Verset à verset Double colonne
Union, humilité, désintéressement à l’exemple, du dépouillement volontaire de Jésus-Christ
Puisque la communion avec Christ est une source de consolation et d’amour, soyez un cœur et une âme, ne faisant rien par orgueil, tout par humilité, estimant les autres, ayant à cœur leurs intérêts (1-4).
Vous avez le modèle accompli de ces sentiments en Jésus-Christ qui, en possession de la gloire divine, s’en est dépouillé pour naître au sein de notre humanité et qui s’est abaissé et rendu obéissant jusqu’à la mort de la croix (5-8).
C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout, en sorte que tous l’adorent et confessent qu’il est le Seigneur (9-11).
La fermeté et l’union pour le combat, tel était le devoir que l’apôtre rappelait aux chrétiens de Philippes dans les derniers versets du chapitre précédent (Philippiens 1.26, suivants).
Il ne peut encore quitter ce sujet important : sachant que la lutte au sein de l’Église, suscitée par les faux docteurs qui cherchaient à attirer des disciples à eux, ne sera pas moins vive qu’avec les adversaires du dehors ; sachant aussi que, sans l’union des chrétiens, sans une sincère humilité, sans un entier renoncement, ils ne sauraient rester vainqueurs, il insiste sur ce point ; mais avant de reprendre son exhortation (versets 2-4), il énumère les motifs les plus forts qui puissent émouvoir une âme chrétienne (verset 1).
Ensuite il fait appel à l’irrésistible exemple de renoncement, de dévouement et d’amour que nous a donné le Fils de Dieu (verset 5 et suivants). « S’il est vrai que vous ayez trouvé en Christ le Sauveur et dans sa communion intime quelque consolation pour vos âmes (ou exhortation, appel à une vie sainte ; le mot grec les deux sens, entre lesquels se divisent les interprètes) ; si vous avez éprouvé le puissant encouragement qu’il y a dans la charité, dans l’amour pour Dieu et pour vos frères ; si réellement l’Esprit de Dieu vous a unis dans une vivante et sainte communion ; si tout cela a créé en vous une tendresse profonde (grec : « entrailles » ; comparez Philippiens 1.8) et de vraies compassions pour les souffrances et la faiblesse de vos frères, alors, il est impossible que toutes ces forces divines ne produisent pas d’abord en vous les doux fruits de la plus intime union » (verset 2).
Et Paul accumule les termes qui désignent cette union sous tous les rapports :
Et l’apôtre ne craint pas d’invoquer comme motif pour réaliser cette union parfaite la joie accomplie qu’il en éprouvera.
On peut même admettre, avec la plupart des interprètes, que par toutes les expressions qui précèdent (verset 1) l’apôtre veut émouvoir envers lui les sentiments de ses frères, en appelant à leur amour, à leur compassion, tant il serait malheureux s’ils ne suivaient pas cette voie, tant sa joie sera grande s’ils y marchent.
L’humilité, qui provient d’une vraie connaissance de Dieu et de nous-mêmes, tel est un second fruit que l’apôtre s’attend à trouver chez les Philippiens en vertu des motifs exposés au verset 1.
L’esprit de dispute et de vaine gloire n’est corrigé que par une sincère humilité, car il vient de ce que nous nous estimons trop nous-mêmes et pas assez les autres.
Mais comment chacun peut-il estimer les autres comme plus excellents que soi-même ?
Si quelqu’un a reçu de Dieu des dons évidemment supérieurs à ceux de son frère, doit-il le méconnaître et se tromper soi-même pour être humble ?
Afin d’éviter cette difficulté, on a réduit ces paroles à signifier : que chacun se mette volontiers au dernier rang, aime à servir plutôt qu’à commander, etc.
C’est affaiblir la pensée de l’apôtre qui peut et doit être prise à la lettre. En effet, il s’agit moins de mesurer les dons de Dieu en nous et dans les autres, que de sentir profondément combien nous en sommes indignes, par toutes les misères qui nous restent et que nous pouvons seuls connaître.
Eussions-nous alors à nous comparer à un criminel, nous pouvons nous demander : en quoi suis-je, par nature, meilleur que lui ? s’il avait été à ma place, possédant tous les moyens d’éducation morale et de grâce divine dont j’ai joui, ne serait-il pas plus excellent que moi ? et si j’eusse été à sa place, ne serais-je pas pire que lui ? Cette mesure est celle de Dieu (1 Corinthiens 4.7), et si nous l’adoptons, nous n’aurons pas de peine à éprouver à l’égard de tout homme le sentiment qu’indique l’apôtre et qu’il éprouvait lui-même le premier (1 Timothée 1.15).
La charité seule met en pratique ce précepte (1 Corinthiens 13.5). Paul en recommande ailleurs une application particulière (1 Corinthiens 10.24).
Toute vérité morale se trouve vivante en Jésus-Christ, non moins que toute vérité divine. Aussi l’apôtre, exhortant les chrétiens au désintéressement, au dévouement, à l’humilité (versets 3 et 4), n’a, pour mettre sous leurs yeux l’idéal la perfection à cet égard, qu’à leur montrer le Fils de Dieu devenu Fils de l’homme. Et en le faisant, en le proposant comme modèle, il se trouve avoir écrit l’un des témoignages apostoliques considérés de tout temps comme classiques sur la divinité et l’humanité de Jésus-Christ.
Mais quel est, dans cette contemplation de la personne et de l’abaissement du Sauveur, son point de départ ? Paul parle-t-il uniquement du Christ historique, de son apparition sur la terre ? Ou bien, s’élevant jusqu’à sa préexistence éternelle, veut-il nous montrer d’abord ce qu’il était avant cette apparition, pour descendre ensuite dans les profondeurs d’abaissement qui ont commencé avec l’incarnation ? Cette dernière vue est évidemment la pensée de l’apôtre, malgré l’opinion opposée de nombreux interprètes. En effet, les termes qu’emploie Paul sont tels, qu’il y a une distance incommensurable entre son point de départ et l’état d’humiliation où il suit le Sauveur.
Christ existait (c’est ainsi qu’avec M. Rilliet il faut traduire ce verbe) en forme de Dieu. Ce mot qui, dans notre langue, réveille des idées trop matérielles et peu adéquates au sujet, exprime pourtant tout ce qui nous fait connaître Dieu comme Dieu, toutes les perfections divines (comparer Jean 17.5). C’est ce que prouve évidemment l’emploi du même mot, par antithèse, au verset 7 : forme de serviteur. Ce terme revient à celui « d’image de Dieu » (Colossiens 1.15 ; comparez Hébreux 1.3), qui emporte la réalité de l’essence divine (Jean 1.1 ; Jean 1.2).
Quand Dieu se manifeste par ses grâces, il y a bien la forme et l’essence ; il ne peut pas se manifester comme Dieu et ne l’être pas
La forme de Dieu signifie ici la majesté ; de même que nous reconnaissons un homme à la forme de son aspect, ou, pour employer une autre image, de même que la forme de roi serait l’appareil et la splendeur qui l’environne, le sceptre, le diadème, le manteau royal ; de même la gloire dont Dieu resplendit est sa figure, sa forme.
En possession des perfections divines, le Fils de Dieu était égal à Dieu (comparez Jean 5.18) ; s’il eût paru ainsi sur la terre, ce n’aurait point été une proie qu’il aurait saisie, mais c’eût été son droit éternel. En d’autres termes, Christ aurait pu, en se manifestant à ce monde coupable, apparaître dans toute la majesté de sa gloire divine ; il ne l’a pas fait, il n’a pas envisagé son égalité avec Dieu comme une proie à saisir, comme une dépouille ou un butin à porter en triomphe et dont il aurait fait trophée (tel est le sens du mot original) ; mais au contraire il s’est dépouillé lui-même.
Le terme grec signifie proprement devenir vide (comparer 1 Corinthiens 15.10 ; 1 Corinthiens 15.14, note). Ce dépouillement, ce premier acte d’humiliation par lequel le Fils de Dieu, est descendu de l’infini au fini, de la divinité à l’humanité, c’est son incarnation, sa naissance au rang des hommes. Il se dépouille de la gloire divine ; la forme de Dieu devient la forme de serviteur, serviteur dans toute la réalité du mot, serviteur de Dieu (Ésaïe 42.1 ; Ésaïe 52.13 et suivants), serviteur des hommes (Matthieu 20.28 ; Jean 13.1 et suivants), lui qui était le Seigneur de tous (verset 11).
Son humanité n’est pas moins réelle que sa divinité : fait à la ressemblance des hommes (comparer Romains 8.3 ; Jean 1.14), toute sa vie ici-bas, tout ce qui parut de lui (Grec : « il fut trouvé en figure comme un homme », verset 8) ne le distingua en rien de ses frères, si ce n’est son incorruptible sainteté.
C’était là déjà avoir parcouru une immense carrière d’abaissement ; mais ce n’est pas tout : il devait plus encore s’humilier lui-même (verset 8). Comment ? en se rendant obéissant. « Quoiqu’il fût Fils », il devait « apprendre l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » (Hébreux 5.8) ; porter cette obéissance jusqu’au sacrifice entier de sa volonté (Matthieu 26.39), jusqu’à la mort, qui n’avait aucun droit sur lui, à la mort de la croix, la plus ignominieuse de toutes les morts… Voilà le Sauveur dans sa nature, dans son dévouement, dans son œuvre !
Il faut remarquer encore sur ce passage vraiment classique de nos saints livres :
Qu’il y ait dans ce fait du « Dieu manifesté en chair », dans l’union de sa nature divine et de sa nature humaine, dans toute son apparition sur la terre, depuis sa conception et sa naissance jusqu’à la croix, dans l’indéfinissable mélange d’infirmités tout humaines et de perfections toutes divines, qu’il y ait en tout cela un profond mystère (1 Timothée 3.16), nul n’a jamais songé à le nier et l’apôtre ne s’en occupe pas ici.
Il ne s’arrête pas même au but premier de cette œuvre, ni aux grandes doctrines qui en ressortent. Ce qu’il veut exposer, ce qui est accessible à la conscience et au cœur de tout homme, c’est l’exemple émouvant d’un tel amour, d’une telle humilité, d’un tel dévouement. Et cet exemple, pour le croyant, ne reste pas un fait extérieur à contempler et dont l’imitation alors serait purement impossible ; mais, par sa communion intime et vivante avec le Sauveur, le chrétien, transformé par degrés à son image, peut arriver à réaliser dans sa vie le même sentiment qui a été en Jésus-Christ (verset 5). Il le peut, parce que ce même Jésus-Christ vivant en lui l’en rend capable.
Se dépouiller soi-même est, au fond, bien peu de chose en comparaison de cet idéal d’amour et d’humilité que Jésus-Christ lui présente. Que sommes-nous, en effet ? Qu’avons-nous ? De quoi pourrait s’alimenter notre orgueil ? De quel bien pourrions-nous faire trophée ? Quiconque ne se sent pas dépouillé en présence du Fils de Dieu qui s’est dépouillé, n’a rien de commun avec lui. La pensée de l’apôtre n’est réalisée qu’en celui qui consent à perdre tout ce qu’il croyait avoir, tout, jusqu’à sa propre vie, pour la retrouver en Jésus-Christ (Matthieu 10.39 ; Matthieu 20.20-28 ; Luc 14.26).
L’élévation suprême de Jésus-Christ a été, dans un sens spécial, la conséquence, la récompense de son dévouement ; c’est ce que l’apôtre indique clairement par cette particule : c’est pourquoi (verset 9). Cette élévation, ce n’est pas la restitution de la nature divine, — Christ n’y avait jamais renoncé, — mais la restitution de la gloire éternelle dont il s’était dépouillé volontairement (comparer Luc 24.26 ; Jean 17.5 ; Éphésiens 1.20-22 ; Hébreux 2.9).
Il ne reçoit pas ce qu’il avait auparavant, mais il reçoit comme homme ce qu’il avait comme Dieu
C’est par là même que se trouve réalisée en Jésus cette loi universelle du monde moral : « Quiconque s’abaisse sera élevé » (Matthieu 23.12 ; Luc 14.11 ; 1 Pierre 5.6), pensée qui correspond parfaitement au but de l’exhortation de l’apôtre (verset 5).
Rentré au sein de sa gloire en y élevant notre humanité dans sa personne, Jésus reçoit le nom qui est au-dessus de tout nom (Le texte reçu dit à tort un nom). Lequel ? Les uns répondent : le nom de (verset 11), de souverain Dominateur de ce règne qu’il vient de fonder par son dévouement, dignité que toute langue doit confesser avec adoration. Les autres disent : le nom de JÉSUS (verset 10), qui signifie Sauveur et que tous ses rachetés prononceront à jamais avec reconnaissance et avec amour.
Quoi qu’il en soit, il faut remarquer que l’apôtre emploie à dessein, d’abord le nom humain de JÉSUS, devant qui tout genou doit fléchir, afin de dire clairement que c’est avec son humanité qu’il a été glorifié ; puis, il attribue le titre souverain de , désigné sous son double nom.
C’est ce qui doit délier toute langue pour le confesser et faire fléchir tout genou afin qu’il soit adoré, au ciel, sur la terre et sous la terre, dans l’univers tout entier et par toutes les créatures qui le remplissent. Et cela aura lieu, soit volontairement et par amour, soit, un jour, par la crainte de sa toute-puissance et par la proclamation de sa justice.
Cette dernière pensée domine même dans le passage d’Ésaïe (Ésaïe 45.23 ; Ésaïe 45.24) que cite l’apôtre. Dans le prophète, c’est Jéhova qui parle et Paul, dans la conviction que Christ est « égal à Dieu », n’hésite pas à lui attribuer la souveraine puissance et l’adoration que Jéhova réclamait pour lui-même. Mais la confession que Jésus-Christ est le Seigneur est à la gloire de Dieu le Père, parce que Dieu, ses perfections, tout son Être, a été manifesté en Christ et par son œuvre (Jean 17.1-4).
Parvenir là où est Jésus, telle est l’espérance du chrétien (Jean 14.3, 17.24) ; mais pour y arriver, il n’y a qu’un chemin, celui du renoncement et des humiliations, que Jésus-Christ a suivi ; voilà toute la pensée de Paul et le grand motif qu’il invoque à l’appui de son exhortation.
Vous avez jusqu’ici obéi à l’Évangile, faites-le plus encore maintenant que je ne suis plus près de vous, travaillant à l’œuvre de votre salut, car c’est Dieu même qui l’opère en vous (12, 13).
Faites toutes choses avec la douceur de la charité, comme des enfants de Dieu sans reproche et dont la vie devienne une lumière pour le monde (14, 15).
Ainsi, je n’aurai pas travaillé en vain parmi vous et si même je dois sceller de mon sang mon ministère, je m’en réjouirai et vous vous réjouirez avec moi (16-18).
Ces remarquables paroles, qui expriment la conséquence morale de l’exemple de Jésus-Christ cité par l’apôtre (ainsi), renferment deux pensées qui, au premier abord, paraissent être en contradiction l’une avec l’autre : d’une part, la liberté de l’homme, sa responsabilité, son action pour le salut ; de l’autre, son absolue dépendance de Dieu et de l’œuvre de la grâce.
Pourquoi devons-nous opérer notre salut avec crainte et tremblement ? parce que (car) Dieu agit avec efficace lui-même en nous pour produire et le vouloir et l’action efficace (tel est le sens du grec.)
Comment s’accordent ces deux principes ? Il faut remarquer d’abord que pour que nous puissions opérer notre salut, il faut que toute l’œuvre de Christ pour nous ait précédé et que nous avons seulement à travailler à nous approprier le salut accompli par Christ.
Il faut remarquer encore que la crainte et le tremblement ne sont plus une frayeur servile du jugement, mais la crainte filiale d’offenser un Père réconcilié, ou de retomber dans le péché par la négligence des moyens de grâce (voir ces mêmes termes, dans des applications différentes, 1 Corinthiens 2.3 ; 2 Corinthiens 7.15 ; Éphésiens 6.5).
Or, il est parfaitement vrai, quelque contradictoire que cela paraisse et il est conforme à l’expérience chrétienne que, pour toute conscience sérieuse, le plus puissant motif de vigilance et d’action, c’est la pensée que la grâce opère tout en elle. Les premiers commencements de la conversion, comme la persévérance finale ; la première pensée d’un retour à Dieu, le premier mouvement de repentance, de foi, d’amour, comme les plus grands progrès dans la sanctification, tout est l’œuvre de la grâce en nous.
Mais cette grâce agit dans le cœur, réveille, dirige, fortifie et sanctifie la volonté ; elle produit non seulement le vouloir et l’action, mais nous donne le vif sentiment que l’inaction serait une coupable résistance, un criminel mépris de tant d’amour. Elle suscite, dans une âme ainsi remise en contact avec Dieu, la crainte et le tremblement dont parle Paul. Elle excite ce sentiment de notre responsabilité, qui nous pousse à travailler à notre salut avec énergie. Ainsi la doctrine évangélique, bien comprise, attribue à Dieu et à sa grâce la gloire du salut de l’homme et produit dans ce dernier, à la fois la plus profonde humilité et le zèle le plus ardent pour parvenir au but que Dieu a placé devant lui.
Ce mot rendu par hésitations signifie proprement des doutes ou des raisonnements, lesquels entravent l’activité et, de même que les murmures, procèdent d’un manque de confiance en cette grâce dont l’apôtre vient de rappeler les effets certains et encourageants.
Des chrétiens qui seraient tels que l’apôtre les décrit ici : sans reproche, purs (simples, sans aucun mélange), pour qui le beau titre d’enfants de Dieu serait une vérité (Matthieu 5.45), des enfants sans défauts (Colossiens 1.22 ; 1 Thessaloniciens 3.13), de tels chrétiens seraient autant de luminaires (tel est le sens du mot traduit ici par flambeaux) pour éclairer tous ceux qui errent dans les ténèbres de ce monde (comparer Daniel 12.3 ; Matthieu 5.14).
Ils sont lumière (Éphésiens 5.8) parce qu’ils portent au-devant d’eux ou retiennent ferme la Parole de vie, qui est leur flambeau.
Si un chrétien qui n’éclaire point le monde par la sainteté de sa vie est un astre sans lumière, que d’astres obscurcis dans le ciel de l’Église !
Ces mots : la génération dépravée et perverse sont une allusion à Deutéronome 32.5. Paul applique à l’état moral du monde ce jugement porté par Moïse sur son peuple, toujours enclin à la désobéissance.
Après tous les motifs allégués par l’apôtre pour inviter les Philippiens à la persévérance et à la sanctification, il ne craint pas d’en appeler à leur amour pour lui et de leur montrer quelle douce consolation dans ses souffrances actuelles et quelle glorieuse espérance pour l’avenir il puisera dans la pensée de leur fidélité à leur vocation chrétienne.
Les mots couru en vain rappellent une image souvent employée par l’apôtre, cette des courses dans la lice (Philippiens 3.14 ; 1 Corinthiens 9.24, etc.).
Travaillé en vain se rapporte plutôt au labeur dans un champ dont on attend la moisson.
On peut et on doit désirer dès ce monde que la Parole de Dieu porte son fruit ; mais on ne doit désirer que fort modérément d’en goûter la douceur, si ce n’est comme saint Paul, au jour du jugement et en la présence du Seigneur.
Ici se présente à l’apôtre l’idée que sa course et son travail (verset 16) pourraient bien se terminer par une mort sanglante. Et il entre héroïquement dans cette pensée. Sublime dévouement !
Dans l’incertitude où il était touchant l’issue de sa captivité, l’apôtre exprime tantôt la possibilité de sa mort, tantôt l’espoir qu’il restera pour son œuvre (Philippiens 1.20-26), mais toujours en acceptant avec joie la volonté de Dieu, parce qu’il a entièrement renoncé à tout ce qui lui est propre.
Les termes dont il se sert sont tous empruntés au culte de l’Ancien Testament et en particulier aux usages des sacrifices. Après le sacrifice sanglant, on répandait une libation de vin tout autour de l’autel. Or l’apôtre se représente d’abord son propre sang comme répandu et servant de libation : (2 Timothée 4.6) puis changeant d’image, il se dépeint comme sacrificateur, offrant à Dieu ce peuple de croyants, convertis du paganisme (Romains 15.16) ; c’est là ce qu’il appelle le sacrifice de votre foi, dans lequel il fait le service sacerdotal.
Il se réjouit à cette pensée de la mort et il invite ses frères à s’en réjouir avec lui (verset 18), ce qui serait de part et d’autre impossible si la volonté de Dieu n’était pas à tous plus chère que la vie même et si tous n’avaient pas l’assurance que cette mort glorifierait Jésus-Christ et l’Évangile de sa grâce.
Paul désire envoyer Timothée aux Philippiens, pour avoir de leurs nouvelles et il fait choix de ce disciple qui a donné des preuves de son affection pour lui et pour eux, tandis que les autres ne pensent qu’à leurs propres intérêts ; il l’enverra donc quand il aura vu l’issue de son procès et il espère aller lui-même vers eux (19-24).
Mais il a voulu d’abord leur envoyer Épaphrodite, qui l’avait visité de leur part et avait pourvu à ses besoins ; Épaphrodite lui-même le désirait ; il avait été malade et son retour sera une joie pour ses amis inquiets à son sujet (25-28).
Paul le recommande avec une grande affection, comme un frère qui a exposé sa vie pour lui (29, 30).
La mort dont il vient de parler ne lui paraît ni certaine, ni imminente. Il se peut qu’il serve d’aspersion, mais il espère envoyer Timothée pour s’informer de l’état de l’Église et pour en être encouragé, consolé.
Timothée informera les Philippiens du sort de Paul (verset 23). Lui-même a l’assurance de venir aussi bientôt (verset 24). Comparer sur la sollicitude de l’apôtre pour le salut des âmes 1 Thessaloniciens 3.2 ; 2 Corinthiens 11.28 ; 2 Corinthiens 11.29.
En disant tous, Paul entend ceux qui l’entouraient alors à Rome et qui, en partie devenus tièdes dans leur charité, en partie influencés par les faux docteurs (Philippiens 1.15 et suivants), ne se comportaient plus comme des serviteurs dévoués de Jésus-Christ (2 Timothée 4.10). D’autant plus beau est le témoignage rendu au fidèle Timothée (verset 22).
Quand il saura à quoi s’en tenir sur l’issue de sa captivité (comparer verset 17, note).
Grec : « Votre apôtre (envoyé) et ministre de ma nécessité » (comparer Philippiens 4.18).
Quelle tendre délicatesse de l’amour chrétien se montre dans tous ces rapports personnels ! Épaphrodite souffre de ce que ses amis de Philippes ont appris sa grave maladie et en auront été affligés ; Paul se hâte de le leur envoyer pour leur consolation mutuelle (verset 25), et il regarde la guérison de son frère comme une miséricordieuse dispensation de Dieu envers lui-même, afin qu’il n’eût pas tristesse sur tristesse !
On voit combien l’héroïque dévouement jusqu’à la mort, dont l’apôtre vient de donner la preuve (verset 17), est loin d’éteindre dans son cœur les sentiments humains.
En sachant que vous avez cette joie, cette consolation, moi, j’en aurai moins de tristesse. Toujours cette tendre sympathie qui souffre et jouit avec les autres.
Il paraît qu’Épaphrodite s’était attiré sa maladie en servant l’apôtre, soit par son voyage de Philippes à Rome, soit par d’autres actes de dévouement dans cette dernière ville. En tout cas, c’était pour l’œuvre de Christ.
Et Paul reporte la vive reconnaissance qu’il en éprouve à l’Église qui lui a envoyé ce frère dans sa captivité et ses besoins. En effet, il considère ce qu’Épaphrodite a fait pour lui comme suppléant ce que tous auraient fait s’ils eussent été présents.