Les anciens Hébreux comme les autres nomades de race sémitique, avaient une religion aux cérémonies peu compliquées pour lesquelles un nombreux clergé ne semble pas avoir été indispensable. — Le culte prit un caractère nouveau quand Israël devint sédentaire. La religion des pasteurs du désert emprunta plus d’une coutume à la religion du peuple agricole de Canaan et les prêtres devinrent des personnages plus important sans être encore nombreux. Les rites israélites gardèrent longtemps la marque de leur origine. Le prêtre, tel qu’il nous apparaît dans les récits du temps des Juges Eli à Silo (1Sa 1-4) ou Jonathan dans le sanctuaire privé de Mica (Juges 17-18), est encore beaucoup plus semblable à un gardien de temple qu’à un indispensable officiant. Il existe, ici et là, un édifice destiné à abriter un objet sacré, comme l’arche (voir ce mot) à Silo, l’éphod et le teraphim (voyez ces mots) dans la « maison de Dieu » de Mica ou l’épée de Goliath à Nob (1Sa 3.3 ; Juges 17.5 ; 1Sa 21.9). Et il y a un prêtre pour veiller sur ce sanctuaire, mais non pour y sacrifier. Les offrandes des fidèles sont encore spontanées : elles sont présentées et consommées par une famille, un clan (voir ce mot) ou un village et donnent lieu à un repas sacrificiel où les prêtres n’interviennent .pas nécessairement. Gédéon (Juges 16.17ss) et Manoach (Juges 13.19) offrent eux-mêmes leur sacrifice avec le plein assentiment de Yahvé ou de son Ange (voir ce mot).
Comme chez les bédouins primitifs, la plupart des sanctuaires n’ont pas de temples et ne sont que des enceintes sacrées où se dressent la pierre, la stèle ou l’arbre qu’on vénère (1Sa 14.34). Même les sacrifices faits à Silo, auprès d’un temple, sont faits par les particuliers, le prêtre n’intervenant, par l’entremise d’un serviteur, que pour prélever la part de l’offrande qui lui revient (1Sa 2.13). Si le prêtre ne préside pas nécessairement le sacrifice, quel est donc son rôle en dehors du gardiennage du temple et de son contenu ? C’est de consulter Yahvé au moyen de l’éphod (voir ce mot ; 1Sa 14.18 texte grec ; 1Sa 14.41 texte grec ; 1Sa 23.6-12 ; 30.6-9). Nul doute qu’à cet égard le prêtre de Silo n’ait joui en Israël d’un grand prestige. Il avait droit, comme nous l’avons vu, à des redevances en nature, et il ne semble pas qu’on osât lui résister s’il réclamait plus que son dû (1Sa 2:12-17). Eli était assurément un grand personnage de son temps et l’on peut en conclure qu’il donna beaucoup de lustre au sacerdoce israélite. Le fait est qu’après la mort de ses fils, ses descendants s’établirent à Nob (1Sa 14.3 ; 21.1 ; 22.11), y exercèrent longtemps la prêtrise et furent constamment appelés à consulter Yahvé pour le compte des rois d’Israël jusqu’à la déposition d’Abiathar par Salomon (1Ro 2.26-27). — La tradition voulait qu’Eli fût un Lévite, c’est-à-dire qu’il appartînt à la tribu de Moïse et même à sa descendance (1Sa 2.27). On en vint peu à peu à choisir de préférence les prêtres dans cette lignée (Juges 17.13) et à maintenir leur postérité dans le sacerdoce (Juges 18.30). Enfin, quand les sanctuaires pourvus de prêtres se furent multipliés et quand le clergé fut devenu une classe à part au sein du peuple, « prêtre » et « lévite » devinrent des expressions équivalentes. A l’époque où fut composé le poème appelé Bénédiction de Moïse (Deutéronome 33), cette équivalence des deux termes est absolue. Peu à peu, à travers une période obscure de leur histoire, les prêtres ou lévites en sont venus à former une corporation où les fonctions sacerdotales ont toujours plus tendance à être héréditaires. Par l’intermédiaire du clergé, les rois continuent à consulter Yahvé en toute occasion où le choix d’une ligne de conduite est difficile. Les prêtres conservent soigneusement les légendes relatives à leurs sanctuaires. Ils possèdent des traditions. bien établies en matière de droit civil et rituel, traditions qui émanent de leurs oracles mêmes. Cet ensemble, encore oral, s’appelle déjà la Tora, nom qui sera plus tard celui de la Loi écrite d’Israël. Un des premiers écrits législatifs que nous possédons se trouve incorporé dans l’Exode (21-23). On l’appelle le Livre de l’Alliance. Longtemps les prêtres constituèrent la plus haute puissance morale et spirituelle d’Israël. De bonne heure, sans doute, toute loi fut considérée comme remontant à Moïse. Les fonctions sacerdotales avaient du reste pris une importance nouvelle du fait de l’unification de la nation. Le rituel étant de plus en plus compliqué, le prêtre devenait aussi de plus en plus indispensable au fidèle qui voulait offrir un sacrifice à Yahvé. Les revenus du sacerdoce devenaient aussi de plus en plus considérables. Outre les redevances en nature dont nous avons parlé, les prêtres, étant les juges du peuple, touchaient et gardaient les amendes auxquelles ils condamnaient certains coupables (2Ro 12.16 ; Os 4.8 ; Am 2.8). Le prophète Michée les accusait d’être devenus insatiables, de « juger pour des présents et d’enseigner pour un salaire » (Mic 3.11). Au VIIIe siècle, ils sont des hommes riches, et, comme le déclarent les prophètes ci-dessus nommés, ils ont été corrompus par la convoitise des richesses. Dans les sanctuaires royaux, tels que Jérusalem, Béthel ou Dan, le clergé dépend étroitement du roi ; aussi semble-t-il que dans le royaume d’Israël il disparaisse avec la chute de la dynastie (2Ro 10.11) alors qu’ils participaient, dans le royaume de Juda à la stabilité de la famille royale (2Ro 11.4ss). A Jérusalem, à partir du règne de Salomon, les prêtres du sanctuaire royal seront jusqu’à l’exil, les descendants de Sadoq et posséderont, après l’exil, une absolue suprématie.
Au VIIe siècle, la réforme de Josias, avec la concentration du culte à Jérusalem, supprimait les sanctuaires provinciaux et dépossédait les prêtres des campagnes. La nouvelle législation de l’époque, le Deutéronome les autorisait, il est vrai, à venir à la capitale et leur accordait les mêmes droits qu’aux membres du clergé royal ; mais en fait ceux qui se laissèrent attirer à Jérusalem par ces assurances n’obtinrent pas ce que le nouveau régime leur promettait et formèrent au Temple un sacerdoce subalterne n’ayant pas le droit de monter ’à l’autel (2Ro 23.9). On ne sait si beaucoup acceptèrent cette situation inférieure et si un bon nombre ne retournèrent pas à leurs anciens sanctuaires, quand, à la mort de Josias, les rigueurs, de la réforme disparurent. Quoiqu’il en soit cette période de l’histoire touchait à sa fin et la prise de Jérusalem, en 586, et la déportation qui suivit, en détruisant la vie nationale de Juda, dispersa le clergé et interrompit le culte.
Mais pendant l’exil (vers 572), quand Ezéchiel prépare la reprise du culte et la réforme religieuse en vue du retour à la patrie, son programme de réorganisation du clergé futur prévoit deux catégories de prêtres : une catégorie inférieure composée des anciens desservants des sanctuaires provinciaux qui méritent cette déchéance en punition de leurs péchés, ce sont les lévites, et une catégorie de prêtres proprement dits, composée des descendants de Sadoq, ce sont les prêtres-lévites (Eze 44.10ss). Plus tard ce dernier mot (lévite) sera d’ordinaire réservé aux clercs subalternes. Le programme d’Ezéchiel ne se réalisa pas dès le retour de l’exil. — Il se réalisa cependant, non sans modifications, comme on va le voir, par l’application du Code Sacerdotal, législation datant des environs de l’an 450 av. J-C. La distinction entre prêtres et lévites est désormais absolue, mais, comme on la fait remonter au temps de Moïse (aussi bien que toutes les ordonnances de la loi) il ne peut plus être question de la légitimer par lés considérations historiques du Deutéronome et d’Ezéchiel. Dieu a voulu, dès la révélation mosaïque, que le sacerdoce fût réservé aux seuls descendants d’Aaron (façon de désigner les fils de Sadoq). Et c’est également par la volonté de Dieu que, dès l’origine, les lévites ont été destinés non à la sacrificature, mais aux fonctions subalternes du culte : ils n’ont encouru aucun châtiment. A la tête des prêtres et des lévites, comme à la tête de la communauté juive tout entière, est placé le grand-prêtre (ou souverain sacrificateur), seul autorisé à pénétrer dans le lieu très saint. Nous ne pouvons ici entrer dans le détail de la loi sacerdotale et des attributions, prérogatives et devoirs qu’elle assigne au clergé. Nous n’avons eu d’autre but que de faire connaître l’évolution historique de la fonction du prêtre qui atteint son terme avec la dernière en date des législations d’Israël.
Numérisation : Yves Petrakian