I. L’Ancien Testament nous donne fort peu de renseignements sur les fonctions de ces chefs de famille ou de clans (voir : Clans et Tribus) que l’on désignait le plus souvent par un terme équivalent au mot « ancien ». Leur rôle devait être analogue à celui des « cheikhs », mot arabe ayant le même sens. La tradition faisait remonter leur existence pour le moins au temps de Moïse, (Ex 3.18 ; 4.29 ; 24.1 ; Le 4.15, etc.), et leur attribuait une autorité à la fois civile et religieuse. Plus tard, au pays de Canaan, lorsque les clans en vinrent à correspondre à une répartition géographique du peuple plutôt qu’à une origine commune, les anciens sont souvent représentés comme les chefs des villes (Deutéronome 21.3 ; Josué 20.4 ; Ruth 4.2 ; 1Sa 11.3 ; Jer 26.17, etc.). Pendant l’exil, ils continuent à jouer un rôle dans la vie des déportés, évidemment avec la permission des autorités païennes (Eze 8.1 ; 14.1 ; 20.1). Après l’exil, leur rôle ne diminue pas en importance (Esdras 5.9 ; 6.7-14 ; 10.8). Au temps de Jésus, enfin, les anciens subsistent toujours ; nous les trouvons à la synagogue et au sanhédrin (voir ces mots).
II. Nous ne sommes guère mieux renseignés sur les « anciens » de l’Eglise primitive que sur les « anciens » d’Israël. En grec, « ancien » se disait presbutéros, mot qui a deux dérivés en français presbytre (terme savant) et prêtre (terme populaire). L’auteur du livre des Actes des Apôtres introduit brusquement dans son récit les anciens de l’église de Jérusalem au chapitre Ac 11.30, sans un mot préalable sur leur institution ou leurs fonctions. C’est à eux que Barnabas et Paul remettent, de la part des chrétiens d’Antioche, un secours destiné aux pauvres. Il était naturel que, dans une communauté juive, ce nom d’anciens, en usage à travers toute l’histoire d’Israël, parût tout indiqué pour désigner les hommes jugés dignes de diriger l’église. Les anciens réapparaissent au chapitre 15 qui raconte la Conférence de Jérusalem. Ils sont ici partout juxtaposés aux apôtres (5 fois : « Les apôtres et les anciens », Ac 15.2, 4, 6, 22, 23). Mais ici encore aucun renseignement particulier sur eux, rien qui indique qu’il s’agisse là d’une institution proprement dite et d’une fonction officielle et réglementée plutôt que de la seule autorité morale que leur confère leur ancienneté dans l’église. Au chapitre 21, lors de l’arrivée de Paul à Jérusalem, à la fin de son troisième voyage missionnaire, nous voyons encore « tous les anciens » se réunir chez Jacques (Ac 21.18) pour entendre l’apôtre des gentils. Ce sont eux qui parlent, qui conseillent et Paul se laisse convaincre par eux.
Les Actes des Apôtres ne nous parlent pas seulement des anciens de Jérusalem mais aussi de ceux des églises fondées par Paul. Celui-ci et son compagnon Barnabas nomment des anciens à Lystre, Iconium et Antioche de Pisidie (Ac 14.23). De passage à Milet, l’apôtre donne rendez-vous aux anciens de l’église d’Ephèse (Ac 20.17). Les paroles qu’il leur adresse nous montrent qu’il veut que ces hommes « veillent sur le troupeau » dont ils sont les évêques (en grec épiscopoï, c’est-à-dire surveillants ; voir le mot évêque). — Il faut cependant remarquer que dans aucune de ses épîtres, sauf celles que nous appelons les « pastorales » (1 et 2 Timothée et Tite), Paul ne mentionne les anciens : ni dans l’épître aux églises de Galatie, où il les aurait lui-même institués, ni dans l’épître aux chrétiens d’Ephèse, d’où il les aurait convoqués à Milet. Est-ce à dire qu’à l’époque ou Paul écrivait ces lettres les plus anciens membres des églises y aient joui d’une autorité morale bien naturelle, mais n’y aient pas encore exercé, de ce fait, une fonction officielle, celle-ci ne devant être instituée que plus tard ? Si tel était le cas l’auteur des Ac parlant des voyages de Paul, aurait quelque peu anticipé sur les événements, prêtant à des églises aussi peu organisées que possible les institutions plus arrêtées qu’elles ne tardèrent pas à se donner et qu’elles possédaient à l’époque où il écrivait. — Le rôle des anciens, tel qu’il nous apparaît dans les Epîtres pastorales a atteint cette forme plus arrêtée ; leurs fonctions sont mieux définies ; le simple ministère des débuts fait place à une institution. Dans 1Timothée (1Ti 4.14), Paul rappelle à son jeune disciple qu’il a reçu l’imposition des mains de la part des anciens. Plus loin (1Ti 5.17), nous voyons que certains d’entre ceux-ci se vouaient à la prédication, et à l’enseignement et qu’ils méritaient, selon l’apôtre, comme ceux qui « gouvernaient bien » l’église, « un double honneur », et il n’est pas impossible qu’il s’agisse ici d’honoraires autant que d’honneur, puisque Paul appuie son jugement sur le mot de Jésus : « l’ouvrier mérite son salaire » (Luc 10.7). Nous serions donc en présence d’une fonction salariée. Timothée, continue l’Apôtre, ne doit pas accueillir d’accusations contre un ancien, sauf dans le cas ou deux ou trois témoins déposeraient contre lui. Enfin, Tite (Tite 1.5) doit installer des anciens dans les villes de la Crète, en veillant à ce qu’ils soient « sans reproche, maris d’une seule femme, qu’ils., aient des enfants croyants, ni indisciplinés, ni accusés de vivre dans le désordre ». — Des épîtres de Paul en général aux épîtres dites « pastorales » une évolution du rôle des anciens est donc, manifeste, et cette évolution a demandé du temps. Faut-il en conclure, avec certains savants, que bien des années se sont écoulées entre ces deux séries d’épîtres, de l’apôtre et que celui-ci par suite (comme on peut le croire pour d’autres raisons) ait vécu, évangélisé et écrit longtemps après l’époque où le livre des Actes des Apôtres arrête son récit ? Ou bien, comme d’autres le croient, les Epîtres Pastorales ne sont-elles pas de Paul ou ne sont-elles pas entièrement de sa main ? Nous n’avons pas à examiner ici ces questions. Ce qui est certain, quelle que soit la date qu’il faille assigner à ces trois lettres, c’est qu’elles nous mettent en présence d’un développement du rôle des anciens (comme, du reste, de l’organisation de l’Eglise en général) qui ne pouvait pas ne pas se produire ; mais elles nous laissent encore extrêmement loin du terme de cette évolution qui sera la constitution du sacerdoce catholique romain.
Numérisation : Yves Petrakian