Verset à verset Double colonne
1 Et il arriva, après deux ans entiers, que Pharaon eut un songe. Voici il se tenait près du fleuve ;Nous trouvons dans tout ce récit de nombreux indices qui prouvent avec quelle exactitude les idées et les mœurs égyptiennes sont reproduites jusque dans les détails.
Fleuve : dans le texte, jéor. Ce mot n’est point hébreu, mais égyptien ; en copte, jéro ; on l’a retrouvé dans les inscriptions sous la forme de aur.
Sept vaches. Ce songe a une couleur tout égyptienne. On peut voir encore chaque jour dans ce pays des vaches se baigner dans le fleuve les sept vaches sont représentées chaque fois sortant du Nil, parce que les crues variables de ce fleuve étaient la cause de la plus ou moins grande fertilité du sol égyptien. Peut-être la vache est-elle choisie comme emblème, parce qu’elle était l’animal consacré à Isis, qui représentait la terre fertilisée.
Dans la prairie : en hébreu, le achou, proprement la verdure du rivage. Ce mot égyptien désignait les joncs et autres plantes de marais qui croissent sur le bord du fleuve.
Le bord, littéralement la lèvre du fleuve, tournure absolument égyptienne, qu’on retrouve encore aujourd’hui dans la langue copte.
Dévorèrent les sept vaches… : au lieu de paître l’herbe de la prairie.
Le même fait présenté sous une autre forme. Cette répétition montre qu’il s’agit de quelque chose d’important. Comparez verset 32.
Sept épis. Cette image est encore plus voisine de la réalité.
Vent d’orient : plus spécialement du sud-est, direction qui ne peut être indiquée en hébreu ; en Égypte, c’est de ce côté-là que souffle le vent brûlant appelé chamsin.
Voici c’était un songe. La chose s’était présentée d’une manière si vivante à son esprit, qu’il l’avait crue vraie.
Les scribes et les sages faisaient partie du corps sacerdotal égyptien. Ils écrivaient les hiéroglyphes ; aussi les voit-on représentés portant avec eux le matériel nécessaire ; ils étaient chargés des observations astronomiques et du cadastre, si important en Égypte pour rétablir les limites des domaines après les inondations. Ils exerçaient en même temps l’astrologie et la magie, annonçaient l’avenir et interprétaient les songes. Le roi en avait toujours un certain nombre dans son conseil ; dans des cas extraordinaires comme celui-ci, on convoquait en outre ceux des grands collèges de prêtres de l’Égypte.
Son songe : les deux songes en étaient un seul par leur signification.
L’interpréta : en hébreu, les interpréta.
Mes fautes : celles qui lui avaient attiré son emprisonnement.
La fosse. Voir Genèse 40.15, note.
On le rasa, Pour être pur, il fallait être complètement rasé ; on ne laissait croître la barbe et les cheveux qu’en signe de deuil. C’était le contraire chez les Israélites. Ce trait est donc parfaitement égyptien. Il est vrai que l’on trouve souvent sur les momies de petites barbes et des chevelures abondantes, mais ces insignes étaient postiches.
Mit d’autres habits. Cela aussi faisait partie des rites de la purification. On lui donna probablement des vêtements de lin.
Sept années de famine. On a supposé que ce chiffre sept était symbolique, car, dit-on, sept années successives de famine sont quelque chose de contraire aux lois de la nature. Mais ce fait n’est pas sans analogie en Égypte ; Ovide parle d’une famine de neuf ans et un historien arabe rapporte qu’au moyen-âge il y eut dans ce pays une famine de sept ans (de 1064 à 1071). Il suffit pour que la récolte manque que la crue du Nil soit inférieure à seize coudées (8 mètres), et cela, peut arriver plusieurs années de suite.
Qu’il impose du cinquième. Chaque année, au moment de l’inondation, les prêtres fixaient le taux de l’impôt de l’année d’après les revenus probables de chacun. Joseph, comptant sur un revenu annuel très considérable, conseille de fixer dès l’abord un impôt très fort, afin d’amasser dans les vastes greniers du roi des provisions qui seront vendues au peuple dans les années de famine.
À la disposition de Pharaon : dans les greniers du roi. Il y avait de ces greniers dans toutes les villes principales (comparez verset 48). C’étaient des bâtiments composés de plusieurs chambres coniques, qui se remplissaient par le haut.
Le plus sage des interprètes est tout désigné pour devenir le gouverneur suprême.
Obéira à ta bouche : à tes ordres. On a traduit aussi : embrassera ta bouche, mais à tort, car le baiser d’hommage ne se donnait pas sur la bouche. Le premier ministre de Pharaon est appelé dans une inscription de la 18e dynastie grande bouche supérieure.
Anneau. On a retrouvé dans les tombeaux une grande quantité d’anneaux ; tout Égyptien d’un rang élevé en portait un. Il s’agit ici du sceau royal, qui conférait une autorité égale à celle du roi et que le premier ministre portait aussi en Perse (Esther 3.10 ; Esther 8.2).
Il semble que Pharaon ait créé cette charge pour Joseph, puisque jusqu’alors il portait lui-même cet anneau ; c’était peut-être une sorte de dictature à côté des fonctions ordinaires exercées par le premier ministre.
Habits de fin lin. C’étaient les vêtements des prêtres.
Collier d’or. Les dieux, les rois et les personnages illustres sont toujours représentés avec un large collier pendant sur la poitrine. Ces colliers à plusieurs rangs étaient formés d’objets symboliques, tels que poissons sacrés, lézards, yeux d’osiris, fleurs de lotus, etc. ; le tout réuni par des chaînes d’or artistement travaillées au lacet.
Cortège officiel pour introduire solennellement Joseph dans sa charge aux yeux de tout le peuple.
À genoux. Il y a dans l’original un mot égyptien, abrek, sur la signification duquel on a été longtemps indécis. On sait maintenant que abrok, signifie en ancien égyptien : Jette-toi à terre. Il y a un rapport de son entre ce mot et le mot hébreu barak, agenouiller. On rapporte que abrok est le mot qu’emploient encore aujourd’hui les chameliers pour faire agenouiller leurs chameaux.
Tsaphnath-Panéach. Les LXX transcrivent ce mot Psomthomphanech, forme qui paraît être plus voisine de la forme égyptienne. Saint Jérôme le traduisait : Sauveur du monde (en copte, p-sot-om-ph-enech). Les égyptologues modernes traduisent plutôt : soutien de la vie (pe-net-em-p-anch). L’égyptologue Brugsch a proposé une autre traduction basée sur la forme hébraïque du mot : Gouverneur de la circonscription de la ville de la vie ; c’est-à-dire de la province séthroïtique, dont le chef-lieu était appelé dans la langue sacrée la ville de la vie.
Asnat. Ce nom égyptien signifie probablement : qui appartient à Néith (la Minerve des Égyptiens). D’autres l’ont rapproché du nom de femme Sant ou Snat, très fréquent dans les inscriptions, mais dont on ignore l’étymologie.
Fille de Potiphéra. Potiphéra signifie en égyptien : consacré à Ra, le dieu du soleil. Ce nom est donc probablement le même que celui de Potiphar (comparez Genèse 37.30, note) et les LXX l’ont entendu ainsi, puisqu’ils rendent les deux noms par Pétéphrès.
Ce n’est pas à dire que l’auteur ait confondu les deux personnages ; ce nom pouvait être un titre honorifique porté par plusieurs seigneurs.
Sacrificateur d’On. La ville d’On, en égyptien An, située dans la Basse-Égypte à l’entrée du Delta, fut nommée plus tard en grec Héliopolis, ville du soleil. Ce dernier nom semble être la traduction du nom sacré de cette ville. C’était le siège essentiel du culte du soleil ; c’était, là qu’était le plus vénéré des trois collèges de prêtres de l’Égypte (On, Thèbes et Memphis).
Il y avait dans les temples de la ville et sur les places qui les entouraient un grand nombre d’obélisques (images des rayons solaires), dont l’un, en granit rouge, est encore debout aujourd’hui ; il date de la douzième dynastie et est ainsi antérieur à Joseph. Voir encore Ésaïe 19.18-19, notes.
En faisant entrer Joseph dans la classe des prêtres par ses fonctions et par son mariage et en changeant son nom, Pharaon faisait de lui un Égyptien.
Trente ans. Il était donc depuis treize ans en Égypte (Genèse 37.2).
Cette élévation subite d’un esclave à la dignité de premier ministre n’a rien d’étonnant en Égypte. Les inscriptions abondent en récits analogues. En particulier, une stèle conservée à Turin parle d’honneurs et de présents dont fut comblé un esclave qui avait plu au roi.
À pleines mains. Expression très exacte : la moisson se faisait en prenant les épis par poignées et en coupant la tige un peu au-dessous de l’épi.
Tous les vivres, c’est-à-dire la cinquième partie, dont il a été parlé verset 31.
Dans les villes. Voir verset 35, note.
On cessa de compter. Dans toutes les scènes de moisson que l’on voit sur les monuments, l’un des personnages essentiels est un scribe qui inscrit le nombre des gerbes rentrées.
Le mot Manassé vient d’une racine qui signifie oublier.
M’a fait oublier… la maison de mon père. Calvin et d’autres voient dans ces paroles le signe d’une déchéance morale chez Joseph ; d’autres entendent par la maison de son père les chagrins qu’il y avait eus.
Plus simplement : Dieu, en accordant à Joseph une famille en Égypte, lui a donné des objets d’affection qui remplacent enfin pour son cœur la maison paternelle. Comparez Genèse 2.24.
Éphraïm signifie probablement double fertilité : Joseph a maintenant une double postérité.
Fut affamé. Les auteurs anciens nous ont laissé des descriptions épouvantables de la famine en Égypte. Dans des moments pareils, on en venait jusqu’à manger de la chair humaine et les autorités étaient impuissantes à empêcher ces atrocités.
Toute la terre : les gens de toutes les contrées d’alentour.