Verset à verset Double colonne
Israël a toujours été soumis au régime de la foi. Même aux époques les plus brillantes de son histoire, il n’était qu’un petit peuple, comparativement aux puissances païennes ; à combien plus forte raison pouvait-il, dans les périodes d’abaissement qu’il eut à traverser, comparer avec étonnement sa faiblesse à la force de ses voisins ! Nous avons dans ce psaume un exemple de l’effort continuel de foi, grâce auquel il put, non seulement prendre courage et subsister, mais encore survivre à tant de peuples, qui, tour à tour, semblaient le dominer de si haut.
Après une invocation où le peuple demande à l’Éternel de donner gloire à son nom, en sauvant Israël (verset 1), nous avons, dans le corps du psaume, deux strophes de sept versets chacune. La première, répondant à la question ironique des nations : Où est leur Dieu ? dépeint avec détails l’impuissance des idoles (versets 2 à 8). La seconde invite le peuple et ses sacrificateurs à se confier en l’Éternel, qui est puissant pour les bénir (versets 9 à 15). Les trois versets qui forment la conclusion du psaume rappellent que c’est le privilège de l’homme, tant qu’il est sur la terre des vivants, de louer l’Éternel (versets 16 à 18).
On s’est demandé ce qui avait pu amener quelques traducteurs anciens, entre autres les Septante, à réunir en un seul ce psaume et le précédent. Ils n’ont sans doute pas eu d’autre raison pour cela que le contraste même entre l’inertie des faux dieux, décrite dans notre psaume et la toute-puissance de l’Éternel, que rappelle avec tant d’énergie le Psaume 114.
Ce psaume est reproduit en partie à la fin du Psaume 135.
Aucun indice spécial ne révèle d’une manière certaine son origine. L’auteur a dû connaître la seconde partie d’Ésaïe. Si le verset 11 fait allusion à des prosélytes étrangers (voir la note de ce verset), le psaume doit appartenir, comme plusieurs de ce groupe, à l’époque qui suivit le retour de l’exil.
Donne gloire à ton nom !
À cause de ta bonté… Ces mots laissent deviner la pensée non exprimée qui remplit l’âme du psalmiste. Il s’agit d’une délivrance ou d’une protection spéciale dont Israël a besoin. Le peuple demande à Dieu de déployer en sa faveur sa bonté (sa grâce), en même temps que sa vérité (sa fidélité à ses promesses), et cela, non à cause des mérites d’Israël, qui n’existent pas (Ézéchiel 36.22), mais pour que le nom de l’’Éternel ne soit pas exposé au mépris.
Où est leur Dieu ? Cette question, qui pourrait être suggérée aux peuples païens par l’état d’abaissement d’Israël, devient pour le psalmiste l’occasion de proclamer avec force la toute-puissance de l’Éternel et l’absolue impuissance des idoles.
Dans les cieux : c’est la réponse éclatante et sublime à la question méprisante : Où peut bien être leur Dieu (comparez Psaumes 42.4 ; Psaumes 79.10 ; Michée 7.10) ?
Tout ce qu’il veut : c’est la liberté et la puissance que rien ne limite, absolument le contraire de ce qui va être dit des faux dieux.
Leurs idoles, littéralement : leurs dieux fabriqués.
De l’argent et de l’or… On a beau chercher, pour les représenter, la matière la plus précieuse, ce n’en est pas moins une matière morte. Le psalmiste, comme déjà Ésaïe (chapitres 44, 46), confond volontairement les faux dieux avec les représentations qu’en donnent leurs adorateurs. C’est que les païens, même éclairés, ne parvenaient guère à dégager complètement l’idée de Dieu des images matérielles destinées à lui donner un corps et le fait même de donner une forme visible à la divinité trahissait une notion de Dieu bien fausse et grossière. Comparez Exode 20.4, note.
Une bouche… des yeux…, des oreilles … : tous les organes de l’intelligence et de la vie, mais sans cette intelligence ni cette vie, de sorte que ces organes eux-mêmes font d’autant mieux ressortir l’absolu néant des idoles (Deutéronome 4.28).
Elles ne rendent aucun son… Le mot que nous traduisons ainsi signifie : parler à voix basse et quelquefois : méditer (Psaumes 1.2 ; Psaumes 63.7). En revenant dans ce verset à l’incapacité de parler, le psalmiste met en même temps en saillie l’absence complète de pensée.
Ils leur ressemblent et ressembleront toujours plus. Le fait même de fabriquer de tels dieux et de mettre en eux la moindre confiance dénote chez les adorateurs des idoles une absence d’intelligence et de sensibilité morale analogue à celle que l’on vient de signaler chez les idoles elles-mêmes. Comparez Ésaïe 44.9.
Confie-toi… Cette exhortation trois fois répétée forme la contrepartie de ce qui vient d’être dit (verset 8) des insensés qui mettent leur confiance dans les idoles. Si c’est folie de se confier en elles, jamais on ne pourra assez se confier en l’Éternel.
Israël…, maison d’Aaron…, vous qui craignez l’Éternel… Cette même manière de désigner les adorateurs du vrai Dieu se retrouve Psaumes 118.2-4. À cette triple invitation, le Psaume 135 en ajoute une quatrième, qu’il adresse à la maison de Lévi.
L’expression vous qui craignez l’Éternel semble s’appliquer ici à un cercle de personnes plus étendu encore qu’Israël lui-même ; c’est sous ce nom que l’on désignait, au commencement de l’ère chrétienne et sans doute déjà auparavant, les étrangers attirés vers le culte d’Israël (Actes 13.16). Salomon déjà parle d’adorateurs étrangers qui viendront à Jérusalem à cause du nom de l’Éternel (1 Rois 8.41). Il est probable qu’après le retour de l’exil de tels adorateurs commencèrent à prendre part aux fêtes religieuses d’Israël, suivant la parole d’Ésaïe 56.6.
Il est leur aide et leur bouclier. On s’attendrait au possessif ton ou notre aide, conformément à la parole toute semblable de Psaumes 33.20. L’emploi du mot leur justifie la supposition d’après laquelle ce refrain devait être prononcé par un chœur différent de celui qui adressait la triple invitation à Israël, à la maison d’Aaron, etc. Ce n’est ni le psalmiste, ni le peuple qui parle ici ; c’est une voix nouvelle qui vient confirmer l’appel à la confiance adressé aux croyants.
Ici le peuple répond à l’invitation qu’il vient d’entendre, en en reproduisant les termes et la gradation.
Tant les petits que les grands : tous, sans aucune acception de personnes.
L’Éternel vous fera prospérer, littéralement : L’Éternel y ajoutera sur vous … C’est la reproduction de Deutéronome 1.11, qui parlait de l’augmentation numérique du peuple. Peut-être l’idée a-t-elle ici quelque chose de plus général : des bénédictions de toute espèce surabonderont (Éphésiens 3.20). Remarquons que le vous du psalmiste s’adressant au peuple reprend ici.
Qui a fait les cieux et la terre. La grandeur et le prix des bénédictions de Dieu se mesure à ce qu’il a fait et à ce qu’il est lui-même.
Que la terre loue le Dieu du ciel !
Cette pensée, qui est la conclusion naturelle du psaume, se rattache étroitement à la dernière parole du verset 15. L’univers, aux yeux du psalmiste, comprend deux parties : les cieux, que l’Éternel remplit de sa gloire et la terre, demeure de l’homme ; il y a communication de l’un de ces domaines à l’autre : d’une part, le Dieu du ciel a fait la terre et l’a donnée aux fils des hommes ; d’autre part, la louange de l’homme peut et doit monter vers Dieu.
Les cieux sont à l’Éternel, littéralement : Les cieux sont les cieux pour l’Éternel.
Ce ne sont pas les morts qui loueront l’Éternel. On est surpris de trouver ici des paroles analogues à celles de psaumes beaucoup plus anciens (Psaumes 6.6 ; Psaumes 30.10), relativement à l’état de l’homme après la mort. Évidemment, les traits de lumière qui avaient jeté, pour tel psalmiste isolé, une vive clarté sur ce sombre domaine (Psaumes 16, 17, 49, 73), ne furent perçus que bien lentement par l’ensemble des croyants. L’objet des espérances d’Israël était moins l’avenir éternel des individus que la mission du peuple de Dieu sur la terre. Au reste, le psalmiste, tout en adoptant les idées courantes sur le Schéol (voir Psaumes 6.6, note), ne prétend pas donner ici un enseignement sur ce sujet. Il veut bien plutôt rappeler aux vivants qu’ils ont à faire les œuvres de Dieu pendant qu’il est jour (Jean 9.4). Il y a là, une pensée qui reste vraie, même sous la nouvelle alliance et que le Seigneur s’est appropriée, quand il a prononcé la parole que nous venons de citer. L’au-delà de la mort n’est plus, il est vrai, pour le chrétien, le sombre et silencieux séjour des ombres, mais l’œuvre qui doit se faire ici-bas ne se fera pas plus tard.