se traduire par mais, comme on l’a fait souvent ; il introduit une seconde preuve qu’elles n’ont plus de raisons pour rester avec leur père.
Allé tondre. La tonte durant plusieurs jours, Jacob eut tout le loisir de préparer sa fuite.
Les théraphim. On pourrait traduire aussi le théraphim, car ce mot, comme Elohim, a la même forme au singulier et au pluriel. Ce mot vient, selon les uns, de l’arabe tarafa, jouir des biens (les dieux propices) ; selon d’autres, du syriaque teraph, rechercher les (dieux qu’on consulte).
Les théraphim, analogues aux dieux pénates des Romains, étaient des divinités domestiques de forme humaine (1 Samuel 19.13) et de diverses grandeurs. Peut-être étaient-ce primitivement des images des ancêtres. Ils servaient à consulter l’avenir et le bien-être de la famille était lié à leur possession ; aussi comprend-on que Rachel les emporte avec elle, tout comme, dans l’Enéide, nous voyons Enée emporter ses dieux pénates. D’après Josèphe, il était encore de mode dans cette même contrée, au premier siècle après Jésus-Christ de posséder des dieux domestiques, qu’on emportait avec soi quand on quittait son pays.
Jacob se déroba à Laban ; littéralement : déroba, ou trompa le cœur de Laban.
L’Araméen. Cette épithète donnée deux fois à Laban (comparez verset 21) caractérise le moment décisif où les deux lignées descendues de Thérach se séparent définitivement : la syrienne ou araméenne, représentée par Laban et l’israélite, par Jacob.
Le fleuve : l’Euphrate, dont le nom babylonien, Purat, signifie fleuve.
Montagne de Galaad : la contrée montagneuse qui s’étend entre le Jarmuk (rivière qui se jette dans le Jourdain un peu au sud du lac de Génésareth et le Jabbok (à un peu plus de la moitié de la distance entre le lac de Génésareth et la mer Morte). Plus tard, ce nom servit à désigner tout le pays à l’orient du Jourdain.
Aujourd’hui encore, un massif de montagnes situé à huit kilomètres au sud du Wadi-Zerka (Jabbok) porte le nom de Déebel Gilâd. Sur le sens de ce mot, employé ici par anticipation, voir au verset 47.
Le troisième jour. Il a été dit plus haut (Genèse 30.36) que les troupeaux de Jacob étaient à trois journées de distance de ceux de Laban.
Ses frères : les gens de sa tribu. Comparez Lévitique 10.4 ; 2 Samuel 19.12.
Sept journées. Il y a en droite ligne une distance de 510 kilomètres entre Charan et la montagne de Galaad. Une troupe qui s’avance à marches forcées, comme Laban et ses gens, peut, à la rigueur, franchir cet espace en sept jours. Jacob allait plus lentement avec toute sa caravane, mais il avait eu le temps de prendre une grande avance sur Laban. En effet, depuis le moment de son départ, les messagers employèrent trois jours pour aller trouver Laban ; ce dernier dut mettre trois jours à revenir et il lui fallut encore un certain temps pour faire ses préparatifs de départ. Ainsi Jacob a pu marcher au moins quatorze jours avant d’être atteint.
Ni en bien ni en mal : Garde-toi de lui faire ni bien ni mal ; on ne te demande pas l’un, on t’interdit l’autre.
Au moment où Laban atteignit Jacob, celui-ci était campé avec ses troupeaux sur le plateau de Galaad. Laban, après avoir aussi dressé sa tente en face de lui, vient le trouver. Le plus-que-parfait avait dressé, qui est répété deux fois, est clairement indiqué par la forme du verbe hébreu.
Montagne de Galaad. Cette seconde expression précise la première, la montagne, qui laissait le lieu dans le vague.
Mes fils : mes descendants, les enfants de Jacob.
Tu as agi follement : contre ton intérêt. L’explication se trouve au verset suivant : il aurait pu le massacrer.
Dieu de votre père : du père de Jacob et des siens : le Dieu de leur tribu.
Le départ de Jacob est encore excusable, mais non l’enlèvement des dieux de Laban.
Ne vivra point. Le patriarche avait droit de vie et de mort sur les siens (Genèse 28.21).
Nos frères. Voir verset 23, note
Il sortit de la tente de Léa et entra… Il visita donc la tente de Rachel avant celle des servantes, mais cette visite est racontée la dernière parce que c’est à elle que se rattache l’entretien suivant.
Selle à chameau. Sorte de palanquin d’environ cinq pieds de long, protégé par des rideaux et qu’on plaçait sur la selle du chameau. Dans le campement, ce siège servait de lit de repos. Souvent aussi on s’asseyait sur un siège dans une corbeille fixée de chaque côté de la selle.
Jacob, en apparence justifié, s’indigne et triomphe ; et il profite de l’occasion pour mettre dehors dans un style véhément tous ses griefs contre son beau-père.
D’après la loi, qui fut rédigée plus tard, le gardien du troupeau n’était pas tenu de restituer une bête déchirée s’il pouvait la produire, ni un animal enlevé par les voleurs, s’il pouvait jurer qu’il ne se l’était pas approprié. Comparez Exode 22.10-13.
Ce qui avait été dérobé de nuit. L’équité disait que ce qui avait été dérobé de nuit était encore bien moins exigible que ce qui avait été pris de jour.
Le froid. Dans les pays chauds les nuits sont très fraîches.
Mon sommeil : celui auquel j’avais droit.
Dieu de mon père : le Dieu de ma famille, ou : mon Dieu de famille, en opposition à celui ou à ceux qu’adorait Laban. Comparez les expressions Dieu de votre père et mes dieux emloyées par Laban versets 29 et 30. Les deux termes suivants précisent cette expression générale.
Dieu d’Abraham. C’était depuis Abraham que s’était faite la séparation entre les deux religions.
La Frayeur d’Isaac : celui que redoute Isaac. Isaac n’avait pas avec Dieu les mêmes rapports intimes qu’Abraham. La première cause de cette impression de terreur que produisaient sur Isaac les apparitions de Dieu avait peut-être été le sacrifice sur Morija (chapitre 22).
Il a prononcé : par le songe du verset 24.
Laban, vaincu et confus de son accusation qu’il croit fausse, se calme. Il rappelle qu’il pourrait exercer sa vengeance sur tout ce camp désarmé, d’autant plus que toutes ces richesses procèdent de lui ; mais l’amour paternel ne lui permet pas d’en agir de la sorte.
Un témoin. Ici, ce sera un monument de pierre.
Il faut se représenter une grande pierre debout, autour de laquelle on élève un monceau de pierres.
Ses frères : soit ses compagnons (comparez verset 23), soit plutôt ses beaux-frères, les fils de Laban. Les versets 51 et 54 sont en faveur de cette seconde alternative.
Ils mangèrent là. Manger ensemble est en Orient un signe d’amitié. Ce repas, qui a lieu avant le traité, est probablement offert par Laban. Voir au verset 51 le repas donné par Jacob après le traité.
Jégar-Sahadutha ; Galed. Ces noms, l’un araméen, l’autre hébreu, signifient tous deux monceau du témoignage. On est étonné de cette différence de langues qui s’est formée en si peu de temps (trois générations). Il est bien probable qu’Abraham et ses enfants avaient adopté la langue des Cananéens, qui était sémitique comme l’araméen. Il est également frappant qu’après avoir été vingt ans chez Laban, Jacob reprenne sa propre langue aussitôt après son départ. C’est qu’il s’agit maintenant d’une séparation définitive entre les deux races, Comparez verset 20, note.
C’est Laban qui, en qualité de plus âgé, indique la signification du monument. Cette parole est la paraphrase des deux noms donnés au verset 47.
Le nom de Galaad, donné plus tard à cette contrée, dérive de Galed.
À cette première parole, Laban en ajoute une seconde, qui a un caractère plus menaçant. Les deux noms de Galed et de Mitspa (tour d’observation), qui restèrent attachés à ce monument, rappelèrent ces deux paroles de Laban.
Mitspa est ici le Mitspa de Galaad, dont il est parlé Josué 13.26 et Juges 11.29.
Dieu… sera témoin. Ici ce sera Dieu lui-même et non le monument, qui sera témoin, car il n’est plus question de frontière, mais de la conduite subséquente de Jacob.
Après cette digression relative à ses filles (versets 49 et 50), Laban revient à la délimitation des frontières.
Que j’ai dressé. D’après les versets 45 et 46, c’était Jacob qui avait dressé le monument et fait amasser des pierres. Mais c’était Laban qui avait pris l’initiative (versets 44, 47, 48) et c’étaient probablement ses fils (les frères de Jacob) qui avaient formé le monceau.
Cette démarcation devait être valable non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leur postérité.
Cette parole de Laban est entachée de polythéisme. Il se représente Thérach ayant plusieurs dieux, dont ses fils ont chacun adopté l’un. Comparez une pensée analogue dans Josué 24.2. Jacob s’en tient au monothéisme strict en jurant par la Frayeur de son père. Voir verset 42, note.
Ses frères : ses beaux-frères, fils de Laban et naturellement aussi Laban lui-même.
Un repas. C’est ici le repas qui suivait les sacrifices. Laban et ses fils n’ayant pas rompu avec le Dieu d’Abraham, Jacob pouvait les y inviter.
Dans le texte hébreu, ce verset est le premier du chapitre 32.