Verset à verset Double colonne
Cette complainte se rapporte soit aux dévastations qui suivirent la prise de Jérusalem par Nébucadnetsar, soit aux persécutions d’Antiochus Épiphane, qui amenèrent le soulèvement des Maccabées. Sous Nébucadnetsar le temple fut complètement brûlé (2 Rois 25.9) ; sous Antiochus, il subit à deux reprises, en 170 et 168 avant Jésus-Christ, de graves dégradations et fut profané par la célébration de cultes païens. Ce dernier trait, auquel fait allusion le verset 4, nous porte à donner la préférence à la seconde des suppositions indiquées. La plainte du verset 9 relative à l’absence de prophètes, ne s’expliquerait pas non plus à l’époque des Jérémie et des Ézéchiel, mais convient parfaitement à celle d’Antiochus. Comparez 1 Maccabées 4.46 ; 1 Maccabées 9.27 ; 1 Maccabées 14.41.
Le psaume s’ouvre par une ardente supplication (versets 1 à 3). Puis viennent deux parties principales rappelant, l’une les dévastations commises (versets 4 à 11), l’autre les délivrances d’autrefois (versets 12 à 17). La strophe finale est une nouvelle supplication (versets 18 à 23).
Méditation (Maskil) : voir Psaumes 32.1, note. Ce titre convient surtout à la seconde partie du psaume (versets 12 à 17), où le croyant, dans les maux extrêmes qui accablent son peuple, médite sur les délivrances du passé et y puise la force d’insister auprès de Dieu, pour obtenir le secours.
Pourquoi nous as-tu rejetés ? Le verbe hébreu signifie : rejeter avec dégoût. Comparez Apocalypse 3.16.
Ta colère fume… Image souvent employée, quand il s’agit de la colère de Dieu (comparez Psaumes 18.9).
Acquise…, rachetée : allusion aux termes mêmes du cantique de Moïse, après le passage de la mer Rouge (Exode 15.13-17). Israël est, dans son ensemble, la branche ou tribu de la race humaine dont l’Éternel a fait son héritage.
Ils ont rugi, comme des bêtes fauves, là où retentissait précédemment le chant des cantiques.
Leurs signes : leurs emblèmes religieux. Antiochus remplaça les chérubins, le chandelier d’or et tout ce qui servait au culte de l’Éternel par des emblèmes rappelant les divinités païennes. Il pilla le trésor, enleva l’or qui recouvrait les parois de l’édifice et fit immoler en sacrifice des bêtes immondes. Dans sa seconde expédition, en 168, la ville fut livrée aux flammes et sa population massacrée ; le temple subit de graves dommages, mais resta pourtant debout ; une statue de Jupiter y fut installée et des sacrifices en l’honneur de ce Dieu furent offerts sur l’autel même des holocaustes. Il dressa une idole abominable de désolation sur l’autel du Seigneur (1 Maccabées 1.57). Les prophéties relatives à l’avenir de l’Église annoncent pour les derniers temps des manifestations semblables de l’esprit du mal (2 Thessaloniciens 2.4).
On croyait voir… Les soldats ennemis mettaient aussi peu de ménagements à démolir les cloisons sculptées du sanctuaire qu’ils en auraient mis à se frayer un chemin dans un taillis.
Ils ont livré au feu… Il se peut que le psalmiste fasse allusion au fait que les profanateurs livraient au feu les boiseries du temple, après les avoir démolies ; on sait que les portes du temple entre autres furent brûlées (1 Maccabées 4.38). Le rapprochement de ce verset avec le verset 6 ( maintenant ils brisent) semble indiquer qu’il ne s’agit pas ici d’une destruction complète par le feu.
Plus de prophètes. Ils auraient pu suppléer par leur parole inspirée à toutes les institutions disparues ; leur absence complète donnait lieu de penser que, dans cette grande détresse, Dieu abandonnait son peuple.
Qui sache jusques à quand. Jérémie avait annoncé la durée de l’exil babylonien ; maintenant une lumière semblable fait défaut.
Ta main droite : la main de l’action énergique.
Pourtant… L’inaction actuelle de Dieu est en contradiction avec la position qu’il a toujours eue en Israël, celle de roi, défenseur et protecteur de son peuple.
Des monstres dans les flots. La mention qui vient d’être faite de la mer Rouge (début du verset) amène le psalmiste, par une association d’images, à représenter les ennemis de Dieu et spécialement l’armée de Pharaon sous la forme de monstres marins.
Léviathan : L’image se précise mieux encore dans le symbole de la puissance de l’Égypte. Ce mot de Léviathan, d’après son étymologie, désigne un grand serpent capable d’envelopper son ennemi de ses replis ; dans la description de Job 40.20 et suivants, il est appliqué au crocodile.
Au peuple du désert : aux fauves qui ont fait leur proie de ces corps rejetés par les flots sur la plage.
Sources…, ruisseaux…, fleuves : Dieu a fait jaillir des sources de rochers arides (Exode 17.1) et il a mis à sec le Jourdain.
À toi le jour…, la nuit. Des miracles de l’histoire, la pensée remonte à la puissance souveraine de laquelle dépendent tous les phénomènes de la nature. La régularité avec laquelle se succèdent le jour et la nuit, la clarté des étoiles (luminaires) et celle du soleil, est l’image de la fidélité qui règne dans le monde de la grâce. Comparez Ésaïe 40.26 et suivants ; Apocalypse 4.11
Souviens-t-en : Souviens-toi des outrages qui sont la négation de la puissance dont tu as fait preuve dans l’histoire de ton peuple et dans la création et la conservation du monde.
Ne livre pas aux bêtes… ta tourterelle : contraste frappant entre la férocité des nations païennes acharnées à la ruine d’Israël et l’impuissance de ce peuple, qui n’a que Dieu pour refuge.
Regarde à ton alliance
Le seul fondement solide sur lequel puissent s’appuyer nos prières est l’élection de Dieu
Les lieux retirés, littéralement : les lieux ténébreux. Il s’agit sans doute des retraites des montagnes, où se sauvaient les fidèles adorateurs de l’Éternel, mais où parfois les avaient devancés les assassins. Le deuxième livre des Maccabées parle d’Israélites qui s’en allaient aux cavernes voisines célébrer secrètement le jour du sabbat ; mais ayant été découverts, ils furent brûlés tous ensemble (2 Maccabées 6.11).
Que l’opprimé ne s’en retourne pas : d’auprès de toi.
Plaide ta cause. C’est là ce que disait Luther pendant la nuit qu’il passa en prière avant sa seconde comparution devant la diète de Worms : C’est ta cause, ce n’est pas la mienne… Qu’aurais-je à faire ici ?… C’est ta cause éternelle et juste !.
Si l’origine de ce psaume est celle que nous avons indiquée, il nous instruit autant par les choses qu’il ne dit pas que par celles qu’il dit. Il se tait sur les souffrances personnelles des Israélites ou les laisse à peine deviner (versets 19 et 20), pour ne parler que du sanctuaire profané ou de la cause de Dieu gravement compromise : admirable exemple d’ardente piété subsistant au milieu des plus atroces persécutions !