Deux passages du Nouveau Testament nous parlent du don des langues avec quelques détails : Actes des Apôtres (Ac 2 ; 10.46 ; 19.6) et 1Co 14.
Dans Actes 2, qui est un récit de la Pentecôte, se trouvent juxtaposées deux conceptions différentes du don des langues. L’une d’entre elles voit dans la glossolalie le miracle par lequel les apôtres, divinement inspirés, se mettent subitement à parler des langues qui leur sont étrangères et à les parler assez correctement pour que leurs auditeurs, Parthes, Mèdes, Elamites, etc., les comprennent parfaitement bien (Ac 2.4-12). On ne voit pas alors comment on pouvait de ces discours cohérents tirer la conclusion que ceux qui les tenaient étaient pris de vin (Ac 2.13,15). Nous sommes, avec cette accusation ou ce sarcasme, en présence de la deuxième conception de la glossolalie : il s’agit ici d’inspiration encore (Ac 2.33), mais qui revêt une toute autre forme. Ceux qui en sont les objets parlent eux aussi, « prophétisent » (Ac 2.17), mais de telle façon qu’ils ne paraissent plus dans leur bon sens. Ils sont évidemment dans un état d’exaltation religieuse sur lequel peuvent se méprendre les spectateurs qui ne partagent pas leurs émotions. — Ces deux conceptions du don des langues sont inconciliables. Quelle est donc celle qui s’accorde avec les faits historiques ?
A cette question répond sans ambiguïté le ch. 14 de la 1ère aux Corinthiens. (1Co 14) Dans ces pages, où Paul traite de la glossolalie, tout indique que nous sommes en présence de la deuxième conception indiquée ci-dessus. Celui qui parle en langues n’est pas compris des auditeurs (1Co 14.2,16) et il n’édifie que lui-même (1Co 14.4,17), alors que ce qui importe c’est l’édification de l’Église (1Co 14.12,26); il n’émet que des sons confus (1Co 14.7-9); il faut qu’il puisse ensuite interpréter lui-même ce qu’il a dit (1Co 14.5, 13) ou être interprété par un « frère » (1Co 14.27) ; ou bien alors, s’il n’y a pas d’interprète dans l’assemblée, il doit se taire. A la glossolalie Paul préfère la prédication (qu’il appelle prophétie) ou l’enseignement (1Co 14.5). Sans doute lui-même parle aussi en langues, mais il aime mieux dire cinq paroles avec son bon sens pour instruire ses frères que dix mille paroles en langues (1Co 14.18-19). Les glossolales seront pris pour des fous par de simples curieux alors que la prédication (ou prophétie) qu’ils comprendront pourra les amener à la repentance (1Co 14.24-25).
Paul, glossolale lui-même, écrit à une Eglise où la glossolalie est bien connue et très appréciée : ce qu’il nous dit du phénomène doit être tenu pour rigoureusement exact ; et il est remarquable que cette conception du don des tangues n’ait pas disparu du ch. 2 des Actes des Apôtres alors que l’auteur lui-même comprenait l’événement comme il était naturel qu’on le comprit plus tard, quand la glossolalie eut disparu de l’Eglise. Cet écrivain a dû reproduire deux documents reflétant ces deux conceptions ou du moins s’inspirer de l’un et de l’autre, ne voulant renoncer à rien de ce que lui offraient ses sources.
Numérisation : Yves Petrakian