Verset à verset Double colonne
Melchisédek, sacrificateur à perpétuité
Sacrificateur du Dieu très haut, il bénit Abraham et leva sur lui la dîme ; son nom le désigne comme roi de justice et de paix ; sans origines humaines, mais assimilé au Fils de Dieu, il est investi d’un sacerdoce éternel (1-3).
Melchisédek comparé aux fils de Lévi
L’auteur invite ses lecteurs à considérer la grandeur de celui qui reçut d’Abraham la dîme. Les lévites, qui lèvent la dîme sur leurs frères, sont issus d’Abraham. En levant la dîme sur Abraham et en le bénissant, Melchisédek a prouvé sa supériorité sur le patriarche. La dîme perçue par les lévites l’est par des hommes mortels ; celle qui est perçue par Melchisédek l’est par le vivant. De plus, les lévites ont payé la dîme à Melchisédek, car, lorsque celui-ci rencontra Abraham, ils étaient dans les reins de leur aïeul (4-10).
Voir Hébreux 5.6-10 ; Hébreux 6.20. En déclarant (Hébreux 5.11) qu’il avait beaucoup à dire sur ce passage du Psaumes 110.4 qu’il venait de citer, l’auteur préparait ses lecteurs à un sujet nouveau, auquel il allait passer, c’est-à-dire la supériorité de la sacrificature de Christ sur celle des lévites.
Par les reproches qu’il leur a adressés sur leur lenteur à comprendre, il a réclamé toute leur attention pour ce sujet qu’il va exposer maintenant. Il prend pour point de départ, non seulement l’histoire de Melchisédek (Genèse 14.18 et suivants) mais surtout le passage du Psaume 110, où le prophète considère déjà ce roi de Salem, ce roi de justice, comme un type du Messie qu’il annonce.
Dès les premiers versets (Psaumes 110.1-3) l’auteur indique en quoi Melchisédek était à ses yeux un symbole de Christ. Son nom, ses titres, le silence que la Genèse garde sur son origine et sur son rôle dans l’histoire, tout cela est significatif aux yeux de notre auteur.
Melchisédek n’avait aucun droit à la sacrificature, qui plus tard fut instituée uniquement dans la famille d’Aaron ; et pourtant Abraham, le père des croyants, le reconnut comme sacrificateur du Dieu souverain, d’où le psalmiste et notre épître après lui, concluent qu’il y a une sacrificature indépendante des institutions lévitiques, une sacrificature directement établie par Dieu qui n’est nullement liée à une descendance humaine, qui repose uniquement sur la volonté et le conseil éternel de Dieu ; une sacrificature enfin qui devait un jour être parfaitement réalisée sur la terre et qui eut en Melchisédek sa réalisation temporaire et symbolique.
Or, cette sacrificature « selon l’ordre de Melchisédek » est ici opposée à la sacrificature « selon l’ordre d’Aaron » (Hébreux 7.11) ou de Lévi ; la première est infiniment supérieure à la dernière, qui n’en était que l’image imparfaite ; bien plus, la première a été complètement substituée à la dernière.
C’est-à-dire de tout le butin, Hébreux 7.4 ; Genèse 14.18 et suivants.
Melchisédek, en hébreu, signifie roi de justice, Salem ou Schalem est l’adjectif du substantif Schalom, paix et signifie : celui qui a la paix.
Le lieu ainsi nommé est probablement Jérusalem (Psaumes 76.3).
L’auteur ne fait qu’indiquer en passant la belle signification de ces deux noms. Ils répondaient au caractère personnel de celui qui les portait et aux fonctions dont il était revêtu : il servait le Dieu très haut comme sacrificateur dans sa famille et dans son royaume, où il faisait régner la justice et la paix.
L’auteur voit donc certainement en lui un type de celui qui devait venir réaliser parfaitement dans son règne la justice et la paix.
Après avoir rapporté et commenté (Hébreux 7.1 ; Hébreux 7.2) ce que la Genèse dit de Melchisédek, l’auteur relève ce qu’elle ne dit pas. Le silence qu’elle garde sur les destinées de ce personnage avant et après sa rencontre avec Abraham, sur son origine et sur l’issue de sa vie, amène l’auteur à conclure que Melchisédek fut sans père, sans mère, sans généalogie, n’ayant ni commencement de jours ni fin de vie, mais qu’assimilé au Fils de Dieu, il demeure sacrificateur à perpétuité.
On a proposé diverses interprétations de ces paroles.
Grec : Or, sans aucune contradiction ce qui est moindre est béni par ce qui est plus grand.
Nous trouvons ici (Hébreux 7.4-10) un autre point à considérer dans le rôle joué par Melchisédek : de cette considération ressortira la supériorité de la sacrificature de Christ sur celle des lévites (comparer Hébreux 7.1, note).
Cette sacrificature de Christ, l’auteur la voit, en effet, représentée dans celle de Melchisédek, dont il établit la grandeur par deux raisons :
Ici, c’est-à-dire dans le sacerdoce lévitique.
Des hommes qui meurent, les sacrificateurs, qui se succèdent rapidement dans la charge.
Là, c’est (grec) un qui a le témoignage qu’il vit. Il s’agit de Melchisédek.
Quel est ce témoignage que Melchisédek vit ? C’est celui qui ressort du récit de la Genèse, interprété comme l’auteur l’a fait à Hébreux 7.1-3 (voir Hébreux 7.3, note). Ici encore, il pense à Melchisédek sacrificateur et type du Messie, plutôt qu’au personnage du récit biblique.
Plusieurs interprètes estiment qu’il commente la déclaration prophétique de Psaumes 110 « Tu es Sacrificateur éternellement, selon l’ordre de Melchisédek ». Mais cette parole est adressée au Messie ; tout ce qu’on peut en conclure, c’est que le Messie vit éternellement. D’ailleurs, rien dans le contexte n’indique une allusion directe au Psaume 110.
Grec : Par Abraham Lévi aussi… a été dîmé.
L’argumentation de l’auteur est subtile. Pour la défendre on peut cependant faire valoir que l’humanité n’est pas un rassemblement d’individualités isolées les unes des autres et sans aucun rapport de solidarité ; que la souche d’une race embrasse la race entière.
Dès lors tout un peuple s’appelle Jacob ou Israël, Ésaü ou Édom, Moab, Ammon ; toute une tribu se nomme Juda, Éphraïm, etc. Le père de ce peuple, de cette tribu, vit en lui ou en elle et elle le représente vivant dans ses descendants. Cela n’est point une vaine métaphore, mais l’expression d’une profonde réalité.
Le raisonnement de l’auteur s’appuie sur ce fait. La position prise par Abraham à l’égard de la sacrificature de Melchisédek lie ses descendants, les lévites. Si Abraham s’inclina devant la dignité du sacrificateur du Dieu souverain et lui paya la dîme, les lévites le firent aussi dans la personne de leur aïeul, dont ils ne sauraient récuser l’héritage.
Tel est l’argumentation de l’auteur, qu’il ne présente pas, du reste, comme une démonstration rigoureuse, puisqu’il l’introduit par cette formule : pour ainsi dire (Hébreux 7.9).
Insuffisance du sacerdoce lévitique prouvée par l’institution d’un sacrificateur issu d’une autre tribu
Si le sacerdoce lévitique avait pu amener le peuple à la perfection, l’apparition d’un sacrificateur selon l’ordre de Melchisédek eût été inutile. Ce changement de sacerdoce entraîne un changement de loi, car Jésus est issu de la tribu de Juda qui ne fournit point de sacrificateurs (11-14).
La substitution de la nouvelle sacrificature à l’ancienne, établie par la supériorité de son institution
Le changement de sacerdoce devient plus évident encore, quand on considère que le sacrificateur selon Melchisédek est institué, non selon une ordonnance charnelle, mais selon la puissance d’une vie impérissable, comme il ressort de la parole qui lui confère une sacrificature éternelle (18-17).
Conclusion, l’abrogation de la loi
La loi ancienne, impuissante et inutile, est abolie ; à sa place, nous avons une meilleure espérance (18, 19).
L’auteur conclut de la comparaison entre Melchisédek et les lévites à l’abrogation de leur sacerdoce et de la loi qui l’instituait (Hébreux 7.11-19).
Le peuple avait reçu une loi fondée sur la sacrificature lévitique (ou, comme d’autres traduisent, relative à celle-ci). Elle était, en effet, le point central de toute la législation mosaïque.
Or si, comme les Hébreux étaient tentés de le croire, le peuple avait pu parvenir à la perfection par cette loi, si (grec) la perfection (voir Hébreux 5.9, note) était par la sacrificature lévitique, pourquoi l’Écriture parlerait-elle d’un autre sacrificateur, de celui dont Melchisédek était le symbole et qui n’avait aucun rapport avec l’ordre d’Aaron (Hébreux 7.13 ; Hébreux 7.14) ?
Cette prophétie, donnée sous le règne même de la loi lévitique, prouve évidemment que le Saint-Esprit annonçait un autre moyen de salut, par une autre sacrificature.
Ces paroles justifient la question posée (Hébreux 7.11) et la conclusion qu’elle implique. L’institution de la sacrificature était le point central et le fondement de la loi donnée au peuple ; or, cette sacrificature étant changée, c’est le changement complet de la loi, ou plutôt son abrogation (Hébreux 7.18).
Une modification aussi considérable ne pouvait résulter que d’un besoin impérieux et prouvait que la perfection n’avait pu être atteinte par le sacerdoce lévitique.
Jésus-Christ (Hébreux 7.14). Déjà d’après Genèse 49.10, le Messie devait sortir de Juda et un grand nombre de prophéties l’annonçaient comme un descendant de David.
Le verbe traduit par est sorti se dit du lever des astres.
Le substantif dérivé de ce verbe signifie soleil levant dans le cantique de Zacharie (Luc 1.78, 2e note).
Le texte reçu porte : « concernant la sacrificature ».
Cet argument (Hébreux 7.15-16) confirme le précédent et établit qu’il y a bien substitution d’une sacrificature nouvelle à l’ancienne : le sacrificateur selon la ressemblance de Melchisédek exerce une sacrificature spirituelle, parfaite, fondée sur sa nature même.
L’auteur relève le contraste frappant qu’il y a entre les bases sur lesquelles reposent les deux sacrificatures : la loi d’une ordonnance charnelle et la puissance d’une vie impérissable (grec : indissoluble).
Il appelle charnelle l’ordonnance de la loi qui instituait la sacrificature lévitique, parce qu’elle était extérieure, temporaire, prescrivait des cérémonies qui n’avaient d’importance que dans leur sens symbolique et surtout parce qu’elle s’appliquait à des hommes mortels qui ne se succédaient dans la sacrificature qu’en vertu de leur naissance dans une certaine tribu.
Le vrai Sacrificateur, au contraire, notre Seigneur (Hébreux 7.14), tient sa charge de sa nature divine et parce qu’il est la source d’une vie indissoluble, éternelle.
C’est ce que l’auteur conclut (Hébreux 7.17) de la parole prophétique du Psaume 110, qui confère au Fils de Dieu la sacrificature immuable, définitive, éternelle, amenant tout à la perfection (comparer Hébreux 7.11 ; Hébreux 7.18-19).
La loi de la sacrificature était faible et elle est devenue inutile après l’établissement de la vraie sacrificature, précisément parce que, comme l’auteur le répète ici (comparez Hébreux 7.11), elle ne pouvait rien amener à la perfection (Romains 8.3). Elle ne donnait à personne les biens et les grâces qu’elle préfigurait pour l’avenir.
Pouvoir nous approcher de Dieu avec une espérance meilleure, et cela, par la vraie sacrificature, c’est posséder cette perfection à laquelle Christ nous amène et qui fait contraste avec la condition misérable à laquelle nous réduit la loi.
Son institution par serment
Les lévites ont été institués sans serment ; Jésus avec serment, comme il ressort du Psaume 110. Il est donc garant d’une meilleure alliance, (20-22).
Un seul sacrificateur permanent, capable de sauver parfaitement
Les sacrificateurs lévitiques se succèdent nombreux, la mort les enlevant à leur charge. Christ demeure, possédant un sacerdoce intransmissible qui lui permet aussi d’assurer, par son intercession perpétuelle, un salut complet à ceux qui s’approchent de Dieu par lui (23-25).
Sa sainteté l’élève infiniment au-dessus des sacrificateurs lévitiques et le rend parfaitement apte à remplir son office
Christ est, en effet, le souverain sacrificateur dont nous avions besoin : dans sa sainteté, qui le sépare des pécheurs et le fait vivre près de Dieu, il n’a pas besoin d’offrir des sacrifices quotidiens pour lui-même et pour le peuple ; il s’est offert lui-même, une fois pour toutes. C’est ainsi que la loi institue sacrificateurs des pécheurs, la parole du serment institue le Fils, qui est parfait pour l’éternité (26-28).
Le texte reçu porte à la fin de Hébreux 7.21 : selon l’ordre de Melchisédek. Ces mots manquent dans Codex Sinaiticus, B. C et sont omis par la plupart des critiques.
Jésus a été établi garant d’une meilleure alliance (ou testament, comparez Hébreux 9.15-18 note) par le serment de Dieu même, que l’auteur trouve prononcé dans le Psaume qu’il commente (Comparer, sur la signification du serment attribué à Dieu, Hébreux 6.17 note).
C’est comme sacrificateur et médiateur que Jésus est garant de cette alliance plus excellente.
Grâce à l’éternité de sa sacrificature, Christ toujours vivant peut sauver parfaitement (grec jusqu’à l’achèvement) ceux qui s’approchent de Dieu par lui, tandis que les autres sacrificateurs étaient tous successivement enlevés par la mort.
L’auteur met en rapport l’efficace perpétuelle du sacrifice de Christ avec son intercession pour les croyants (comparer Romains 8.34, note).
Non que ce sacrifice accompli une seule fois pour le péché, ne soit parfaitement suffisant pour assurer le pardon et la réconciliation avec Dieu à tout pécheur repentant, mais l’intercession du Sauveur auprès de Dieu, fondée sur les mérites mêmes de son sacrifice nous obtient pour chaque péché particulier le pardon et la grâce qui régénère.
Il ne me suffit pas de croire d’une manière générale que le Sauveur est mort pour les péchés du monde. Pour me rendre la paix lorsque je l’invoque dans mon angoisse, il faut que Dieu, par un acte toujours renouvelé de sa miséricorde, m’accorde personnellement le pardon que je lui demande. Or, quel privilège de savoir que, tandis que je crie à lui du sein de ma misère, j’ai près du trône de la grâce un Avocat qui plaide ma cause (1 Jean 2.1), en faisant valoir en ma faveur tous ses mérites infinis !
L’épître aux Hébreux présente fréquemment cette précieuse grâce sous l’image du souverain sacrificateur, qui offrait d’abord le sacrifice pour le péché, puis entrait dans le lieu très saint avec le sang de la victime qu’il répandait sur le propitiatoire. C’est ce dernier acte qui symbolisait l’intercession du grand souverain Sacrificateur (Hébreux 7.26 ; Hébreux 4.14, note ; Hébreux 9.12, note).
Grec : Et étant devenu plus haut que les cieux, c’est-à-dire : étant entré dans le lieu très saint, la demeure de Dieu (Hébreux 4.14, comparez Éphésiens 1.21 ; Éphésiens 1.4-10).
Les qualificatifs appliqués au souverain sacrificateur donnent lieu à diverses remarques.
Saint est rarement employé dans le Nouveau Testament, mais se trouve souvent dans les Septante ; il désigne celui qui appartient à l’Éternel et est l’objet de son amour.
Innocent (grec sans malice) exprime la pureté des sentiments du Christ.
Sans souillure le montre préservé de toute impureté qui pourrait lui venir du dehors.
Séparé des pécheurs, est pris par les uns au sens moral, comme dans Hébreux 4.15.
« Ce n’est pas qu’il nous repousse de sa compagnie, mais parce qu’il est pur de toute immondicité » Calvin.
D’autres le rattachent étroitement à élevé au-dessus des cieux et le prennent au sens local : ce Christ est élevé au plus haut des cieux et il est, par là même, séparé des pécheurs.
Toutes les qualités énumérées dans ce passage sont attribuées, non à Jésus vivant sur la terre (Hébreux 2.9-10 ; Hébreux 2.17-18 ; Hébreux 4.15), mais au Christ glorifié, remplissant dans les cieux son office de souverain sacrificateur.
Sur la sainteté parfaite de Jésus-Christ, qu’il vient d’exprimer en termes si clairs et si forts (Hébreux 7.26), l’auteur fonde cette double et importante vérité : d’abord que le Sauveur n’a pas, comme les souverains sacrificateurs, besoin d’offrir des sacrifices pour lui-même, mais qu’en s’offrant lui-même comme victime (comparez Hébreux 9, où ce sacrifice est décrit plus au long), il l’a fait pour les péchés du peuple ; et ensuite, qu’il n’a nullement besoin de réitérer tous les jours ce sacrifice offert une fois pour toutes et dont la valeur est infinie et perpétuelle devant Dieu (comparer Romains 6.10 ; Hébreux 9.12 ; Hébreux 9.26 ; Hébreux 10.10 ; 1 Pierre 3.18).
Ainsi, à ces deux égards, les sacrifices imparfaits et symboliques de l’ancienne Alliance sont parfaitement réalisés par le sacrifice de Golgotha.
En disant que les souverains sacrificateurs offraient des victimes tous les jours, l’auteur entend le service journalier de la sacrificature, dans lequel la loi prescrivait un sacrifice quotidien (Nombres 28.3-8), il n’oublie pas que le souverain sacrificateur n’offrait qu’une fois par année le sacrifice d’expiation dans le lieu très saint (Hébreux 9.6-7 ; Hébreux 10.3).
C’est-à-dire au Psaumes 110.4 ; comparez ci-dessus Hébreux 7.20 ; Hébreux 7.21.
Voir Hébreux 5.9, note. Ainsi, dans sa personne, comme dans son œuvre, à tous égards, le Fils de Dieu est et reste pour l’éternité un souverain Sacrificateur parfait, réalisant toutes les promesses renfermées dans les symboles de la loi.
Les Hébreux ne devaient donc pas regretter ceux-ci. Les chrétiens de tous les temps ne trouvent pas moins qu’eux dans ces saintes et éternelles vérités l’inébranlable fondement de leurs espérances.