Verset à verset Double colonne
Le démoniaque
Jésus, débarquant au pays des Gadaréniens, voit venir à lui un démoniaque, qui hantait les sépulcres, ne pouvait être maîtrisé par personne et tournait sa fureur contre lui-même (1-5).
Sa rencontre avec Jésus
Il accourt se prosterner devant Jésus ; puis il le supplie, en le proclamant Fils du Dieu très-haut, de ne point le tourmenter, car Jésus ordonnait à l’esprit impur de sortir de cet homme. Jésus demande à celui-ci son nom. Le démon répond qu’il se nomme Légion, parce qu’ils sont plusieurs (6-10).
Les démons envoyés dans les pourceaux
Un troupeau de pourceaux paissait sur la montagne. Sur leur demande, les démons sont autorisés à entrer dans les pourceaux, qui, au nombre de deux mille, se précipitent dans la mer (11-13).
Les habitants du pays
Avertis par les gardiens du troupeau, les gens de la contrée viennent considérer le démoniaque assis paisiblement aux pieds de Jésus. Instruits de l’événement par ceux qui en avaient été témoins, ils prient Jésus de quitter leur territoire (14-17).
L’ordre donné au démoniaque guéri
Celui-ci supplie Jésus de le prendre avec lui. Jésus l’envoie dans sa maison pour témoigner du bienfait reçu. Il le publie dans la Décapole (18-20).
Ils y arrivèrent, après avoir essuyé la tempête décrite au chapitre précédent (versets 35-41).
Voir, sur ce nom propre et sur tout le récit qui va suivre, Matthieu 8.28-34, notes et comparez Luc 8.26-39.
Marc, encore ici, raconte avec beaucoup plus de détails que les autres évangélistes. Nous relevons ce qui lui est propre.
Grec : un homme en esprit impur. Voir Marc 1.23, note.
Ces détails terribles, conservés par Marc, montrent jusqu’à quel degré de frénésie était parvenu ce malheureux. La fureur doublait ses forces. C’est ce qui se voit souvent chez les fous furieux ; mais ici l’évangéliste veut évidemment indiquer une influence de la puissance des ténèbres.
Les sépulcres et les montagnes sont mentionnés ensemble, parce que les tombeaux, en Orient, étaient des grottes naturelles ou creusées dans le flanc d’une colline.
Le démoniaque séjournait dans ces endroits écartés et lugubres, afin d’y chercher la solitude. Les actes de violence exercés sur lui-même par ce malheureux (se meurtrissant avec des pierres) et dont Marc seul nous parle, ont été considérés par quelques interprètes comme des signes de repentance ou de désespoir et non comme un simple effet de la folie furieuse.
On peut en conclure que ce malade, en proie à la puissance des ténèbres, endurait aussi une affreuse souffrance morale. À ce point de vue, on comprend mieux la grandeur de la délivrance dont il fut redevable au Sauveur.
Cet empressement du malade à accourir auprès de Jésus dès qu’il le vit de loin et à se jeter à ses pieds, prouve évidemment, comme le fait observer Olshausen, que le premier aspect du Sauveur exerça sur lui une influence bienfaisante, qu’il se sentit attiré vers lui et qu’il en attendait du soulagement.
Mais comment expliquer la contradiction qu’il y a entre ce sentiment et les paroles qu’il prononce aussitôt (verset 7) ?
C’est que, jusqu’ici, le malade agissait avec la conscience de lui-même et de son malheur, mais Jésus, en ordonnant à l’esprit impur de sortir (verset 8), excita la résistance de ce dernier, qui produisit dans sa victime un de ces paroxysmes dans lesquels elle n’était plus que l’organe du démon qui parlait par elle.
En effet, ce verbe à l’imparfait il lui disait (verset 8) indique que Jésus avait répété son ordre sans que le démon fût encore sorti et explique les paroles violentes du démoniaque. Peut-être Jésus ne voulut-il pas employer dès l’abord toute l’énergie de sa puissance, par la crainte que la lutte entre son pouvoir et la résistance de l’esprit méchant ne brisât l’organisme du malade dans la crise violente que sa parole avait suscitée.
Voir, sur cette connaissance mystérieuse que le démon a de Jésus comme Fils du Dieu très-haut et sur ces mots : Qu’y a-t-il entre toi et moi, Marc 1.24, note.
En ajoutant : Je t’adjure par Dieu, l’esprit impur pensait sans doute que Jésus lui accorderait plus facilement sa demande de n’être point tourmenté. Qu’entendait-il par là ? Le verset 10 pourra répondre à cette question (voir Matthieu 8.29, note).
Ce verset motive (car) les paroles du démon oui précèdent. On a déjà fait remarquer (verset 6, note) que cet ordre de Jésus avait été donné dès l’abord.
Jésus adresse sa question au malade afin de le calmer et de le faire entrer en communication avec lui. Dans le trouble, l’exaltation et la souffrance où se trouvait cet homme, rien n’était plus propre à le ramener à lui-même et aux réalités de sa vie que de prononcer son nom, de dire à Jésus avec confiance qui il était.
Malheureusement, il était encore trop sous l’influence du mauvais esprit pour répondre avec une claire conscience de lui-même ; aussi est-ce le démon qui reprend la parole, et, non sans orgueil et méchanceté, il emprunte son nom à ces redoutables légions romaines qui faisaient la terreur et l’aversion du peuple juif.
Et tandis que dans Luc (Luc 8.30) c’est l’évangéliste qui fait cette réflexion : « car plusieurs démons étaient entrés en lui », ici, c’est encore l’esprit qui ajoute par la bouche du malade : car nous sommes plusieurs.
Faut-il entendre par là une multiplicité d’influences que l’esprit exerçait sur toutes les facultés de sa victime ? Ou bien doit-on comprendre à la lettre qu’il y avait en elle un grand nombre de démons ? La première de ces opinions n’est point exclue ; mais bien certainement l’évangéliste a l’intention d’exprimer la seconde. En effet, tandis que jusqu’ici il a parlé d’un esprit impur (verset 2), son récit prend maintenant partout la forme du pluriel (versets 10, 12 et 13).
Du reste, l’idée d’une pluralité de démons dans le même possédé n’est point étrangère aux évangélistes (voir Marc 16.9 ; Luc 8.2).
Cette contrée montagneuse où abondaient les grottes et les sépulcres leur plaisait particulièrement (versets 2, 3 et 5).
Luc (Luc 8.31) donne à cette demande un motif plus facile à comprendre : les démons craignaient d’être envoyés dans l’abîme, qu’ils regardaient sans doute comme un lieu de tourment. C’est la même idée qui se trouve dans Matthieu (Matthieu 8.29), où les démons prient Jésus de ne pas les tourmenter avant le temps (du jugement).
Les mots : là, vers la montagne, ne sont point en contradiction avec ceux de Matthieu : loin d’eux ; ces deux termes expriment une certaine distance.
Cette partie du récit, conservée par les trois évangélistes, présente des faits qu’il est très difficile de s’expliquer, d’autant plus difficile qu’ils sont sans analogie dans le Nouveau Testament.
Pourquoi les démons, forcés de quitter leur victime, demandent-ils à entrer dans les pourceaux ? Est-ce parce que ces esprits sans organes, misérables dans leur abandon de Dieu, se plaisent à habiter dans des êtres organisés ? Est-ce dans l’intention méchante de nuire à ces animaux, à leurs possesseurs, peut-être même à Jésus et à son influence ? (verset 17)
Pourquoi Jésus le leur permet-il ? Est-ce parce que c’était le moyen de délivrer le malheureux, objet de son intérêt et de ses compassions ? Est-ce pour exercer un jugement sur les habitants de la contrée et provoquer en eux des pensées sérieuses ? Comment n’a-t-il aucun égard à la perte qu’ils vont subir ? (verset 13) Veut-il les punir (ceux du moins d’entre eux qui étaient Juifs) de violer la loi en élevant des animaux légalement impurs ?
On a posé toutes ces questions, on y a fait des réponses diverses, sur lesquelles il serait superflu d’insister, puisque le texte garde le silence à ce sujet.
Marc seul a noté ce nombre d’environ deux mille.
Encore ici, il serait impossible de dire quelle influence produisit dans ces animaux le mouvement impétueux par lequel ils se précipitèrent dans la mer.
Tableau paisible qui fait contraste avec la description des versets 3 à 5 !
Il faut noter ici chaque trait.
Le démoniaque, jusque-là agité, frénétique, est tranquillement assis ; il est vêtu, tandis qu’auparavant « il ne se revêtait d’aucun habit ; » (Luc 8.27) il est dans son bon sens, lui que l’évangéliste a montré fou furieux ; il le rappelle en ajoutant ces mots : lui, qui avait eu la légion.
Quel monument de la puissance et de l’amour de Jésus !
Ceux qui l’avaient vu, c’étaient les témoins de cette scène qui la racontent aux habitants de la contrée.
Ces gens sont remplis de crainte (verset 15), ne voyant que le prodige et non la compassion divine de Celui qui l’avait accompli ; plusieurs sont sans doute aussi froissés dans leur avarice, et cela, suffit pour que, dans leur aveuglement, ils veuillent se priver des bénédictions de la présence de Jésus.
C’était, sans doute, par une vive reconnaissance que le démoniaque guéri voulait suivre Jésus ; il pensait qu’auprès de son bienfaiteur il serait plus sûrement à l’abri des maux terribles qu’il avait soufferts.
Pourquoi Jésus ne le lui permit-il pas ? Les belles paroles qui suivent (verset 19) répondent abondamment à cette question. Jésus veut laisser cet homme dans sa maison, auprès des siens, pour être, à l’égard de tous, à la fois un monument et un prédicateur de la miséricorde divine.
Et c’est ce qu’il fut, en effet. Il publia dans la contrée entière (grec quelles choses) quelles grandes choses le Seigneur lui avait faites (verset 20).
S’étonnerait-on de l’ordre que Jésus donne à cet homme, tandis qu’ailleurs il interdisait à des malades guéris de proclamer ses bienfaits ? (Matthieu 8.4, note.)
La raison de cette différence est bien simple : ici, dans cette contrée écartée, il n’avait point à craindre que le bruit de ses miracles provoquât un faux enthousiasme parmi le peuple ou la haine de ses adversaires, comme c’était le cas en Galilée et en Judée.
Voir sur ce nom Matthieu 4.25, note.
On peut supposer que cette admiration fut suivie de sentiments plus éclairés, plus profonds, plus durables.
La requête de Jaïrus
Jésus ayant repassé le lac, voit venir à lui un des chefs de la synagogue, Jaïrus, qui le supplie de venir imposer les mains à sa petite fille, qui est à l’extrémité. Jésus part avec lui enserré et pressé par la foule (21-24).
Retard causé par l’intervention d’une femme malade d’une perte de sang
Une femme qui souffrait de ce mal depuis douze ans, avait dépensé tout son bien en médecins et allait en empirant, s’approche timidement par derrière, pensant que si seulement elle peut toucher son vêtement, elle sera sauvée ; et, en effet, elle se sent aussitôt guérie. Jésus sachant qu’une puissance est sortie de lui, demande qui l’a touché, et, malgré l’objection de ses disciples, promène sur la foule un regard scrutateur. La femme, toute tremblante, se jette à ses pieds et avoue la vérité ; sur quoi Jésus l’encourage et la renvoie en paix, confirmant sa guérison (25-34).
La résurrection de la fille de Jaïrus
En ce moment on vient dire à Jaïrus que sa fille est morte ; mais Jésus, sans s’arrêter à cette parole, lui dit : Ne crains point, crois seulement. Suivi de Pierre, Jacques et Jean, Jésus arrive à la maison de Jaïrus où beaucoup de gens pleurent et se lamentent. Le Seigneur leur imposant silence, dit : L’enfant n’est pas morte, mais elle dort. Ils se moquent de lui. Mais les ayant tous fait sortir et étant entré auprès de l’enfant avec les parents et ses disciples, il la prend par la main et lui dit : Talitha koumi. Elle se lève aussitôt et se met à marcher. Tous sont dans l’admiration et il commande de lui donner à manger (35-43).
Voir sur ce récit Matthieu 9.18-26, notes et comparez Luc 8.40 et suivants.
Marc et Luc racontent ces deux miracles immédiatement après le retour de Jésus de l’excursion qu’il venait de faire de l’autre côté du lac, tandis que Matthieu (Matthieu 9.1 et suivants) place entre ces deux faits la guérison du paralytique et la vocation de Lévi. On voit qu’il s’était formé dans la tradition divers groupements des faits qui marquèrent dans le ministère du Sauveur.
Encore ici, tandis que Matthieu se borne à rapporter les faits principaux, Marc et Luc racontent avec beaucoup plus de détails.
Ainsi c’est par eux que nous connaissons le nom de Jaïrus.
Au temps où Marc écrivait, Jaïrus ou sa fille pouvaient se trouver encore en Palestine. C’est une grande preuve de la vérité de l’histoire évangélique, que même les noms propres y sont conservés.
Marc peint cette scène et la fait revivre aux yeux de ses lecteurs par tous ces verbes au présent, il vient, se jette à ses pieds, le prie instamment. Nos versions ordinaires effacent toutes ces nuances.
Jaïrus, en parlant de son enfant, emploie un gracieux diminutif qui exprime toute la tendresse de son cœur affligé.
Calvin, dans le langage naïf du seizième siècle, le traduit très bien par : ma fillette Ce diminutif, propre à Marc, se trouve encore en Marc 7.25 et pas ailleurs dans le Nouveau Testament.
Dans l’original, l’émotion du père se trahit encore par une phrase tout à fait incomplète : « Ma petite fille est à l’extrémité,… afin que, venant, tu lui imposes les mains ».
Tous ces détails, omis par Matthieu : douze ans de maladie, souffrance de la part des médecins, tout son bien dépensé, son mal toujours empirant, font ressortir la triste situation de cette pauvre femme.
Elle disait, en elle-même (Matthieu 9.21, note).
Grec : Et aussitôt la source de son sang tarit, se dessécha, c’est-à-dire son mal fut guéri dans sa cause, complètement.
Elles connut en son corps par le soulagement, le bien-être, la force qu’elle éprouva, qu’elle était délivrée de ce mal.
Ce dernier mot signifie proprement un fouet, une lanière au moyen de laquelle on infligeait une flagellation ; image énergique de l’affliction de cette pauvre femme.
Dans le récit de Matthieu, cette guérison s’opère d’une manière plus simple.
La femme malade s’approche timidement par derrière pour toucher le bord du vêtement de Jésus, qui, apercevant ce mouvement, se retourne, l’encourage avec compassion et la guérit par sa parole.
Dans Marc et Luc, la guérison s’effectue par la foi de la malade et par l’attouchement des vêtements de Jésus ; la femme sent qu’elle est guérie et en même temps Jésus connaît en lui-même qu’une puissance vient de sortir de lui ; il se retourne pour demander qui l’a touché et ce n’est que lorsque la malade se révèle à lui qu’il lui adresse la parole comme confirmation de sa guérison (versets 33 et 34).
On ne peut méconnaître l’importance de cette différence que présente la narration de Marc et de Luc. Une certaine critique s’est hâtée d’en conclure que les détails qui leur sont propres proviennent d’une tradition postérieure et portent le caractère légendaire d’un miracle opéré indépendamment de la volonté de Jésus.
Mais le miracle opéré par la parole de Jésus et par l’action directe de sa volonté est-il beaucoup plus aisé à comprendre que celui accompli par les puissances divines qui résidaient en lui et dont la foi simple et naïve, mais énergique de la malade a su s’emparer ?
Ce qu’on a dit de mieux sur ce sujet peut se résumer dans ces paroles de M. Godet : (sur Luc 8.43 et suivants)
Au moment où l’appel fut adressé à Jésus par l’attouchement de son vêtement de la part de la malade, la volonté générale et constante d’aider et de soulager qui l’animait au milieu de ses frères, reçut subitement par un avertissement divin une direction spéciale et particulièrement efficace, direction dont il eut la conscience distincte, mais dont l’objet lui resta inconnu jusqu’à ce que ce secret lui fut dévoilé. Remarquons que dans chaque miracle de Jésus il y a en quelque sorte deux pôles : la réceptivité du malade et l’activité du Sauveur. Au maximum d’action de l’un correspond d’ordinaire le minimum d’action de l’autre. À Béthesda (Jean 5), où Jésus doit réveiller chez l’impotent jusqu’à la volonté de la guérison et dans les résurrections de morts, la réceptivité humaine est au minimum et l’activité de Jésus s’élève au plus haut degré d’initiative. Dans le cas présent, c’est l’inverse. Jésus est comme passif et l’initiative de la femme lui arrache en quelque sorte la guérison. Entre ces deux extrêmes s’échelonne la foule des cas ordinaires.
Cette observation des disciples, juste en elle-même, vient de ce qu’ils ignoraient la vraie cause de la question de Jésus (verset 30) et de l’importance qu’il y attachait.
Jésus ne demandait : Qui ma touché ? que parce qu’en ce moment il ne le savait pas.
Mais cette question avait plus d’importance encore pour la femme que pour lui-même. Il voulait, en la tirant de l’obscurité où elle se cachait, en lui adressant la parole, en l’encourageant avec bonté, l’amener à entrer en contact avec lui et rendre sa foi plus claire, en se révélant à elle comme l’auteur de sa guérison et de son salut (verset 34).
Effrayée et tremblante, intimidée de se voir découverte, craignant de s’être attiré quelque blâme par son action hardie, gênée aussi à la pensée qu’elle devait confesser devant tous (Luc 8.47) un mal de cette nature, qui était une souillure légale.
C’est pour cela qu’elle s’était approchée en se cachant dans la foule (verset 27). Peut-être aussi l’effet du miracle accompli sur elle avait-il augmenté son émotion.
Ce fut cette parole pleine de puissance et de compassion qui, selon le récit de Matthieu, délivra cette femme. D’après Marc, Jésus confirme sa guérison en la rendant permanente ; mais il fait pour elle beaucoup plus encore.
Sa déclaration : ta foi t’a sauvée, s’étend à son âme aussi bien qu’à son corps, car il n’y a pas de doute qu’après une telle expérience cette femme ne se soit attachée à son Sauveur avec toute l’énergie de sa foi, de sa reconnaissance, de son amour ; et la paix qu’il lui donne devint en elle le fruit précieux de son salut.
Toutes ces guérisons opérées par la puissance et l’amour du Sauveur sur tant de malheureux n’étaient que l’image et le moyen de leur délivrance du péché et de la mort. C’est ainsi qu’il se révèle à nous comme LE SAUVEUR.
On voit par là l’importance qu’il y a à traduire fidèlement ces mots : ta foi t’a sauvée et non, avec la plupart de nos versions : ta foi t’a guérie.
Le langage de ces gens qui annoncent à Jaïrus la triste nouvelle, montre qu’à leurs yeux il n’y a plus aucun espoir, que tout est fini. Le retard causé par l’intervention de la femme avait accru les angoisses du pauvre père. Cette nouvelle achève de briser son cœur. Ce fut la suprême épreuve de sa foi.
Ce message et la parole consolante de Jésus, à laquelle il va donner lieu, nous ont été conservés par Marc et Luc. Matthieu les omet, parce que, dans son récit abrégé, Jaïrus annonce immédiatement la mort de sa fille et Jésus part avec lui pour la ressusciter. Le fait essentiel reste le même, mais il faut reconnaître, ici encore, l’indépendance des évangélistes les uns à l’égard des autres.
Le texte reçu porte : Mais Jésus aussitôt, ayant entendu la parole qu’on disait…
Si cette leçon est authentique, elle nous peint l’empressement (aussitôt) avec lequel le Sauveur se hâte d’apaiser l’angoisse du père à l’ouïe de cette parole : Ta fille est morte.
La variante adoptée renferme bien la même pensée, mais elle nous dit de plus que Jésus ne voulut pas même s’arrêter à cette nouvelle sinistre de la mort ; il savait qu’il allait vaincre la mort et il veut faire partager à Jaïrus son assurance.
Par la plus tendre sympathie, Jésus s’efforce tout d’abord d’adoucir, dans le cœur brisé du père, la crainte. Pour cela, il l’engage simplement à se confier en lui (vrai sens du mot croire), sans lui dire ce qu’il fera.
D’après notre évangéliste, Jésus aurait renvoyé tout son cortège, à l’exception des trois disciples ici désignés, avant d’arriver à la maison de Jaïrus ; selon Luc, il n’aurait agi ainsi que dans la maison. Luc réunit en un seul les deux faits que Marc, plus exact, distingue (versets 37 et 40).
Voir, sur cette scène et ces paroles, Matthieu 9.23-24, notes.
Jésus ne veut accomplir cet acte de délivrance que dans le calme, loin de la foule, en présence du père et de la mère, qui devaient en être les premiers témoins et en présence de ceux qui étaient avec lui, c’est-à-dire des trois disciples qu’il a choisis à dessein (verset 37).
Dans les moments les plus solennels de sa vie, Jésus parait avoir éprouvé le besoin de se sentir dans l’intimité avec ceux qui l’entouraient ; aussi voyons-nous que, dans cette occasion, comme lors de sa transfiguration, comme à Gethsémané, il n’admit auprès de lui que ces trois mêmes disciples, les plus capables de le comprendre.
Les deux mots hébreux : Talitha, koumi ! ne signifient que jeune fille, lève-toi.
Et ce sont les seuls que Jésus prononça. Les mots : je te le dis, sont ajoutés par Marc dans sa traduction, afin de rendre la pensée
de Celui qui appelle et qui commande.
Cet ordre solennel, adressé à la jeune fille morte, est conservé par Marc dans la langue originale, parce qu’il s’était vivement gravé dans la mémoire de tous les témoins. Notre évangéliste aime à rapporter ainsi en araméen certaines paroles du Sauveur, dont il donne ensuite la traduction (Marc 7.11 ; Marc 7.34 ; Marc 14.36 ; Marc 15.34).
En disant qu’aussitôt la petite fille se mit à marcher, l’évangéliste montre la réalité du miracle ; et sa remarque, qu’elle était âgée de douze ans, motive (car) la possibilité du fait : ce n’était plus un petit enfant.
De tels détails ne peuvent provenir que d’un témoin oculaire (voir l’Introduction).
Voir, sur le but d’une telle défense de publier ses miracles, Matthieu 8.4, note ; comparez Marc 7.36 ; Marc 8.26.
Ici, où il n’était entouré que des parents de l’enfant et de ses trois disciples, il pouvait espérer que son ordre serait observé, au moins en ce qui concernait les détails du miracle.
Ce dernier trait montre le complet rétablissement de l’enfant et la tendre sollicitude de Jésus à son égard.