Verset à verset Double colonne
Double invitation adressée aux gens dépourvus de sens, celle de la Sagesse et celle de la Folie. Les deux chapitres précédents avaient présenté aux lecteurs deux tableaux opposés : au chapitre 7, l’image, prise sur le vif, de la femme adultère usant de ses coupables artifices pour séduire le jeune homme insensé et au chapitre 8 l’image de la Sagesse personnifiée, adressant à tous un appel énergique, une invitation pressante à suivre ses avis. Ici les deux images apparaissent encore et pour la dernière fois, étroitement juxtaposées. Le chapitre 9 est comme un résumé où ces contrastes s’accentuent de la façon la plus vigoureuse, pour laisser le lecteur sous une impression définitive.
Deux parties d’inégale longueur : versets 1 à 12, appel de la Sagesse ; versets 13 à 18, appel de la Folie.
La Sagesse, après avoir fait tous les préparatifs nécessaires pour bien recevoir ceux qui voudront s’asseoir à sa table (versets 1 à 3), s’adresse à tous ceux qui manquent de sens (versets 4 à 6), mais non pas aux moqueurs impies qui sont incapables d’écouter sa voix (versets 7 à 12).
La Sagesse a bâti sa maison. À la fin du chapitre 8, la Sagesse avait déjà été représentée comme habitant un palais, aux portes duquel devaient se tenir sans cesse ceux qui voulaient obtenir ses faveurs. Ici l’image est reprise et développée et les préparatifs du festin spirituel qu’elle offre à ses disciples sont indiqués en quelques traits.
Cette vaste maison ne représente pas la théocratie, les institutions salutaires accordées par l’Éternel au peuple juif, mais le glorieux salut préparé pour tous dès avant les siècles par la sagesse divine (1 Corinthiens 2.7), magnifique édifice qui a toujours existé dans la pensée de Dieu, qu’il réalise graduellement dans l’histoire de l’humanité et que nous voyons parfaitement accompli dans les derniers chapitres de l’Apocalypse. Dès maintenant ce palais existe, inébranlable : elle s’est taillé ses colonnes.
Au nombre de sept. Les galeries qui donnent sur les cours intérieures des maisons orientales sont supportées par sept colonnes, dont quatre aux angles et trois aux côtés non occupés par la porte d’accès. Peut-être avons-nous ici une allusion à ce mode de construction. Mais le nombre sept a une valeur symbolique (3 + 4, union parfaite du divin et de l’humain) et montre que l’action de la Sagesse divine sur le cœur de l’homme est pleinement suffisante, répond à tous les besoins, se développe dans toutes les directions. Ainsi les lampes du candélabre du Lieu saint étaient au nombre de sept. Voir aussi les sept esprits qui sont devant le trône de Dieu et qui communiquent grâce et paix aux Églises (Apocalypse 1.4).
Elle a apprêté ses viandes, littéralement : Égorgé ses bêtes de boucherie.
Préparé son vin, littéralement. : mélangé. En Orient on mêlait au vin diverses épices et liqueurs (cannelle, myrrhe, nard), pour lui donner plus de goût (Ésaïe 5.22, note). Ces viandes et ce vin représentent la nourriture spirituelle que la Sagesse procure à ses adeptes. Elle les fortifie et les réjouit dans leur cœur.
Elle a envoyé ses servantes, expression plus naturelle que celle de serviteurs, puisque la Sagesse est une princesse et qui n’empêche pas de voir dans ces servantes tous les sages qui se sont laissé gagner par la vérité et qui se sont mis à son service.
Elle appelle, par la bouche de ses envoyés.
Des hauteurs de la ville. Comparez Proverbes 1.21 et Proverbes 8.2.
Que le simple se retire ici ! littéralement : Qui est simple ? Qu’il se retire ici ! Elle s’adresse à ceux qui sont encore sans parti pris et, si l’on pouvait ainsi parler, table rase et encore accessibles à toute influence, bonne ou mauvaise, mais afin de les déterminer dans le sens du bien et de les gagner à sa cause.
À qui manque de sens : à tous ceux qui n’ont pas encore reçu les conseils de la Sagesse, mais sont capables d’en faire leur profit.
Du vin que j’ai préparé, c’est dire : mélangé, comme au verset 2.
Et vous vivrez, littéralement : et vivez ! comme Proverbes 4.4 et Proverbes 8.33.
Les versets 7 à 10 ne sont pas, comme on l’a cru parfois, une adjonction postérieure venant mal à propos interrompre le fil du discours, qui reprendrait au verset 11. La Sagesse, qui vient de s’adresser aux simples, explique pourquoi elle laisse de côté les moqueurs et le méchant, qui ont déjà pris position contre la Sagesse (Matthieu 7.6).
Qui reprend un moqueur. On s’attendrait au même verbe qu’en fin de verset 3) : Qui appelle. Mais en face d’un moqueur, la Sagesse ne pourrait que reprendre ou censurer et le moqueur, blessé, n’écouterait pas (Jean 3.20), tandis que (verset 8) le sage, si même la souveraine sagesse trouve à reprendre en lui, accepte avec reconnaissance sa discipline.
Comparez Matthieu 13.12 ; Matthieu 25.29. Le parallélisme établi entre le juste et le sage prouve que la sagesse n’est point quelque chose de purement intellectuel mais bien une vertu agissant dans l’ordre pratique.
Le commencement de la sagesse. L’auteur de ces neuf chapitres revient en terminant à son entrée en matière (Proverbes 1.7).
La connaissance du Très-Saint, littéralement : des saints. Quelques-uns ont traduit : La connaissance qui fait les saints. Mais le parallélisme oblige à voir dans le pluriel le Dieu parfaitement saint comme l’expression les sagesses désigne le Dieu seul sage.
Car. Si je t’exhorte avec tant d’insistance (versets 5 et 6), c’est pour ton bien (verset 12) avant tout. Une longue vie est, pour le juste de l’ancienne alliance, la somme de toutes les bénédictions.
Tu en porteras seul la peine. La Sagesse, justifiée par ses enfants, subsiste, en dépit des moqueurs, dans toute sa gloire (Matthieu 11.19). Comparez Job 35.6.
En face de la Sagesse, qui vient de faire entendre ses conseils salutaires et désintéressés, voici la Folie. Elle passe rapidement devant les yeux du lecteur, en tête du cortège des malheureux qui ont eu l’imprudence de l’écouter et qui ne sont plus déjà que des ombres dignes du séjour des morts.
La femme folle est turbulente. On a traduit aussi : il est encore une femme, la folie ; elle est agitée, ou bien : Dame Folie est turbulente. Il y a de tout cela dans l’original.
Comparez verset 3. L’auteur emprunte au tableau du commencement du chapitre quelques traits destinés à montrer quels sont les points de ressemblance entre l’appel de la Sagesse et celui de la Folie. Toutes deux s’adressent au même public ; toutes deux parlent à haute voix et, en apparence du moins, avec franchise. Mais sous les paroles de la Folie se cache une ruse coupable. Ce qu’elle veut, c’est la ruine de ceux dont elle feint de vouloir le bonheur.
Sur un siège : indolence et orgueil ; c’est une reine ! La Sagesse se tenait debout, allant et venant sur les places (Proverbes 8.2 ; Proverbes 9.3).
Qui vont droit leur chemin. Comparez fin du verset 6.
Comparez verset 4.
Eaux dérobées… pain mangé en cachette. Allusion aux coupables jouissances du chapitre 5 et de Proverbes 7.15-20. Le festin de la Sagesse est excellent en lui-même et ne doit rien à l’attrait du fruit défendu (versets 2 à 5).
Et il (le simple) ne sait pas que, dans cette maison, où l’adultère a élu domicile, ne fréquentent que des ombres, des êtres qui, virtuellement, sont déjà des morts. Ceux qui se complaisent dans cette maison coupable, n’ont plus que les apparences trompeuses de la vie, car la demeure de l’adultère est la porte du tombeau (Proverbes 2.18 ; Proverbes 7.27), la succursale de l’enfer. C’est par cette tragique évocation du sort réservé à qui méprise les avis de la Sagesse, que se clôt l’introduction. Pas de chemin mitoyen. Il faut choisir.