Verset à verset Double colonne
1 Et il leur disait : En vérité, je vous dis qu’il y a quelques-uns de ceux qui sont ici présents, qui ne goûteront point la mort qu’ils n’aient vu le règne de Dieu venir avec puissance.Ces paroles sont un encouragement donné à la fidélité et au sacrifice de soi-même, par la considération de l’avènement prochain du règne de Dieu. Voir, sur cette déclaration, Matthieu 16.28, note.
Jésus glorifié
Six jours après l’entretien précédent, Jésus mène Pierre, Jacques et Jean sur une haute montagne. Il est transfiguré : ses vêtements resplendissent (2, 3).
Apparition d’Élie et de Moïse
Ces deux hommes de Dieu s’entretiennent avec Jésus. Pierre, ne sachant que dire, propose de faire trois tentes (4-6).
La voix du ciel
Ils sont couverts par une nuée, de laquelle sort une voix : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! Les disciples regardent autour d’eux et ne voient plus que Jésus seul (7, 8).
Silence commandé, entretien au sujet d’Élie
Jésus défend aux disciples de raconter ce qu’ils ont vu, jusqu’à ce qu’il soit ressuscité. Ils se demandent ce que Jésus veut dire par cette expression. Ils mettent la conversation sur l’opinion des scribes relative à la venue d’Élie. Jésus confirme cette opinion et dit qu’Élie doit venir avant le Messie et rétablir toutes choses ; puis il attire l’attention des disciples sur les souffrances du fils de l’homme ; et enfin il déclare ouvertement qu’Élie est déjà venu et que les hommes l’ont traité selon leur volonté perverse (9-13).
Voir, sur ce récit, Matthieu 17.1-13, notes et comparer : Luc 9.28-36.
Marc fait non seulement observer, avec Matthieu, que Jésus prit ses trois disciples à l’écart, mais il ajoute : seuls.
Évidemment, il attache de l’importance au témoignage exclusif de ces trois apôtres, les seuls qui eussent assisté à cette scène unique dans la vie du Sauveur (comparer Matthieu 26.37).
Codex Sinaiticus, B, C et les versions égyptiennes omettent les mots : comme la neige, qui se lisent dans A, D, l’Itala, etc.
La même comparaison se retrouve Matthieu 28.3, mais ce n’est pas une raison suffisante pour nier son authenticité dans notre passage.
Les évangélistes épuisent les images empruntées à la nature pour rendre ce qu’ils ont vu : Matthieu dit que « son visage resplendit comme le soleil », que « ses vêtements devinrent blancs comme la lumière », Luc en appelle à la splendeur éblouissante de l’éclair, Marc, enfin, à la blancheur de la neige et à celle d’une étoffe à laquelle le foulon a donné tout son lustre.
Tout cela, sans doute, est insuffisant pour rendre l’impression de la gloire divine, que reçurent alors ces disciples (2 Pierre 1.17-18).
Voir Matthieu 17.3, note et surtout Luc 9.31, note.
Marc nomme Élie le premier ; c’est son apparition qui frappa le plus les disciples, comme le montre la question qu’ils posent à Jésus (verset 11).
Voir, sur les paroles de Pierre, Matthieu 17.4, note.
Marc dit : Rabbi ; Matthieu : Seigneur ; Luc : Maître.
Marc note ici cette frayeur des disciples, dont pourtant ils ne furent saisis qu’après l’apparition de la nuée glorieuse (Luc 9.34) et après le témoignage rendu à Jésus par la voix divine ; (Matthieu 17.6) car lorsque Pierre s’écriait : Il est bon que nous soyons ici, il n’éprouvait encore que le bonheur intime de sa communion avec le Sauveur glorifié.
Mais après l’apparition de la nuée, saisi de crainte, il ne savait plus que dire, ou (grec selon le vrai texte, dans Codex Sinaiticus, B, C) il ne savait plus que répondre, c’est-à-dire comment rendre l’impression profonde causée par l’apparition. Le même verbe se trouve, en grec, au verset 5 et Matthieu 17.4 (comparer : Matthieu 11.25, note).
Matthieu 17.5, note.
La nuée les couvrit, grec les ombragea.
Les Septante emploient ce verbe dans Exode 40.35, où il est dit que « la nuée se tenait sur le tabernacle ».
Ces derniers mots : écoutezle, qui ne se trouvent pas dans la parole divine adressée à Jésus lors de son baptême (comparez Deutéronome 18.15), sont d’une signification profonde.
Appliqués à Jésus, dont la dignité de Fils de Dieu vient d’être proclamée, ils montrent le but principal de toute cette scène de la transfiguration.
Marc seul mentionne ce regard étonné et effrayé que les disciples jettent autour d’eux ; mais les trois évangiles ont ce trait qu’ils ne virent plus que Jésus seul, Jésus dans son état d’humiliation, qui devait leur suffire pour le présent. Aussi s’empressa-t-il de les rassurer (Matthieu 17.7).
Matthieu 17.9 note.
Cette parole de Jésus, la défense qu’il vient de leur faire (verset 9), ils l’observèrent fidèlement (Luc 9.36), malgré toutes les questions que les autres disciples purent leur adresser, mais à part eux ils se demandaient quel pouvait être ce terme assigné par Jésus à leur silence.
Les trois disciples se demandent entre eux ce que signifie cette résurrection de leur Maître. Ils ne pouvaient être dans l’ignorance sur l’idée générale de ressusciter d’entre les morts (Marc 12.18 suivants ; Jean 11.24), mais bien certainement sur la résurrection de Jésus ; celle-ci supposait sa mort, dont ils n’avaient pas compris la prédiction (Marc 9.8 et suivants).
Voir, sur ce qui pouvait occasionner cette question, Matthieu 17.10, note.
Dans notre évangile, la question est indirecte ; par le simple énoncé de cette opinion des scribes ils provoquent l’explication désirée.
Cette réponse de Jésus à la question des disciples concernant Élie est au fond la même que dans le premier évangile, mais présentée d’une manière moins simple et plus difficile à saisir.
Dans Matthieu, Jésus confirme d’abord l’opinion des scribes qu’Élie vient premièrement (avant le Messie) ; il déclare même qu’il est déjà venu, mais que son peuple l’a méconnu et rejeté ; puis il annonce que lui-même sera traité de la même manière (Matthieu 17.11-12, notes).
Dans notre évangile, Jésus confirme également la venue du précurseur ; mais passant immédiatement à l’idée de ses propres souffrances, il pose, suivant l’interprétation ordinaire, cette question : Comment est-il écrit du fils de l’homme ? Et la réponse est : qu’il doit souffrir beaucoup et être méprisé.
Alors seulement il déclare (verset 13) qu’Élie est venu (dans la personne de Jean-Baptiste) et qu’ils l’ont traité, lui aussi, selon leur volonté dépravée.
Pourquoi Jésus, dans notre évangile, fait-il intervenir l’idée de ses souffrances dans sa réponse concernant Jean-Baptiste ? Ne serait-ce pas pour faire sentir aux disciples que c’est lui qui, par ses humiliations et sa mort, rétablit véritablement toutes choses ?
Le ministère de Jean-Baptiste ne fut, en effet, que la préparation à ce rétablissement. Il est une manière de traduire, admise par un grand nombre d’interprètes, qui rend la pensée plus claire. Elle consiste à réunir les deux propositions en une seule question : comment est-il écrit du fils de l’homme qu’il doit souffrir beaucoup et être méprisé ?
Si, comme l’annonce la prophétie et comme Jésus vient de le confirmer, Élie est venu et a rétabli toutes choses, tout obstacle au règne de Dieu est ôté, le peuple est prêt à recevoir le Messie, celui-ci ne saurait donc être destiné à souffrir et à mourir.
De cette contradiction, les disciples devaient conclure que Jean-Baptiste, arrêté prématurément, n’avait pas achevé la mission que lui assignait le prophète, qu’il n’avait pas rétabli toutes choses.
Au Messie, il incombait d’accomplir cette œuvre, mais en suivant la même voie douloureuse que son précurseur (verset 13).
Rétablir toutes choses, c’était, selon l’opinion des Juifs, affranchir Israël du joug de l’étranger, restaurer la théocratie, en ramenant les mœurs et la religion des pères. En faisant intervenir dans cette œuvre ses souffrances et sa mort, Jésus montre qu’il la comprend d’une manière toute spirituelle.
À quoi Jésus fait-il allusion en prononçant (verset 13) ces mots : selon qu’il est écrit de lui ? Il n’y a point dans l’Ancien Testament de prophétie relative aux souffrances de Jean-Baptiste.
Plusieurs interprètes les ont rapportés à ceux-ci : Je vous dis qu’Élie est venu, ce qui est grammaticalement inadmissible.
D’autres pensent que Jésus applique ici à Jean-Baptiste ce qui est dit en général des souffrances des prophètes et de tous les hommes de Dieu ; mais cela est contraire à ce terme précis : « écrit de lui ; » d’autres enfin admettent que Jésus fait allusion aux persécutions dirigées contre Élie (1 Rois 19.1 et suivants), considéré comme le type de Jean-Baptiste. Cette interprétation parait la plus naturelle.
L’arrivée de Jésus
Au pied de la montagne, Jésus trouve les disciples qu’il y avait laissés, en discussion avec les scribes, au milieu d’une grande foule. Celle-ci, étonnée de le voir, le salue. Jésus s’informe du sujet de la discussion. Le père qui avait amené son enfant aux disciples le lui apprend, en lui décrivant la maladie de son fils. Jésus, après avoir exprimé la peine que lui cause cette génération incrédule, ordonne qu’on lui amène l’enfant (14-19).
Jésus en présence de l’enfant
L’enfant, amené devant Jésus, se roule à terre en écumant. Jésus questionne le père sur les origines de la maladie. Le père, après avoir répondu, implore la pitié et l’aide de Jésus. Celui-ci affirme la toute-puissance de la foi. Le père s’écrie : Je crois, viens en aide à mon incrédulité (20-24).
La guérison
Jésus, voyant la foule affluer de plus en plus, ordonne avec force au démon de sortir. Il obéit, après avoir secoué l’enfant et en le laissant comme mort. Jésus le prend par la main et le relève (25-27).
Pourquoi les disciples n’ont pu opérer la guérison
De retour à la maison, les disciples demandent à Jésus la cause de leur impuissance. Cette sorte de démon, leur répond-il, ne peut être chassée que par la prière et le jeûne (28, 29).
Voir, sur ce récit, Matthieu 17.14-21, notes et comparer : Luc 9.37-43.
Marc raconte cette guérison d’une manière beaucoup plus complète que les deux autres évangélistes.
Il débute par une introduction, qui rend la scène bien présente (versets 14-17) et qui lui appartient exclusivement. Jésus et les trois témoins de sa transfiguration, étant redescendus de la montagne, trouvèrent les autres disciples, qui étaient restés dans la plaine, entourés d’une grande foule et de scribes qui étaient entrés en discussion avec eux.
Le sujet de cette discussion, dont Jésus s’informe (verset 16), n’est pas douteux. Il s’agissait de l’impuissance des disciples à guérir le malade qu’on leur avait amené (verset 18). Sans doute les scribes s’appuyaient sur ce fait pour nier le pouvoir de guérir, non seulement dans les disciples, mais aussi dans le Maître.
Jésus arrive vers la foule au moment où elle écoutait la discussion. À sa vue, nous dit Marc, elle fut saisie d’étonnement.
Pour quelle cause ? Les uns ont pensé que cet étonnement était causé par le majestueux éclat qui restait empreint sur la physionomie du Sauveur à la suite de sa transfiguration.
D’autres, que la foule, impressionnée par les objections des scribes, partageait leurs négations et s’était associée aux railleries dont ils accablaient les disciples et que la soudaine apparition du Seigneur la remplit d’étonnement et de crainte ; car le mot grec a aussi ce sens. Mais, dans ce cas, cette foule serait-elle accourue avec empressement auprès de lui pour le saluer ?
D’autres enfin ne voient dans le sentiment attribué à la foule que la joyeuse surprise causée par l’arrivée de Jésus, au moment précis où ses pauvres disciples étaient battus par les raisonnements des scribes. Aucune de ces suppositions n’est fondée dans le texte, mais la dernière parait la plus naturelle.
Il leur demanda : À qui ? Aux scribes ? Aux disciples ? À la foule ?
Ces trois opinions ont été soutenues ; la première a même été introduite dans le texte reçu, bien que ce soit la moins probable ; la troisième est invraisemblable, car la foule ne discutait pas.
Le plus naturel est donc d’admettre que la question s’adressait aux disciples et que les mots avec eux désignent les scribes.
Un (homme) de la foule ; par cette tournure l’évangéliste rend vivante la scène. Cet homme est le père de l’enfant malade, comme il ressort de ses paroles. Dans l’angoisse et l’impatience de son cœur, il n’attend pas qu’un autre réponde à la question de Jésus, mais se hâte de lui exposer sa peine.
Son fils, qu’il a amené à Jésus, a un esprit muet ; c’est-à-dire que son mutisme est attribué au démon dont il est possédé. Le mutisme était un symptôme fréquent de possession (comparer Luc 11.14, où le démon et le malade sont qualifiés successivement de muet ; voir aussi sur les démoniaques Matthieu 8.28, note).
Tous les symptômes indiqués font conclure que la maladie de cet enfant était l’épilepsie.
Ces mots : partout où il le saisit montrent que, dans l’opinion du père, l’action démoniaque n’était pas continuelle, mais se manifestait, en certains moments, par des paroxysmes.
Voir sur la cause de cette impuissance, verset 29 et surtout Matthieu 17.19-21.
Voir Matthieu 17.17 note.
Ce nouveau paroxysme du mal parait occasionné par la présence même du Seigneur : aussitôt qu’il vit Jésus (comparer Marc 5.6-7).
Tout cet entretien (versets 21-24), ainsi que la plupart des détails qui suivent, ont été conservés par Marc seul.
Jésus entre en conversation avec ce pauvre père, afin de lui inspirer du courage et de développer en lui la foi, qui était la condition de la guérison de son enfant. Sa question nous prouve aussi qu’il lui importait de savoir depuis quand durait cette maladie.
La réponse du père fait ressortir l’extrême difficulté de la guérison.
L’épileptique tombait là où il se trouvait au moment de l’accès, soit dans le feu, soit dans l’eau ; et son père, qui ne voit dans toute cette maladie que l’action du démon, attribue à ce dernier l’intention de le faire périr.
Cet homme avait eu assez de foi pour amener son fils au Sauveur (verset 17) et pour espérer la guérison de son enfant.
Mais l’impuissance des disciples (verset 18) et le redoublement du mal sous les yeux mêmes de Jésus (verset 20) avaient presque éteint ce faible lumignon : Si tu peux quelque chose, dit-il ; de là la réponse de Jésus (verset 23) et la confession du père (verset 24). Il ne laisse pas cependant d’implorer le secours et la compassion du Sauveur et ce sera assez pour sa délivrance. Voir une prière tout autre dans Matthieu 8.2.
Le texte reçu dit, selon la version littérale de Lausanne : « Le si tu peux, c’est de croire ; » ou, selon nos versions ordinaires qui suppriment l’article : « Si tu peux croire ».
Ce dernier mot, quoique dans A, D, les majuscules récents, est rejeté par la plupart des critiques.
Jésus à la parole dubitative du père oppose une affirmation propre à affermir la foi la plus faible : Quant au si tu peux, toutes choses sont possibles à celui qui croit.
La foi de l’homme devient pour ainsi dire l’organe de la toute-puissance divine, soit pour recevoir, soit même pour agir.
Texte reçu : « Et aussitôt le père de l’enfant, s’écriant avec larmes, disait : Je crois, Seigneur, viens au secours de mon incrédulité ».
Les mots soulignés sont inauthentiques.
Les paroles de ce père affligé sont d’une profonde vérité psychologique et morale. Il sent le reproche que Jésus vient de lui adresser en lui renvoyant son : si tu peux, il en est confus, humilié ; il déclare qu’il croit et pourtant il confesse son incrédulité ; paralysé par elle, il implore le secours du Sauveur, afin d’obtenir de lui la foi véritable.
C’est un combat douloureux qui se livre dans les profondeurs de son âme entre une foi trop faible et le doute qu’il ne peut surmonter. La violence de la lutte se trahit par ces termes : ayant crié, il disait.
C’est l’émotion profonde de cette âme qu’on a voulu exprimer par la variante qui se trouve dans un grand nombre de manuscrits et de versions : il disait avec larmes. Une telle prière ne pouvait pas ne pas être exaucée par Jésus.
Jésus, voyant la foule accourir toujours plus nombreuse, se hâte d’accomplir le miracle, afin de ne pas donner un aliment à sa vaine curiosité.
Tout est solennel dans les paroles qu’il prononce.
D’abord il désigne l’esprit par les infirmités qui se manifestaient dans l’enfant : Esprit muet et sourd (comparer verset 17, note).
Puis il dit, par une allusion évidente à l’impuissance de ses disciples : moi, je t’ordonne, termes d’une énergie intentionnelle, que la plupart de nos versions affaiblissent.
Enfin, après avoir commandé au démon de sortir de l’enfant, il lui interdit de rentrer en lui, comme cela avait eu lieu jusqu’ici par intervalles (verset 18, note).
Et il leur dit : Cette espèce de démon ne peut sortir en aucune manière, si ce n’est par la prière et par le jeûne. Voir Matthieu 17.21, note.
Tischendorf omet : et par le jeûne, mais sur l’autorité du Codex Sinaiticus et de B seulement.
Tous les autres majuscules et les versions les ont.
Tregelles les conserve dans le texte ; Westcott et Hort en marge.
Jésus considère la prière et le jeûne comme un moyen de fortifier la foi qui avait manqué aux disciples, ainsi qu’il le leur déclare positivement dans sa réponse à leur question (Matthieu 17.20).
La mort de Jésus
Jésus, après avoir quitté Césarée de Philippe, traverse la Galilée, en cherchant à demeurer inconnu pour pouvoir instruire ses disciples au sujet de sa mort prochaine et de sa résurrection. Eux ne comprennent pas et n’osent le questionner (30-32).
Lequel est le plus grand ?
À Capernaüm, Jésus leur demande le sujet de leur discussion en chemin. Ils se taisent, confus. Jésus leur déclare avec solennité que celui qui veut être le premier sera le dernier, le serviteur de tous. Il entoure de ses bras un petit enfant et dit que celui qui reçoit un de ces petits le reçoit et reçoit Dieu (33-37).
L’homme qui chassait les démons au nom de Jésus
Jean raconte que les disciples ont empêché un homme qui exorcisait au nom de Jésus, parce qu’il ne les suivait pas. Jésus les blâme : Celui qui fait un miracle en son nom ne peut parler contre lui. Qui n’est pas contre nous est pour nous. Le moindre service rendu aux disciples, en tant que disciples, recevra sa récompense (38-41).
Du scandale donné aux petits
Jésus déclare qu’il vaudrait mieux être jeté dans la mer avec une meule au cou que de scandaliser un de ces petits qui croient en lui. La main, le pied, l’œil doivent être sacrifiés, s’ils sont pour nous une occasion de chute, de peur que nous ne tombions dans la géhenne où le ver ne meurt point, où le feu ne s’éteint point. Tout homme sera salé de feu, comme tout sacrifice doit être salé de sel. Le sel est bon pourvu qu’il ne perde pas sa saveur ; ayez du sel en vous-mêmes et demeurez en paix entre vous (42-50).
Et étant partis de là, ils traversaient la Galilée ; et il ne voulait pas que personne le sût ;
Étant partis de là, c’est-à-dire de la contrée de Césarée de Philippe (Marc 8.27).
D’autres interprètes, serrant de plus près le texte, traduisent : « étant sortis de là… » de la maison dans laquelle il s’était retiré avec ses disciples (verset 28).
La raison pour laquelle Jésus ne voulait pas attirer l’attention sur lui dans la Galilée est indiquée ici par l’évangéliste (car).
Il voulait se réserver un temps de retraite avec ses disciples, afin de leur donner ses instructions, d’abord sur sa fin prochaine (verset 31), puis sur divers sujets d’une grande importance (verset 33 et suivants).
Car il instruisait ses disciples et il leur disait : Le fils de l’homme est livré entre les mains des hommes et ils le mettront à mort ; et, quand il aura été mis à mort, il ressuscitera après trois jours. Voir Matthieu 17.22-23, note.
Il faut remarquer ce verbe au présent : est livré qui indique que la catastrophe est imminente ; et aussi le caractère tragique de ces termes : (grec) ils le tueront ; et, après qu’il aura été tué, il ressuscitera.
Le texte reçu, avec A et les majuscules plus récents porte : le troisième jour, leçon qui parait empruntée aux passages parallèles.
Mais eux ne comprenaient point cette parole et ils craignaient de l’interroger. Sans comprendre cette prédiction, ils y pressentaient pourtant quelque chose de douloureux ; car Matthieu (Matthieu 17.23) dit « qu’ils en furent fort attristés ; » et c’est précisément pourquoi ils craignaient de l’interroger.
Et ils se taisaient ; car entre eux ils avaient discuté, en chemin, lequel était le plus grand. Voir Matthieu 18.1 et suivants notes et comparez Luc 9.46 et suivants.
Dans le premier évangile, ce sont les disciples eux-mêmes qui viennent poser au Maître la question : « Qui est le plus grand ? »
Luc raconte simplement qu’une discussion avait eu lieu entre eux et que Jésus, le sachant, plaça un enfant au milieu d’eux ; selon Marc, il s’informe d’abord du sujet de leur entretien et l’évangéliste fait observer que les disciples se taisaient, parce qu’ils étaient confus en sa présence d’avoir agité une question qui trahissait leur ambition.
Et s’étant assis, il appela les douze et leur dit : Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. Il y a quelque chose de solennel dans la manière dont Jésus se prépare à parler (Marc 4.1 ; Matthieu 5.1).
Comparer Matthieu 20.26-28, notes.
Jésus ne dit pas : que celui qui veut être le premier soit le dernier et le serviteur de tous, mais : il le sera ; il ne donne pas un conseil sur la manière d’atteindre la véritable grandeur ; il montre l’abaissement qui est la conséquence inévitable de l’orgueil, selon ce principe éternel du royaume de Dieu : « Quiconque s’élève sera abaissé ». Il ne prédit point seulement un jugement à venir, mais il énonce un fait actuel : l’orgueil est un abaissement, l’humilité est une grandeur.
Marc seul introduit ici cette sentence de Jésus-Christ avant de citer l’exemple du petit enfant (verset 36), auquel Matthieu et Luc passent immédiatement.
Et ayant pris un petit enfant, il le plaça au milieu d’eux et l’ayant pris dans ses bras, il leur dit : Marc seul a conservé ce trait touchant (comparer Marc 10.16) par lequel Jésus, en témoignant à cet enfant sa tendresse, montrait en même temps combien il le plaçait haut dans son estime.
Quiconque recevra l’un de ces petits enfants en mon nom, me reçoit ; et quiconque me reçoit, ce n’est pas moi qu’il reçoit, mais Celui qui m’a envoyé. Voir Matthieu 18.5, note et Marc 10.40 note.
Jésus, en déclarant que celui qui le reçoit, reçoit Dieu lui-même, exprime une pensée qui se retrouve souvent dans l’évangile de Jean, par exemple dans cette parole : « Moi et le Père sommes un » (Comparer Luc 9.48 ; Luc 10.16 ; Jean 13.20).
Dans le passage parallèle de Matthieu (Matthieu 18.3-4) Jésus donne, à l’occasion du petit enfant qu’il présente comme modèle, une autre instruction non moins importante.
Jean lui dit : Maître, nous avons vu quelqu’un qui chassait des démons en ton nom et qui ne nous suit pas ; et nous l’en avons empêché, parce qu’il ne nous suivait pas, Marc introduit ici (versets 38-39) un incident qui n’est pas dans Matthieu, mais que Luc (Luc 9.49-50) rapporte à la suite du discours qui nous occupe.
Les deux évangélistes établissent même une relation étroite entre l’instruction précédente et la confession de Jean. Luc dit : « Jean, répondant, dit… » et Marc, d’après le texte reçu et la plupart des documents, porte : répondit. Sinaiticus, B remplacent ce verbe par dit.
Pour expliquer cette expression, on admet généralement que Jésus en parlant de recevoir en son nom l’un de ces petits, a fait naître chez Jean un scrupule concernant un homme qui chassait les démons au nom de Jésus.
Mais cet homme, ajoute Jean, ne nous suit pas, il fait son œuvre à part et nous l’en avons empêché (ou suivant une variante qui a l’imparfait : nous l’empêchions), uniquement par le motif qu’il ne nous suivait pas.
Ce mot répété montre que c’était là la grande objection du disciple contre l’activité de cet homme. Cette erreur a été commise par les chrétiens, plus fréquemment qu’aucune autre et le plus souvent dans des circonstances où elle était beaucoup moins excusable.
Les mots qui ne nous suit pas manquent dans Sinaitcus, B, C.
D, l’Itala et la vulgate omettent par contre la phrase : parce qu’il ne nous suivait pas ; il faut la maintenir, mais en lisant suivait (Sinaiticus, B) et non suit.
Mais Jésus dit : Ne l’en empêchez point ; car il n’y a personne qui fasse un miracle en mon nom et qui puisse aussitôt après parler mal de moi. Parler mal de moi, c’est-à-dire devenir mon adversaire (Comme par exemple Marc 3.22 ; comparez 1 Corinthiens 12.3).
Jésus admet que l’homme dont il s’agit a fait un miracle (grec une puissance), un acte de puissance, qu’il l’a fait en son nom, en mettant sa confiance en lui et en Dieu, d’où il conclut que ce premier degré de foi et de zèle pour le bien le conduira plus loin, l’amènera jusqu’à lui et que, par conséquent, il faut bien se garder de l’empêcher.
Jésus nous montre ce qu’est la « charité qui espère tout » et nous apprend à respecter le moindre germe de foi et de vie religieuse, même en ceux qui n’ont pas adopté les habitudes religieuses des chrétiens et ne se sont pas joints à l’Église.
Nous voyons aussi par cet exemple que l’influence de Jésus s’exerçait bien au delà du cercle de ses disciples et de ses adhérents immédiats.
En effet, qui n’est pas contre nous est pour nous. Jésus démontre (en effet) l’impossibilité psychologique énoncée au verset précédent, par cette affirmation : Celui qui n’est pas contre nous est pour nous.
Cet homme n’est pas contre Jésus et ses disciples, puisqu’il chasse des démons au nom de Jésus ; il incline vers Jésus et a commencé à se rapprocher de lui ; il se rattachera bientôt tout à fait à lui, puisqu’on ne peut demeurer neutre en présence du Sauveur. Que les disciples se gardent d’arrêter ce bon mouvement par leur intervention précipitée et intolérante !
Dans une circonstance différente, Jésus avait prononcé une parole qui semble le contraire de celle-ci, mais qui exprime l’autre face de la même vérité : Celui qui n’est pas avec moi est contre moi (Matthieu 12.30, note).
Jésus émet cette affirmation à l’occasion des exorcistes juifs, qui en apparence, travaillaient à la même œuvre que lui : combattre Satan. Mais comme ils le faisaient dans un esprit tout différent du sien, cette divergence intime devait les amener à une hostilité déclarée.
Les deux paroles qui semblent se contredire sont donc également vraies, parce qu’elles s’appliquent à deux situations opposées. Autant il est vrai qu’un homme sympathique à notre cause, lors même qu’extérieurement il est parmi nos adversaires, doit être traité par nous en futur collaborateur, autant il est vrai qu’un homme appartenant extérieurement au même camp que nous, mais travaillant dans un esprit opposé au nôtre, doit être considéré comme un réel adversaire.
Quelques manuscrits (A, D, les majuscules les plus récents) ont : contre vous… pour vous. Cette leçon paraît conformée à Luc 9.50. La plupart des critiques la rejettent sur l’autorité de Sinaiticus, B, C, etc.
Car quiconque vous donnera à boire un verre d’eau en mon nom, parce que vous êtes à Christ, je vous dis en vérité qu’il ne perdra point sa récompense. Voir, sur le sens de ces paroles, Matthieu 10.42, note, où elles se trouvent dans un autre discours.
Au lieu de ces mots : en mon nom Jésus dit dans Matthieu : « parce qu’il est mon disciple ».
Tregelles, Westcott et Hort, Meyer, Weiss préfèrent dans notre texte une variante de B, A, C, qui retranche mon devant nom et donne ce sens : « par la raison que vous êtes à Christ ».
Toutes ces expressions signifient : par amour pour moi. Ce motif est si grand, si saint, qu’il vaut à la moindre bonne œuvre une récompense éternelle.
Ces paroles sont une confirmation (car) du verset 41. C’est comme si Jésus disait à ses disciples : Non seulement vous devez bien augurer de tous ceux qui ne sont pas contre vous, mais vous réjouir de tout témoignage d’affection qu’ils vous donnent, étant convaincus qu’ils le font parce que vous êtes à Christ et par amour pour lui.
Et quiconque scandalisera un de ces petits qui croient en moi, il vaut mieux pour lui qu’il ait au cou une meule de moulin et qu’il soit jeté dans la mer. Voir sur les Marc 9.42-48, Matthieu 18.6-9, notes.
Jésus revient ici à la pensée qu’il exprimait au moment où il fut interrompu par Jean (verset 38). Puisqu’il faut recevoir avec tant d’amour l’un de ces petits, de ces faibles (verset 37), quel n’est pas le péché de celui qui les scandalise !
Weiss voit dans ces versets 42-48 un second motif à l’appui du précepte : Ne l’empêche pas (verset 39).
L’opposition des disciples serait une occasion de chute pour ce croyant qui ne suit encore le Sauveur que de loin (verset 40, note).
Et si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la ; il vaut mieux pour toi entrer manchot dans la vie, que d’avoir deux mains et d’aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s’éteint point. Voir, sur ces paroles, Matthieu 5.29-30, note ; Matthieu 18.8-9, note ; et, sur cette expression la géhenne Matthieu 5.22, note.
Marc ajoute : dans le feu qui ne s’éteint point, image redoutable d’une souffrance morale sans espoir.
Ces mots se lisent dans Sinaiticus, B, A, C, D, la plupart des majuscules et des versions. Quelques manuscrits les omettent.
Le texte reçu avec A, D, majuscules ajoute un verset 44 portant ces mots : où leur ver ne meurt point et où le feu ne s’éteint point.
Les mêmes documents répètent ces paroles en un verset 46. Elles ne sont authentiques qu’au verset 48.
Où leur ver ne meurt point et où le feu ne s’éteint point. Voir Matthieu 5.29.
Le texte reçu avec A, C, majuscules porte : la géhenne du feu.
Les paroles du verset 48 se trouvent dans toutes les sources, même dans celles qui les omettent aux verset 44 et 46, preuve irrécusable de leur authenticité.
Ces images terribles d’un ver qui ne meurt point, d’un feu qui ne s’éteint point (verset 43, note) sont empruntées à Ésaïe 66.24.
À ceux qui seraient tentés de les entendre à la lettre, on peut faire remarquer que l’une exclut l’autre, car un ver ne saurait subsister dans le feu.
Au sens moral, ces termes sont des plus poignants : un ver qui ronge, un feu qui brûle, aucune image ne pourrait exprimer plus énergiquement les douleurs de la conscience.
Il faut remarquer encore ce pronom leur ver, indiquant une souffrance qui leur est propre, qui est inhérente à leur état moral. Quelque opinion qu’on ait sur la question redoutable de l’éternité des peines, on ne peut nier que de telles paroles ne soient favorables à cette doctrine.
Car chacun sera salé de feu et tout sacrifice sera salé de sel. Peu de versets de l’Évangile ont reçu autant d’interprétations diverses que celui-ci, qui se trouve dans Marc seul. Cela s’explique par son obscurité.
Le texte varie suivant les manuscrits. Dans Sinaiticus, B, versions égyptiennes, la seconde partie du verset : et tout sacrifice sera salé de sel, est retranchée. Tischendorf l’omet, Tregelles l’a entre crochets dans le texte, Westcott et Hort à la marge. Dans D et dans quelques copies de l’Itala, c’est la première partie qui manque : car chacun sera salé de feu.
La plupart des exégètes se prononcent pour le maintien de l’une et de l’autre partie, estimant qu’elles sont nécessaires pour que le verset 49 forme une transition entre les versets 48 et versets 50.
On a dit que les mots : et tout sacrifice sera salé de sel furent primitivement une glose marginale, tirée de Lévitique 2.13 et qui se serait glissée dans le texte ; mais le rapprochement du verset 49 avec ce passage de la loi ne s’imposait pas et il est plus naturel de penser que les copistes ont omis le verset 49, car, dans le texte grec, les deux propositions se terminent par le même vocable : sera salé.
En adoptant donc le texte reçu, voici l’interprétation que nous considérons comme la plus acceptable, sans prétendre qu’elle lève toutes les difficultés. Jésus vient d’exhorter ses disciples à s’imposer les plus douloureux renoncements pour « entrer dans la vie » et échapper au feu de la géhenne (versets 43-48). Il ajoute, comme un motif (car) à l’appui de son exhortation, que tout homme doit être purifié par la souffrance et par les sacrifices qu’il consent à faire, comme toute offrande devait être purifiée par le sel. Ainsi l’ordonnait la loi (Lévitique 2.13), et cette coutume se trouvait également chez les Grecs et les Romains.
Chacun sera salé de feu : « c’est une locution impropre, dit Calvin, mais pour ce que le sel et le feu ont une même nature de purifier,… Christ a appliqué à tous les deux un mesme (même) mot ».
Le terme de feu aura été suggéré à Jésus par la parole qui précédait immédiatement (verset 48). Nous pensons qu’on se trompe en insistant sur ce terme et en voyant dans l’expression salé de feu une nouvelle mention du châtiment de la géhenne. Elle désigne plutôt l’action purificatrice du feu, qui en fait une image de l’épreuve (Ésaïe 48.10 ; 1 Pierre 1.7).
Elle n’est pas opposée, en effet, mais assimilée à la seconde image : salé de sel. Or jamais le sel n’est pris comme emblème d’un agent destructeur ; il ne consume pas, il conserve ; il empêche la corruption et donne aux aliments de la saveur (Matthieu 5.13, note).
Tel est, dans le domaine moral, le rôle du renoncement à soi. Seul il permet au chrétien « d’offrir son corps à Dieu en sacrifice vivant et saint » (Romains 12.1) ; il le rend agréable à Dieu, comme l’offrande salée de sel, il fait de lui en réalité ce que le sacrifice n’était que d’une manière figurée.
C’est une bonne chose que le sel ; mais si le sel devient insipide, avec quoi lui rendrez-vous sa saveur ? Ayez du sel en vous-mêmes et soyez en paix les uns avec les autres. Par l’œuvre de sa sanctification, qui le rend semblable à une « offrande salée de sel », le disciple de Jésus-Christ devient lui-même un sel, « le sel de la terre » (Matthieu 5.13 ; comparer : Luc 14.34).
Mais pour exercer sur le monde cette action qui l’empêche de se corrompre, pour ne pas devenir eux-mêmes un sel insipide et inutile, les chrétiens doivent se maintenir constamment dans cet esprit de renoncement et de sacrifice, qui est indispensable aussi pour que la paix et la charité règnent dans leurs relations les uns avec les autres.
C’est ce que Jésus affirme en concluant son enseignement par ces mots : Ayez du sel en vous-mêmes et soyez en paix les uns avec les autres.
Par cette dernière exhortation à la paix, il revient au fait affligeant qui a été l’occasion de tout ce discours, la dispute des disciples sur le rang auquel chacun d’eux prétendait (verset 34).