Verset à verset Double colonne
1 Et après ces choses, Jésus parcourait la Galilée ; car il ne voulait pas séjourner dans la Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir. Mais Jésus alla à la montagne des Oliviers.Après ces choses (comparer Jean 6.1) c’est-à-dire après la multiplication des pains et le discours de Capernaüm, rapportés en Jean 6.
Ce terme vague embrasse un temps considérable de la vie du Sauveur. Six mois séparaient la fête de Pâque (Jean 6.4), qui avait lieu en mars, de la fête des Tabernacles (verset 2) qu’on célébrait en octobre. Notre évangéliste n’a rien raconté de l’activité de Jésus pendant ce temps ; il se contente de l’indiquer par ces mots : « Jésus parcourait la Galilée » (verset 1). Il ne voulait pas répéter les récits des autres évangélistes (Matthieu 14.34-18.35 ; Marc 6.53-9.50 ; Luc 9.18-50).
Grec : Jésus marchait dans la Galilée car il ne voulait pas marcher dans la Judée ; ce terme qui signifie aller et venir, parcourir le pays en y séjournant, caractérise bien l’activité incessante déployée par le Sauveur.
La raison pour laquelle Jésus évitait la Judée, c’est que les Juifs cherchaient à le faire mourir (grec à le tuer). Jésus le savait par son précédent séjour à Jérusalem (Jean 5.18) et même par toutes les embûches que les chefs de la théocratie étaient venus lui tendre jusque dans la Galilée (Marc 7.1). Aussi ne voulait-il rien faire avant le temps, qui pût précipiter la catastrophe (verset 6) ; mais quand son heure sera venue, il ira volontairement, avec un dévouement héroïque au-devant des souffrances et de la mort.
La fête des Tabernacles ou des tentes, l’une des plus grandes et des plus joyeuses fêtes israélites, se célébrait chaque année, à dater du quinzième jour du septième mois (correspondant à peu près à notre mois d’octobre), en souvenir du long séjour d’Israël sous les tentes du désert et du repos que ce peuple avait enfin trouvé dans la terre promise.
C’était, en même temps, la fête d’actions de grâces pour les récoltes de l’année, elle durait huit jours, dont le premier et le huitième étaient des sabbats (voir l’ordonnance de cette fête dans Lévitique 23.33 et suivants).
On peut en lire aussi la description dans Josèphe (Antiquités Juives, III, 10, 4).
Tout le peuple érigeait sur les places, dans les rues et sur les plates-formes des maisons, des tentes, construites en rameaux verts d’arbres fruitiers et chaque famille habitait sous cette tente, pendant toute la fête, en y prenant joyeusement ses repas.
Quant au culte public, on offrait dans le temple divers sacrifices, on faisait chaque matin une libation d’eau pure, rappelant l’eau que Moïse avait fait jaillir du rocher (comparez verset 37, 2e note) ; de plus, dans l’année sabbatique, on faisait une solennelle lecture de la loi (Deutéronome 31.10-11).
Jésus n’ayant point assisté cette année aux fêtes de Pâques ni de Pentecôte à Jérusalem, il était assez naturel que ses frères s’attendissent à ce qu’il allât à celle des Tabernacles, car c’était le devoir de tout Israélite de se rendre au moins à l’une des trois grandes fêtes. De là le donc du verset 3.
Donc, puisque la grande fête est proche et que tout Israélite pieux doit y assister, pars d’ici, va en Judée.
Les frères de Jésus (voir sur ce terme Matthieu 12.46, note) invoquent l’approche de la fête comme un argument pour le presser d’obtempérer à leur désir. Ils en trouvent un autre dans l’idée que ses disciples de Judée (Jean 4.1) ne doivent pas être privés de voir aussi les œuvres qu’il fait.
Enfin ils ont la prétention d’enseigner à Jésus un principe de conduite auquel il ne saurait se soustraire (verset 4).
Il ne faudrait pas conclure de cette parole et de l’observation de l’évangéliste (verset 5) que les frères de Jésus avaient des intentions hostiles envers lui, qu’ils voulaient l’exposer aux dangers d’une visite à Jérusalem.
Ils ont été témoins de ses œuvres, qu’ils ne peuvent nier et d’autre part ils ne peuvent se décider à reconnaître comme Messie ce frère auquel ils sont unis par les liens du sang, qu’ils sont habitués à traiter familièrement et dont ils n’ont point pénétré la nature supérieure ; la sublime élévation de son caractère et de ses enseignements leur échappe même, aveuglés qu’ils sont par les grossiers préjugés messianiques qu’ils partageaient avec tous les Juifs.
S’il est réellement le Messie, pourquoi exerce-t-il son activité dans cette obscure province de la Galilée ? Il y a contradiction à agir ainsi en secret, quand pourtant on cherche soi-même à être en évidence.
La conclusion est donc simple : Si tu fais ces choses, ou puisque tu les fais, porte ton activité sur un théâtre digne de toi, au centre de la théocratie juive, à Jérusalem, manifeste-toi toi-même au monde !
C’est précisément la voie dans laquelle le tentateur voulait engager le Sauveur, celle de la gloire mondaine (Matthieu 4.1-10). Et la pensée secrète des frères de Jésus était, sans aucun doute, que cette gloire rejaillirait sur eux, sur leur famille, sur leur peuple !
Grec : ses frères non plus ne croyaient pas en lui, pas plus que tant d’autres qui avaient vu ses œuvres et entendu ses paroles. Il faut autre chose pour croire en Jésus d’une foi qui nous introduise dans le sanctuaire de sa communion (Jean 6.44-65).
Chacun est incrédule en tant que, insensible à cette beauté intrinsèque de la vérité, il a besoin de la voir entourée de privilèges extérieurs et d’un éclat emprunté.
Cette triste observation de l’évangéliste sur les frères de Jésus, n’est que trop en harmonie avec quelques récits des synoptiques à leur sujet (Marc 3.21-31 et suivants). Ce n’est qu’après la mort et la résurrection du Sauveur qu’ils apparaissent au nombre de ceux qui, par la foi, lui ont donné leur cœur (Actes 1.14).
On a vainement cherché à atténuer le sens de cette remarque. Les plus anciens manuscrits déjà portent des traces de tentatives de ce genre : ainsi on lit dans D : ils ne crurent pas en lui ; à ce moment, leur foi subit une éclipse. La suite (verset 7) condamne ces atténuations.
verset 7 explique verset 6 « Votre temps est toujours prêt, vous pouvez en tout temps vous montrer sans crainte au milieu du monde, car le monde ne peut vous haïr, parce que vous lui appartenez » (Jean 15.19).
« Il en est tout autrement de moi ; mon temps n’est pas encore venu de me présenter ouvertement au monde ; quand il sera venu, ce sera l’heure de mes souffrances et de ma mort, car le monde me hait, à cause du témoignage que je porte contre sa corruption ».
L’expression : mon temps ne désigne donc pas le moment d’aller à la fête. Jésus est préoccupé de pensées plus graves et plus hautes, comme le prouve cette autre expression : (verset 8) mon temps n’est pas encore accompli.
Il y a ainsi, dans la réponse de Jésus à ses frères, quelque chose de doux, à la fois et de sévère : doux, en ce qu’il condescend à leur faire pressentir sa situation tragique vis-à-vis du monde ; sévère, en ce qu’il les assimile à ce monde méchant qui le hait.
Le texte reçu fait dire à Jésus : « Moi, je ne monte pas encore », mais ce dernier mot n’est qu’une correction, très ancienne (B et nombreux majuscules) il est vrai, destinée à lever la contradiction qu’il y a entre cette déclaration de Jésus et le fait qu’il alla pourtant à la fête (verset 10).
C’est là, en effet, une sérieuse difficulté que l’incrédulité a exploitée dès les premiers siècles de l’Église. On sait par Jérôme que Porphyre en prenait occasion d’accuser Jésus « d’inconstance ».
L’exégèse moderne a fait diverses tentatives pour expliquer cette parole de Jésus.
Ainsi, en insistant sur le présent du verbe : Je ne monte pas, elle le fait signifier : pas maintenant, ce qui revient au pas encore du texte reçu (Lücke, Olshausen, Tholuck). Ou bien elle a paraphrasé ainsi : « Je ne monte pas avec vous, ou avec la caravane ». Ou encore, en mettant l’accent sur cette fête, elle a pensé que Jésus voulait dire : Je ne vais point célébrer la fête, prendre part à ses cérémonies, à ses sacrifices, à sa joie ; et en effet, la fête était à moitié passée (verset 14) quand Jésus y monta en secret (verset 10) et se rendit directement dans le temple (Ainsi Lange, Ebrard et d’autres).
Enfin une interprétation plus élevée et plus vraie, proposée par Bengel, admise par M. Luthardt et développée par M. Godet consiste à voir dans la parole de Jésus une réponse directe à la demande que ses frères lui faisaient de paraître publiquement et comme le roi Messie au sein de cette fête.
Ce serait là ce que Jésus refuse, attendu que son temps n’est pas encore venu, pas encore accompli. Il n’ira donc pas à cette fête se manifester comme Messie ; il dit : je ne monte pas à cette fête et non : à la fête c’est qu’il en a une autre en vue, celle de Pâque, où son temps sera venu et alors il ne se soustraira pas à la démonstration publique que ses frères réclament et qui le conduira à la mort.
Cette interprétation renferme une part de vérité : elle relève l’opposition que Jésus établit certainement entre cette fête des Tabernacles et une fête subséquente vers laquelle se porte sa pensée ; mais elle ne rend pas compte de sa déclaration si nette et si catégorique : Vous montez à la fête : moi, je ne monte pas.
En donnant à ce dernier mot le sens de : « Je ne me manifesterai pas publiquement comme Messie », elle prête au langage de Jésus une équivoque qui est contraire à sa parfaite véracité. Est-il admissible qu’en disant : Moi je ne monte pas à cette fête, il eût déjà le projet arrêté d’y monter en secret ?
Il ne reste donc qu’une explication possible c’est qu’au moment où il parlait ainsi, Jésus était bien décidé à se tenir éloigné de la fête des Tabernacle qui se célébrait à Jérusalem, remettant à la Pâque prochaine sa manifestation messianique. Quelques jours plus tard il prit une résolution différente.
Il ne faut pas dire simplement avec Bleek et Meyer qu’il changea d’avis, car ce serait l’exposer au reproche de Porphyre. Il est plus juste de supposer, avec M. Weiss, qu’il reçut de son Père une indication qui modifia ses vues et ses plans. Un tel changement n’a rien de surprenant, car Jésus attendait de moment en moment et suivait docilement les directions intérieures de son Père (Jean 5.20 ; Jean 12.49-50).
Jésus, sachant qu’il était exposé à Jérusalem au, ; embûches de ses ennemis, ne s’y rendit point publiquement, c’est-à-dire avec les caravanes galiléennes, ni même peut-être entouré de tous ses disciples ; mais comme en secret, comme un voyageur qui a de sérieuses raisons de garder l’incognito.
Le comme (qui est omis dans Codex Sinaiticus, D, mais est authentique) adoucit l’expression en secret ; son incognito n’était pas absolu et ne durera pas car, dès le premier moment favorable Jésus se montrera publiquement et avec une sainte hardiesse pour rendre son grand témoignage (verset 14 et suivants).
Grec : Où est celui-là ? Les Juifs sont les chefs du peuple (verset 13) ; ils parlent de Jésus en évitant de le nommer et non sans une nuance de mépris. Ils le cherchaient dans des intentions hostiles.
Le mot donc indique qu’ils s’attendaient à le voir arriver ouvertement avec les caravanes de Galilée et non en secret (verset 10).
Ce verset dépeint vivement les conversations et les discussions qui causaient une grande rumeur dans la foule, c’est-à-dire dans les divers groupes qui se formaient sur les places et dans les rues.
L’opinion était divisée au sujet de Jésus, les uns soutenant qu’il était homme de bien (grec bon, droit, sincère, juste), les autres prétendant qu’il était un séducteur du peuple.
Deux partis contraires se dessinaient, l’un favorable à Jésus, l’autre hostile. Cela montre combien facilement aurait pu se produire un tumulte parmi le peuple, si Jésus n’avait pas agi avec beaucoup de prudence (verset 10).
Cette observation de l’évangéliste ne s’applique pas seulement à ceux qui avaient de Jésus une opinion favorable, mais aux deux partis (verset 12). Les amis n’osaient manifester leur sympathie par crainte des autorités qu’ils savaient mal disposées ; mais, comme cependant ces autorités ne s’étaient pas encore définitivement prononcées contre Jésus, les adversaires hésitaient à donner cours à toute leur haine.
Comme la fête durait huit jours et qu’elle était (grec) déjà à son milieu, on voit que Jésus avait laissé s’écouler trois ou quatre jours avant de venir à Jérusalem (verset 9). Tout à coup il monta au temple, ou la multitude s’assemblait pour les cérémonies du culte et il se mit à enseigner !
Ce procédé était plein, à la fois, de sagesse et d’une sainte hardiesse. Il eut ainsi le temps de s’emparer de l’attention de son immense auditoire, avant que les chefs eussent pris aucune mesure contre lui et ils furent eux-mêmes frappés d’étonnement (verset 15).
Cet étonnement des adversaires montre qu’ils ont reçu de la parole de Jésus une impression assez vive pour l’exprimer naïvement, même en présence du peuple.
Mais cette impression n’était pas celle de la vérité divine que Jésus annonçait ; la seule chose qui les étonnait, c’était la connaissance profonde qu’il avait des Écritures (grec des lettres, de la littérature sacrée, Actes 26.24), bien qu’il n’eût pas étudié. Ce mot est caractéristique.
Les chefs du peuple savaient donc que Jésus n’avait fréquenté aucune des écoles rabbiniques du temps, comme le faisaient les docteurs de la loi. Il n’était ni juriste ni théologien ! (comparer Actes 4.13) Ce témoignage involontaire des adversaires est important, ainsi que l’observe Meyer, pour montrer que Jésus n’avait pas été formé dans les écoles des rabbins.
Telle est la réponse de Jésus à la question des Juifs et quelle réponse ! « Il est vrai que je n’ai puisé mon enseignement dans aucune de vos écoles ; mais je ne l’ai point non plus inventé, tiré de mon propre fonds ; cet enseignement n’est pas de moi, il vient directement de Celui qui m’a envoyé ». Son enseignement est un message divin que Dieu leur adresse et dont ils porteront la responsabilité, s’ils le rejettent.
Grec : Il connaîtra, touchant cet enseignement, s’il provient de Dieu ou si je parle de moi-même, de ma propre autorité.
Faire le volonté de Dieu est la condition absolue pour connaître l’enseignement de Jésus. Cette connaissance ne dépend pas de l’intelligence de l’homme mais de sa volonté : si quelqu’un veut.
Toute la révélation n’a pour but que d’amener l’homme à faire la volonté de Dieu, en d’autres termes, de le sanctifier ; il en résulte que les preuves de la vérité divine ne servent de rien à celui qui ne veut pas se laisser conduire à ce but. L’endurcissement de son cœur obscurcit son intelligence et le rend incapable de comprendre.
Celui, au contraire, qui fait la volonté de Dieu, ne tarde pas à apprendre, par sa propre expérience (qui est la démonstration la plus certaine), combien l’enseignement de Jésus est adapté à la nature morale de l’homme et répond à tous les besoins de son âme. Il reconnaît qu’un tel enseignement ne peut être que la vérité divine. Il perçoit, par la conscience et par le cœur, la voix de Celui qui est sainteté et amour.
Dans les choses humaines, il faut connaître pour aimer, dans les choses divines, il faut aimer pour connaître.
La volonté de Dieu, dans la pensée de Jésus et selon l’unique sens que ses auditeurs pouvaient donner à cette parole, c’est la vérité morale enseignée aux Israélites dans la loi et les prophètes (Jean 5.46). L’homme qui essaie de pratiquer sincèrement cet idéal moral se convainc de sa misère et est amené à trouver son Sauveur en celui dont l’amour et la sainteté répondent si bien aux désirs qu’il éprouve lui-même.
Bengel remarque, avec finesse, qu’entre les mots celui qui veut et la volonté de Dieu il y a « une douce harmonie ».
Mais il ne faut pas oublier comme l’observe Meyer, que cette volonté d’obéir est elle-même, dans l’homme un effet de l’attrait du Père, un don de sa part (Jean 6.44-65 ; Jean 8.47 ; comparez Philippiens 2.13).
Ce qui prouve encore la vérité divine de l’enseignement de Jésus, c’est l’esprit dans lequel il le présente et qui anime toute son activité.
S’il parlait de son chef, s’il cherchait sa propre gloire, il ne mériterait aucune confiance (Jean 5.44) ; mais comme il ne cherche que la gloire de Celui qui l’a envoyé, il est vrai, véridique, il est la manifestation vivante de la vérité de Dieu (Jean 5.41).
Il n’y a donc point en lui d’injustice, d’improbité, de fausseté. La sainteté de la vie du Sauveur, son entière consécration à la gloire de Dieu sera toujours la plus puissante apologie de son enseignement.
Il y a en même temps dans cette parole une réponse à l’accusation de ceux qui disaient : Il égare le peuple. Celui qui abuse les autres, agit certainement ainsi pour lui-même, non en vue de Dieu. Pour bien comprendre ce raisonnement, il suffit de l’appliquer à la Bible en général : celui qui est glorifié dans ce livre, de la première page à la dernière, à l’exclusion de tout homme, c’est Dieu ; l’homme y est constamment jugé et humilié. Donc ce livre est de Dieu. Cet argument est celui qui atteint le plus directement la conscience.
Jésus a répondu (versets 16-18) à la question des Juifs (verset 15) et donné les preuves de la vérité de son enseignement.
Maintenant il prend l’offensive et prouve à ses adversaires par un double reproche, adressé directement à leur conscience combien peu ils ont cette volonté d’obéir à Dieu qui est la condition indispensable pour reconnaître sa divine mission (verset 17).
Moïse, le grand législateur dont vous vous glorifiez, vous a donné la loi, qui est la révélation de la volonté de Dieu ; Or nul de vous ne l’observe (dans sa sainte spiritualité). Et de plus, vous avez contre moi, à cette heure même, des sentiments de haine et des desseins meurtriers, qui sont une flagrante transgression de cette loi et montrent vos mauvaises dispositions. Comment donc recevriez-vous mon enseignement ? Vous avez en vous la preuve que vous ne voulez pas faire la volonté de Dieu.
Quelques interprètes entendent spécialement le mot la loi du commandement relatif au sabbat, en disant : Nul de vous n’observe la loi, Jésus parlerait du fait de la circoncision administrée le jour du sabbat (versets 22 et 23). Il ferait allusion à l’accusation portée contre lui à son précédent séjour et aux tentatives meurtrières dont il avait été l’objet (Jean 5.16-18). Il est possible, en effet, que Jésus ait déjà en vue l’apologie qu’il va présenter (verset 21 et suivants) ; mais les termes du verset 19 sont trop généraux pour être limités à cet ordre d’idées.
Ces gens de la foule étaient apparemment des étrangers venus à la fête, qui ne savaient rien de ce qui se tramait contre Jésus dans la capitale.
L’idée qu’on pût chercher à faire mourir Jésus leur paraît si extravagante, qu’ils la tiennent pour une aberration d’esprit. Et, comme alors on attribuait tous les symptômes de la folie à l’action d’un démon, dire : Tu as un démon, signifiait : Tu es fou (Jean 8.48 ; Jean 10.20).
Les habitants de Jérusalem étaient mieux instruits des desseins des chefs du peuple à l’égard de Jésus (verset 25).
Jésus subit, sans la relever, l’injure qu’on lui adresse et poursuit sa pensée, en rappelant l’œuvre qui avait provoqué la haine de ses adversaires et cette œuvre, il va la justifier (versets 22 et 23).
Il s’agit de la guérison du paralytique qu’il avait opérée dans son précédent séjour à Jérusalem un jour de sabbat (Jean 5.5 et suivants) et qui avait excité contre lui une telle indignation de la part des chefs du peuple, qu’ils avaient cherché à le faire mourir (Jean 5.18).
Cette indignation subsiste encore, au point qu’il peut dire : J’ai fait une œuvre (grec une seule œuvre), pendant mon précédent séjour au milieu de vous ; et vous êtes tous étonnés, indignés, effrayés comme d’une violation du sabbat.
Si Jésus revient sur cette œuvre, bien qu’il l’eût accomplie plusieurs mois auparavant (verset 2, note), c’est que les habitants de Jérusalem ne pouvaient pas l’avoir oubliée, à cause du retentissement qu’elle avait eu et du scandale qu’elle avait causé.
Le verset 22 commence par cette formule de transition : à cause de cela, dont le sens est difficile à comprendre.
Tischendorf la supprime sur la seule autorité du Codex Sinaiticus, qui l’a omise à cause de sa difficulté même Plusieurs commentateurs (Lücke, de Wette, Weiss, Keil) et la plupart de nos versions éludent cette difficulté en rattachant les mots à cause de cela au verbe : vous êtes étonnés, du verset précédent.
Mais cette formule est toujours employée pour introduire un nouveau chaînon du raisonnement ; aussi est-il plus naturel de la considérer comme une locution qui ouvre le verset 22. Elle porte sur l’ensemble de ce verset : « C’est pour cela, pour vous apprendre à ne pas vous scandaliser au sujet d’une œuvre d’amour accomplie le jour du sabbat, que Moïse vous a donné le commandement de la circoncision, qui entre en conflit avec celui du repos sabbatique, et que le jour du sabbat en vertu des prescriptions de la loi elle-même, vous circoncisez un homme ».
Jésus avait d’abord attribué la circoncision à Moïse ; cette assertion n’étant pas rigoureusement exacte, il la rectifie par cette parenthèse (non qu’elle vienne de Moïse mais des pères, des patriarches).
Cela n’était point inutile, en présence de scribes épilogueurs qui auraient été heureux de le prendre en faute dans une allusion scripturaire. Mais, au lieu de voir dans cette parenthèse une simple rectification historique, la plupart des interprètes y trouvent un des chaînons du raisonnement par lequel Jésus justifie son œuvre.
Les uns disent : Jésus relève la haute antiquité de l’institution de la circoncision pour expliquer qu’elle prime le commandement du sabbat ; mais cette considération affaiblit plutôt qu’elle ne fortifie le raisonnement de Jésus. D’autres : le dernier règlement intervenu abolit les règlements plus anciens ; l’ordonnance de la circoncision devrait céder le pas à celle du sabbat, plus récente et plus précise. C’est le contraire qui a lieu ; donc vous attachez une importance exagérée au repos sabbatique.
Cette argumentation est bien compliquée et subtile pour être exprimée dans cette brève parenthèse. De Wette déclare donc à bon droit qu’on ne fait par ces considérations qu’embrouiller le raisonnement de Jésus.
Ce raisonnement est irréfutable.
Voici deux institutions également ordonnées par Moïse : la circoncision et le sabbat.
Or, en administrant la circoncision le jour du sabbat, vous violez ce dernier ; et pourtant il le faut, toutes les fois que le huitième jour d’un enfant tombe sur le sabbat, afin que l’ordonnance mosaïque soit observée (Lévitique 12.3). Si donc vous accomplissez cet acte symbolique le jour du sabbat, de quel droit vous irritez-vous contre moi, de ce que, ce jour-là, j’ai guéri un homme tout entier ?
En ajoutant : tout entier, Jésus relève le fait que l’œuvre accomplie par lui sur cet homme a eu pour résultat la guérison de l’âme aussi bien que du corps (Jean 5.14).
Tel a été le but de tous les miracles du Sauveur et n’était-ce pas là aussi, comme le remarque Stier, le but suprême de la loi de la circoncision, du sabbat et de toutes les institutions divines ?
Dans les synoptiques, Jésus justifie par une argumentation semblable les guérisons qu’il opérait le jour du sabbat (Matthieu 12.5 ; Marc 2.27-28).
Selon l’apparence (grec la vue), à prendre le côté extérieur, formel, la lettre de la loi, il est sûr que Jésus avait violé le sabbat ; mais selon la justice (grec mais prononcez le jugement juste) et en s’élevant à l’esprit de la loi, qui est la charité, il est certain qu’il avait fait une œuvre excellente.
Cette sentence, dans sa forme générale, est susceptible d’applications infiniment diverses.
Ces habitants de Jérusalem sont mieux instruits des desseins des chefs du peuple que la foule qui parlait au verset 20 ; ils savent que les autorités sacerdotales cherchaient déjà alors à faire mourir Jésus et ils s’étonnent qu’on le laisse parler librement. Ils se demandent même si les principaux du peuple auraient vraiment (cet adverbe est omis dans B, D, versions) reconnu Jésus pour le Messie.
Mais une idée répandue à cette époque les empêche de persister dans ces conclusions favorables à la mission divine du prophète de Nazareth (verset 27).
Savoir d’où était Jésus, connaître sa famille, son humble extraction galiléenne, était ici, comme toujours, une objection contre lui (Jean 7.41-52 ; Jean 6.42).
Le signe auquel ils veulent reconnaître le Messie, c’est que (grec) quand il vient, personne ne sait d’où il est.
On cite cette sentence des rabbins : « Trois choses arrivent inopinément : le Messie, l’Envoyé de Dieu et le scorpion ».
Cette opinion était née de la prophétie de Daniel (Daniel 7.13) et de certains passages affirmant l’origine divine du Messie (Michée 5.1 ; Ésaïe 9.5). On la conciliait avec les prédictions relatives à sa filiation davidique (Ésaïe 11.1) car cette considération que la famille de David était alors tombée dans une condition obscure et ignorée de tous (comparer Ésaïe 53.2).
Les mots d’où il est ne se rapportent qu’à la famille du Christ, non au lieu de sa naissance, indiqué par la prophétie (Michée 6.1 ; comparez Matthieu 2.4-5).
Donc, à l’ouïe de ces paroles qui trahissaient l’ignorance et les préjuges de ses auditeurs, Jésus est ému et d’une voix élevée et forte, il s’écria, disant. Il veut faire pénétrer dans les esprits la solennelle déclaration qui va suivre (Ce même verbe est employé pour désigner une parole vibrante, Jean 1.15 ; Jean 7.37 ; Jean 12.44 ; Romains 9.27).
Jean remarque encore ici que Jésus parlait dans le temple : (verset 14) c’est que l’entretien qu’il rapporte prend une importance et une solennité plus grande, à ce moment où Jésus passe de la justification de son enseignement à l’affirmation de l’origine divine de sa personne.
De Wette, Meyer, Weiss et d’autres pensent que, dans ces paroles Jésus fait une concession à ses auditeurs : il leur accorde qu’ils ont une certaine connaissance de sa personne et de son origine humaines, mais cette connaissance est insuffisante et les empêche plutôt de croire en lui (verset 27). Puis il leur déclare qu’ils sont dans une ignorance profonde sur son origine divine.
Mais la plupart des interprètes voient dans ces paroles une affirmation ironique ou une question : « (grec) Et vous me connaissez et vous savez d’où je suis ? » Les paroles qui suivent leur montreront combien ils sont étrangers à cette connaissance.
Le et marque fortement l’antithèse et doit se traduire : et pourtant. Je ne me suis pas donné moi-même ma mission ; mais il en est un autre qui m’a envoyé et lui est véritable.
Ce dernier mot, si familier à Jean, ne signifie pas vrai, véridique, par opposition à faux, mais réel, authentique (Jean 1.9 ; Jean 6.32 ; Jean 17.3 ; 1 Jean 5.20). Il existe en réalité et non pas seulement dans mon imagination, Celui qui m’a envoyé au monde et ce fait emporte la réalité et la vérité divine de ma mission.
Mais Jésus ajoute : vous ne le connaissez pas, parole sévère qu’il ne faut pas entendre dans un sens absolu, puisque les Juifs faisaient profession de croire au seul vrai Dieu ; mais s’ils l’avaient connu d’une manière vivante comme le Véritable, ils auraient cru aussi en Celui qu’il a envoyé (Jean 8.19).
Grâce à l’ignorance où ils sont de Dieu, ils ignorent d’où vient Jésus, celui-ci remplit donc les conditions faites au Messie par l’opinion courante (verset 29). Jésus bat ainsi ses adversaires avec leurs propres armes.
« Vous, vous ne le connaissez pas ; moi, je le connais », vif contraste.
Cette grande déclaration : Je connais Dieu, reçoit une signification éminente, exclusive, des rapports que Jésus entretient avec Dieu : je viens de lui, dit Jésus, exprimant la conscience qu’il a de sa relation intime avec lui (Jean 6.46).
Sur cette relation est fondée sa mission : c’est lui qui m’a envoyé, car celui qui envoie fait connaître toute sa pensée à son Envoyé.
Donc, c’est-à-dire comme résultat de la grande déclaration qui précède. Plus les témoignages de Jésus sur sa personne et sur son origine divine devenaient lumineux et pénétrants, plus la haine des adversaires augmentait (verset 32).
Tel est le caractère de l’endurcissement.
Mais ces desseins meurtriers ne devaient pas s’accomplir alors, parce que son heure n’était pas encore venue.
Son heure, le moment de ses souffrances et de sa mort, Dieu l’avait marquée dans sa sagesse ; et jusqu’à ce qu’elle eût sonné il retenait la main de ses ennemis (comparer Jean 8.20 ; Jean 12.23 ; Jean 13.1).
Ce qui arrêtait ceux-ci, ce n’était sûrement pas, comme on l’a pensé, des scrupules de conscience ; mais plutôt la faveur populaire qui entourait encore Jésus et le protégeait contre les entreprises des chefs (Matthieu 26.5 ; Luc 20.19).
Crurent en lui, comme Messie.
Cette foi, il est vrai, se fonde encore sur les seuls miracles de Jésus ; elle ne va pas jusqu’à proclamer directement sa messianité ; mais la manière détournée dont ils expriment leur sentiment était peut-être tout ce que leur permettait la crainte des chefs du peuple. Elle suffit d’ailleurs pour exciter la haine de ceux-ci (verset 32).
Les pharisiens entendirent eux-mêmes ce que la foule murmurait de lui ou l’apprirent par leurs espions ; le verbe grec permet les deux suppositions.
Et aussitôt le sanhédrin prit une prompte résolution et envoya des huissiers pour arrêter Jésus.
C’est, en effet, le sanhédrin qui est désigné dans ces deux classes d’hommes : les principaux sacrificateurs et les pharisiens. Il paraît que ce corps était justement alors assemblé ; c’est que, en effet, les chefs cherchaient à se saisir de Jésus (verset 30).
Le sanhédrin se laisse entraîner à une démarche que l’on peut envisager comme l’ouverture des mesures juridiques dont le supplice de Jésus a été le terme.
Jésus n’ignore point ce qui se trame à son sujet ; c’est pourquoi (donc) il se sent pressé de faire entendre à ses adversaires un avertissement sérieux (versets 33 et 34).
Et d’abord, prévoyant clairement l’issue du conflit, il leur rappelle qu’il n’est plus avec eux que pour un peu de temps. Qu’ils se hâtent donc de profiter de sa présence ! D’ailleurs la mort qu’ils lui infligeront bientôt n’anéantira pas sa vie : elle sera le moment de son retour à Celui qui l’a envoyé. Mais eux, que de viendront-ils ? (verset 34).
Ce verset n’est pas facile à comprendre ; aussi a-t-il été très diversement interprété.
Tout dépend du sens qu’on attache à ce mot : vous me chercherez.
Il ne peut être question d’une recherche inspirée par la repentance, car alors Jésus ne dirait pas : vous ne me trouverez point.
S’agirait-il donc d’une recherche hostile, d’une haine impuissante qui s’exercera après le départ de Jésus contre ses disciples ? Cela n’est pas probable et peu en harmonie avec les derniers mots du verset.
Ou bien encore, Jésus annoncerait-il à ceux de ses auditeurs qui ont résisté à tous ses appels et qui s’apprêtent à le faire mourir, que même s’ils le cherchaient désormais, ils ne le trouveraient plus, parce que le temps de la grâce est passé pour eux ? Cette parole serait un Jugement prononcé sur leur endurcissement (comparer Luc 19.42).
Une telle pensée n’est pas étrangère à notre verset ; mais pour saisir le sens complet de celui ci, il faut se souvenir que Jésus parle en sa qualité de Messie aux chefs de la théocratie, représentants de ce peuple qui allait rejeter et crucifier le Libérateur que Dieu lui destinait et ainsi provoquer de terribles jugements qui bientôt fondront sur lui. Alors, dans son angoisse, il attendra vainement son Messie, il cherchera, sans le savoir, Celui qui était le seul vrai Messie et dont il avait méprisé la grâce et il ne le trouvera plus.
C’est dans ce sens redoutable que Jésus répétera bientôt ces mêmes paroles : « Moi je m’en vais et vous me chercherez et vous mourrez dans vos péchés » (Jean 8.21). De même il ajoute ici : là où je serai (grec je suis, c’est-à-dire : où je serai à ce moment-là), vous n’y pouvez venir.
Dans leur malheur, ils n’auront pas même la ressource d’entrer dans la communion glorieuse avec Dieu, où Jésus sera alors et où lui seul pourrait les introduire (Jean 14.3-6).
Les Juifs ont été si peu touchés de l’avertissement attristé et solennel de Jésus, qu’ils s’adressent les uns aux autres cette question ironique : Ira-t-il vers les Juifs dispersés parmi les Grecs ? (la diaspora, Jacques 1.1 ; 1 Pierre 1.1).
Ira-t-il enseigner les Grecs, c’est-à-dire les païens, voyant qu’il n’a aucun succès parmi nous ?
Puis ils répètent encore comme n’y trouvant aucun sens, la parole de Jésus, qui au fond blesse leur orgueil : Là où je suis vous n’y pouvez venir. Ils prophétisent ainsi, sans le vouloir, que l’Évangile de la grâce, rejeté par eux, sera annoncé aux païens. Caïphe prononcera plus tard une semblable prophétie inconsciente (Jean 11.49-52).
La fête durait sept jours ; mais, d’après la loi, on en ajoutait un huitième qui était un sabbat et qui se célébrait avec une solennité particulière (Lévitique 23.36-39 ; Nombres 29.35 et suivants, Néhémie 8.18).
C’est là ce que notre évangéliste appelle le dernier et grand jour de la fête. Alors tout le peuple quittait les tentes où il avait séjourné pendant sept jours (verset 2, note) et se rendait en procession dans le temple, où il offrait les sacrifices et accomplissait les autres cérémonies de ce grand jour.
C’est là, au milieu de cette foule d’adorateurs, que Jésus se lève et prononce avec une grande solennité les paroles qui suivent (Il se tenait debout et cria ; comparez verset 28, note).
Avoir soif, c’est l’image par laquelle l’Écriture exprime les besoins moraux et spirituels. Sous le soleil ardent de l’Orient, en des lieux arides qui souvent manquent d’eau, la soif tourmente fréquemment l’homme et le fait mourir dans de grandes souffrances. C’est la soif de l’âme que Jésus s’offre à étancher : qu’il vienne à moi et qu’il boive !
On admet généralement que dans l’occasion présente cette comparaison fut inspirée à Jésus par une cérémonie qui était propre à la fête des Tabernacles. Chaque jour, après le sacrifice du matin, un prêtre, un vase d’or à la main, descendait, suivi de la foule, à la source de Siloé et y puisait de l’eau qu’il portait au parvis du temple ; les autres sacrificateurs le recevaient au son des trompettes et des cymbales et au milieu des acclamations joyeuses de la multitude.
Le peuple chantait : « Vous puiserez de l’eau avec joie aux sources du salut » (Ésaïe 12.3). Alors le sacrificateur montait sur l’autel des holocaustes et accomplissait une libation en versant du côté de l’occident l’eau contenue dans le vase d’or et en répandant du coté de l’orient une coupe de vin. Cet usage prêtait aux paroles de Jésus une actualité particulière.
M. Godet objecte qu’il n’eût pas été digne de Jésus de prendre pour point de départ du témoignage important qu’il va rendre une cérémonie qui n’avait pas été ordonnée de Dieu dans la loi, mais inventée par les prêtres pour rappeler un des grands miracles accomplis dans le désert, l’eau jaillissant du rocher (Exode 17 ; Nombres 20). Il pense que Jésus remonta jusqu’au bienfait divin que le rite institué par les hommes commémorait et qu’il se compara, non à la cruche d’eau que répandait le sacrificateur, mais au rocher même d’où Dieu fit jaillir l’eau vive.
Cette explication n’est point opposée à la précédente, car la cérémonie de la fête des tabernacles permit à Jésus de faire allusion au rocher de Rephidim ; elle la complète heureusement (comparer 1 Corinthiens 10.4).
Croire en Jésus est l’acte réel figuré par les deux images précédentes : « venir à lui et boire ».
Entrer, par une foi vivante du cœur, dans une communion intime avec Jésus, c’est le seul moyen de s’approprier les trésors de grâce, de vie et d’amour dont il est la source. Jésus peint, en une magnifique image, les bienfaits qu’il procure à celui qui croit en lui et par lui à d’autres âmes : des fleuves d’eau vive couleront de son sein. C’est-à-dire qu’une effusion puissante de l’Esprit de Christ (verset 39), qui est l’Esprit de lumière et de vie, se répandra dans son intérieur, dans son cœur et en rejaillira sur d’autres, avec l’abondance de fleuves qui arrosent et vivifient des contrées entières.
Uni à Christ, il deviendra pour d’autres ce que Christ est pour lui, un rocher duquel jaillit une eau vive (comparer Exode 17.6 ; Nombres 20.11).
Cette grande pensée était exprimée déjà au Jean 4.14, avec la différence qu’ici, l’eau vive se répand, de celui qui en a été désaltéré, sur d’autres qui ont encore soif du salut.
La promesse de Jésus a été accomplie le jour de la Pentecôte et dans l’action de l’Esprit qui en a été la suite.
Jésus ajoute : comme dit l’Écriture. Il n’y a pas dans l’Ancien Testament de passage qui renferme exactement ces paroles ; mais tous les prophètes annoncent, pour les temps évangéliques, l’effusion de l’Esprit de Dieu sous cette image des eaux vives que l’Éternel répandra sur son peuple (Ésaïe 35.6-7 ; Ésaïe 41.17-18 ; Ésaïe 44.3 ; Ésaïe 58.11 ; Ézéchiel 36.25 ; Exode 17.6 ; Nombres 20.11 ; Deutéronome 8.15 ; Psaumes 114.8).
C’est ainsi que l’évangéliste explique la promesse de Jésus. Celle-ci se rapportait à l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui.
Jean ajoute que cet Esprit n’était pas encore. Il ne veut pas dire que l’Esprit de Dieu n’eût pas existé et ne se fût pas manifesté sous l’ancienne Alliance. Dès avant la création, « l’Esprit de Dieu se mouvait sur les eaux », pour y produire la vie et l’harmonie (Genèse 1.2) et c’est poussés par lui que tous les prophètes ont parlé (2 Pierre 1.21).
Il ne faut pas cependant affaiblir l’expression en traduisant : n’avait pas encore été donné (B et l’Itala présentent cette variante, mais cette leçon est une correction évidente).
La pensée de Jean doit être interprétée à la lumière des déclarations de Jésus dans ses entretiens de la chambre haute (Jean 14.15 suivants ; Jean 16.5 et suivants), qui font dépendre la venue du Consolateur du retour de Jésus auprès de son Père et identifient le don du Saint-Esprit avec la présence de Jésus-Christ dans le cœur de ses disciples (Jean 14.17-18 ; Jean 14.23).
À la Pentecôte seulement, l’Esprit commença d’habiter dans le cœur des hommes et d’y agir comme un principe de régénération et de vie.
C’est dans ce sens que l’évangéliste peut dire : L’Esprit n’était pas encore. Et il en donne la raison aussi vraie que profonde : parce que Jésus n’était pas encore glorifié.
Cette condition indispensable de l’envoi du Saint-Esprit est expressément indiquée par Jésus lui-même (Jean 16.7). Mais comment faut-il l’entendre ?
On a dit que jusqu’à la glorification de Christ
la foi des disciples, encore liée à la présence de Jésus en chair, était faible et obscurcie par leurs fausses idées messianiques, la présence et l’autorité de Jésus les retenaient dans un état passif et purement réceptif. Mais lorsque sa gloire leur fut révélée par les grands faits de sa mort et de sa résurrection, leur foi s’éleva à sa vraie spiritualité ; livrés à eux-mêmes par le départ de leur Maître, leur activité propre se développa et tous les germes de l’Esprit déposés en eux portèrent leurs fruits.
Cette explication est vraie, mais insiste trop exclusivement sur les dispositions des disciples. C’est en Christ lui-même et dans son œuvre qu’il faut chercher les raisons qui rendaient sa glorification nécessaire pour que l’œuvre de l’Esprit pût s’accomplir. Christ devait, au préalable, par sa mort expiatoire, réconcilier notre humanité avec Dieu il devait, par son retour dans la gloire (Jean 17.5), prendre possession du royaume qu’il était venu fonder, en sorte que « toute puissance lui fût donnée au ciel et sur la terre » (Matthieu 28.18).
Après cela seulement il était en mesure de répandre sur ses rachetés l’Esprit qui devait le glorifier lui-même en eux (Jean 16.14) et créer pour toujours leur communion avec le Sauveur invisible.
Ces paroles (majuscules, versions. Le texte reçu porte : cette parole) sont celles que Jésus vient de prononcer et dont l’évangéliste décrit maintenant les effets divers sur les gens de la foule (Le texte reçu porte : plusieurs de la foule. Codex Sinaiticus, B, D omettent plusieurs).
Pour les uns, qui avaient reçu une impression sérieuse, il était le prophète (Jean 1.21 ; Jean 6.14), c’est-à-dire le précurseur du Messie.
Pour d’autres, plus avancés dans la foi, il était le Christ, le Messie (verset 41). Conclusion capitale qu’ils tiraient des discours de Jésus et de la vive impression qu’ils en avaient reçue !
Cette objection prouve que ceux qui la faisaient étaient familiarisés avec les prophéties (Michée 5.1). Jean ne la réfute pas, ce qui lui eût été facile, précisément parce qu’il estime qu’elle se réfute d’elle-même.
Comme le dit M. Godet, « il se plaît à rapporter des objections qui, pour ses lecteurs au fait de l’histoire évangélique, se transformaient immédiatement en preuves ».
On a donc méconnu son intention en concluant de son silence qu’il ignorait la naissance de Jésus à Bethléhem et dans la postérité de David.
Il y eut donc division parmi la foule (Jean 9.16 ; Jean 10.19 ; 1 Corinthiens 1.10).
Comme l’évangéliste a marqué deux nuances parmi les croyants (versets 40 et 41), il en note deux aussi parmi les opposants. Les uns expriment leur doute par une objection (versets 41 et 42), les autres voudraient procéder immédiatement par des voies de fait (verset 44).
Personne ne mit la main sur lui, sans doute par la même raison qui est indiquée au verset 30. Même les huissiers envoyés pour l’arrêter sentirent leurs mains retenues par la puissance divine de sa parole (verset 46).
Ces huissiers envoyés par le sanhédrin pour se saisir de Jésus (verset 42) reculent devant l’exécution de leur mandat.
Ils auraient cru commettre un sacrilège en mettant la main sur lui. Ils ne cherchent même pas la moindre excuse pour avoir manqué à leur devoir.
Tout remplis de ce qu’ils ont entendu, ils se contentent de cette réponse, qui est un beau témoignage rendu à la puissance de la parole de Jésus.
C’est un puissant discours une parole énergique qu’ils prononcent dans leur humilité.
C’est là un caractère de la vérité, de convaincre des hommes simples, plutôt que leurs maîtres.
Le sanhédrin était assemblé pour recevoir le prisonnier que les huissiers devaient amener.
Ce sont les pharisiens, les rigoureux gardiens de l’orthodoxie, qui prennent la parole, ils citent les hommes de leur parti comme les seuls modèles que les huissiers auraient dû imiter.
Aveuglés par leur orgueil, ils prétendent qu’aucun des chefs ni des pharisiens n’avait cru en Jésus.
Il y avait pourtant, présent à la séance, un pharisien qui allait leur prouver le contraire (verset 50, comparez Jean 12.42).
C’est là, de la part des chefs le langage d’un souverain mépris et de la haine pour la foule ignorante.
Cette malédiction qu’ils prononcent sur elle dans leur colère allait bientôt devenir officielle, sous la forme de l’excommunication prononcée contre tous ceux qui croiraient en Jésus (Jean 9.22).
Voir sur Nicodème Jean 3.1 et suivants Notes.
Trois fois cet Évangile fait mention de Nicodème, le présent passage forme la transition de la timidité première (Jean 3) à la courageuse confession de la fin.
Souvent ceux qui ont été timides hors du danger deviennent les défenseurs de la vérité dans le danger même.
Ce mot de l’évangéliste : qui était l’un d’entre eux, donne d’autant plus de poids au témoignage de Nicodème et dément la parole des pharisiens, verset 48.
Il y a ici diverses variantes dans les manuscrits : B porte : qui était venu auparavant ; D : qui était venu auparavant de nuit ; Codex Sinaiticus, que suit Tischendorf, omet toute la phrase.
Voir Jean 19.30, où les mêmes paroles sont appliquées à Nicodème.
Ce qu’il a fait, c’est-à-dire ses actions et sa conduite. La loi est ici personnifiée, c’est elle qui entend, qui juge, qui connaît, dans la personne du juge qui est l’organe de la loi.
Cet appel à la loi, en présence d’hommes qui viennent de reprocher à la foule de ne pas la connaître, est d’une mordante ironie.
Au lieu de répondre à la question de Nicodème, ces hommes passionnés et endurcis se contentent de lui dire une injure, car c’en était une à leurs yeux ; que d’appeler Galiléen un membre du sanhédrin. Et, en même temps, ils insinuaient que Nicodème avait des sympathies pour Jésus, le Galiléen.
Codex Sinaiticus, B, D, versions, ont le verbe au présent : n’est point suscité, c’est-à-dire qu’aucun prophète ne saurait être originaire de cette province.
Le verbe au parfait (texte reçu) exprime un fait historique ; le présent indique que les pharisiens se placent au point de vue de la prophétie, selon laquelle aucun prophète n’est venu ni ne peut venir de cette province et que, par conséquent, Jésus, qu’ils nomment Galiléen, ne peut être ni un prophète ni le Messie.
Ici encore, la colère aveugle ces savants docteurs, car Jonas était Galiléen (2 Rois 14.25) et peut-être aussi Élie et Nahum. Ils oublient encore que selon Ésaïe, c’est de la Galilée que resplendit la lumière des temps évangéliques (Ésaïe 8.23 ; Ésaïe 9.1). Mais, pour la passion, tous les arguments sont bons.
À qui s’applique cette remarque : aux membres du sanhédrins qui se retirent après la séance (versets 45-52), ou aux gens de la foule qui, la fête finie, regagnent leurs demeures ?
Ce manque de rapport clair avec ce qui précède montre que le fragment suivant a été intercalé dans un texte auquel il n’appartenait pas.