Verset à verset Double colonne
Cette dernière élégie commence et finit par une prière (versets 1 et 19 à 22). La prière est motivée par le tableau de l’état d’oppression auquel les pauvres réchappés sont réduits. Nous voyons, en effet, par Jérémie 52.30 (note), que, même après la ruine, le pays restait encore plus ou moins habité. Deux fois cette description aboutit à une confession du péché : au verset 7 et au verset 16, qui indiquent la fin des deux strophes du milieu. La supplication finale, versets 19 à 22, forme la clôture non seulement de la cinquième élégie, mais du livre entier. En ne donnant plus à chaque verset que deux lignes parallèles très simples, le poète veut indiquer qu’il approche de la fin.
Souviens-toi : de nos souffrances passées. Regarde : notre situation présente. C’est ce souvenir et cette vue qui doivent engager l’Éternel à agir (verset 20).
Héritage, maison : tout notre divin patrimoine nous a été repris.
Orphelins, veuves : deux images d’un peuple sans protection ; comparez verset 8 et Lamentations 4.20.
Notre bois, notre eau : ils sont forcés d’acheter de leurs maîtres chaldéens tout ce dont ils jouissaient autrefois gratuitement.
Littéralement : Sur nos cous nous sommes persécutés. Ils subissent de la part de ces étrangers les plus dures vexations.
Après le long séjour de l’armée chaldéenne en Palestine, le pays était complètement ravagé. Les misérables survivants devaient s’adresser aux pays voisins, comme l’Égypte au sud et l’Assyrie au nord, pour obtenir du pain.
L’Assyrie, ici pour les pays orientaux en général : comparez Esdras 6.22.
Première confession du péché. Elle porte sur les fautes des pères. Ceux qui parlent ainsi ne veulent pas par là nier leur propre culpabilité (comparez verset 16) ; mais il est certain que, quand vient le jour de la rétribution, Dieu châtie, avec les péchés des enfants, ceux des pères. Naturellement cette dispensation suppose que les enfants ont continué, malgré tous les avertissements, à marcher sur la voie des pères. Comparez dans le second commandement ces mots :
Qui punis le péché des pères sur les enfants jusqu’en la troisième et quatrième génération de ceux qui me haïssent
Exode 20.5 ; Luc 11.50 ; Luc 11.51.
Le tableau des misères présentes recommence après cette confession.
Des esclaves : les derniers des subalternes chaldéens qui commandent en tyrans.
L’épée du désert : l’épée des hordes du désert qui, à l’époque des moissons, viennent faire des razzias dans ce pays que les Chaldéens ne se donnent pas la peine de défendre ; comparez ce qui est dit du temps de Gédéon, Juges 6.3-4.
La fièvre résultant de la famine.
Les souffrances des différentes classes de la population : les femmes et les jeunes filles ; les princes et les vieillards ; les jeunes gens et les enfants.
Par leurs mains : celles des ennemis ; sans doute immédiatement à la suite du siège.
Des corvées au-dessus de la force de leur âge.
Porté la meule : transporté et tourné la meule pour les soldats chaldéens ; puis porté pour eux des charges excessivement lourdes.
Les moulins à bras se transportaient d’un endroit dans un autre. L’office de tourner la meule était l’affaire des esclaves ; comparez Juges 16.21 et Jérémie 52.11, note.
La porte : le lieu où l’on se rassemblait autrefois pour traiter les affaires et pour se délasser par des jeux et des chants.
La couronne : tout ce qui faisait la gloire du peuple. Israël est semblable à un roi découronné.
Second aveu de péché complétant celui du verset 7, qui ne concernait que les pères.
Ces versets forment la transition à la prière qui va suivre. C’est le dernier trait du tableau : la désolation de la colline sacrée sur laquelle jadis s’élevait le temple. Les renards fuient la présence de l’homme ; leur présence sur la montagne du temple prouve combien complètement Sion est dévastée.
Toi, Éternel. La demeure terrestre de Jéhova peut être détruite ; son trône céleste n’en demeurera pas moins inébranlable. Voilà la source de l’espérance du peuple, la garantie de l’exaucement de sa prière.
Ce verset comprend évidemment et le rétablissement spirituel, le retour à Dieu par la conversion, et, comme conséquence, le rétablissement temporel par le retour de la captivité.
La colère de Dieu envers son peuple ne peut être que temporaire (Psaumes 30.6). La supposition que fait ici le prophète de son rejet définitif est donc une impossibilité réelle. Cette supposition même est ainsi l’expression indirecte d’une espérance que ne peut étouffer la vue du mal présent, irrémédiable en apparence. Comparez Ésaïe 64.12.
Saint Paul a dit à l’égard d’Israël : Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance (Romains 11.29). Ésaïe avait déjà dit la même chose sous une autre forme (Ésaïe 6.13). C’est le sentiment qui se dégage, non avec éclat, mais avec une fermeté humble et soumise, des abîmes de souffrance décrits dans le poème des Lamentations. Ce caractère le distingue des simples produits de la muse. L’auteur gémit, mais dans l’atmosphère vivifiante de la divine révélation et de la promesse.
Nous n’avons indiqué, qu’un petit nombre des incessantes citations des Psaumes, du livre de Job et des prophéties antérieures, dont ce livre est rempli. La révélation divine est un fleuve qui traverse sans cesse des régions nouvelles et dont les eaux grossissent à chaque pas par les apports nouveaux de l’Esprit-Saint.