Verset à verset Double colonne
Jésus glorifié
Six jours après avoir reçu la confession de Pierre et prédit ses souffrances, Jésus conduit ses trois disciples les plus intimes sur une haute montagne et là toute sa personne resplendit d’une gloire éclatante (1-2).
L’apparition de Moïse et d’Élie
Ces deux représentants de l’ancienne Alliance s’entretiennent avec Jésus. Pierre propose de faire trois tentes (3-4).
La voix du ciel
Une nuée lumineuse les couvre, de laquelle sort une voix : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. Les disciples effrayés tombent sur leur face. Jésus les touche et les rassure. Ils ne voient plus que Jésus seul (5-8).
Silence commandé, explication demandée
Jésus défend aux disciples de parler de ce qu’ils ont vu jusqu’à ce qu’il soit ressuscité. Ils l’interrogent sur le sens de la prophétie qui annonçait qu’Élie devait venir premièrement. Jésus leur apprend que cette prophétie a été accomplie en Jean-Baptiste. Le sort de celui-ci sera également le sien (9-13).
Six jours après les entretiens qui précèdent (Matthieu 16.13 et suivants).
Luc dit : environ huit jours après ; ce mot environ explique suffisamment la différence.
Les trois disciples que Jésus prend avec lui furent seuls témoins du moment le plus glorieux de sa vie et de son plus profond abaissement (Matthieu 26.37).
La haute montagne, où se passe la grande scène qui suit, serait, selon une tradition datant du quatrième siècle, le Thabor. Mais comme Jésus était alors dans la contrée de Césarée de Philippe, aux confins septentrionaux de la Galilée, tandis que le Thabor est situé au sud-ouest du lac de Génézareth et comme le départ de Jésus et son retour en Galilée sont mentionnés par Marc après la transfiguration et la guérison du lunatique (Matthieu 9.30-33), tandis qu’aucun des évangélistes ne fait allusion à un déplacement de Jésus après la confession de Pierre, cette tradition est plus qu’improbable.
On suppose avec beaucoup de vraisemblance qu’il s’agit de l’Hermon, dont les hautes sommités s’élèvent près des lieux où étaient alors Jésus et ses disciples (voir le Voyage en Terre Sainte de Félix Bovet, page 349, 7e édition, Jésus, par Mme de Gasparin, p. 143).
D’après notre récit et celui de Marc, on pourrait penser que le Sauveur gravit cette montagne avec ses trois disciples en vue de sa transfiguration.
Mais Luc nous apprend qu’il y monta afin d’y chercher la solitude pour prier et que c’est dans sa prière que « son visage devint autre » (comparer Exode 34.29 ; 2 Corinthiens 3.18).
Grec : métamorphosé, transformé.
Matthieu et Marc emploient seuls ce mot, Luc dit : « L’apparence de son visage devint autre ». Il n’est pas sans intérêt de remarquer que saint Paul exprime par ce même verbe la transformation morale qui s’accomplit dans le chrétien par sa régénération et sa glorification graduelle (Romains 12.2 ; 2 Corinthiens 3.18).
Les évangélistes empruntent à la nature toutes ses splendeurs (comparez Marc et Luc), sans parvenir à nous dépeindre la gloire divine dont toute la personne du Fils de Dieu fut comme inondée en ce moment. Pour le Sauveur, ce fut la réponse à sa prière, le prélude de sa glorification définitive (comparer Jean 17.5).
Jésus était sans péché. Il avait marché dès son enfance dans la voie de l’obéissance parfaite. Il s’était développé sans relâche dans la sainteté. Il était arrivé au terme de ce développement. Il pouvait quitter la terre, le temps de l’épreuve étant achevé. Mais il n’était pas normal qu’il sortit de cette vie comme les autres hommes par la mort, car « la mort est le salaire du péché » (Romains 6.23).
L’issue normale de l’existence terrestre pour cet homme parfaitement saint était la glorification progressive de son être tout entier.
Son corps toujours au service de Dieu toujours l’instrument de la sainteté, devenait un corps spirituel, un corps céleste, un corps tel que nous le posséderons un jour. Il mûrissait insensiblement pour le ciel et la transfiguration marque précisément le moment où Jésus arrivé au point culminant d’une vie humaine, parvient au terme naturel de la sainteté, je veux dire à la gloire.
Les miracles de plus en plus éclatants que Jésus avait accomplis dans les derniers temps (multiplication des pains, marche sur les eaux) étaient des indices de ce triomphe croissant de l’esprit sur la matière.
Mais il fallait que Dieu lui donnât une démonstration solennelle, impossible à méconnaître, non seulement pour lui, mais pour ses disciples, de la réalité de la victoire qu’il avait remportée sur la mort par sa sanctification parfaite. Cette démonstration lui fut fournie par la transfiguration où Dieu l’éleva, quelques instants à l’existence glorieuse du ciel.
Jusqu’ici Jésus, marchant par la foi, avait cru à sa victoire sur la mort. Maintenant il la constate. Fondé sur cette expérience il pourra dire désormais : « Je donne ma vie, afin de la reprendre. Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même ; j’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre » (Jean 10.17-18 ; voir, Luc 9.31, note, une autre signification importante de cette scène).
Pour les disciples ce fut, avec le témoignage divin qui va se faire entendre (verset 5), une manifestation d’en haut, destinée à affermir leur foi à la divinité de leur Maître. Cette foi était ébranlée par la prédiction des souffrances du Christ. Celle-ci avait renversé toutes leurs espérances. Ils avaient passé probablement les six jours précédents dans un morne abattement et c’était pour réagir contre cette disposition dangereuse que Jésus avait emmené sur la montagne les trois apôtres qui étaient les plus capables d’exercer de l’influence sur leurs condisciples.
Ce qu’ils virent devait non seulement relever leur courage au moment même, mais les fortifier pour l’avenir. Leur foi, soutenue par ce spectacle qu’ils eurent de la gloire de leur Maître, ne défaillira point quand ils le verront dans les dernières profondeurs de son abaissement et de ses souffrances.
Après l’ascension du Sauveur ils pourront se faire une idée de son état de gloire et mieux saisir l’espérance de lui devenir semblables, un jour, quand ils seront eux-mêmes revêtus d’un corps glorifié (Philippiens 3.21).
C’est là le second trait de cette scène, introduit par le mot voici qui marque l’inattendu de l’apparition et la surprise des disciples.
Moïse, le représentant de la loi divine, Élie, le représentant du prophétisme, de la promesse du salut, leur apparaissent. Ils les reconnaissent aussitôt (verset 4).
Ces hommes de Dieu de l’ancienne Alliance deviennent les témoins des réalités de la nouvelle qu’ils avaient annoncées, les témoins de l’unité vivante des deux économies du règne de Dieu.
Ils s’entretiennent avec Jésus. De quoi ? Matthieu et Marc ne le disent pas. Luc nous l’apprend (voir Luc 9.31, note).
Ils vivent donc, ils vivent en Dieu, ces hommes qui apparaissent ici dans la gloire. « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ».
Quelle vérité psychologique il y a dans cette naïve pensée de Pierre ! Il se sent si heureux ! Il jouit si vivement de voir son Maître glorifié, loin des contradictions des hommes ! Il veut prolonger ce bonheur.
Ce sentiment si naturel est méconnu par la plupart des interprètes modernes (Weiss, Holtzmann) qui prétendent que Pierre voulait dire : « Il est heureux que nous soyons ici, nous disciples, pour vous construire des tentes ».
« Peut-on se représenter sérieusement, répond M. Godet, Pierre prenant la parole pour faire ressortir l’utilité de sa présence et de celle de ses compagnons en ce moment » ?
Je ferai ici trois tentes (ainsi porte une variante de Codex Sinaiticus B, C, admise par Tischendorf) ; Pierre veut tout faire. Marc et Luc ajoutent : « Il ne savait ce qu’il disait ». En effet, que serait devenue l’œuvre du Sauveur, la rédemption du monde, la prédication de l’Évangile, si Jésus et ses disciples étaient restés dans la gloire ?
La nuée, symbole de la gloire divine (Exode 40.34 ; 1 Rois 8.10) couvrit Jésus, Moïse et Élie ; car c’est de cette nuée que les apôtres entendent sortir la voix (voir sur les paroles qu’elle prononce, Matthieu 3.17).
Ces mots ajoutés ici : écoutez-le, obéissez-lui, rappellent Deutéronome 18.15 (comparer Marc 9.7, note).
Ce trait du récit (verset 7), Jésus rassurant ses disciples effrayés, se trouve dans Matthieu seul.
Toutes les manifestations directes du ciel inspirent de la crainte à l’homme pécheur (Daniel 10.9 ; Apocalypse 1.17), mais Jésus est là pour raffermir son courage.
Il reste seul avec eux, mais sa présence leur suffira pour redescendre avec lui dans la vie active, où ils retrouveront les travaux et les peines, après avoir un moment joui du repos et de la gloire.
Le mot de vision ne veut point dire que la scène qui précède n’eut eu lieu que dans l’esprit des disciples ; le terme original signifie ce qui a été vu (Actes 7.31) et c’est ainsi que Luc (Luc 9.36) rend la même pensée.
Mais quelle pouvait être la raison de la défense de Jésus aux disciples ?
La plus simple, parmi toutes celles qu’on a cherchées, c’est que le récit qui précède, répété dans le peuple, n’aurait point été compris et aurait pu donner lieu à de fausses interprétations. Jésus lui-même n’avait admis que ses trois disciples les plus intelligents à être témoins de cette scène. Il en sera autrement quand il sera ressuscité, glorifié et que l’Esprit aura été répandu sur l’Église.
Cette défense de Jésus, rapportée par les deux premiers évangélistes, donne à la scène de la transfiguration un caractère éminemment historique. Il ne s’agit ici ni d’un mythe, ni d’un rêve, ni d’une vision fantastique ; nous nous trouvons en présence d’un fait sur lequel Jésus veut que ses disciples gardent le silence, mais qu’ils raconteront plus tard.
Qu’est-ce qui occasionne cette question des disciples ?
La particule donc lui donne le sens d’une objection faite à la défense qui précède.
La prophétie (Malachie 4.5-6) qui annonçait une seconde mission d’Élie avant l’apparition du Messie (premièrement) était, à cette époque, l’objet de l’attention universelle ; les scribes fondaient sur elle leurs descriptions de l’avènement du Messie, ainsi que le rappellent ici les disciples.
Jésus lui-même l’avait citée au peuple en montrant l’accomplissement dans la personne de Jean-Baptiste : (Matthieu 11.14) ce que les disciples ne paraissent pas avoir compris (verset 13).
Or, sur la montagne de la transfiguration, cet Élie est un moment apparu à leurs yeux, et, non seulement il a disparu, au lieu de rester pour remplir sa mission, mais Jésus leur défend même de dire qu’ils l’ont vu !
Comment donc concilier cette apparition fugitive et surtout la défense de Jésus avec la prophétie ? Tels semblent être l’origine et le sens de la question.
Suivant Weiss, l’accent est sur premièrement.
Les disciples ont reconnu en Jésus le Messie ; ils constatent avec étonnement que l’apparition d’Élie a eu lieu après et non avant la venue du Messie. L’une et l’autre objection peuvent avoir provoqué la question des disciples.
Il est vrai, d’après l’Écriture, qu’Élie (grec) vient (le texte reçu répète ici premièrement, ce qui n’est ni authentique, ni conforme à la pensée de Jésus). Même il est déjà venu (en Jean-Baptiste), et, au lieu de le reconnaître, ils l’ont traité selon leur mauvais vouloir.
Jusqu’ici tout est simple et clair. Mais que signifient ces mots : il rétablira toutes choses (le futur, au point de vue de la prophétie) ?
Ce rétablissement, qui aux yeux des scribes était la restauration de leur théocratie et qui en réalité devait être une création spirituelle, est l’œuvre du Messie lui-même, semble-t-il et non du précurseur.
Toutefois Jésus pouvait bien avoir en vue les effets de la prédication de Jean-Baptiste, la repentance, le changement des dispositions du peuple, dans le sens où l’ange avait dit de Jean : « Il ramènera les cœurs des pères vers les enfants et les rebelles à la sagesse des justes » (Luc 1.17, 2e note). Cette parole est une citation de Malachie 4.6 conforme à l’hébreu.
Au lieu de : Il ramènera (convertira) les cœurs, les Septante ont traduit : il rétablira les cœurs des pères vers les enfants. On admet que la parole prêtée par l’évangéliste à Jésus : il rétablira toutes choses est une généralisation de l’expression du prophète.
Le sort de Jean-Baptiste présage le sort qui est réservé au fils de l’homme. Puisqu’ils n’ont point reconnu Jean et que celui-ci n’a pu remplir sa mission auprès d’eux, le fils de l’homme devra souffrir de leur part. C’est la grande épreuve à laquelle les disciples ont à se préparer désormais, après avoir joui du repos et de la gloire sur la montagne.
La guérison
Dès que Jésus est de retour vers le peuple, un père vient l’implorer pour son fils malade, que les disciples n’avaient pu guérir. Jésus, laissant échapper une plainte douloureuse sur sa génération, commande que le malade lui soit amené et il le délivre à l’instant (14-18).
Pourquoi les disciples n’ont pu l’opérer
Les disciples lui demandent alors pourquoi ils n’ont pu chasser ce démon ; Jésus leur dit que c’est à cause de leur peu de foi, que la foi leur rendrait toutes choses possibles ; et il ajoute que cette espèce de démons ne peuvent être chassés que par la prière et le jeûne (19-21).
Nouvelle annonce de sa mort
Se trouvant avec ses disciples en Galilée, Jésus leur prédit de nouveau ses souffrances, sa mort, sa résurrection. Les disciples en sont fort attristés (22-23).
Quel émouvant contraste entre la gloire de la montagne et cette scène de douleur ! C’est le ciel et la terre.
Ce contraste, Raphaël l’a admirablement reproduit dans son tableau de la transfiguration.
Les trois premiers évangiles le font vivement ressortir en suivant le même ordre dans leurs récits. Marc (Marc 9.14-29) peint avec le plus grand détail et de la manière la plus vivante le misérable état de ce jeune malade et la douleur de son père (voir les notes).
Les symptômes mentionnés dans les trois évangiles (il tombe souvent, « il écume », Marc) semblent indiquer que le jeune homme était épileptique. De plus, le père avait cru remarquer que les phases de la lune exerçaient une influence sur la maladie de son fils (lunatique).
On comprend que les disciples n’eussent pu guérir une maladie aussi invétérée, dont le jeune homme était affligé dès son enfance (Marc 9.21). Cela n’avait fait qu’augmenter les angoisses du père.
Ces paroles de Jésus sont l’expression d’une profonde tristesse. Il sent plus vivement que personne le contraste douloureux qu’il y a entre la gloire bienheureuse de la montagne et ces scènes de misère et de douleur. Sa tendre sympathie en souffre et il soupire après la délivrance.
Mais en même temps il pense à son peuple et à ses disciples, qui bientôt seront privés de sa présence et de son appui : jusqu’à quand serai-je avec vous, vous supporterai-je ? Le temps approche où vous serez seuls.
Enfin, ses paroles expriment un reproche sévère, adressé à qui ? Au père, disent les uns, parce qu’il veut un miracle (comparez Jean 4.48) ; aux disciples, pensent les autres, parce qu’ils n’ont pu guérir le malade ; d’autres enfin admettent que Jésus a en vue tout ce peuple qui l’entoure, cette génération (Matthieu 11.16 ; Matthieu 12.39), qui allait se montrer toujours plus incrédule et perverse à son égard. Cette dernière interprétation est seule conforme aux termes et à la situation.
Et, malgré tout, Jésus, sûr de sa puissance et ému de charité, ajoute brusquement : Amenez-le-moi ici !
Le réprimanda, pourrait se rapporter soit au malade, soit au démon.
D’après Marc et Luc, c’est à ce dernier que s’adresse la parole puissante du Sauveur.
Le malade fut à l’instant guéri de sa maladie et délivré du pouvoir démoniaque qui s’y était ajouté.
Le texte reçu porte : votre incrédulité, avec un grand nombre de manuscrits.
Mais, fondé sur les deux plus anciens et sur le témoignage de plusieurs versions et de plusieurs Pères, Tischendorf défend avec force le terme peu de foi.
Le grain de sénevé est pris comme image à cause de sa petitesse (Matthieu 13.31-32) et signifie ici le moindre degré de foi.
D’autre part, une montagne est l’image du plus grand obstacle, de la plus insurmontable difficulté (Matthieu 21.21 ; 1 Corinthiens 13.2).
Si le sens propre est une hyperbole, le sens figuré est la simple réalité. Ce qui nous parait impossible, la foi l’accomplit, parce qu’en nous mettant en communion avec Dieu par le Sauveur, elle nous rend en quelque mesure participants de sa puissance.
Grec : cette espèce, à quoi il faut suppléer de démons ou d’esprits, que Jésus ne nomme pas.
Par là plusieurs Pères ont entendu tous les démons en général, tandis que les interprètes modernes admettent qu’il s’agit d’une sorte d’esprits plus difficiles à chasser.
Le jeûne peut donner à la prière plus de ferveur ; et l’un et l’autre fortifient la foi qui avait manqué aux disciples (verset 20).
Tischendorf, se fondant sur Codex Sinaiticus, B, des versions et sur d’autres témoignages, omet ce verset 21 tout entier. Mais il l’admet dans Marc (Marc 9.29), en retranchant toutefois les mots et le jeûne.
Les trois synoptiques ont ici cette nouvelle prédiction des souffrances, de la mort et de la résurrection de Jésus, à la suite de la guérison du démoniaque (comparer Matthieu 16.21).
Jésus voulait que ni sa glorification sur la montagne (verset 1 et suivants), ni sa puissance manifestée par de grandes guérisons ne fissent illusion à ses disciples sur l’issue de sa vie.
Ils sont fort attristés, donc, ils ont cette fois compris quelque chose de ces paroles, mais ils arrêtent leurs pensées sur la mort, sans pénétrer jusqu’à la résurrection.
Depuis l’époque de l’exil, tous les hommes en Israël devaient payer une contribution de deux drachmes (grec didrachme) pour les frais du culte dans le temple.
La drachme valait un peu moins d’un franc (comparer Exode 30.13 ; 2 Chroniques 24.6 ; Néhémie 10.32).
La question des percepteurs de l’impôt semble supposer chez eux la pensée que Jésus prétendait en être exempt, en sa qualité de Messie. Peut-être cette question était-elle motivée simplement par le fait que Jésus était en retard pour payer cet impôt. On percevait celui-ci au mois d’Adar (commencement de mars).
La réponse de Pierre prouve que Jésus avait l’habitude de s’acquitter de ces obligations légales.
Prévint Pierre par sa question, sans lui laisser le temps de raconter son entretien avec les percepteurs de l’impôt.
Étrangers à leur famille, par opposition à leurs fils. Ils prennent le tribut de leurs sujets.
Conclusion : Moi, le Fils de Dieu, je ne saurais être tenu par la loi à payer un impôt destiné à sa maison. « Il y a ici un plus grand que le temple » !
Et Jésus associe même son disciple à ce privilège (les fils). Pierre aussi est fils du Père, par adoption.
Ceux qui tiennent à Jésus partagent le droit de Jésus.
Mais Jésus qui sait qu’il ne serait pas compris et donnerait du scandale, se désiste humblement et charitablement de son droit et paie le tribut.
Dans l’acte même de soumission éclate la majesté de Jésus.
Le statère valait précisément quatre drachmes, qui suffisaient pour Jésus et pour Pierre.
C’est ici assurément un récit très difficile à comprendre, un miracle qui ne porte pas les mêmes caractères que ceux que Jésus accomplit d’ordinaire.
Et d’abord, en quoi consiste-t-il ? Non dans une action par laquelle Jésus aurait produit le statère dans la bouche du poisson, mais dans la science divine qui savait qu’il s’y trouvait. Or, ce n’est pas là ce qui arrête la critique, celle du moins qui voit en Jésus le Fils de Dieu, le Roi de la nature.
Mais elle objecte que ce miracle est inutile, vu la facilité de se procurer d’une autre manière, à Capernaüm, cette petite valeur de quatre drachmes. Elle objecte ensuite que jamais Jésus n’a fait de miracles pour lui-même (comparer Matthieu 4.3-4).
Elle fait observer enfin que l’exécution de l’ordre donné à Pierre, c’est-à-dire le fait même de cette pêche miraculeuse n’est point raconté. D’où elle a conclu que les paroles de Jésus ont été défigurées par une tradition que Matthieu rapporte seul ; que celle-ci aurait, par exemple, transformé en un fait historique ce qui était primitivement une parabole par laquelle Jésus voulait enseigner aux siens le devoir de payer les impôts.
Inutile de citer les puériles tentatives d’interprétation rationnelle, comme celle qui prétend que Pierre devait vendre ce poisson et en donner le prix aux percepteurs.
L’exégèse n’a pas à discuter ces hypothèses, mais à s’en tenir simplement aux données du récit, dont le sens est clair. Ce récit renferme pour la piété de précieuses leçons : la pauvreté de Jésus, qui ne possède pas quatre drachmes, l’humilité avec laquelle il renonce à son droit divin pour remplir un si pale devoir de citoyen, sa charité, qui évite de heurter des préjugés ; sa grandeur divine, à laquelle tout dans la nature doit servir.