Verset à verset Double colonne
La situation respective de Job et de ses amis change à partir d’ici. Dans son dernier discours, Job a affirmé que souvent le méchant est heureux jusqu’au bout. ; il a ainsi attaqué directement les opinions de ses amis. Son ton convaincu laissait déjà entrevoir que la victoire lui resterait. La troisième passe d’armes va décider de la chose. Éliphaz ne produit pas d’arguments nouveaux ; Bildad ne parvient qu’à ébaucher une courte répétition de lieux communs. Tsophar renonce à prendre la parole et Job constate dans un discours final qu’il reste seul sur le champ de bataille.
Lors même qu’il ne peut opposer un démenti formel aux faits constatés par Job, Éliphaz n’est pas disposé à renoncer à un principe qui, s’il n’explique pas tout, résulte cependant de nombreuses observations. Aussi s’attaque-t-il aux exagérations qui ont signalé le dernier discours de Job. Il en est indigné et met de côté tout ménagement, tandis que précédemment il ne s’était permis que de simples allusions aux péchés de son ami (versets 2 à 10). Il lui conseille de ne pas abonder dans les pensées qu’il vient d’exprimer, de peur de partager le sort réservé aux méchants (versets 11 à 20) ; il termine en l’invitant à la repentance, qui lui procurerait le retour de la faveur divine et du bonheur (versets 21 à 30).
Ces premiers versets sont un raisonnement qu’Éliphaz estime infaillible. La conduite de Dieu n’est pas dictée par l’intérêt (versets 2 et 3) ; elle doit avoir sa cause dans l’homme. Mais cette cause, dans le cas spécial de Job, n’est évidemment pas la piété (verset 4). Si donc Job est très malheureux, c’est qu’il a commis de grands péchés (versets 5 et suivants).
Dieu ne retire aucun profit de la piété de l’homme ; c’est celui-ci qui en a tous les avantages
Il serait encore plus déplacé de penser que Dieu châtie l’homme à cause de sa piété.
Qu’il te châtie, au lieu de : que tu es malheureux. Remarquez que, sans autre explication, Éliphaz admet ici que les souffrances de Job sont un châtiment, tout comme au verset 3 il n’a pas même examiné s’il n’y a pas des cas où la piété d’un homme contribue à la gloire de Dieu. Éliphaz se nourrit de préjugés.
À partir de ce verset les accusations les plus graves sont portées coup sur coup contre Job avec une désinvolture surprenante. Éliphaz n’avance aucune preuve : il ne fait que conclure des malheurs de Job à sa culpabilité.
Les gages : Tu exploitais les difficultés où pouvaient se trouver tes voisins.
Les pauvres, littéralement : les nus, ceux qui déjà n’avaient que peu de vêtements.
L’énumération des péchés supposés de Job est interrompue pour reprendre au verset 9 : Voilà à quoi on en était venu et tu trouves cela bien ! Parce que lu étais considéré, tu oubliais tes violences.
Éliphaz fait allusion à un passage du second discours de Bildad (Job 18.7-11) où le méchant a été représenté comme entouré de pièges et en proie à des terreurs soudaines. Il attribue les accès de désespoir auxquels Job s’est laissé aller, à la frayeur que lui inspire le souvenir de ses péchés. C’est sa mauvaise conscience qui le tourmente ainsi.
Ne comprends-tu pas que tu es dans une erreur totale ? L’erreur est comparée à l’obscurité qui empêche de voir la vérité (Ésaïe 9.1), puis à un torrent d’eau dont on est submergé et qui ôte toute possibilité de penser.
Dieu est si élevé que ce serait une témérité de vouloir discuter avec lui.
Éliphaz, comme il arrive trop souvent dans la discussion, fausse en l’exagérant la pensée de son adversaire. Job avait dit (chapitre 21) que l’on voit des méchants heureux ; Éliphaz prétend qu’il a nié la toute-science de Dieu et affirmé que, caché derrière les nuages, le Très-Haut ne fait que se promener dans le ciel, sans voir ce qui se passe sur la terre.
Job est exhorté à ne pas se ranger au nombre des méchants qui, malgré tout, seront détruits.
Le chemin d’autrefois, non pas dans un sens favorable, comme dans Jérémie 6.16 ; Jérémie 18.15 : le temps des anciens sages ; mais : le temps où la corruption, arrivée à son comble, a été frappée d’une punition extraordinaire.
Engloutis, par les eaux du déluge.
Les fondements. Ces méchants aussi se croyaient solidement établis ; il n’en était rien.
Loin de moi ! Éliphaz répudie avec indignation toute solidarité avec les impies dont il regrette d’avoir dû reproduire les paroles. Job a prononcé ces mêmes mots (Job 21.16) Éliphaz les reprend, comme pour dire : Beaucoup plus que toi, j’ai le droit de parler ainsi.
Voient cela : la chute des méchants (verset 20).
Éliphaz semble maintenant vouloir atténuer la rudesse de ses accusations. C’est son dernier discours : il veut laisser une impression favorable. De fait, il est le plus humain des trois amis.
Job, selon Éliphaz, a déclaré la guerre à Dieu, surtout par son dernier discours ; il faut qu’il fasse la paix avec lui (Matthieu 5.25).
Par là, à cette condition.
De sa bouche. Éliphaz se donne donc pour l’interprète authentique du conseil de Dieu. Voir déjà Job 15.11.
Si tu jettes l’or, mal acquis, auquel tu tenais tant, le seul bien qui te reste.
Ophir. Voir à Genèse 10.29.
Tu éleveras… : Tu pourras regarder Dieu en face, n’étant plus coupable.
Dans ce passage Éliphaz décrit, sans s’en douter, ce qui aura lieu à la fin de notre récit. Job priera pour que Dieu pardonne aux trois amis (Job 42.7-9).