A la base de toute pensée religieuse se trouve l’idée d’un rapport avec la divinité. Ce rapport peut être envisagé soit comme établissant un contrat entre les parties, et c’est une alliance ; soit comme réalisant une pénétration intime des êtres qui s’unissent, et c’est une communion.
En fait, ces deux notions s’amalgament étroitement dans les religions primitives et s’expriment conjointement dans le culte sacrificiel aussi bien que dans les rapports d’homme à homme. L’alliance entre des individus ou des clans était souvent conclue par le moyen d’un repas pris en commun, parce que la participation à une même nourriture était sensée établir entre les commensaux, par le « lien du sang », une communion intime, d’où résultait le vif sentiment des devoirs mutuels des contractants. Le sacrifice (voyez ce mot) fut de même, pendant longtemps, un partage d’aliments entre la divinité et l’adorateur : entre l’homme et son dieu s’établissait ainsi une communion et une alliance sacrées. Une conception de cette nature fut certainement à l’origine des pratiques religieuses des anciens Hébreux.
Cependant, l’idée d’une alliance entre Yahvé (voir : Dieu) et Israël, bien qu’apparaissant déjà chez les plus anciens écrivains de l’Ancien Testament (Ge 15 ; Ex 24), n’acquiert une véritable importance religieuse que dans le livre du Deutéronome (De 29), donc au temps du roi Josias. Elle repayait de temps en temps chez les prophètes (Jérémie, Ezéchiel), et ne devient vraiment dominante qu’après l’exil, dans les écrits sacerdotaux. Mais comme les écrivains de cette dernière époque ont réédité et remanié tous les récits des époques antérieures (voyez : Bible), il ne faut pas s’étonner que cette idée de l’alliance avec Dieu nous apparaisse dès les premières pages de la Genèse et s’exprime tout au long des livres historiques de l’Ancien Testament.
Yahvé traite avec Noé une alliance qui concerne tous les êtres vivant à la surface de la terre, et dont le signe est l’arc dans la nue (Ge 9.1-17) ; il traite avec Abraham une alliance qui concerne le futur peuple d’Israël en particulier, et dont le signe est la circoncision (voyez ce mot ; Ge 17). Et il est fait sans cesse allusion à cette alliance, surtout quand il y a lieu de la rappeler à un peuple (lui l’oublie Le 26.14-17 ; 25.44-45 ; 2Ro 17.15 ; Jer 31.32, etc.).
Plusieurs prophètes se sont emparés de cette notion de l’alliance avec Dieu pour formuler, en des termes de nature à frapper l’imagination de leurs contemporains, le message d’espérance qui devait redresser un peuple vaincu et faire briller à ses yeux un avenir de rédemption. Jérémie, comme ses prédécesseurs, annonce à Israël son châtiment ; mais parce que Yahvé est miséricordieux (Jer 2.12), il donnera à son peuple un cœur nouveau (Jer 24.7 ; 32.39), et la nation qui ne possède ni la volonté ni le pouvoir de se convertir, Dieu lui-même la convertira : « Voici, les jours viennent, dit Yahvé, où je ferai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle, non comme l’alliance que je traitai avec leurs pères, le jour où je les saisis par la main pour les faire sortir du pays d’Egypte, alliance qu’ils ont violée quoique je fusse leur maître. Mais voici l’alliance que je ferai avec la maison d’Israël après ces jours-là : je mettrai ma loi au dedans d’eux, je l’écrirai dans leur cœur, et je serai leur Dieu et ils seront mon peuple... Et tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu’au plus grand » (Jer 31.31-34). L’alliance nouvelle se distinguera de l’alliance ancienne en ce que la communion qu’elle établira entre l’homme et son Dieu sera la vraie communion spirituelle, réalisée non plus dans une religion nationale seulement, mais dans une piété intérieure et individuelle (comparez : Esa 55.3 ; 59.21 ; Eze 16.60 ; 37.26-28).
Cette espérance prophétique, c’est l’Evangile qui l’a réalisée. Jésus, il est vrai, n’a pas présenté la Bonne Nouvelle au peuple sous le nom d’une alliance (les évangélistes ne mettent ce mot qu’une fois dans sa bouche, lors du dernier repas, Mt 26.28 ; Marc 14.24 ; Luc 22.20) : cette image d’un contrat était sans doute peu compatible, en ce qu’elle présente de juridique, avec le fait que le véritable rapport de Dieu à l’homme est pour Jésus un rapport de père à enfant. Dans la vie religieuse, il n’y a plus rien qui ne soit purement spirituel. Mais il est naturel que les premiers chrétiens, en comparant l’Evangile à la religion juive, n’aient cru mieux pouvoir exprimer leur contraste qu’en reprenant le langage de Jérémie et qu’en opposant la nouvelle à l’ancienne alliance. C’est ce que fait Paul, par exemple. dans la 2e Épître aux Corinthiens (2Co 3.6 ; comparez : Heb 8.7-13). Cette opposition entre les deux Alliances a fait fortune dans l’Eglise et la littérature chrétienne, et elle s’offre sans, cesse à nos regards, aujourd’hui encore, puisque c’est elle qui a fourni leurs titres aux deux parties de notre Bible : les premières Bibles françaises se divisaient en « Ancienne Alliance » et « Nouvelle Alliance » (il aurait été plus exact d’écrire : livres de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance). Puis, le mot grec traduit par « Alliance » signifiant aussi « Testament », l’habitude fut prise d’employer ce dernier mot, malgré son caractère énigmatique.
Numérisation : Yves Petrakian