Verset à verset Double colonne
Ce cantique exprime les impressions de tout Israélite fidèle sous le poids de l’épreuve. Le prophète est lui-même le représentant de cet Israël véritable ; aucun autre n’avait porté aussi douloureusement et aussi fidèlement que lui le poids du péché et du malheur national. Cette position de l’auteur explique la transition répétée de la forme moi ou je au pluriel nous (verset 22 et versets 40 à 47).
Le poème peut se diviser en quatre strophes : Dans la première règne la plainte, une plainte sans espoir (versets 1 à 18). Dans la seconde (versets 19 à 39) le poète s’élève au-dessus de sa douleur par la contemplation de la miséricorde et de la fidélité de Dieu et parvient ainsi à la résignation et à un commencement d’espérance. Dans la troisième il exhorte l’Israël fidèle à revenir à son Dieu et fait en son nom la confession de ses fautes ; il fait entendre ici les accents de la contrition la plus profonde (versets 40 à 54). Dans la quatrième éclate la victoire de la foi. Israël demande avec confiance la délivrance de ses maux et le châtiment de ses ennemis (versets 55 à 66). Si telle est bien la division de cette élégie, il est à remarquer que la première strophe se compose de 15 versets (3 x 5), la seconde de 21 (3 x 7), la troisième de 15 (3 x 5), la quatrième de 12 (3 x 4).
Ce chant est destiné par le prophète à conduire ses frères au seul état d’âme dans lequel l’épreuve puisse se transformer en bénédiction.
Cette troisième élégie, dans laquelle le poète a employé le rythme le plus compliqué (voir l’introduction), est le morceau central du livre des Lamentations.
Littéralement : Je suis l’homme qui a vu ; pour dire : Si jamais quelqu’un a vu…, c’est moi !
Le peuple élevé plus que tous les autres a été châtié aussi plus sévèrement qu’eux tous et Jérémie a été atteint plus que tout autre Israélite par la douleur commune.
Ténèbres et non pas lumière : comparez Job 12.25 et Amos 5.18.
Différentes images : le corps, brisé par la douleur, est comparé à un vêtement usé.
L’image d’une ville assiégée ; puis d’un empoisonnement et d’un marasme.
Fiel : un poison étourdissant (comparez Jérémie 8.14 et Jérémie 9.15).
Le lieu des morts était au point de vue juif un lieu d’obscurité et d’oubli.
Image d’une étroite prison dans laquelle le captif est chargé de chaînes (comparez Jérémie 37.16) et où sa prière elle-même semble demeurer enfermée.
Deux nouvelles images celle d’une barricade formée de pierres de taille et celle d’une route défoncée, devenue impraticable.
Sur ce chemin sans issue, il est tout à coup surpris par des dangers imminents (l’ours, le lion).
Ainsi menacé, il cherche à échapper par une voie détournée, mais en vain.
Nouvelle allégorie : celle du gibier poursuivi par le chasseur.
Les traits : littéralement : les fils de son carquois. L’image cesse au verset 14, qui montre de quelles flèches il s’agit. Ce sont les railleries de son propre peuple. Allusion à Jérémie 20.7. Le prophète parle toujours comme représentant des fidèles qui avaient souffert avec lui.
Il a fait broyer du gravier à mes dents : pour les briser ; on peut entendre aussi : il m’a donné des pierres pour pain.
Enfoncé dans la cendre. Dans les deuils ordinaires on se couvrait de cendre ; Ésaïe 61.3 ; dans un deuil extrême, comme celui-ci, on s’asseyait dans la cendre. Comparez Job 2.8.
Est dégoûtée : proprement : a des nausées ; parce que depuis si longtemps la paix lui manque.
Expression du plus profond découragement.
J’ai dit. Il fait entendre par là que la parole qu’il avait prononcée alors, n’est plus l’expression de son sentiment actuel.
Loin de l’Éternel. C’était la présence de l’Éternel qui l’avait soutenu précédemment ; dès le moment où Dieu s’est retiré, l’énergie et l’espoir lui ont entièrement fait défaut. Mais en même temps, cette plainte désespérée le ramène à Dieu lui-même. Jusqu’ici il n’avait parlé de Jéhova qu’en disant Il, car l’amertume de son cœur semblait l’empêcher de le nommer. Mais pas plutôt ce nom est sorti de ses lèvres, qu’en dépit de ses assertions précédentes l’Éternel redevient l’appui de sa foi et qu’il se retourne vers lui pour l’implorer.
Là où il lui semblait qu’il ne restait plus aucun sujet de joie, il découvre tout à coup, à la clarté du nom de Jéhova, des motifs de reconnaissance et d’espoir (verset 22 et suivants).
Souviens-toi (verset 19) : car moi Je me souviens (verset 20). L’Éternel ne peut oublier ce qui remplit d’amertume le cœur de son enfant.
Ce que je me rappelle : tout ce qui est énoncé dans les versets suivants.
Le prophète rappelle le rôle de la miséricorde et de la providence divine dans la destinée humaine et se fortifie, lui et ses frères, par cette contemplation.
C’est une grâce : littéralement : ce sont des grâces. Il y a d’abord, en effet, la grâce d’exister encore. La survivance d’un reste en Israël est un premier effet de la miséricorde divine (Ésaïe 1.9). À cette première grâce s’en ajoute une seconde : celle de pouvoir espérer encore de redevenir l’objet des inépuisables compassions de Dieu.
À dit mon âme. C’est ici comme la réponse au : J’ai dit, du verset 18, qui était la parole du mauvais jour.
Ma part. C’est l’opposé du : loin de l’Éternel, verset 18.
Je m’attendrai : l’opposé de : mon attente a pris fin.
Ces trois versets sont comme le cœur du poème. Le Seigneur veut le bien des hommes, même quand il les frappe et il ne demande de leur part, pour le réaliser, que l’abandon de la soumission et de la foi (Psaumes 34.9).
En silence : sans murmurer, comme il a été sur le point de le faire dans la première partie du poème.
Attendre en silence est souvent l’acte de foi le plus énergique ; car l’instinct naturel pousse à agir par soi-même. Comparez Ésaïe 30.15 ; Psaumes 37.7.
Aussi est-ce un avantage d’avoir été exercé à la soumission et au sacrifice de la volonté propre, dans l’âge où l’apprentissage est possible.
S’asseoir solitaire (verset 28) ; comparez Jérémie 15.17 ; se prosterner dans une entière et confiante soumission (verset 29), accepter l’opprobre des hommes (verset 30).
En Orient on se prosterne jusqu’à terre devant un supérieur.
Le silence de la soumission n’exclut pas une voix d’espérance au fond du cœur.
Se rassasier, c’est plus que subir, c’est accepter avec une sorte de satisfaction ; comparez Ésaïe 50.6 ; Matthieu 5.39.
Trois motifs de consolation : l’affliction n’est que pour un temps (verset 31) ; elle est adoucie au moment même par la compassion de celui qui l’envoie (verset 32) et il ne l’envoie qu’à regret et parce que le bien de l’homme l’exige (verset 33).
Allusion aux souffrances qu’Israël a dû subir de la part des païens (verset 34) et à celles dont le prophète et les fidèles ont été les objets de la part de leurs compatriotes.
Les injustices les plus révoltantes qui se commettent sur la terre sont connues de Dieu et réservées à son jugement ; nouveau motif de patience pour le fidèle.
Aucun dessein humain ne peut s’accomplir si Dieu ne le ratifie (verset 37).
Les maux, le bien, désignent ici non le bien ou le mal moral, mais la destinée heureuse ou malheureuse (Ésaïe 45.7 ; Amos 3.3-6).
De son péché. Ces derniers mots forment la transition au morceau suivant.
Le prophète invite ses frères à la conversion et prononce la confession de leurs fautes : tel doit être, en effet, le fruit du renouvellement de la confiance en Dieu, tel qu’il a été décrit dans le morceau précédent.
Pour pleurer son péché, il faut commencer par le connaître (verset 40) ; une fois qu’il est connu, il faut le confesser (versets 41 à 42).
Littéralement : Élevons nos cœurs vers nos mains. Les mains sont déjà levées pour prier ; mais le cœur doit se joindre à elles.
Tu n’as pas pardonné. Ces derniers mots forment la transition à la description du châtiment dans les versets suivants.
La colère de Dieu est comparée à une nuée dans laquelle il s’enveloppe pour ne pas laisser la prière de son peuple pénétrer jusqu’à lui ; comparez verset 8.
Comparez 1 Corinthiens 4.13.
Comparez Lamentations 2.16 et Jérémie 48.43.
La frayeur désigne tous les moyens par lesquels on effraie le gibier et la fosse le piège dans lequel il va tomber.
Comparez Lamentations 1.16 ; Lamentations 2.11.
Mon œil me fait mal à force de pleurer la ruine de mon peuple ; comparez Lamentations 1.4 ; Lamentations 2.10.
Le prophète fait ici allusion à ses souffrances bien connues dans les temps qui ont précédé la ruine, comparez entre autres Jérémie chapitre 38. Mais ce tableau est poétique et l’on ne doit pas prendre tous les détails à la lettre.
Comparez Psaumes 11.4.
Mes ennemis : ses compatriotes acharnés à sa perte.
Jeté une pierre sur moi : pour fermer sur lui l’ouverture de la fosse. Il devait être désormais un homme oublié.
Les eaux : sans doute les eaux qui montent dans le puits où on l’a enfermé. Les eaux sont fréquemment, dans l’Ancien Testament, l’image d’un danger de mort imminent (Psaumes 42.8 ; Psaumes 18.17, etc.).
Le prophète se fortifie, en vue de ses souffrances actuelles, par le souvenir de l’exaucement et de la délivrance qu’il avait obtenus dans ce moment d’extrême détresse.
La fosse des enfers : littéralement : la fosse des lieux bas. Il veut parler du lieu des morts, qu’on se représentait placé dans le sein de la terre et où il se croyait prêt à descendre. Comparez Psaumes 88.7.
Dieu a pris alors la défense du prophète et l’a merveilleusement délivré (verset 58). Mais il est encore en proie aux mauvais traitements de ses compatriotes (versets 59 et 60). Il s’agit sans doute dans ce passage de ce qu’il a eu à souffrir de leur part après la ruine de Jérusalem et jusqu’en Égypte (comparez Jérémie chapitres 43 à 45). Mais encore ici il ne voit dans son sort personnel que l’exemple des souffrances d’Israël tout entier ; par conséquent le châtiment qu’il attend pour ses ennemis, doit frapper à plus forte raison ceux de son peuple.
Leur chanson : comparez verset 14.
Tu les rétribueras… Comparez Romains 11.8-10.
Endurcissement : littéralement : couverture. L’image est celle d’un voile qui empêche de voir ; comparez 2 Corinthiens 3.15. Il vient un moment où ceux qui ont volontairement et obstinément repoussé la lumière, sont rendus incapables de la discerner et abandonnés à l’esprit de mensonge auquel ils se sont livrés ; comparez Ésaïe 6.9-10 ; 2 Thessaloniciens 2.11-12.
Les cieux de l’Éternel. Il eût pu dire : tes cieux. Mais cette expression doit rappeler que les cieux d’un être tel que le Dieu saint, ne doivent abriter rien d’impur. Psaumes 104.35.