Verset à verset Double colonne
1 Or, lorsque le matin fut venu, tous les principaux sacrificateurs et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mourir ;Ils avaient déjà prononcé la sentence de mort (Matthieu 26.66) mais, dès que le matin fut venu et que Jésus eut été éloigné, ils délibérèrent de nouveau en conseil, dans la seconde partie de la même séance, sur les moyens d’exécuter la sentence (voir Luc 22.66, note).
Il fallait pour cela obtenir l’autorisation du gouverneur romain, car, depuis que la Judée était devenue province romaine, le droit de vie et de mort avait été ôté au sanhédrin (comparer Jean 18.31).
Le peuple de l’alliance dut ainsi livrer son Messie entre les mains des Gentils, ce qui aggrava sa culpabilité. Il en résulta aussi que Jésus subit le supplice romain de la croix, au lieu de la lapidation, peine de mort usitée chez les Juifs.
Pilate (Codex Sinaiticus, B ne portent pas ici le surnom de Ponce que le texte reçu ajoute à Pilate) gouvernait la Judée et la Samarie avec le titre de gouverneur, qui se trouve dans Josèphe (Antiquités Juives, XVIII, 3, 1).
Il fut le cinquième procurateur de Judée et succéda à Valerius Gratus en 26 après Jésus-Christ. Après dix ans, il fut rappelé à Rome pour rendre compte de son administration et relégué à Vienne, dans les Gaules. Les procurateurs résidaient à Césarée, capitale politique du pays (Actes 23.32 et suivants ; Actes 25.1 et suivants) ; mais Pilate était venu à Jérusalem probablement pour surveiller cette ville pendant la fête de Pâque, où l’on pouvait toujours craindre quelque trouble à cause des immenses multitudes qui y affluaient (Matthieu 26.5).
Judas rapporte l’argent et se tue
Voyant l’issue du procès de Jésus, Judas saisi de remords, rend l’argent aux sacrificateurs, en confessant son crime. Repoussé par eux, il jette l’argent dans le temple et va s’étrangler (3-5).
Le champ acquis avec le prix du sang
Les sacrificateurs jugent qu’il ne convient pas de mettre l’argent dans le trésor. Ils l’emploient à acheter le champ du potier pour en faire le cimetière des étrangers. Ce fut l’accomplissement d’une prophétie (6-10).
Alors il vit que Jésus était condamné, par le fait qu’on le livrait à Pilate. Judas ne s’attendait point à cette condamnation. Connaissant l’innocence de Jésus, il pensait sans doute que ses adversaires se borneraient à lui infliger quelque peine légère, ou que lui-même ferait usage de sa puissance pour anéantir leurs desseins (Matthieu 26.15, note).
Mais il ne faudrait pas conclure de ce mot : il se repentit, qu’un changement salutaire s’accomplit dans son cœur. En effet, le verbe ici employé n’est point celui qui désigne une repentance à salut, une sainte douleur d’avoir offensé Dieu, toujours suivie de la régénération du cœur (Matthieu 3.2, note) ; il exprime seulement un regret plein d’angoisses à la vue des suites redoutables d’une action. Pour comprendre la différence, il suffit de comparer la repentance de Judas à celle de Pierre.
Livrer un innocent, c’est déjà un crime affreux ; mais livrer son sang, c’est-à-dire le livrer à une mort violente, c’est un crime dont Judas ne voit que maintenant toute la noirceur.
Que nous importe ? ou : Qu’est-ce que cela nous regarde ? C’est ton affaire. Il n’y a peut-être pas dans les annales du crime de parole qui trahisse un endurcissement aussi complet. Et ce sont des prêtres qui la prononcent !
Le terme ici employé est bien celui qui désigne d’ordinaire l’intérieur du temple, ou le sanctuaire ; mais comme il est peu probable que ce fût là que les sacrificateurs et les anciens étaient assemblés (verset 3), ni que Judas eût osé y pénétrer, on peut entendre par ce mot quelque dépendance du lieu sacré où les chefs du peuple tenaient leur séance. On voit aussi par ce fait que les sacrificateurs n’étaient pas tous allés conduire Jésus à Pilate (verset 3). La plupart étaient restés près du temple pour veiller à ce qu’il ne se fît aucune émeute.
Comparer Actes 1.18, note. Pierre ajoute à cette scène tragique quelques détails plus horribles encore.
Pour désigner avec précision le trésor sacré, l’évangéliste a conservé le mot hébreu corbanan, qui signifie probablement offrande et par extension, le trésor placé dans le temple de Jérusalem et renfermant les dons ou les redevances des fidèles pour le culte divin.
Les sacrificateurs pensent qu’il n’est pas permis d’y mettre les trente pièces d’argent qui étaient le prix du sang (comparer Deutéronome 23.18).
Quelle contradiction dans ce scrupule ! Ils respectent le temple, au moment de tuer le Seigneur ; toujours l’hypocrisie filtre le moucheron et avale le chameau.
Ces mots : le champ du potier (avec articles), montrent que ce champ était bien connu au moment où Matthieu écrivait.
Ces étrangers auxquels on prépara ainsi une sépulture étaient des Juifs ou des prosélytes qui mouraient à Jérusalem dans le séjour qu’ils y faisaient, surtout aux temps des grandes fêtes.
Ce mot jusqu’à aujourd’hui peut s’appliquer, non seulement au temps où écrivait l’évangéliste, mais à notre propre temps. En effet, on montre encore aux voyageurs, sur le penchant de la vallée de Hinnom, tout près de Jérusalem, un lieu où se trouvent plusieurs sépulcres et que le peuple appelle Hakeldama, le champ du sang, ou Hakelforar, le champ du potier (Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, 7e édition, page 235).
Ainsi les ennemis du Sauveur élevèrent eux-mêmes un monument perpétuel de leur crime, de la trahison de Judas (verset 4) et de l’innocence de Jésus. D’après Actes 1.19, ce champ tirait son nom du suicide de Judas, dont il aurait été le théâtre.
La citation qui suit ne se trouve point dans Jérémie, mais dans Zacharie 11.12-13.
Quelques minuscules ont corrigé cette faute en mettant le nom de Zacharie ; d’autres portent simplement : le prophète ; mais le nom de Jérémie est indubitablement authentique. Pour aplanir la difficulté, on a eu recours à diverses hypothèses sans valeur.
Il faut y voir une inadvertance, à laquelle un passage de Jérémie (Jérémie 18.2) pouvait facilement donner lieu.
Je confesse que je ne sais comment le nom de Jérémie s’est ici rencontré et ne m’en tourmente pas fort. Certes la chose montre d’elle-même qu’on s’est abusé en mettant le nom de Jérémie pour Zacharie ; car en Jérémie, on ne trouve point ce propos, ni chose qui en approche
Zacharie 11.12-13, très librement traduit et appliqué. Le prophète qui paissait ses brebis, c’est-à-dire son peuple, au nom de l’Éternel, est sur le point de les abandonner à cause de leurs rebellions.
Alors il ajoute : « Et je leur dis : Si vous le trouvez bon, donnez-moi mon salaire, sinon laissez-le. Et ils me pesèrent mon salaire, trente pièces d’argent. Et l’Éternel me dit : Jette-le au potier, ce prix magnifique (ironie) auquel j’ai été évalué par eux ! Et je pris les trente pièces d’argent et je les jetai dans la maison de l’Éternel au potier ». Trente pièces d’argent étaient le prix payé pour le plus pauvre esclave ; de là ce mépris d’une telle évaluation que l’Éternel considère comme appliquée à lui-même parce que le prophète agissait en son nom. En effet, jeter cet argent au potier pour son travail de peu de valeur, c’était montrer combien ce salaire était peu digne du prophète.
Enfin ces mots « dans la maison de l’Éternel » supposent que le potier travaillait dans quelque dépendance du temple pour la réparer ou pour y faire des ustensiles destinés au service des prêtres.
Il faut remarquer encore que ce mot de potier est le seul qui rende le terme original d’après sa racine et que c’est par une pure imagination philologique empruntée aux rabbins que plusieurs commentateurs modernes prétendent le traduire par le mot de trésor.
Voici maintenant ce que notre évangéliste tire de ce passage : il en fait une application symbolique au Sauveur, qui a été évalué à trente pièces d’argent de la part des fils d’Israël, c’est-à-dire des sacrificateurs. Ce sont eux-mêmes qui ont pris, ou repris, cette valeur et qui l’ont donnée pour le champ du potier.
Enfin les derniers mots, comme le Seigneur m’avait ordonné, doivent, dans la pensée de Matthieu, rendre ceux du prophète et l’Éternel me dit. On sent, à chaque mot de cette citation, l’indignation contenue de l’évangéliste, mieux fondée encore que le mépris du prophète pour les trente pièces d’argent auxquelles on avait évalué son travail.
Interrogatoire de Jésus
Sur une question de Pilate, Jésus affirme qu’il est le roi des Juifs. Mais il ne répond rien aux accusations de ses ennemis et garde le silence même quand le gouverneur l’invite à parler. Celui-ci en est fort étonné (11-14).
Jésus ou Barabbas ?
Pilate avait coutume de relâcher aux Juifs un prisonnier à chaque fête. Il leur offre le choix entre Jésus et Barabbas, brigand fameux. La femme de Pilate, tourmentée par un songe, lui fait dire de ne rien avoir à faire avec ce juste. La foule, excitée par les sacrificateurs, demande Barabbas. Et que ferai-je de Jésus ? Dit Pilate. La foule crie : Qu’il soit crucifié ! Mais quel mal a-t-il fait ? Réplique Pilate. La foule répond par le même cri redoublé (15-23).
Jésus livré par Pilate
Pilate, voyant qu’il n’avance en rien, se lave les mains en présence de la foule et se déclare innocent du sang qui va être versé. Tout le peuple répond : Qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! Pilate relâche Barabbas et livre Jésus pour être crucifié (24-26).
Jésus exposé aux outrages des soldats
Les soldats revêtent Jésus d’insignes royaux dérisoires et l’accablent de railleries et de mauvais traitements. Puis ils l’emmènent pour le crucifier (27-31).
Ou : Es-tu le roi des Juifs ? Cette question étonne au premier abord, puisque Jésus avait été condamné par le sanhédrin sur un tout autre chef d’accusation et que, jusqu’ici, il ne s’était point agi de sa royauté.
C’est que ce conseil inique, sentant fort bien que le gouverneur païen ne recevrait point un grief religieux (celui de blasphème), avait résolu d’en invoquer un autre qui eût un caractère politique et qui pût inspirer des craintes à Pilate. Luc (Luc 23.2) rapporte les termes dans lesquels ils formulèrent cette accusation devant Pilate.
C’est-à-dire « Oui, je le suis ». Comme Jésus a confessé hautement sa divinité devant Caïphe (Matthieu 26.64), il confesse non moins franchement sa royauté devant Pilate.
Mais tandis que dans les synoptiques il se proclame roi sans aucune explication, on voit par le récit de Jean (Jean 18.33-37) qu’il eut avec le gouverneur, sur la nature de cette royauté, un entretien assez long et très clair.
Grec : il ne lui répondit point, pas même sur une seule parole, c’est-à-dire sur aucune des accusations proférées par les membres du sanhédrin.
Le Sauveur répondit à Pilate en particulier, mais il se taisait en présence des principaux sacrificateurs qui n’écoutaient plus que leur aveugle haine et qui s’étaient rendus incapables et indignes d’entendre la vérité (Matthieu 26.63 ; comparez Ésaïe 53.7).
Pilate comprend l’innocence de Jésus, mais il s’étonne de cette majesté avec laquelle il souffre en silence au moment où il s’agit de sa vie ou de sa mort.
Cette coutume dont l’origine est inconnue, car il n’en est fait mention ni dans l’Ancien Testament ni dans le Talmud, n’avait probablement pas été établie par les Romains, car, d’après Jean (Jean 18.39), Pilate dit aux Juifs : « Vous avez une coutume ».
Il y avait peut-être un rapport entre cette coutume et la fête de Pâques : soit qu’elle fît allusion au nom de cette fête (qui exprime l’idée de faire grâce, d’épargner), soit qu’elle fût un mémorial de la grande délivrance nationale. Aussi la coutume était-elle de relâcher le prisonnier à chaque fête, sous-entendu de Pâques.
Barabbas était fameux par ses crimes et c’est précisément pour cela que Pilate le propose aux Juifs en échange de Jésus, espérant dans ses faux calculs que jamais ils n’oseraient lui préférer un tel malfaiteur.
Mais, comme l’observe Luther :
ils lui auraient préféré le diable lui-même.
Ce Barabbas (en hébreu fils du père, ou peut-être fils du rabbi) est du reste entièrement inconnu.
Quelques minuscules, la syriaque de Jérusalem et la version arménien ajoutent Jésus devant Barabbas. Dans ce cas, la question de Pilate aurait présenté ce contraste frappant : Lequel voulez-vous que je vous relâche : Jésus Barabbas, ou Jésus appelé le Christ ? Mais cette variante n’est pas suffisamment autorisée.
Cette remarque de l’évangéliste motive (car) la tentative de Pilate de délivrer Jésus en l’offrant au peuple au lieu de Barabbas. Il pouvait voir dans toute la conduite des principaux qu’ils obéissaient à l’envie, à la jalousie que leur inspirait l’influence de Jésus.
Matthieu seul nous a conservé ce trait. Pilate s’était solennellement assis au tribunal, attendant la réponse à sa question (verset 17) et se disposant à prononcer sa sentence, lorsque sa femme lui fit parvenir ce message.
La tradition a fait d’elle une amie du peuple juif, ou même a supposé qu’elle était secrètement attachée à Jésus. Elle aurait porté le nom de Procla ou Claudia Procula. L’Église grecque est allée jusqu’à la mettre au rang des saints. Il n’y a rien de tout cela dans le récit.
Mais son langage (ce juste) prouve au moins qu’elle était, comme son mari, convaincue de l’innocence du Sauveur. Il est possible qu’elle ait été informée de l’arrestation de Jésus par les émissaires du sanhédrin et que la crainte de voir son mari impliqué dans ce procès inique ait provoque en elle, sur le matin, un songe plein d’angoisse.
Il est bien permis de voir dans cette circonstance un dernier avertissement providentiel adressé à Pilate. Telle est l’opinion de plusieurs Pères de l’Église, tandis que d’autres attribuent ce songe au diable, qui voulait empêcher la mort de Jésus-Christ et le salut du monde !
Ils firent cela pendant le moment où Pilate était occupé du message que lui envoyait sa femme.
Pilate revient à sa question (verset 17), à laquelle le peuple répond selon l’insinuation de ses chefs, préférant ainsi un malfaiteur à celui dont tous reconnaissaient au moins l’innocence.
L’apôtre Pierre, douloureusement frappé de cette iniquité et de cette nouvelle humiliation de son Maître, en fit bientôt après un reproche sévère à tout le peuple juif (Actes 3.14).
Cette nouvelle question de Pilate, ainsi que la suivante (verset 23), était encore une tentative pour sauver Jésus, car il pouvait espérer que le peuple n’exigerait pas la mort de l’accusé, mais quelque châtiment plus léger.
Toutes ces transactions aboutissent ainsi à un cri brutal de fureur poussé par les Juifs à bout d’arguments. En demandant le supplice romain de la croix, ils faisaient peser une responsabilité encore plus grande sur le gouverneur, juste châtiment de sa lâche faiblesse.
Cette vaine cérémonie se fondait sur un antique usage qui se retrouve chez plusieurs peuples (Deutéronome 21.6-7).
Le gouverneur s’en sert pour proclamer à la fois l’innocence de Jésus et la sienne propre.
Le texte reçu avec Codex Sinaiticus et la plupart des majuscules lui fait dire : Je suis innocent du sang de ce juste. Ce dernier mot, peut-être emprunté au verset 19, est omis par B, D ; mais l’idée qu’il exprime est bien dans la pensée de Pilate.
Les Juifs ont dit à Judas : tu y pourvoiras (verset 4) ; Pilate à son tour dit aux Juifs : vous y pourvoirez.
Expression hébraïque qui signifie : « Si ce sang est innocent, que Dieu en fasse retomber la vengeance sur nous et sur nos enfants », comparez Matthieu 23.35 ; Lévitique 20.9 ; Deutéronome 19.10 ; 2 Samuel 1.16.
Cette imprécation, qui provoquait le jugement de Dieu, s’accomplit quarante ans après d’une manière terrible et fut ainsi une prophétie involontaire.
Le supplice de la flagellation que subissait le criminel chez les Romains, avant d’être mis à mort, s’exécutait avec un fouet de bandes de cuir auxquelles pendaient de petites pointes en forme d’éperons qui s’enfonçaient dans les chairs et faisaient ruisseler le sang. D’après Jean 19.1-5 ; Luc 23.22, Pilate infligea ce supplice à Jésus dans l’intention d’apaiser le peuple et fit après cela de nouveaux efforts pour le sauver.
On admet en général que le prétoire était l’ancien palais d’Hérode le Grand, dans la ville haute, où aurait demeuré le procurateur pendant ses séjours à Jérusalem et où se serait trouvée concentrée l’administration romaine.
Mais il est plus naturel de supposer que le prétoire était un palais attenant à la forteresse Antonia au nord-ouest du temple. C’est de là que la tradition fait partir la voie douloureuse.
On ramena Jésus dans la cour de cet édifice après que la flagellation eut eu lieu au dehors (Marc 15.16). La cohorte (romaine) qui s’y trouvait consignée devait maintenir l’ordre pendant l’exécution.
Grec : l’ayant dépouillé ou déshabillé.
Une variante de B, D, l’Itala, dit au contraire l’ayant rhabillé, parce qu’on lui avait ôté ses habits pour le flageller (verset 26). Mais il est possible qu’on les lui eût déjà remis et que le terme du texte reçu doive être préféré.
On lui ôta seulement son vêtement de dessus pour le revêtir de ce manteau de couleur écarlate que portaient les soldats, les officiers supérieurs ou même l’empereur, avec des degrés divers de finesse dans l’étoffe.
Les Juifs s’étaient moqués de lui comme prophète (Matthieu 26.68), les Romains se moquent de lui comme roi.
Tous ces insignes dérisoires de la royauté, le manteau, la couronne, le sceptre, ont leur vérité profonde. Les soldats romains, dans leur grossière ignorance, prophétisent, comme Caïphe, sans le savoir (Jean 11.51). C’est en effet dans cet abîme d’humiliations que Jésus fonde son éternelle royauté sur les âmes (comparer verset 37, note).
Ayant tressé une couronne d’épines.
L’épine dont il est question dans l’Évangile est certainement la petite épine ligneuse et presque rampante qui couvre le sol aux environs de Jérusalem. Je ne doute pas que ce ne soit de cette épine qu’ai été faite la couronne du Sauveur, car il peut venir aisément à l’esprit d’en former des guirlandes ; les aiguilles en sont fines, les branches s’arrondissent d’elles-mêmes. Ces épines sont dures et très piquantes.
Avant le supplice
Les soldats contraignent Simon de Cyrène de porter la croix de Jésus. Arrivés en Golgotha, ils offrent à Jésus du vin mêlé de fiel. Jésus le refuse (32-34).
Le crucifiement
Après l’avoir cloué sur la croix, les soldats jettent le sort sur ses vêtements. L’écriteau placé au-dessus de sa tête le désigne comme le roi des Juifs. Deux brigands sont crucifiés avec lui (33-38).
Les injures
Elles lui sont prodiguées par les passants, les membres du sanhédrin, les brigands, ses compagnons de supplice (39-44).
La mort
Dès la sixième heure des ténèbres règnent. À la neuvième heure, Jésus s’écrie : Eli, Eli, lamma sabachthani ? Quelques-uns interprètent, par ironie, ce cri comme un appel adressé au prophète Élie. L’un d’eux lui tend une éponge imbibée de vinaigre. Jésus rend l’esprit en jetant un grand cri (45-50).
Après la mort
Le voile du temple se déchire, la terre tremble, les sépulcres s’ouvrent, les morts ressuscitent. Le centenier et les gardiens de Jésus le reconnaissent pour le Fils de Dieu. L’évangéliste nomme quelques femmes, venues de Galilée, qui ont assisté au supplice (51-56).
Comme ils sortaient de la ville, hors de laquelle devaient se faire les exécutions (Nombres 15.35-36 ; 1 Rois 21.13 ; Actes 7.58), ils rencontrèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, en Afrique, où se trouvait une nombreuse colonie juive (Actes 6.9).
Simon revenait des champs (Marc 15.21), ils le chargèrent de la croix de Jésus. Jésus l’avait jusque-là portée lui-même (Jean 19.17) ; mais il parait qu’épuisé par ses souffrances et surtout par le supplice sanglant de la flagellation, il succombait.
Aucun soldat romain n’aurait voulu porter la croix, à cause de l’infamie qui s’y attachait ; ils y contraignirent cet étranger de médiocre condition (grec : le mirent en réquisition pour cela). Ce terme n’indique pas, comme on l’a supposé, que Simon de Cyrène fût disciple de Jésus ; mais, qu’il le soit devenu après cette participation involontaire à la mort du Sauveur et tout ce dont il fut témoin sur le Calvaire, c’est ce qu’on peut conclure de Marc 15.21 ; comparez Romains 16.13.
On a supposé que ce théâtre des exécutions criminelles s’appelait ainsi à cause des crânes privés de sépulture qu’on pouvait y voir ; mais il est plus probable que ce nom venait de la forme arrondie de la colline dont il s’agit. On n’a pas encore aujourd’hui, malgré toutes les recherches, acquis de certitude sur la situation topographique de Golgotha.
L’emplacement traditionnel, marqué par l’église du Saint-Sépulcre que l’impératrice Hélène fit construire au commencement du quatrième siècle, est actuellement dans la ville.
Ceux qui défendent cette donnée de la tradition pensent qu’au temps de Jésus le mur d’enceinte suivait du nord au sud le tracé de la rue de Damas pour tourner brusquement à l’ouest dans la direction de la porte de Jaffa. Le Calvaire aurait été situé dans cet angle rentrant (Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, p. 209 et suivants).
Matthieu nomme la boisson offerte à Jésus du vin mêlé avec du fiel, ce qui semble indiquer une intention malveillante (Psaumes 69.22 ; comparez Marc 15.23 note).
Le texte reçu porte du vinaigre au lieu de vin. Si ce mot était authentique, il ne changerait rien au sens, car aujourd’hui encore, en Orient, on laisse aigrir le vin pour le rendre plus rafraîchissant en le mêlant avec de l’eau.
Ce qu’on appelait « vin doux » (Actes 2.13) n’était autre chose que du vin non aigri (voir Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, 7e édition, page 218).
Il faut s’arrêter en présence de ce mot crucifié, si vite prononcé, qui caractérise le supplice le plus horrible qu’ait inventé la cruauté humaine et que la législation pénale des Romains réservait d’ordinaire aux esclaves et aux plus grands criminels.
La croix se composait de deux pièces : l’une verticale, plantée dans le sol, l’autre horizontale, fixée tantôt au sommet de la première (de sorte que l’instrument avait la forme d’un T), tantôt un peu au-dessous de ce sommet. Cette dernière forme fut probablement celle de la croix de Jésus, car elle s’accorde le mieux avec le fait qu’une inscription fut placée au-dessus de sa tête. Quand la croix était dressée, on hissait le condamné, au moyen de cordes, à la hauteur de la poutre transversale, sur laquelle on lui fixait les mains avec des clous.
À mi-hauteur de la pièce verticale, il y avait une cheville de bois sur laquelle on mettait le supplicié à cheval, pour empêcher que le poids du corps ne déchirât les mains. Les pieds enfin étaient cloués, soit l’un sur l’autre avec un clou unique, soit l’un à côté de l’autre.
Il arrivait, mais plus rarement, que l’on fixait le condamné sur la croix encore couchée par terre pour la redresser ensuite.
Les crucifiés vivaient ordinairement une douzaine d’heures, quelquefois jusqu’au second ou au troisième jour. L’inflammation des blessures provoquait la fièvre et une soif ardente ; l’immobilité forcée du corps occasionnait des crampes douloureuses ; l’afflux du sang au cœur et au cerveau causait de cruelles souffrances et des angoisses indicibles.
Ce partage des vêtements du supplicié entre ses exécuteurs était alors d’un usage général. Pour Jésus, ce fut l’accomplissement d’une prophétie (Psaumes 22.19).
Aussi le texte reçu ajoute-t-il à ce verset cette remarque : afin que fût accompli ce qui a été dit par le prophète : Ils ont partagé mes vêtements, ils ont jeté le sort sur ma robe. Ces paroles ne sont point authentiques ; mais cette application de la prophétie est faite par Jean, qui raconte ce trait plus en détail (Jean 19.23-24).
Comme le supplice de la croix n’était mortel qu’après un temps très long, on gardait les crucifiés, afin que nul ne pût venir les enlever.
Cette inscription fut placée au-dessus de sa tête, c’est-à-dire sur le haut du poteau perpendiculaire de la croix qui dépassait la tête du crucifié.
C’est Pilate qui avait choisi ce titre ironique pour se moquer et se venger des Juifs et il refusa de le changer à leur demande (Jean 19.22) ; en sorte que Jésus porta en sa mort son titre véritable, dont les Juifs avaient fait contre lui un sujet d’accusation.
Alors, c’est-à-dire après que Jésus fut attaché à la croix.
Ce crucifiement des deux brigands eut lieu probablement par d’autres exécuteurs, qui les placèrent à droite et à gauche de Jésus, infligeant ainsi à la sainte victime une nouvelle humiliation. De la sorte fut accomplie la parole d’Ésaïe (Ésaïe 53.12) et du Seigneur lui-même (Luc 22.37 ; Marc 15.28, selon le texte reçu).
En signe de moquerie, de mépris (comparer Psaumes 22.8 ; Ésaïe 37.22 ; Job 16.4).
Voir Matthieu 26.61, note
Le vrai texte de ces paroles injurieuses est ici rétabli. Elles tournent en dérision le double fait que Jésus avait eu la prétention de sauver les autres (verset 42) et d’être le Fils de Dieu.
On le sommait de prouver l’un et l’autre en descendant de la croix.
Ce qu’il y a d’inouï dans ce récit, c’est que toutes les classes d’hommes qui composaient le conseil suprême de la nation, sacrificateurs, scribes, anciens (une variante ajoute les pharisiens), étaient représentées dans cette scène et s’unissaient à la populace pour injurier le Sauveur.
Quand tout ce qu’il y a de plus éclairé et de plus élevé dans une nation descend à ce degré de bassesse morale, que peut-on attendre encore ? Il faut remarquer cette série de courtes phrases outrageantes qu’ils jettent à la face du Crucifié.
Il ne faut pas lire (verset 42), avec le texte reçu, s’il est le Roi d’Israël, mais il est le roi d’Israël, ce qui est d’une ironie bien plus poignante. Ces hommes qui savent par cœur l’Écriture, la profanent en y cherchant l’expression de leur raillerie (verset 43 ; comparez Psaumes 22.8).
Les plus beaux titres de Jésus-Christ sont, dans la bouche de ces aveugles, convertis en injures contre lui : Sauveur, Roi d’Israël, Fils de Dieu.
De la même manière, c’est-à-dire par des paroles semblables (Luc 23.39 et suivants).
Matthieu et Marc attribuent ces outrages indistinctement aux deux brigands, tandis que Luc ne les met que dans la bouche de l’un d’eux, qui est même repris par son compagnon d’infortune.
Plusieurs interprètes, depuis les Pères jusqu’à nos jours, ont admis, pour rendre compte de cette différence, qu’au commencement de cette scène, qui dura plusieurs heures, les deux brigands outragèrent Jésus ; mais que l’un d’eux (comme le centenier verset 54), frappé de tout ce qui se passait sous ses yeux, avait reconnu en Jésus le Messie d’Israël. Il n’y a rien là d’impossible (voir l’exemple du geôlier de Philippes, Actes 16.27 et suivants) ; mais cela est peu probable.
Voir Luc 23.42 note.
La sixième heure, à compter de six heures du matin, c’était midi ; la neuvième heure, trois heures.
Les trois premiers évangélistes s’accordent sur ce moment où se produisirent les ténèbres. Si elles avaient eu lieu dès le commencement du supplice de Jésus, il ne serait pas difficile de concilier ce récit avec celui de Jean Jean 19.14 qui nous apprend que ce fut environ la sixième heure (midi) que Pilate livra Jésus pour être crucifié.
Mais la difficulté gît dans le récit de Marc (Marc 15.25) (voir la note), qui place le crucifiement dès la troisième heure (neuf heures du matin), en sorte que, selon lui, Jésus avait déjà souffert trois heures le supplice de la croix au moment des ténèbres. Tout ce qui a été dit pour concilier cette différence est insuffisant. Ne vaut-il pas mieux se résigner à ce que quelque obscurité plane sur un point de détail, que de vouloir l’éclaircir à tout prix, par des raisons sans valeur ?
Quant aux ténèbres qui s’étendirent sur toute la terre (ou selon un hébraïsme, sur tout le pays) et que les premiers évangélistes mentionnent d’un commun accord, la critique s’est efforcée de les expliquer comme un phénomène naturel. Ce ne pouvait pas être une éclipse de soleil, puisqu’au quinze du mois de nisan la lune était pleine. Ce n’était probablement pas non plus un obscurcissement causé par un orage ou par le tremblement de terre mentionné ci-après (verset 51).
Évidemment les évangélistes entendent raconter un miracle. Sa réalité est attestée par l’impression profonde qu’en reçurent les assistants (verset 54). Ce miracle fut une manifestation de la puissance de Dieu, dans ce moment unique de l’histoire de notre humanité.
Le sentiment religieux ne s’y est pas trompé ; il a toujours reconnu les harmonies profondes qui existent entre le monde visible et le monde des esprits ; quand le soleil de justice s’éteint au sein de la perversité humaine, le soleil de la nature se voile de ténèbres. La poésie religieuse est ici le meilleur commentaire :
À ta mort la nature entière Se répand en cris de douleur Le soleil cache sa lumière ; Les élus pleurent leur Sauveur.
Mystérieuse exclamation s’élevant des profondeurs de l’âme de Jésus !
Retour momentané des indicibles souffrances morales de Gethsémané (Matthieu 26.36 et suivants, note) au sein de l’agonie physique !
Jésus emprunte à la Parole sainte (Psaumes 22.1) des termes qui puissent exprimer ce qu’il éprouve et l’évangéliste les conserve dans la langue originale, afin de n’y rien changer.
Ce qui cause l’angoisse du Sauveur, il le dit lui-même, c’est le sentiment momentané de l’abandon de Dieu ! Il n’y a rien de plus redoutable dans les expériences de l’âme.
Pourquoi ? Jésus le demande. Le Saint et le Juste sait bien qu’il ne peut trouver en lui la cause de cette mystérieuse et insondable souffrance. Ce qui lui voile la face de son Père et trouble sa communion avec lui, c’est le sombre nuage du péché de notre humanité, ce péché pour lequel il souffre et meurt.
Il ne dit plus : mon Père, comme en Gethsémané, mais : mon Dieu ! Et pourtant : mon Dieu ! S’il souffre tout ce qu’avait souffert le psalmiste dans l’abandon de Dieu, il persiste à crier à son Dieu ; et comme ce psaume que Jésus avait vivant dans son âme, après avoir commence par ce cri d’épouvante, se termine par un chant de délivrance, ainsi Jésus, bientôt après, fait entendre ce cri du triomphe : Tout est accompli ! et cette douce parole de confiance et d’amour : Mon Père, je remets mon esprit entre tes mains !
Avons-nous par là sondé et expliqué ce mouvement de l’âme de Jésus ? Nullement. Nous redoutons par-dessus tout les commentaires qui s’exposent à profaner ce cri de douleur en voulant en faire ressortir toute la dogmatique des hommes. Il faut l’écouter, le recueillir dans son cœur et en retirer cette consolante assurance : Il se sent un moment abandonné, afin que je ne le sois jamais !
Celui-ci, terme de mépris par lequel ceux qui parlent désignent Jésus parmi les trois crucifiés.
Ils ne pouvaient pas, par ignorance, prendre le mot Eli (ou selon d’autres manuscrits Eloï, mon Dieu) pour le nom d’Élie qui se dit en hébreu Eliiahou.
C’était donc un mauvais jeu de mots qu’ils faisaient volontairement sur la douloureuse prière de Jésus.
Du vinaigre mêlé d’eau était la boisson des soldats romains : l’un d’eux en donne à Jésus par humanité, car le Sauveur venait de s’écrier : j’ai soif et il accepta ce dernier secours (comparer Jean 19.28-30).
Il ne faut donc pas confondre ce trait avec celui du verset 34.
Paroles ironiques par lesquelles les mêmes moqueurs qui venaient de parler (verset 47) voulaient détourner le soldat romain de son acte d’humanité. D’après Marc (Marc 15.36), ces paroles auraient été prononcées par le même homme qui venait d’offrir à Jésus du vinaigre.
Le récit de Matthieu est évidemment le plus exact.
Le mot de nouveau se rapporte au verset 46.
Matthieu ne nous dit pas quelles paroles Jésus prononça dans ce cri suprême, mais Luc (Luc 23.46) et Jean (Jean 19.30) nous les ont conservées.
Il est possible aussi, et cela, paraît plus naturel, que ces paroles aient été proférées avant le cri suprême.
Il rendit l’esprit, il mourut.
L’histoire sainte rapporte en un seul mot la mort du Sauveur ; mais les discours et les épîtres des apôtres prêchent abondamment les fruits de cette mort. Jamais il n’est dit de lui il s’endormit, mais il mourut, verbe par lequel l’Écriture révèle la vérité, l’importance et la puissance de la mort de Christ.
Ce mot et voici, ainsi que la particule et répétée avant chaque phrase de ce récit, en relève la solennité. Tous les miracles ici racontés pouvaient réveiller l’attention et la crainte du peuple qui assistait à ces scènes (verset 54) ; mais en outre ils ont une profonde signification symbolique.
Ainsi ce voile du temple qui séparait le lieu saint du lieu très saint et en défendait l’entrée (Exode 26.31-33 ; Lévitique 16.2), au-delà duquel le souverain sacrificateur seul pénétrait une fois l’an, au grand jour des expiations (Exode 30.10), indiquait que la demeure du Dieu saint était inaccessible à l’homme, jusqu’à l’accomplissement des temps.
Mais ce voile déchiré au moment ou se consommait sur la croix le vrai sacrifice d’expiation pour le péché proclamait, aux yeux de tout le peuple assemblé dans le temple pour l’oblation du soir (trois heures, verset 45), que désormais l’accès au trône de la grâce (figuré sur l’arche de l’alliance dans le lieu très saint) était rouvert et que l’homme pécheur, banni du ciel, pouvait tourner ses regards et ses espérances vers les demeures éternelles, vers la maison du Père (comparer Hébreux 6.19 ; Hébreux 9.6 et suivants ; Hébreux 10.19 et suivants).
Les trois premiers évangélistes rapportent ce trait ; les miracles qui suivent sont dans Matthieu seul.
Tous ces miracles ont aussi leur signification symbolique. Cette terre qui tremble semble dénoncer les jugements de Dieu sur le peuple qui rejette son Sauveur ; ces rochers qui se fendent n’accomplissent-ils pas à la lettre la parole de Jésus : « Si ceux-ci se taisent, les pierres mêmes crieront » (Luc 19.40) ?
Par la rupture de ces rochers, plusieurs des sépulcres qui y étaient taillés, selon l’usage d’alors (verset 60) et qui se voient encore en grand nombre autour de Jérusalem, s’ouvrirent.
Ces saints qui étaient morts (grec endormis) dans l’espérance de la rédemption et qui renaissent à la vie, proclament la victoire du Sauveur sur la mort.
Les mots après sa résurrection ne se rapportent pas à ce qui précède : étant sortis de leurs sépulcres, ce qui supposerait qu’ils y restèrent vivants jusqu’au troisième jour ; mais à ce qui suit : ils entrèrent dans la sainte cité (Matthieu 4.5), dans la ville de Jérusalem et apparurent à plusieurs personnes dans les temps qui suivirent la résurrection de Jésus.
Malgré les obscurités de ce récit, nous ne saurions y voir seulement une tradition sans fondement historique.
Le centenier, capitaine romain qui commandait la cohorte (verset 27) préposée à l’exécution, reçut, ainsi que ceux qui l’entouraient, cette impression profonde, non seulement par le tremblement de terre et les autres miracles, mais par tout ce qui arrivait alors.
En effet, le centenier avait été témoin de tout ce qui s’était passé dans cette exécution, à partir du palais de Pilate jusqu’au dernier moment. Il avait entendu les paroles de Jésus sur la croix, vu son inaltérable résignation. Quoi de plus propre à produire l’impression décrite sur un homme qui n’était pas aveuglé par la passion comme les Juifs !
Mais d’où ce soldat païen prenait-il le terme de Fils de Dieu ?
Non seulement il pouvait savoir que tel avait été le motif de la condamnation de Jésus, mais il venait d’entendre les Juifs tourner ce titre en raillerie (versets 40 et 43). Or sa parole : véritablement Fils de Dieu, est une allusion évidente aux négations qu’il venait d’entendre.
Cela ne veut point dire qu’il eût des idées bien claires ni très élevées sur le sens religieux de ce nom divin ; mais l’exégèse n’est pas non plus autorisée à affirmer, comme elle l’a fait souvent, que le centenier donnait à ce nom une signification toute païenne : un fils des dieux, un être surnaturel (voir Luc 23.47, note).
En le servant signifie aussi, comme le dit Luc Luc 8.2-3, en l’assistant de leurs biens.
Marie de Magdala ou Marie-Magdelaine (Luc 8.2), ne doit être confondue ni avec la pécheresse dont parle Luc (Luc 7.36 et suivants), ni avec Marie, sœur de Lazare, qui oignit les pieds du Sauveur (Jean 12.3). Elle est nommée ici la première, elle fut aussi la première à qui Jésus apparut après sa résurrection (Marc 16.9 ; Jean 20.1 et suivants).
Marie, mère de Jacques et de Joseph (Codex Sinaiticus D et la plupart des versions ont Joseph, les autres ont Josè) était la femme d’Alphée ou Cléopas (Jean 19.25 ; Marc 15.47).
La mère des fils de Zébédée s’appelait Salomé (Marc 15.40 ; comparez Matthieu 20.20).
Matthieu ni Marc ne nomment ici Marie, mère de Jésus, quoique nous sachions par Jean (Jean 19.25 et suivants) que d’abord elle était présente avec ce disciple.
Il faut donc probablement prendre à la lettre cette expression : dès cette heure-là ce disciple la prit chez lui (Jean 19.27). Le cœur de Marie s’était brisé à l’ouïe de la parole pleine de tendresse que lui avait adressée Jésus et elle s’était retirée à l’heure même, de sorte qu’elle n’était plus présente à la fin du supplice.
Le dévouement d’un ami
Le soir, Joseph d’Arimathée, homme riche, disciple de Jésus, survient, demande le corps à Pilate, le dépose dans son propre sépulcre et roule une pierre à l’entrée. Marie-Madeleine et l’autre Marie sont assises devant le tombeau (57-61).
Les précautions des ennemis
Le lendemain, les membres du sanhédrin font une démarche auprès de Pilate pour prévenir une imposture de la part des disciples. Pilate concède une garde, qu’ils placent devant le sépulcre, après en avoir scellé la pierre (62-66).
Arimathée (hébreu, Ramathaïm) était une ville de la tribu de Benjamin (1 Samuel 1.1).
Joseph n’était pas seulement riche, mais un conseiller de distinction (Marc 15.43 ; Luc 23.50), c’est-à-dire qu’il était membre du sanhédrin à Jérusalem. Il était aussi disciple de Jésus, mais en secret, à cause de la crainte des Juifs (Jean 19.38).
Il arriva… probablement sur le lieu de l’exécution ; son cœur l’y attirait. Quand il vit que Jésus était mort, il se rendit auprès de Pilate pour lui faire sa demande (verset 58).
Ordinairement les corps des crucifiés restaient suspendus à la croix où ils étaient dévorés par les oiseaux de proie ; mais quand ils étaient réclamés par des parents ou des amis, ils pouvaient leur être rendus.
Le texte reçu, avec A, C, les versions, ajoute le corps après « qu’on lui donnât ».
Les interprètes qui adoptent ce texte pensent que la triple répétition du mot corps (versets 58 et 59) marque la douleur qu’éprouve l’évangéliste en racontant cette sépulture.
Tout dans ce récit dénote les soins délicats et religieux de celui qui s’acquittait de ce saint devoir : il enveloppe le corps dans un linceul (grec toile de lin de Sidon, ce qu’il y avait alors de plus fin) ; ce linceul était pur, c’est-à-dire qu’il n’avait jamais servi.
Joseph met Jésus dans son propre sépulcre, dont il lui fait le sacrifice ; ce sépulcre est taillé dans le roc et neuf.
Luc (Luc 23.53) et Jean (Jean 19.41) font expressément la remarque que jamais personne n’y avait été mis, en sorte que Jésus n’eut aucun contact avec la mort, ce qui eût été une souillure légale.
Enfin Joseph ferme l’entrée de la grotte avec une grande pierre, afin de mettre le corps à l’abri de toute atteinte.
Matthieu ne parle ni de Nicodème qui aida Joseph dans l’accomplissement de ce pieux devoir ni des aromates dont ils embaumèrent le corps de Jésus (Jean 19.38-40).
Comparer verset 56, note ; Matthieu 28.1.
Ces deux Marie étaient là assises, en contemplation, perdues dans leur douleur, dans leur amour pour Celui qu’elles pleuraient.
Le samedi, le grand jour du sabbat (Jean 19.31).
On appelait préparation la veille du sabbat. D’autres entendent par là, avec moins de probabilité, le soir même du vendredi, où le sabbat commençait après six heures.
Ils ne faisaient pas allusion aux prédictions que Jésus avait énoncées dans le cercle de ses disciples (Matthieu 16.21 ; Matthieu 17.23 ; Matthieu 20.19), mais à la déclaration qu’il avait faite aux pharisiens (Matthieu 12.40).
La première imposture, au point de vue de ces ennemis de toute vérité, était la prédiction même de Jésus (ou, suivant d’autres, le mouvement provoqué par tout son ministère) ; la dernière qu’ils redoutaient était la proclamation de sa résurrection. Pour eux, elle fut la pire, en effet, puisqu’elle amena le triomphe de sa parole et de son œuvre.
À ces mots que ses disciples ne viennent, le texte reçu ajoute de nuit qui n’est pas authentique.
Ces mots de Pilate vous avez une garde, ont fait supposer à plusieurs interprètes qu’il s’agissait de la garde juive du temple, toujours à la disposition des chefs du peuple. Cette opinion est peu probable, comparez (Matthieu 28.14).
Pilate leur offre une garde romaine ; il veut dire : Prenez-la et faites comme vous l’entendrez.
La pierre que Joseph avait mise à l’entrée de la grotte (verset 60).
On peut traduire aussi : « après avoir scellé la pierre en présence de la garde ».
Sceller cette pierre pour enfermer le Prince de la vie !
Autant vaudrait sceller les portes de l’Orient pour empêcher le soleil de se lever sur le monde !
Tout ce dernier récit (versets 62-66) que Matthieu a seul et dont la suite se trouve en Matthieu 28.11-15, a paru historiquement peu vraisemblable à plusieurs exégètes modernes. Voici leurs objections.
Il faut reconnaître que ces objections ne sont pas sans valeur.
D’autre part on peut répondre :
On peut ajouter que dans ce fait, comme dans toute l’histoire de la passion, Dieu se joue de ses ennemis. Ils croyaient étouffer la vérité et ce fut par les soldats, instruments de leurs mensonges, que parvint tout d’abord à leur connaissance la résurrection glorieuse de leur victime. Les précautions mêmes, prises par eux pour prévenir l’événement qu’ils redoutaient, en attestèrent la réalité et en rehaussèrent l’éclat (Matthieu 28.11).