Commentaire biblique de Zacharie 14.21 Bien plus, les chaudières qui n’appartiennent nullement au culte ou à un usage sacré, celles qui, dans les maisons de Jérusalem, servent aux Israélites à cuire la viande pour le repas journalier, seront marquées d’un sceau de consécration égal à celui des chaudières du temple dont il vient d’être parlé. Et, par conséquent, l’on pourra s’en servir pour les repas de sacrifices aussi bien que de ces dernières. Ainsi un étranger venu pour sacrifier n’aura qu’à prendre la première chaudière venue dans la maison où il loge à Jérusalem et l’apporter au temple. Il pourra l’employer à cet usage sans se rendre coupable de profanation. Tout sera donc saint et même également saint. C’est la proclamation de l’abolition complète de l’institution lévitique, qui reposait tout entière sur l’opposition entre le saint et le profane et sur la distinction entre les degrés de sainteté. Tout lieu ordinaire devenant un parvis ; tout parvis un lieu saint ; tout lieu saint un lieu très saint ! Tout Israélite devenant un lévite ; tout lévite un sacrificateur ; tout sacrificateur un grand sacrificateur ! Ainsi un caractère égal et universel de consécration imprimé à tout homme, à tout acte, à chaque heure et à chaque lieu ! Il semble que le prophète se plaise à faire ressortir la sublimité de cette idée par le contraste avec la vulgarité des images dans lesquelles il l’enveloppe.
Il n’y aura plus de Cananéen . On pourrait prendre ce mot dans le sens de marchand ; comparez Sophonie 1.11 ; Osée 12.8 . Ce terme rappellerait les trafics par lesquels le temple avait été autrefois profané. Mais ce qui se passait au temps de Jésus-Christ (Jean 2.13 et suivants) avait-il lieu déjà après le retour de l’exil, lorsque le nouveau temple venait à peine d’être rebâti ? En tout cas, nous ne possédons aucun indice d’un pareil fait. Il vaut donc mieux traduire : Il n’y aura plus de Cananéen. On sait que, dans l’ancien temple, la tribu cananéenne des Gabaonites avait été admise aux offices inférieurs du sanctuaire. Le prophète paraît donc vouloir dire que, dans l’état de perfection qu’il contemple, il n’y aura plus d’étranger, plus d’homme dénué de l’esprit du culte qui sera célébré. Tous les adorateurs seront des membres de la famille de Dieu ; et même pour les offices les plus inférieurs et les plus pénibles, il se trouvera des membres de la communauté qui s’en chargeront avec un libre empressement. Rien de plus beau n’a été prononcé par aucun prophète sur la sainteté parfaite, destination finale de l’humanité.
Coup d’œil général sur les chapitres 9 à 14
Nous devons constater avant tout que le débat qui s’est engagé sur la date de la composition de ces chapitres, n’est pas de nature dogmatique : chacune des hypothèses dont nous allons parler est défendue par des représentants des différents partis théologiques.
Cherchons d’abord à déterminer l’époque à laquelle ont été composés les chapitres 9 à 11.
On a proposé trois dates différentes :
Les derniers temps du royaume des dix tribus ou l’époque d’Osée et d’Ésaïe, entre 783 et 722 avant Jésus-Christ.
Les temps qui suivirent de près le retour de la captivité, 500 ans environ avant Jésus-Christ ; c’est l’opinion traditionnelle.
L’époque des premiers successeurs d’Alexandre-le-Grand, 300 ans environ avant Jésus-Christ.
Si répandue que soit à cette heure la première opinion, les raisons sur lesquelles on l’appuie ne nous paraissent pas solides.
Le jugement du royaume des dix tribus est présenté comme un fait déjà consommé dans la parole 10.6 : Ils seront comme si je ne les avais pas rejetés .
Les passages d’après lesquels on pourrait supposer qu’il existe encore, s’expliquent facilement si l’on se rappelle que plusieurs Israélites du nord s’étaient joints aux Juifs revenus de Babylone à Jérusalem et avaient ainsi préparé la reconstitution de l’ancien peuple de Dieu comme peuple unique.
Les restes d’idolâtrie et de divination dont il est parlé en 10.2 ne supposent pas nécessairement un temps antérieur à l’exil, comme nous l’avons fait voir. Si le peuple dans son ensemble avait été radicalement guéri de son penchant à l’idolâtrie, plusieurs de ses membres pouvaient cependant avoir conservé certaines pratiques coupables, telles que celles dont il est parlé dans ce passage.
Si le morceau Zacharie 9.1-8 avait été écrit à l’époque de l’existence du royaume des dix tribus, avant la captivité, nous ne nous expliquerions pas comment, dans cette énumération des voisins d’Israël, ses ennemis, il ne serait pas fait mention des Moabites, des Ammonites et des Edormites ; car, à cette époque reculée, ces peuples comptaient parmi ses adversaires déclarés, comme nous le voyons par les prophéties d’Amos (chapitres 1 et 2) et d’Ésaïe (chapitre 15). Au temps des Perses, au contraire, ils avaient à peu près disparu du théâtre de l’histoire, tandis que les Syriens, les Tyriens et les Philistins, dont parle notre texte, s’étaient relevés et avaient su regagner une indépendance relative. Sur le roi de Gaza, comparez Zacharie 9.15 , note.
La mention de l’Égypte donne une forme sensible à l’idée de la captivité du peuple de Dieu ; celle de l’Assyrie rappelle à la pensée du peuple rétabli à Jérusalem cette multitude de leurs frères d’Éphraïm, ces captifs d’espérance (Zacharie 9.12 ), qui, encore après le retour de l’exil, restaient dispersés dans les contrées lointaines de l’Orient.
Les critiques qui placent la composition des chapitres 9 à 11 au temps des successeurs d’Alexandre, s’appuient surtout sur la mention de Javan comme principal ennemi d’Israël ; ils n’admettent pas qu’un prophète ait pu nommer ce peuple avant que les Juifs se soient trouvés en contact direct avec lui. Mais plus de 500 ans auparavant, Joël (chapitre 3) avait déjà parlé des fils de Javan. Et comment sous le règne de Darius, dont la guerre contre la Grèce eut un si grand retentissement, un prophète israélite n’aurait-il pas pu annoncer un conflit entre son peuple et Javan ? Il serait en échange bien difficile d’admettre que la mention qui est faite d’Assur, Zacharie 10.11 , pût avoir eu lieu encore après Alexandre-le-Grand. Les défenseurs de cette hypothèse essaient d’appliquer ce nom au royaume des Séleucides, à la Syrie, mais un pareil sens ne saurait se justifier.
En résumé nous n’avons rencontré aucune raison suffisante pour abandonner l’opinion des anciens savants juifs, qui plaçaient la composition des chapitres 9 à 11 à la même époque que celle des chapitres 1 à 8, c’est-à-dire dans les premiers temps qui suivirent le retour de la captivité.
Nous sommes ainsi tout naturellement conduits à admettre que Zacharie est l’auteur de ces chapitres aussi bien que des chapitres 1 à 8. Les objections élevées contre cette opinion ne nous semblent pas plus décisives que les précédentes. On a dit que tandis que la forme de la vision est constante dans la première partie du livre, les chapitres 9 à 11 appartiennent à un genre littéraire tout autre et sont animés d’une plus puissante inspiration poétique. Mais pourquoi un même auteur ne composerait-il pas sous deux formes différentes ? Cette même variété se retrouve dans le livre d’Ézéchiel et précédemment déjà dans celui d’Amos, qui commence par un recueil de discours et finit par une série de visions. Dans la partie même du livre, que chacun s’accorde à attribuer à Zacharie, le préambule 1.1-6 et les chapitres 7 et 8 n’appartiennent nullement à ce genre de la vision que l’on prétend être le seul qu’ait employé notre prophète.
On allègue encore la différence entre la forme des titres de la première et de la seconde partie, qui contiennent des dates très-précises (Zacharie 1.1 ; Zacharie 1.7 ; 7.1) et celle des titres dans la troisième, qui ne renferment aucune indication chronologique (9.1 ; 12.1). Mais il n’est pas difficile d’expliquer cette différence par le contenu même de ces parties. La première et la seconde contiennent des révélations relatives à certaines circonstances historiques précises, appartenant à l’époque même du prophète, telles que la construction du temple, le travail de restauration de Zorobabel et de Jéhosua, la députation de Béthel ; tandis que les révélations renfermées dans les six derniers chapitres avaient trait à un lointain avenir et que rien ne réclamait l’indication précise du moment où elles avaient été reçues. Serait-il trop hasardé de supposer que ces dernières prophéties, si elles doivent être attribuées, comme nous le pensons, au même prophète que les chapitres 1 et 8, appartiennent probablement à une époque de la vie de l’auteur beaucoup plus avancée que les précédentes ?
Quant aux différences de style que l’on signale entre les chapitres 1 à 8 et les chapitres 9 à 11, il est aisé d’y opposer des analogies non moins frappantes ; comparez, par exemple Zacharie 2.10 avec Zacharie 9.9 et Zacharie 7.14 avec Zacharie 9.8 .
Ce que nous venons de dire en faveur de la composition par Zacharie des chapitres 9 à 11 s’applique également aux chapitres 12 à 14. Les critiques qui supposent que les premiers ont été composés du temps d’Ésaïe, attribuent les derniers à un autre auteur vivant un siècle plus tard. Mais la composition de toute cette troisième partie du livre de Zacharie par un seul et même auteur est maintenant démontrée par les critiques mêmes qui font descendre la composition du tout au temps des Grecs. Et en effet, les analogies entre les deux morceaux dont se compose cette partie, chapitres 9 à 14, sautent aux yeux. L’explication a montré que le second est la continuation et le complément du premier sur tous les points. Serait-il possible, d’ailleurs, qu’un oracle prophétique se fût terminé sans conclusion quelconque, comme ce serait le cas du groupe chapitres 9 à 11, s’il ne se reliait pas à l’oracle suivant, le groupe chapitres 12 à 14 ? Les titres des deux oracles sont identiques. La même image du berger est développée dans tous les deux (Zacharie 11.4-17 ; Zacharie 13.7-9 ) ; dans tous deux les noms de Jérusalem, de Juda et de la maison de David reviennent plus d’une fois et sont employés dans un sens spécial ; comparez aussi l’emploi commun du terme allouph : chef (Zacharie 9.7 ; Zacharie 12.5 ; Zacharie 12.6 ) et les nombreux emprunts au livre de Joël qui se rencontrent dans ces deux prophéties. Remarquons enfin la mention de l’ange de l’Éternel, si rare dans les écrits postérieurs au Pentateuque et qui se retrouve dans les chapitres 2 et 3 et dans le passage 12.8.
Les raisons avancées pour refuser à Zacharie la composition de la dernière partie de l’écrit prophétique qui porte son nom fussent-elles même beaucoup plus fortes qu’elles ne le sont, il resterait à expliquer comment les collecteurs du recueil des Petits prophètes ont pu joindre à l’un de ces écrits les plus récents deux prophéties qui y auraient été tout à fait étrangères et qui en différaient autant pour la forme. Cette difficulté n’a point été résolue par les hypothèses qui ont été essayées dans ce but et qui restent toujours plus ou moins forcées. Et nous terminons en concluant que l’on peut maintenir par de solides raisons l’unité et l’intégrité du livre de Zacharie.
Conclusion sur le livre de Zacharie
Nous avons appelé Osée l’Ésaïe du royaume des dix tribus ; nous pouvons appeler Zacharie l’Ésaïe d’Israël revenu de l’exil. Nul ne le surpasse pour l’ampleur et la netteté des intuitions prophétiques. Il étale sous nos yeux les destinées du peuple restauré jusqu’à et depuis la venue du Messie, réunissant dans ce tableau de la fin des temps tous les traits disséminés dans les écrits des autres prophètes.
Zacharie est dans la première partie de son livre l’homme de son temps, comme tout vrai prophète. Les chapitres 1 à 6 se rapportent à la restauration commencée, celle du peuple, celle de Jérusalem, celle du sacerdoce et du temple, celle de la royauté, qu’il cherche à encourager par le glorieux avenir qu’il lui promet ; c’est par ce point que sa prophétie se soude en quelque sorte à celle d’Aggée.
La seconde partie, chapitres 7 et 8, est la transition de la première à la troisième. Il y montre les jours de deuil actuels, souvenirs d’un douloureux passé, transformés dans l’avenir en joyeuses solennités.
Enfin dans la troisième (chapitres 9 à 14), Zacharie devient tout entier l’homme de l’avenir. Dans le premier oracle (chapitres 9 à 11), il voit Israël, malgré sa faiblesse actuelle, conservé miraculeusement jusques au temps du Messie :
il signale le contraste qu’il y aura, sous ce rapport, entre lui et les peuples environnants ;
puis, il décrit une lutte victorieuse, à la fois religieuse et militaire, qu’il aura à soutenir avec la puissance nouvelle qui s’élève à l’horizon, la Grèce ;
enfin, la venue du Messie devient à ses yeux l’occasion d’une nouvelle dévastation de la Terre Sainte et de l’abandon d’Israël à des conducteurs insensés.
Puis, dans un second oracle (chapitres 12 à 14), complètement distinct du précédent (voir le nouveau titre 12.1), mais qui lui sert de complément, il contemple l’avenir de cet Israël privé de son Messie et livré désormais à des guides sans sagesse.
Il le voit devenu l’objet de l’hostilité de tous les autres peuples, mais, par le secours d’une nouvelle tribu de Juda, remportant sur eux une éclatante victoire (le monde païen conquis au monothéisme juif par le secours de l’Église chrétienne).
Cet Israël, il le voit, à la suite de cette victoire, s’humiliant et menant deuil en reconnaissant Jéhova, son Messie, dans Celui qu’ils ont percé.
Alors s’opère la pleine purification du peuple par le moyen de la source désormais ouverte pour lui dans le sang et dans l’Esprit du Messie (12.1-6).
Enfin, dans le tableau final qui couronne cet ensemble admirable, est décrit le sort d’Israël une fois converti à son Messie :
la lutte dernière qu’il aura à subir de la part des nations, auxquelles se joint maintenant Juda lui-même ;
la délivrance finale d’Israël par l’apparition suprême de Jéhova ;
la soumission de toutes les nations à l’Éternel et la vie humaine parfaitement sanctifiée.
Il est assez naturel d’établir une relation entre cette dernière lutte (14.1 et suivants) et l’attaque de Gog qui, dans Ézéchiel et dans l’Apocalypse, précède l’établissement définitif du règne de Dieu sur la terre.
Sur le fond de ces intuitions générales apparaît de moment en moment avec un relief incomparable la personne du Messie. Dans la première partie :
sous la forme du serviteur Germe que figure Jéhosua à la tête du sacerdoce israélite ;
sous celle du Sacrificateur-Roi dont Jéhosua couronné devient le type.
Dans la troisième partie :
sous la forme du Roi pacifique entrant dans sa capitale monté sur un ânon ;
sous celle du Berger échouant dans sa dernière tentative de sauver le peuple ;
enfin sous celle de Jéhova lui-même frappé de l’épée et transpercé par son peuple.
Que dire, après cette rapide revue, du contenu de ce livre ? Zacharie est là comme le Voyant placé sur la plus haute cime de la chaîne la plus avancée du massif prophétique ; son regard domine l’avenir du peuple de Dieu jusqu’à ses plus lointains horizons, comme une vaste plaine qui se déroulerait a ses pieds à perte de vue. Cette prophétie n’a pas encore passé tout entière dans l’histoire ; mais, en face de la portion déjà accomplie, comment ne pas s’écrier avec l’apôtre : Ô profondeur infiniment riche et de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! (Romains 11.33 )
Commentaire biblique de Zacharie 14.21