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Moïse

Ou Moyse, fils d’Amram et de Jocabed, naquit en Égypte l’an du monde 2433, avant Jésus-Christ 1567, avant l’ère vulgaire 1571. Son père et sa mère étaient de la tribu de Lévi. Il eut un frère nommé Aaron, et une sœur nommée Marie, dont nous avons déjà parlé ailleurs, et dont nous serons encore obligés de parler dans la vie de Moïse. Marie était l’aînée d’Aaron et de Moïse. Aaron était né trois ans avant Moïse, et Marie peut-être cinq ou six ans avant Aaron. Quelque temps avant la naissance de Moïse (Exode 1.8-9), le roi d’Égypte avait fait un édit qui ordonnait que l’on mît à mort tous les enfants mâles qui naîtraient aux Hébreux, et que l’on ne réservât que les filles. Les parents de Moïse ne pouvant se résoudre à obéir à cette ordonnance, cachèrent pendant trois mois leur enfant dans leur maison : mais voyant qu’ils ne pouvaient plus le tenir caché, ils prirent le parti de l’exposer, laissant à la Providence le soin de sa conservation. Ils l’enfermèrent dans une espèce de petite nacelle de jonc, et l’exposèrent sur le bord du Nil, et envoyèrent Marie sa sœur pour observer de loin ce qui en arriverait(Exode 2.3-5). Or la fille de Pharaon, roi d’Égypte, étant venue vers le même temps sur le fleuve pour se baigner ou pour laver le linge (Exode 2.5), et ayant remarqué ce panier sur le bord, parmi les roseaux, elle se le fit apporter, l’ouvrit ; et étant touchée de la beauté de l’enfant, elle en eut compassion, ne doutant pas que ce ne fût un des enfants des Hébreux.

Alors Marie, sœur du petit Moïse, s’approcha et lui dit : Vous plaît-il que j’aille quérir une femme des Hébreux pour allaiter cet enfant ? La princesse lui dit : Allez ; et elle amena Jocabed, mère de Moïse, à qui l’on donna l’enfant ; et la princesse lui dit de le lui nourrir, et qu’elle lui paierait sa peine. Elle donna à l’enfant le nom de Moyses, qui en égyptien signifie celui qui a été sauvé des eaux (Exode 2.10). ou moï signifie de l’eau en égyptien, et uses celui qui en est tiré. C’est ce que disent Josèphe et saint Clément d’Alexandrie (Joseph. Antiquités judaïquesl. 2, et Clem. Alex. 1.1. Strom). Mais M. l’abbé Renaudot, qui s’est appliqué à la langue égyptienne, dit qu’en cette langue Mooou signifie l’eau, et si, tirer, prendre. Josèphe nomme Thermuthis la fille de Pharaon qui sauva Moïse. Elle l’adopta pour son fils, et eut soin qu’il fût instruit de toutes tes sciences qui étaient alors célèbres dans l’Égypte (Actes 7.22) Mais Amram et Jocabed, qui le nourrirent dans son enfance, lui enseignèrent tout ce qui concernait la religion et l’histoire de ses pères. Ils lui apprirent la langue hébraïque, et lui inspirèrent du dégoût et de l’éloignement des grandeurs et des avantages qu’il pouvait espérer à la cour de Pharaon ; en sorte qu’étant devenu grand, il ne voulut pas reconnaître pour sa mère la princesse qui l’avait adopté (Hébreux 11.24-26), préférant d’avoir part à l’affliction de son peuple, à tous les plaisirs de la cour, dont il ne pouvait jouir sans blesser son innocence, envisageant dès lors les récompenses éternelles, et faisant plus de cas de participer aux ignominies du Sauveur, que de posséder tous les trésors de l’Égypte.

Saint Clément d’Alexandrie dit que les parents de Moïse lui imposèrent d’abord le nom de Joakim, qu’il reçut à la circoncision. La fille de Pharaon lui donna celui de Moïse, en mémoire de ce qu’il avait été tiré des eaux ; et enfin on croyait que dans le ciel il avait le nom de Melshi ; car encore que l’Écriture marque expressément que Moïse est mort, les Juifs croyaient pourtant qu’il était vivant dans le ciel, comme on le verra ci-après. Saint Clément d’Alexandrie ajoute que quand il fut grand, on lui donna les plus excellents maîtres qui fussent dans l’Égypte, qui lui enseignèrent l’arithmétique, la géométrie, la musique, la médecine et toute la science des sons et de l’harmonie, tant des voix que des instruments ; et outre cela, la, philosophie symbolique, que l’on enseigne par le moyen des lettres hiéroglyphiques. On lui montra aussi tout ce qui concerne la langue et l’écriture des Égyptiens. Il apprit l’astronomie des Chaldéens et des Égyptiens. Philon dit à-peu-près la même chose. Il ajoute que l’on fit venir des Grecs pour lui montrer tous les arts libéraux ; que les Assyriens lui enseignèrent leurs lettres, et les Égyptiens les mathématiques. Eupolème, cité dans saint Clément d’Alexandrie et dans Eusèbe, dit que Moïse est le premier des sages ; qu’il donna le premier aux Hébreux l’art de la grammaire ; que les Phéniciens la reçurent des Hébreux, et les Grecs des Phéniciens.

Josèphe a fort embelli l’histoire de Moïse, et on croit avec assez de fondement qu’il n’en a rien dit que ce qu’on croyait de son temps parmi les Juifs. [Voyez Hisoire]. Voici donc le précis de ce qu’il en raconte : Le roi d’Égypte avait une fille nommée Thermuthis, laquelle étant allée se divertir sur le bord du fleuve du Nil, vit dans l’eau un petit coffre flottant. Elle se le fit apporter par des nageurs ; et y ayant trouvé un enfant d’une beauté tout extraordinaire, elle fit venir quelques femmes pour lui donner à téter ; mais l’enfant n’ayant voulu prendre la mamelle d’aucune de celles qui lui furent présentées, Marie, sœur de l’enfant, s’approcha comme sans dessein, et dit à la princesse qu’il était inutile de faire venir d’autres nourrices, et que l’enfant ne prendrait du lait que d’une femme de la race des Hébreux ; et elle s’offrit en même temps d’en faire venir une. Elle alla et ramena Jocabed, sa propre mère et mère de l’enfant, laquelle ayant présenté sa mamelle au jeune Moïse, il la prit sans difficulté ; et la princesse pria la mère d’en avoir soin et de l’allaiter.

La beauté du jeune Moïse était si grande, et il marquait tant d’esprit et de bonne grâce dans tout ce qu’il faisait, que tout le monde en était charmé, et qu’on ne pouvait se lasser de le voir. La princesse Thermuthis qui n’avait point d’enfants, l’adopta ; et lorsqu’il fut âgé de trois ans, elle le présenta au roi son père en lui disant qu’elle l’avait choisi pour son fils, à cause de ses rares qualités, et qu’elle souhaitait qu’il eût le bonheur de lui succéder dans le royaume d’Égypte. En même temps elle mit cet enfant entre les mains de son père. Le roi le reçut dans son sein, et pour faire plaisir à Thermuthis, mit en riant son diadème sur la tête de cet enfant : mais Moïse l’arracha aussitôt, le laissa tomber par terre et le foula aux pieds, ce qui fut regardé comme un mauvais augure ; et le même prêtre qui avait prédit que la naissance de cet enfant serait fatale à l’Égypte s’écria qu’il fallait le faire mourir, et que l’Égypte ne trouverait sa sûreté que dans sa mort. Aussitôt Thermuthis l’enleva sans que le roi s’y opposât ; et sans se mettre en peine du cri du devin, elle le fit élever d’une manière proportionnée aux grands desseins qu’elle avait sur lui.

Lorsqu’il fut devenu grand, la Providence lui fit naître une occasion de faire éclater sa capacité et sa valeur. Les Éthiopiens qui demeuraient au midi et au-dessus de l’Égypte, causaient de grands ravages dans les terres des Égyptiens. Ceux-ci se mirent en campagne avec une grande armée, marchèrent contre les Éthiopiens, livrèrent la bataille, furent vaincus : une partie fut passée au fil de l’épée ; le reste fut obligé de prendre la fuite. Les Éthiopiens, enflés de cet heureux succès, s’avancèrent plus avant sur les terres des Égyptiens jusqu’à Memphis et même jusqu’à la mer, faisant le dégât dans tout le pays, et enlevant un grand butin. Les Égyptiens ne se trouvant pas en état de leur résister, consultèrent l’oracle, qui leur dit qu’il fallait avoir recours à l’aide d’un Hébreu. Le roi pria Thermuthis de lui donner Moïse, afin qu’il lui pût confier la conduite de son armée. Thermuthis ne le lui accorda qu’après lui avoir fait promettre avec serment qu’il ne serait rien attenté contre la personne de Moïse. Dès qu’il se fut mis à la tête de Patinée égyptienne, il songea aux moyens de prévenir les Éthiopiens, et de les attaquer avant qu’ils eussent pu savoir sa marche. Il prit la résolution de mener son armée non le long du Nil, qui est la route ordinaire, mais par le dedans du pays où il est extrêmement dangereux de passer, à cause de la multitude des serpents et des bêtes venimeuses qui s’y rencontrent.

Voici de quoi il s’avisa pour réussir dans cette entreprise : il fit faire des cages d’osier, qu’il remplit d’une sorte d’oiseaux très-communs en Égypte, nominés ibis, et fort ennemis des serpents et des autres insectes venimeux dont l’ibis se nourrit. Lors donc qu’il fut arrivé dans ces lieux où les serpents sont le plus à craindre, il lâcha les ibis, qui détruisirent les serpents, et garantirent l’armée de leurs morsures. Par ce moyen il arriva sur les terres des Éthiopiens, et il les surprit lorsqu’ils s’y attendaient le moins. Il les tailla en pièces, entra dans leur pays, prit plusieurs de leurs villes et réduisit les Éthiopiens à s’enfermer dans la ville de Saba, à qui Cambyses donna dans la suite le nom de Meroë, les y assiègea et fut assez longtemps occupé à ce siège, parce que la ville étant située dans une île, et d’ailleurs très-bien fortifiée, il ne pouvait la presser autant qu’il aurait voulu. Mais dans cet intervalle il arriva une chose qui lui facilita la prise de la ville sans aucun danger.

Tharbis, fille du roi d’Éthiopie, ayant vu de dessus les murailles Moïse qui combattait vaillamment à la tête de l’armée égyptienne, conçut pour lui un très-grand amour, fondé sur l’admiration où elle était de sa valeur et de sa conduite, qui avait su rétablir les affaires des Égyptiens, et réduire les Éthiopiens, peu auparavant victorieux, à ne pouvoir tenir devant lui. Elle lui envoya donc secrètement faire des propositions de l’épouser. Moïse y consentit, à condition qu’elle lui livrerait la ville. Elle exécuta sa promesse. Moïse entra dans Méroë, épousa Tharbis et s’en retourna avec son armée victorieuse en Égypte. Mais au lieu d’y trouver le repos et d’éprouver les effets de la reconnaissance que tant de bons offices lui devaient mériter, il se vit exposé à l’envie et accusé auprès du roi d’avoir commis un meurtre. Pharaon, à qui la valeur et la réputation de Moïse donnaient de l’ombrage, était résolu de le faire mourir : mais Moïse s’étant aperçu de ce mauvais dessein, se retira par le désert dans le pays de Madian, n’osant aller par les chemins ordinaires, de peur d’être arrêté par les gardes qu’on y avait mis pour le prendre.

Mais Moïse lui-même ne nous dit rien de ces particularités. Voici comme il raconte son histoire (Exode 2.11-12) : En ce temps-là Moïse étant devenu plus grand, alla voir ses frères, et fut témoin de l’accablement où les Égyptiens les avaient réduits. Il vit un Égyptien qui outrageait un Hébreu ; et ayant jeté les yeux de tous côtés, et n’ayant vu personne, il se jeta sur l’Égyptien, le tua et le cacha dans le sable. Le lendemain, il trouva deux Hébreux qui se querellaient, et il dit à celui qui outrageait l’autre : Pourquoi frappez-vous votre frère ? Celui-ci répondit ; Qui vous a établi notre prince et notre juge ? Voulez-vous me tuer comme vous tuâtes hier l’Égyptien ? Moïse eut peur, et il dit en lui-même : Comment cela s’est-il pu découvrir ? Pharaon ayant su ce qui s’était passé, cherchait le moyen d’arrêter Moïse, et de le faire mourir. Mais Moïse se sauva dans le pays de Madian, au delà de la mer Rouge, dans l’Arabie Pétrée, vers le mont Sinaï. Y étant arrivé, il s’assit près d’un puits : et comme il était là, sept filles de Jéthro, prêtre de Madian, y vinrent aussi pour puiser de l’eau et pour abreuver leurs troupeaux. Lors donc qu’elles eurent rempli les abreuvoirs, il survint des pasteurs qui les chassèrent. Mais Moïse, ayant pris leur défense, écarta les pasteurs, et leur aida à faire boire leurs brebis.

Lorsqu’elles furent de retour chez leur père, elles lui racontèrent ce qui leur était arrivé ; et Jéthro leur dit : Où est cet homme, et pourquoi l’avez vous laissé aller ? Faites-le venir, afin que nous exercions envers lui les devoirs de l’hospitalité. Moïse étant venu, et ayant été quelque temps avec Jéthro, il s’engagea avec serment de demeurer avec lui. Jéthro lui donna Séphora sa fille en mariage, et elle devint mère d’un fils que Moïse nomma Gersam, disant : J’ai été étranger dans un pays éloigné. Elle eut ensuite encore un autre fils, à qui Moïse donna le nom d’Eliézer, disant : Le Dieu de mon père m’a secouru et m’a délivré de la main de Pharaon. Longtemps après (Exode 2.23-24), le roi d’Égypte mourut ; et les enfants d’Israël, gémissant sous le poids des travaux dont ils étaient accablés, crièrent vers le ciel, et le Seigneur les exauça.

Or, Moïse s’occupait à paltre les brebis de Jéthro, son beau-père ; et ayant un jour conduit son troupeau bien avant dans le désert, il vint jusqu’à la montagne d’Horeb (Exode 2.1-3) ; et le Seigneur lui apparut dans un buisson qui brûlait sans se consumer. Moïse étonné de voir cette merveille, dit en lui-même : Il faut que j’aille reconnaître pourquoi ce buisson ne se consume pas. Mais le Seigneur voyant qu’il s’approchait, lui dit du milieu du buisson : « Moïse, n’approchez pas d’ici, déliez les souliers de vos pieds : car le lieu où vous êtes est une terre sainte. » Il ajouta : « Je suis le Dieu de votre père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, j’ai vu l’affliction de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai ouï leurs cris et leurs gémissements, causés par la dureté de ceux qui président à leurs travaux ; et je suis descendu pour les délivrer de cette servitude où ils gémissent, et pour les faire entrer dans une terre où coulent des ruisseaux de lait et de miel, dans le pays des chananéens, des Héthéens, des Hévéens, des Phérézéens et des Amorrhéens. J’ai jeté les yeux sur vous, pour vous envoyer en Égypte vers Pharaon, afin que vous tiriez les enfants d’Israël de l’Égypte. »

Moïse s’était déchaussé et s’était couvert le visage dès qu’il eut entendu le Seigneur ; tuais lorsqu’il ouït qu’il voulait l’envoyer vers Pharaon, il s’en excusa. Et le Seigneur lui dit : « Je serai avec vous ; et pour marque que c’est moi qui vous envoie, c’est que quand vous aurez tiré mon peuple de l’Égypte, vous viendrez sur cette montagne pour m’offrir des sacrifices. Ainsi ne doutez ni de ma vocation, ni du succès de votre entreprise. » Moïse répliqua : « Si je vais dire aux enfants d’Israël : Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous, pour vous tirer de l’Égypte ; s’ils me demandent quel est son nom, que leur dirai-je ? » Vous direz : « Je suis celui qui suis, je suis envoyé de la part de celui qui est, de celui qui a l’être par excellence, et qui est l’auteur de tous les êtres créés. Vous dires donc à vos frères que je vous ai envoyé vers eux,.et que je veux les faire entrer dans le pays que j’ai promis à leurs pères. Ils écouteront votre voix et vous croiront. Vous vous présenterez aussi devant Pharaon, et vous lui direz : Le Dieu des Hébreux nous a ordonné d’aller trois journées dans le désert, pour y sacrifier au Seigneur. Je sais qu’il ne vous écoutera pas et qu’il ne vous laissera sortir que forcé par une main puissante. J’étendrai ma main, je frapperai l’Égypte de diverses plaies, et je forcerai les Égyptiens à vous laisser aller. »

Comme Moïse continuait à s’excuser, le Seigneur lui dit de jeter sa verge par terre ; et aussitôt elle fut changée en serpent. Dieu lui dit de la reprendre. Il la reprit, et elle parût une verge comme auparavant. Ensuite il lui dit : Mettez la main dans votre sein. Il l’y mit, et il l’en tira toute chargée de lèpre. Dieu lui ordonna de la remettre. Il la remit, et elle parut nette comme auparavant. Vous ferez ces deux miracles devant les enfants d’Israël. Si après cela ils ne vous croient pas, prenez de l’eau du Nil, répandez-la sur la terre, et aussitôt elle sera changée en sang. Moïse lui dit : Seigneur, je vous prie de m’écouter : je ne suis point éloquent, ni propre à l’emploi dont vous voulez m’honorer. Je n’ai jamais eu beaucoup de facilité à parler ; et depuis même que vous m’avez parlé, je me sens la langue plus pesante et plus embarrassée. Le Seigneur lui dit : Qui a fait la bouche de l’homme ? N’est-ce pas moi ? Allez, je serai dans votre bouche et je vous enseignerai ce que vous aurez à dire. Moïse ne se rendant pas encore, le Seigneur lui dit : Je sais qu’Aaron, votre frère, est homme éloquent : il doit venir au-devant de vous ; dites-lui ce que je vous ai ordonné ; je serai dans votre bouche et dans ta sienne. Ce sera lui qui parlera pour vous ; il sera votre langue, et vous lui tiendrez lieu de Dieu (Exode 4.16). Prenez aussi cette verge, qui sera l’instrument dont vous vous servirez pour faire tous vos miracles.

Moïse étant donc retourné chez Jéthro, lui dit qu’il allait voir ses frères en Égypte, sans lui expliquer davantage le sujet de son voyage. Il prit sa femme et ses enfants, et se mit en chemin. Mais lorsqu’il fut arrivé à l’hôtellerie, l’ange du Seigneur voulait tuer Eliézer, son second fils. On croit que c’est parce qu’il n’était pas encore circoncis. Séphora donc prit aussitôt une pierre tranchante et circoncit son fils ; et se jetant aux pieds de Moïse, elle lui dit : Vous m’êtes un époux de sang. Après quoi elle s’en retourna chez Jéthro, son père, avec ses deux enfants. Presqu’en même temps Aaron [qui était toujours resté en Égypte] reçut ordre de Dieu de venir trouver Moïse son frère. Ils se rencontrèrent à la montagne d’Horeb, et [s’embrassèrent (Voyez Baiser)]. Moïse lui fit le récit de tout ce que le Seigneur lui avait ordonné pour la délivrance, de son peuple de l’Égypte. Étant arrivés ensemble dans ce pays, ils assemblèrent les principaux des enfants d’Israël. Aaron leur exposa ce que le Seigneur avait dit à Moïse, et ils demeurèrent persuadés que le Seigneur avait visité son peuple.

Après cela Moïse et Aaron vinrent trouver Pharaon, et lui dirent que le Dieu des Hébreux lui ordonnait de les laisser aller trois jours de chemin, dans le désert d’Arabie, pour lui offrir des sacrifices. Pharaon répondit qu’il ne connaissait point le Dieu des Hébreux, et qu’il ne les laisserait point sortir de ses États ; et en même temps il ordonna qu’on ne donnât plus aux Israélites, comme auparavant, de la paille pour faire de la brique, disant : Ils sont trop nombreux et trop à leur aise, il faut les accabler de travaux. Le peuple s’en prit à Moïse, et Moïse s’en plaignit au Seigneur, qui lui dit (Exode 6.1-2 ; 7.1-3) : Vous allez voir les plaies dont je frapperai les Égyptiens. J’endurcirai le cœur de Pharaon, et il ne laissera pas aller mon peuple que forcé par une main puissante. Moïse et Aaron étant venus trouver Pharaon, et lui ayant de nouveau exposé les ordres du Seigneur, Aaron jeta devant lui la verge miraculeuse, qui fut aussitôt changée en serpent Pharaon fit venir ses magiciens, dont les principaux étaient Jannès et Mambrès (2 Timothée 3.8), lesquels, par leurs enchantements, changèrent aussi leurs verges en serpents. Mais la verge de Moïse changée en serpent mangea et dévora celles des magiciens.

Après cela le Seigneur frappa l’Égypte de dix plaies différentes, dans l’espace d’un assez petit nombre de jours.

La première plaie, qui fut celle du sang, Moïse ayant changé en sang les eaux du Nil, arriva le dix-huitième jour du sixième mois qui dans la suite fut nommé adar, et qui répond à notre mois de février. Cette plaie dura environ sept jours. [Voyez eaux changées en sang].

La seconde plaie, qui est celle des grenouilles (Exode 8.2-3), arriva vers le 25 du même mois. Elle ne dura qu’un jour.

La troisième plaie, qui est celle des poux Exode 8.17), sciniphès, arriva le 27 du même mois.

Le lendemain Moïse menaça Pharaon de la quatrième plaie, qui est celle des moucherons (Exode 8.17-24), laquelle arriva le 29, et qui, à l’instante prière de Pharaon, fut ôtée le 30 du mois adar.

La cinquième plaie, qui est celle de la peste, ou de la mortalité des animaux (Exode 8.1-3), arriva vers le second jour du septième mois, qui dans la suite fut le premier de l’année sainte, et appelé nisan. Le troisième jour, elle cessa.

La sixième plaie est celle des ulcères (Exode 8.10-12) et des pustules, qui attaquèrent tous les Égyptiens et qui empêchèrent même les magiciens de Pharaon de se trouver devant ce prince, et de contrefaire par leurs prestiges les miracles de Moïse. Cette plaie dura deux jours, savoir, le troisième et le quatrième jour de nisan, nommé abib par Moïse.

La septième plaie, qui fut celle des tonnerres, de la pluie, de la grêle et de la foudre (Ecclésiaste 8.17-18), arriva le cinquième jour du même mois, et ne dura qu’un jour.

La huitième plaie, qui fut celle des sauterelles (Exode 8.4-13), qui ravagèrent tout ce que la grêle avait épargné, fut annoncée par Moïse le septième du même mois de nisan ; mais elle n’arriva que le huitième.

La neuvième, qui est celle des ténèbres (Exode 8.17-18) qui couvrirent toute l’Égypte pendant trois jours, la terre de Gessen où étaient les Hébreux, jouissant de la clarté comme à l’ordinaire ; cette plaie arriva le dixième de nisan ; et le même jour Moïse ordonna aux Hébreux de préparer un agneau pour la Pâque qui se devait faire quatre jours après (Exode 12).

La dixième plaie fut celle de la mort des premiers-nés (Exode 12.23-30) des Égyptiens, qui furent mis à mort par l’ange exterminateur la nuit du 14 au 15 de nisan, qui est la même nuit dans laquelle les Hébreux sortirent de l’Égypte.

Pharaon, pendant que la plaie des ténèbres durait encore, envoya quérir Moïse et Aaron, et leur dit (Exode 10.23-24) qu’ils pouvaient aller sacrifier à leur Dieu, à condition qu’ils laisseraient dans le pays leurs bestiaux et leurs troupeaux. Moïse lui répondit que Dieu, n’ayant pas marqué quelles sortes d’animaux il voulait qu’on lui sacrifiât, ils n’en pouvaient laisser aucun en Égypte, et qu’ils devaient les mener tous au lieu marqué. Mais Dieu permit que Pharaon endurcit son cœur, et il dit à Moïse : Retirez-vous ; et ne vous présentez jamais devant moi ; la première fois que vous y paraîtrez, je vous ferai mourir. Moïse sortit donc en lui disant : Je ne verrai plus votre face. En effet, il ne revint plus au palais que lorsque le roi l’y manda, pour lui commander de sortir promptement de l’Égypte.

Le quatorzième jour du mois abib ou nisan, au soir, les Hébreux immolèrent l’agneau de la Pâque ou du passage du Seigneur, et arrosèrent de son sang le dessus et les deux jambages de leur porte, afin que l’ange exterminateur, passant par-devant leurs maisons, n’y entrât point et épargnât leurs premiers nés. Vers le milieu de la nuit (Exode 12.29), le Seigneur frappa de mort tous les premiers-nés des Égyptiens, depuis le premier-né de Pharaon jusqu’au premier-né des esclaves ; et il s’éleva un grand cri par toute l’Égypte : en sorte que Pharaon fit appeler Moïse et Aaron, et leur dit : Allez promptement faire vos sacrifices à votre Dieu, emmenez vos femmes, vos enfants el votre bétail, et en partant priez pour moi. Les Égyptiens les pressaient aussi de sortir ; en sorte qu’ils ne leur laissèrent pas le loisir de faire du pain et d’y mêler le levain. Ils emportèrent de la pâte crue, et firent en chemin du pain sans levain, comme ils purent. D’où vient que dans la suite ils se servirent de pain sans levain pendant toute l’octave de la Pâque.

Ils partirent de Ramessé au nombre de six cent mille hommes de pied, sans compter les femmes, les petits enfants et les étrangers, qui s’étaient joints à eux. Moïse emporta les os du patriarche Joseph (Exode 13.19), qui avait demandé qu’on lui fit cette grâce, quelque temps avant sa mort (Genèse 50.23). Les Hébreux étant sortis de Ramessé, vinrent à Socoth ; de Socoth à Ethan, et d’Ethan ils retournèrent vers Phihahirot, qui est entre la mer et Magdalum, vis-à-vis Béelséphon (Exode 14). À peine y étaient-ils arrivés, que Pharaon vint avec une puissante armée pour les y attaquer et les forcer de retourner en Égypte. Mais le Seigneur mit entre le camp d’Israël et celui des Égyptiens une nuée qui était lumineuse du côté des Hébreux, et ténébreuse du côté des Égyptiens. Les Hébreux, effrayés du péril où ils étaient, commencèrent à murmurer contre Moïse. Mais il les rassura, leur promettant le secours du Seigneur ; et en même temps le Seigneur ordonna à Moïse d’étendre sa verge sur la mer Rouge, d’en séparer les eaux et de faire passer le peuple au milieu de son lit. Moïse obéit ; la mer se sépara, un vent impétueux, qui souffla toute la nuit, en dessécha le fond ; les Hébreux y entrèrent, et la passèrent heureusement. On peut voir ce que nous avons dit sur l’article de la Mer Rouge. Le lieu où ils la passèrent est à deux ou trois lieues au-dessous de sa pointe ou de son extrémité, à l’endroit nommé Colsum ou Clysma, dans lequel on a prétendu montrer pendant assez longtemps les vestiges et les débris des roues des chariots des Égyptiens.

Les Égyptiens s’étant aperçus vers le point du jour que les Hébreux s’en étaient enfuis au travers des eaux séparées, voulurent les y poursuivre, et entrèrent après eux dans le lit de la nier : mais le Seigneur fit lever un vent qui ramena ses eaux, qui jusqu’alors étaient demeurées suspendues aux deux côtés du chemin ; en sorte que, de toute l’armée de Pharaon, il n’en échappa pas un seul (Exode 14.28-29). Le flux rejeta leurs corps sur le bord, et les Israélites profitèrent de leurs armes et de leurs dépouilles. Alors Moïse chanta au Seigneur un cantique d’actions de grâces (Exode 15.1-2) ; et s’avançant vers Sinaï, ils furent trois jours dans le désert de Sur, où ils ne trouvèrent point d’eaux. Le quatrième [cinquième] campement fut à Mara, où ils ne trouvèrent que des eaux amères ; ce qui jeta le peuple dans l’impatience et le murmure. Mais Moïse ayant crié au Seigneur, Dieu lui montra un certain bois qui, ayant été jeté dans les eaux, les adoucit et les rendit potables. De là ils vinrent à Elim, où il y avait douze fontaines d’eau douce et soixante-dix palmiers [Voyez Marches et campements].

Le quinzième jour du second mois, c’est-à-dire, un mois entier depuis leur sortie d’Égypte, les Hébreux partirent d’Elim (Exode 16.1-3) et vinrent au désert de Sin, entre Elim et Sinaï, où le peuple, ennuyé de la longueur du chemin, commença à murmurer contre Moïse, en disant : Plût à Dieu que nous fussions morts dans l’Égypte, où nous étions assis sur des marmites de viandes, et où nous mangions du pain en abondance ! Mais le Seigneur parla à Moïse et lui promit qu’il ferait pleuvoir du ciel une nourriture pour ce peuple. Moïse en donna avis au peuple, et leur dit que le jour du sabbat cette nourriture ne tomberait point, et que le jour précèdent ils eussent à en amasser le double des autres jours. Le soir même de ce jour-là, le camp d’Israël fut tout couvert de cailles, qui y furent portées par le vent ; et le lendemain matin on vit tout autour du camp une espèce de bruine, ou comme de petits grains de la couleur du bdelliuin, et de la forme de la coriandre. Le peuple, ayant vu cela, se disait l’un à l’autre : Man-hu : c’est-à-dire : Qu’est-ce que cela ? Ce qui fit donner à cette pourriture le nom de manne. Ils prirent donc une grande quantité de cailles, et ramassèrent de la manne. Mais Moïse leur ordonna de n’en prendre qu’un gomor par tête. Ainsi ils eurent abondamment de quoi se nourrir pendant tout leur voyage, car la manne ne manqua jamais de tomber, si ce n’est le jour du sabbat, pendant quarante ans, jusqu’à leur entrée dans la terre promise. Voyez ci-devant l’article Manne. Alors Moïse dit à Aaron de remplir un gomor de manne, et de le mettre devant le Seigneur, afin qu’il servît de monument dans les générations à venir.

Du désert de Sin, Hébreux arrivèrent à Daphca, de là à Alus, et enfin à Raphidim, où le peuple, manquant d’eau, commença à murmurer (Exode 17.1-3) contre Moïse. Mais le Seigneur leur lira de l’eau du rocher d’Horeb, par le ministère de Moïse ; et c’est l’eau de ce rocher qui leur servit pendant toute leur marche. En ce temps-là, les Amalécites étant venus attaquer les Israélites, Moïse envoya contre eux Josué avec l’élite de ses troupes ; et à l’heure du combat, il se tint avec Aaron et Hur sur une hauteur, d’où il voyait le champ de bataille. Pendant qu’il tenait ses mains élevées en haut, Josué avait l’avantage ; mais aussitôt qu’il les abaissait, les Amalécites reprenaient le dessus. De sorte qu’Aaron et Hur mirent des pierres sous lui, afin qu’il pût s’asseoir ; et ils lui soutinrent les bras, afin qu’il ne se lassât pas. De cette sorte, les Amalécites furent entièrement défaits. Et le Seigneur dit à Moïse : Écrivez cet événement dans un livre, et avertissez-en Josué car je détruirai la mémoire d’Amalec de dessous le ciel.

Le troisième jour du troisième mois depuis leur sortie d’Égypte, ils arrivèrent au pied du mont Sinaï, ou ils demeurèrent un an entier (Exode 19.1-3). C’est là où Dieu leur devait donner sa loi, et régler la forme de leur république ; c’est là ou Dieu avait dit à Moïse qu’il viendrait lui offrir des sacrifices après la sortie d’Égypte. Moïse donc monta sur la montagne, et Dieu lui dit qu’il était disposé à faire alliance avec Israël, et à lui donner sa protection, pourvu que le peuple s’engageât à lui obéir et à lui demeurer fidèle. Moïse rapporta aux Hébreux ce que le Seigneur lui avait dit, et le peuple répondit : Nous ferons tout ce qu’il plaira au Seigneur. Moïse remonta donc sur la montagne, et reporta à Dieu la réponse du peuple. Alors le Seigneur dit à Moïse de descendre, d’ordonner au peuple de se purifier et de se tenir prêt pour le troisième jour, et que dans trois jours le Seigneur descendrait sur la montagne, pour faire alliance avec eux. En effet, le troisième jour, Dieu donna des marques de sa présence sur Sinaï par le feu qui y parut et par les éclats de tonnerre et le son de la trompette qu’on y entendit. Dieu ordonna à Moïse de mettre des barrières au pied de la montagne, afin que nul n’en pût approcher. Puis y étant monté de nouveau, Dieu lui donna la loi du Décalogue (Exode 20), qui comprend le fond de toute la religion des Juifs. Voyez ci-devant l’article Lois. [Voyez aussi le Calendrier des Juifs, au 23 de tizri]

Après cela Dieu donna à Moïse diverses lois cérémonielles et de police, contenues dans les chapitres 21, 22 et 23 de l’Exode. Puis étant descendu de la montagne, il exposa au peuple les lois qu’il venait de recevoir, et les articles de l’alliance que le Seigneur voulait faire avec eux (Exode 24). Et lu peuple ayant répondu qu’il ferait tout ce qu’il plairait au Seigneur, Moïse érigea un autel de pierres brutes (Exode 2à :25) au pied de la montagne, et douze monuments ou douze autres autels, au nom des douze tribus d’Israël. Il fit immoler des holocaustes et des hosties pacifiques au Seigneur ; et ayant pris le sang de ces victimes, il en répandit la moitié sur l’autel, et mit l’autre moitié dans des coupes ; et après avoir lu au peuple les ordonnances qu’il avait reçues du Seigneur, et qu’il avait écrites dans un livre, il arrosa tout le peuple avec le sang qui était dans ces coupes. Ainsi fut conclue cette alliance si célèbre entre le Seigneur et les enfants d’Israël.

Alors le Seigneur dit à Moïse de monter de nouveau sur la montagne avec Josué, son serviteur (Exode 24.12-18), afin qu’il lui donnât le détail des lois et des règlements qu’il voulait qui s’observassent dans le culte public qu’on lui rendrait dans Israël. Il veut qu’on lui érige un tabernacle (Exode 25.1-3 ; Exode 26 ; Exode 27), ou une tente, dans laquelle il recevra les hommages, les sacrlfices et les adorations des Israélites. Il donna à Moïse la description de ce tabernacle, de l’Arche, des autels, des voiles, du chandelier, et de tous les instruments qui y devaient servir ; des habits des prêtres et des ornements du grand prêtre en particulier (Exode 28). Il régla la manière dont les prêtres devaient être consacrés, l’ordre, la manière, la qualité des hosties et des parfums qu’on devait offrir (Exode 29, Exode 30). Il lui désigna Béséléel et Ooliab, qui devaient exécuter tout le travail du tabernacle (Exode 31). Enfin Dieu lui donna les tables de la loi, qui contenaient le Décalogue écrit de la main du Seigneur (Exode 22.18) ; et en même temps il lui dit que le peuple qu’il avait tiré de l’Égypte, avait bientôt oublié ses promesses et ses engagements, puisqu’il venait de faire une idole jetée en fonte, et qu’il avait rendu ses adorations à un veau d’or (Exode 32.7-9). Le Seigneur ajouta qu’il était près d’exterminer ce peuple indocile. Mais pour vous, ajouta-t-il, je vous rendrai père et chef d’une grande nation (Exode 32.11-13). Moïse se jeta aux pieds du Seigneur, et le conjura d’épargner son peuple. Dieu l’exauça et le renvoya dans le camp, après qu’il eut été sur la montagne quarante jours et quarante nuits sans manger.

Comme il descendait, Josué entendit le bruit du peuple qui jetait de grands cris, et il dit à Moïse : On entend dans le camp comme le cri de personnes qui combattent. Mais Moïse qui savait ce qui était arrivé, lui dit : Ce n’est pas là le cri de gens qui s’animent au combat, mais j’entends des cris de joie ; et étant arrivés plus près du camp, et voyant le veau d’or et les-danses du peuple, il jeta par terre et brisa les tables qu’il portait ; et ayant pris le veau qu’ils avaient fait, il le fit fondre, le réduisit en poudre et répandit la poudre dans l’eau, dont il donna à boire aux Hébreux. Voyez l’article Veau d’or. Moïse fit ensuite une forte réprimande à Aaron de ce qu’il avait eu la faiblesse de condescendre à la demande du peuple, qui lui avait demandé des dieux sensibles et jetés en fonte. Aaron s’excusa le mieux qu’il put. Puis Moïse s’étant misà la porte du camp, dit : Si quelqu’un est au Seigneur, qu’il se joigne à moi. Et tous les enfants de Lévi s’étant assemblés autour de lui, il leur dit : Voici ce que dit le Seigneur : Que chacun de vous prenne son épée, qu’il aille et revienne d’une porte à l’autre au travers du camp, et que chacun tue son frère, son ami et son parent. Les enfants de Lévi exécutèrent ce qui leur avait été dit, et il y eut ce jour-là vingt-trois mille hommes de tués.

Le lendemain Moïse parla au peuple, leur remontra la grandeur de leur péché, et leur dit qu’il allait remonter sur la montagne, pour voir s’il pourrait leur en obtenir le pardon. Il monta et supplia le Seigneur de pardonner à son peuple, ou si vous ne le voulez pas faire, ajouta-t-il, effacez-moi de votre livre. Le Seigneur lui répondit qu’il n’effacerait de son livre que celui qui l’aurait offensé, qu’il voulait bien ne pas abandonner son peuple, qu’il lui donnerait son ange pour le conduire dans le pays qu’il lui avait promis ; mais que le crime qu’il avait commis, ne demeurerait pas impuni, qu’il saurait le châtier au jour de sa vengeance ; et que pour lui, il n’irait pas avec eux, qu’il se contenterait d’y envoyer son ange (Exode 33.1-3). Moïse ayant rapporté ces paroles aux Israélites, ils en furent fort affligés et s’humilièrent devant le Seigneur ; ils quittèrent leurs ornements au pied du mont Horeb. Et Moïse, pour marquer encore davantage l’indignation de Dieu, transporta hors du camp le tabernacle, où le Seigneur avait accoutumé de lui parler face-à-face et de lui donner ses ordres. Moïse ne cessant d’insister auprès de lui et de le prier de conduire lui-même son peuple dans la terre promise, il se laissa enfin fléchir et promit de ne le point abandonner. Alors le législateur lui demanda une seconde grâce, qui était qu’il lui fit voir sa gloire. Le Seigneur lui répondit qu’il ne pouvait lui faire voir sa face ; car nul homme vivant n’en pourrait supporter la vue ; mais qu’il passerait devant l’ouverture d’un rocher, où Moïse se serait mis, et qu’il le verrait par derrière et en passant.

Moïse monta ensuite sur la montagne, portant de nouvelles tables de pierre, qu’il avait préparées (Exode 34). Dieu lui manifesta sa gloire, ainsi qu’il le lui avait promis. Il lui donna de nouveau le Décalogue et divers autres préceptes ; et après quarante jours et quarante nuits, il descendit de la montagne, portant les deux tables du Témoignage ; et il ne savait pas que son visage jetait des rayons de lumière, qui lui étaient restés de l’entretien qu’il avait eu avec le Seigneur. Aaron et les enfants d’Israël le voyant en cet état, n’osaient s’approcher de lui : mais Moïse les rassura, leur parla ; et après qu’il eut achevé son discours, il mit un voile sur son visage, afin qu’on lui pût parler avec plus de liberté. Alors il commença à exécuter ce que le Seigneur lui avait ordonné touchant le tabernacle du Témoignage. Il fit publier dans le camp que quiconque aurait des métaux précieux, ou des pierreries, des fils, ou des laines, ou des fourrures, ou des bois précieux propres à l’ouvrage du tabernacle, pourrait en faire son offrande au Seigneur (Exode 35 ; Exode 36 ; Exode 37). Les Israélites, animés d’un saint zèle, apportèrent à l’envi tout ce qu’ils avaient de propre à ce dessein ; en sorte que Béséléel et Ooliab furent obligés de dire à Moïse que le peuple offrait plus qu’il ne fallait (Exode 36.5-7), et qu’il devait faire publier par des hérauts dans le camp, que nul n’eût à rien apporter davantage.

Outre ce que chacun offrit volontairement, le Seigneur ordonna que chaque Israélite fournirait un demi-sicle, ou seize sols, deux deniers et un peu plus par tête ; et afin que cette contribution se fit avec plus d’ordre, il fit faire un dénombrement (Exode 30.11-12 ; 38.25-26) de tout Israël, depuis l’âge de vingt ans et au-dessus ; et il s’en trouva six cent trois mille cinq cent cinquante, qui ayant payé chacun un demi-sicle, il en résulta une somme de cent talents d’argent et mille sept cent soixante-quinze sicles. Les cent talents d’argent font quatre cent quatre-vingt-six mille sept centdix-huit livres quinze sols, et les mille sept cent soixante-quinze sicles font vingt-sept mille six cent soixante-dix livres cinq sols et quelques deniers. On travailla six mois entiers à l’ouvrage du tabernacle ; savoir, depuis le sixième mois de l’année sainte, et après la sortie d’Égypte, de l’an du monde 2513, jusqu’au premier jour du premier mois (le l’année suivante 2514, avant Jésus-Christ 1486, avant l’ère vulgaire 1490. Ce premier jour de nisan, qui répondait au 21 avril, selon Ussérius, le tabernacle de l’alliance fut dressé, et la gloire du Seigneur le remplit (Exode 4à :2,17,34). Lévitique 14 du même mois, les Israélites firent la seconde Pâque depuis leur sortie d’Égypte (Nombres 9.1-14) ; et vers le même temps, Moïse publia les rois qui sont comprises dans les sept premiers chapitres du Lévitique. Il consacra Aaron et ses fils, et oignit et dédia le tabernacle, tous ses vases et tout ce qui lui appartenait.

Le premier jour du second mois de la même année, Moïse fit un second dénombrement du peuple, dans lequel les lévites furent comptés à part et destinés au service du Tabernacle. Moïse régla leurs fonctions et les charges qu’ils devaient porter dans les marches du désert (Nombres 1.2 ; 3.3-34,51 8.5-26). L’on régla aussi l’ordre que les tribus devaient tenir dans les campements et dans les marches, afin que dans une telle multitude, il n’y eût point de confusion (Nombres 2.1-3). Les princes des tribus firent chacun leur offrande au tabernacle, chacun à son rang et à son jour, pendant les douze jours (Nombres 7.1-2) que dura la consécration et la dédicace de ce saint lieu. Enfin Moïse fit vers le même temps plusieurs ordonnances qui regardaient la pureté que l’on devait apporter aux choses saintes, les souillures que l’on devait éviter, et la manière dont on devait s’approcher du tabernacle.

Sur la fin de l’année que le peuple passa à u pied du mont Sinaï, Jéthro, beau-père de Moïse, lui amena dans le camp sa femme Séphora et ses deux fils Gersom et Eliézer (Exode 18.1-2, Deutéronome 1.9-18, Nombres 10.29). Moïse le reçut avec tout l’honneur possible ; et à sa persuasion, il changea l’ordre qu’il avait établi pour la reddition de la justice. Il établit des juges subalternes, qui le soulageaient dans le jugement des différends, en jugeant les causes de moindre conséq uence, et en lui renvoyant celles qui étaient d’une plus difficile discussion. Peu de temps après, la colonne de nuée qui conduisait les Israélites, s’étant élevée, ils décampèrent de Sinaï, pour aller vers Pharan. Moïse nec nous dit les noms que de deux campements, entre Sinaï et Cadès ; savoir Tabéera, c’est-à-dire, Embrasement, et Kiberoth-hanaubah, c’est-à-dire, les Sépulcres de concupiscence. Nous avons parlé de tous ces campements chacun sous son article particulier.

Ce fut à l’occasion de l’arrivée de Séphora au camp, qu’Aaron et Marie sa sœur parlèrent contre Moïse (Nombres 12.1-3), à cause de sa femme, qui était éthiopienne, en disant : Le Seigneur n’a-t-il parlé que par le seul Moïse ? Ne nous a-t-il pas aussi parlé comme à lui ? Nous ne savons pas le détail de cettedispute, ni la cause qui la fit naltre : mais l’Écriture nous dit que le Seigneur prit la défense de Moïse, qui était le plus doux de tous les hommes ; et qu’étant descendu dans la colonne de nuée, il parla à Marie et à Aaron à la porte du tabernacle, et leur dit : S’il se trouve parmi vous un prophète, je lui apparaîrai en vision, ou je lui parlerai en songe. Mais il n’en est pas ainsi de Moïse mon serviteur. Je lui parle bouche à bouche, et il voit le Seigneur clairement et sans énigmes. Pourquoi donc n’avez-vous pas craint de parler contre lui ? En même temps la colonne de nuée se retira, et Marie parut toute couverte de lèpre. Aaron, l’ayant vue dans cet état, eut recours à la clémence de Moïse qui cria aussitôt au Seigneur. Mais le Seigneur lui dit : Si son père lui avait craché au visage, ne serait-elle pas obligée de demeurer au moins sept jours chargée de confusion ? Qu’elle demeure donc hors du camp pendant sept jours : et après cela, on la fera revenir. Voyez Marie.

On ignore si ce fut avant ou après l’arrivée des Hébreux à Cadès-barné, qu’arriva la sédition de Coré, Dathan et Abiron (Nombres 16.1-3). Nous la placerons ici, pour raconter après, sans interruption, ce qui arriva après le campement de Cadès-barné. Coré était de la tribu de Lévi, aussi bien que Moïse et Aaron. Dathan, Abiron et Hon étaient de celle de Ruben.

Mécontents de ce que Moïse et Aaron partageaient entre eux tous les honneurs de la république, ils s’élevèrent contre eux avec deux cent cinquante hommes des premiers du peuple. Ils dirent à Moïse : Qu’il vous suffise que tout le peuple est un peuple de saints ; pourquoi vous élevez-vous sur le peuple du Seigneur ? Moïse ayant ouï cela, se prosterna le visage contre terre, et leur dit : Demain au matin le Seigneur fera connaître qui sont ceux qui sont à lui. Que chacun de vous prenne son encensoir et se présente demain devant le Seigneur ; et le Seigneur fera voir qui sont ceux qu’il a choisis.Quantà Dathan et Abiron, Moïse tes ayant envoyé chercher, ils répondirent : Nous n’irons point. N’est-ce pas assez que vous nous ayez tirés d’une terre où coulaient des ruisseaux de lait et de miel, pour nous faire périr dans ce désert ? Voulez-vous encore nous arracher les yeux ? Nous n’irons point.

Le lendemain Moïse ayant assemblé tout le peuple à l’entrée du tabernacle, la gloire du Seigneur apparut ; et le Seigneur dit à Moïse et à Aaron : Séparez-vous du milieu de cette assemblée, afin que je les extermine tout d’un coup. Moïse et Aaron s’étant jetés le visage coutre terre, lui dirent : Seigneur Dieu, votre colère éclatera-t-elle contre tous, pour le péché d’un seul ? Et le Seigneur leur dit : Que tout le peuple se sépare des tentes de Coré, de Dathan et d’Abiron. Le peuple s’étant retiré, Moïse dit : Si ces gens-ci meurent d’une mort ordinaire, ce n’est point le Seigneur qui m’a envoyé : mais si la terre s’ouvre pour les engloutir, vous connaîtrez qu’ils ont blasphémé contre le Seigneur. Aussitôt qu’il eut cessé de parler, la terre s’ouvrit sous leurs pieds, et ils furent engloutis avec leurs tentes et tant ce qu’ils avaient. En même temps un feu sortit du Seigneur, fit mourir les deux cent cinquante hommes du parti de Coré, qui étaient là avec leurs encensoirs. Alors Moïse fit prendre tous ces encensoirs, qui étaient de cuivre, et les ayant réduits en lames, les fit attacher à l’autel des holocaustes, afin d’y servir de monument de ce qui était arrivé. Le lendemain le peuple commença à murmurer contre Moïse, à cause de la mort de tant d’hommes. Mais le Seigneur fit soudain sortir un feu, qui prit dans le camp, et qui l’aurait consumé entièrement, si Moïse n’y eût promptement envoyé Aaron avec son encensoir. Ce grand prêtre se mettant entre les vivants et les morts, offrit l’encens, et pria le Seigneur, et la plaie ccssa. Il y eut dans cette occasion quatorze mille sept cents hommes de brûlés, sans ceux qui étaient péris dans la sédition de Coré. Après cela, le Seigneur confirma encore le sacerdoce à Aaron, par le moyen de sa verge, qui fleurit (Nombres 17), comme on le peut voir dans l’article d’Aaron. [Voyez Core et Aaron].

Des Sépulcres de concupiscence, le peuple alla à Hazéroth, de là à Cadès-barné (Nombres 32.8-9, Deutéronome 1.22-23, Nombres 13.1-2), où il demeura assez longtemps. Alors Moïse envoya par l’ordre de Dieu, et avec l’agrément du peuple, douze hommes choisis, pour faire la visite de la terre de Chanaan. Ces hommes furent quarante jours à leur voyage. À leur retour, ils rapportèrent des fruits d’une grosseur et d’une beauté tout extraordinaires ; entre antres, un raisin si gros, qu’ils le portaient à deux. Étant arrivés au camp, ils déclarèrent qu’à la vérité le pays qu’ils avaient vu, était d’une beauté et d’une fertilité admirables ; mais qu’il était rempli de villes très-fortes, et peuplé d’hommes d’une taille gigantesque ; et qu’il n’y avait aucune apparence qu’ils en pussent faire la conquête. À ces mots tout le peuple se mutina. Josué et Caleb, qui avaient été du nombre des envoyés, s’opposèrent inutilement au torrent de la multitude. Elle voulait s’en retourner en Égypte. Le Seigneur en colère menaça de faire périr tout le peu-pie. Moïse l’apaisa par ses prières : mais il ne put empêcher que Dieu ne condamnât tous ces murmurateurs, depuis l’âge de vingt ans et au-dessus, à mourir dans le désert. Les dix envoyés, auteurs du murmure, furent punis d’une mort subite : mais Josué et Caleb furent conservés, et Dieu leur promit qu’ils seraient les seuls de toute cette multitude, qui entreraient dans la Terre promise.

Le peuple, ayant voulu, contre l’ordre de Moïse, forcer les passages, pour entrer dans la terre de Chanaan (Nombres 14.40-45), fut repoussé par les Amalécites et par les chananéens. Après avoir demeura assez longtemps à Cadès, ils en décampèrent et retournèrent en arrière vers la mer Rouge, à Aziongaber. Moïse compte ces dix-huit campements entre Cadès et Aziongaber (Nombres 33.18-19) : 1. Rethma. 2. Remnompharez. 3. Lebna. 4. Ressa. 5. Céélata. 6. Le mont Sépher. 7. Arada. 8. Maceloth. 9. Tahat. 10. Tharé. 11. Methca. 12. Hesmona. 13. Moséroth. 14, Bené-Jacan. 15. Gadgad. 16. Jéthébata. 17. Hébrona. 18. Aziongaber. On peut voir tous ces campements chacun dans son article. [Voyez auparavant l’article Marches et campements]. D’Aziongaber ils revinrent à Cadès, peut-être par le même chemin. Ils furent trente-huit ans à ce voyage. Étant à Cadès, Marie, sœur de Moïse, y mourut (Nombres 21.1). Dans le même campement, le peuple étant tombé dans le murmure, à cause qu’il manquait d’eau (Nombres 20.2-23), Moïse et Aaron leur en firent sortir d’un rocher. Mais parce qu’ils témoignèrent quelque défiance, le Seigneur les condamna à mourir dans le désert, sans avoir la consolation d’entrer dans la terre promise. Ce qui fut cause que l’on donna à ce campement le nom de Mériba ou les Eaux de Contradiction.

Alors Moïse envoya des ambassadeurs aux rois d’Édom et de Moab (Nombres 21.14, Deutéronome 2.4-6, Juges 11.17) pour les prier de permettre au peuple le passage par leurs terres : mais ils le refusèrent et menacèrent de venir en armes pour s’y opposer ; ce qui obligea les Israélites de faire un détour dans le désert, pour ne pas entrer dans le pays de ces peuples, que le Seigneur ne voulait pas qu’ils attaquassent. Ils allèrent au mont Bor, où Aaron mourut âgé de cent vingt-trois ans (Nombres 20.23-24). De là ils allèrent à Salmona (Nombres 33.4), où l’on croit que Moïse érigea le serpent d’airain, pour guérir ceux qui étaient mordus par des serpents ailés (Nombres 21.6), qui vinrent fondre sur leur camp. Voyez Serpent D’airain, ou Serpents. De Selmona ils allèrent à Phunon ; de Phunon, à Oboth ; de là, à Jéabarim ; puis au torrent de Zared ; de là, aux hauteurs du torrent d’Amnon, à Maihana, à Nahaliel, à Dibongadà Helmon deblataim, au mont Phasga, au désert de Kédémoth. De là ils envoyèrent des ambassadeurs à Séhon, roi des Amorrhéens, pour lui demander passage sur ses terres. Mais l’ayant refusé, Moïse lui livra la bataille, le vainquit et prit tout son pays (Nombres 21.31, Deutéronome 2.24-36). Quelque temps après, Og, roi de Basan, marcha contre Moïse et lui livra la bataille, qu’il perdit (Deutéronome 3.1-11 Nombres 21.33-35) ; et Moïse se rendit maître de tout le pays qui lui obéissait.

Moïse vint ensuite camper dans les plaines de Moab, à Séthim (Nombres 33.48-49), où les Israélites demeurèrent jusqu’à ce qu’ils en sortirent pour passer le Jourdain, sous la conduite de Josué. Pendant qu’ils étaient dans ce campement, Balac, roi de Moab, envoya quérir le devin Balaam, pour maudire les Israélites. Le devin, leur ayant, contre son intention, donné des bénédictions, au lieu de malédictions, lui inspira à la fin un conseil pernicieux, qui fut de les faire tomber dans l’idolà trie et dans la fornication, en envoyant dans leur camp des filles de Madian. Ce mauvais conseil fut suivi. Mais Moïse en arrêta les suites et les mauvais effets, en faisant mourir ceux qui s’étaient abandonnés au culte de Béelphégor (Nombres 25.4-5,9) ; et le Seigneur en fit mourir ce jour-là jusqu’à vingt-trois mille (1 Corinthiens 10.8), outre mille autres que l’on avait exécutés par la sentence des juges. Ce fut dans cette occasion que Phinéès, fils du grand prêtre Eléazar, signala son zèle pour le Seigneur. Voyez Phinées.

Après cela, le Seigneur ordonna à Moïse de faire la guerre aux Madianites, qui avaient envoyé leurs filles avec celles de Moab, pour engager les Israélites dans le crime. Phinéès fut choisi pour chef de cette expédition. Moïse lui donna douze mille hommes de troupes choisies. Il défit les Madianites, tua tous les mâles qu’il trouva dans leur pays, fit mourir cinq de leurs princes, avec le méchant devin Balaam, qui était la première cause de tout le mal (Nombres 24.25). Voyez Balaam. Les tribus de Ruben, de Gad et la demi-tribu de Manassé ayant demandé à Moïse qu’il leur accordât pour leur partage les terres qu’il avait conquises sur les Amorrhéens, Moïse les leur donna (Nombres 32 ; Deutéronome 3.12 ; 31.1-8) à condition qu’ils viendraient avec leurs frères au delà du Jourdain, pour leur aider à faire la conquête des pays possédés par les chananéens.

Le premier jour de l’onzième mois de la quarantième année après la sortie d’Égypte (Deutéronome 1), Moïse étant dans les campagnes de Moab, et sachant qu’il ne passerait pas le Jourdain, et que sa dernière heure n’était pas éloignée, fit un long discours au peuple, qui est comme la récapitulation de tout ce qu’il avait fait et de tout ce qui était arrivé depuis la sortie d’Égypte. Il y répéta certaines lois, renouvela avec les anciens d’Israël l’alliance qu’ils avaient faite avec le Seigneur, leur proposa les biens qui seront la récompense des Israélites fidèles, et les maux dont seront punis les prévaricateurs ; mit entre les mains des prêtres et des anciens du peuple une copie de la loi, avec ordre d’en faire la lecture solennellement dans l’assemblée générale de la nation, toutes les septièmes années. Enfin il composa un excellent cantique, qui est comme une prophétie de ce qui devait arriver à Israël (Deutéronome 32). Il invective contre leurs infidélités futures, et les menace de tous les maux qui leur sont arrivés dans la suite des siècles. Enfin un peu avant sa mort (Deutéronome 33) il donna à chacune des tribus une bénédiction particulière, dans laquelle il, mêle diverses prédictions prophétiques. La tribu de Siméon ne s’y trouve pas mentionnée, pour des raisons qui nous sont inconnues.

Enfin le Seigneur ordonna à Moïse, au commencement du douzième mois, de monter sur le mont Nébo (Deutéronome 34.1-3), d’où il lui fit voir tout le pays de deçà et delà le Jourdain ; et il lui dit : Voilà le pays que j’ai promis à vos pères. Vous le verrez ; mais vous n’y entrerez point. Moïse, serviteur du Seigneur, mourut dans ce lieu de la terre de Moab, selon l’ordre du Seigneur ; et il le fit enterrer dans la vallée du pays de Moab, vis-à-vis Phogor ; et nul homme jusqu’aujourd’hui n’a connu le lieu où il a été enseveli. Il avait six vingts ans, lorsqu’il mourut. Sa vue ne baissa point, et ses dents ne furent pas ébranlées. Les enfants d’Israël le pleurèrent dans la plaine de Moab pendant trente jours. Voici ce que l’Écriture nous apprend de la mort de Moïse.

Elle ajoute : Il ne s’éleva plus dans Israël de prophète semblable à lui, que le Seigneur connût face à face, ni qui ait fait des miracles, comme le Seigneur en fit par Moïse dans l’Égypte, ni qui ait agi avec tant de pouvoir, ni qui ait fait des aurores aussi merveilleuses qu’il en a fait aux yeux de tout Israël.

Toute l’Écriture est remplie des éloges de ce grand homme ; et voici comme en parle Jésus, fils de Sirach, auteur de l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 45.1-3) : « Moïse a été aimé de Dieu et des hummes, et sa mémoire est en bénédiction. Le Seigneur lui a donné une gloire égale à celle des saints ; il l’a rendu grand et redoutable à ses ennemis, et il a fait cesser les prodiges par ses paroles (lorsque dans l’Égypte, il a, pour ainsi dire, arrêté le bras de Dieu, arrêtant le cours des dix plaies, lorsqu’il l’a jugé à propos). Dieu l’a élevé eu honneur devant les rois ; il lui a prescrit ses ordonnances devant son peuple, et lui a fait voir sa gloire ; il lui a donné les dons de la foi et de la douceur, et l’a choisi d’entre les hommes. Dieu l’a écouté, et l’a fait entrer dans la nuée ; il lui a donné ses préceptes devant tout son peuple, et la loi de vie et de science, pour apprendre son alliance à Jacob et ses ordonnances à Israël. »

Moïse est le plus ancien auteur dont il nous reste des ouvrages authentiques. Il nous a laissé le Pentateuque, c’est-à-dire, les cinq premiers livres de l’Ancien Testament, qui sont la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome, dont nous avons parlé sous leurs titres. Ces livres, apparemment, n’étaient pas séparés au commencement comme ils le sont aujourd’hui. Moïse n’avait composé qu’un seul ouvrage, dont les lois étaient comme le corps, et la Genèse comme la préface. Dans la suite on les a partagés pour la facilité des lecteurs. Ces livres sont reconnus pour inspirés et authentiques d’un commun consentement, par les Juifs et par toutes les Églises chrétiennes, même celles qui sont séparées de la communion de l’Église romaine. On a formé quelques difficultés sur l’auteur de ces livres, parce que l’on y a remarqué quelques traits et quelques termes, qui ne paraissent pas convenir à Moïse. Et il faut avouer que l’on y a fait en effet quelques légères additions mais ces additions n’y changent rien pour le sens ; elles n’y sont mises que pour un plus grand éclaircissement ; et ce serait outrer la matière, que d’en conclure que Moïse n’en est point le premier auteur.

Outre le Pentateuque, les Juifs attribuent aussi à Moïse onze psaumes.

1. Savoir, le 89, Domine, refugium factus es nobis, etc.

2. Le XC, qui commence par : Qui habitat in adjutorio Altissimi, etc.

3. Le XCI, Bonum est confiteri Domino, etc.

4. Le XCII, Dominus regnavit, decorem indutus est, etc.

5. Le XCIII, Deus ultionum Dominus, etc.

6. Le XCIV, Venite, exultemus Domino, etc.

7. Le XCV, Cantate Domino canticum novum ; cantate Domino, omnis terra.

8. Le XCVI, Dominus regnavit ; exsultet terra, etc.

9. Le XCVII, Cantate Domino canticum novum, quia mirabilia fecit, etc.

10. Le XCVIII, Dominus regnavit, irascantur populi, etc.

11, Le XCIX, Jubilate Deo, omnis terra ; servile Domino in loetitia, etc.

Mais on n’a aucune bonne preuve que ces psaumes soient véritablement de Moïse. La preuve tirée du titre du psaume 89, qui porte : Oratio Moysi hominis Dei, que l’on veut qui s’étende sur les dix psaumes suivants, ne suffit pas pour les attribuer à ce législateur. On sait que la plupart des titres des psaumes ne sont pas originaux ni bien anciens ; qu’il y en a même de mal placés. De plus on trouve dans ces psaumes des noms de personnes, et d’autres caractères qui ne conviennent point à Moïse. Nous croyons, avec d’habiles interprètes, que le nom de Moïse marque peut-être que ces psaumes furent composés par quelques lévites descendants de Moïse ; ou qu’ayant été écrits par quelque prophète, ils furent donnés à chanter à la bande de musiciens de la race de Moïse. Voyez notre préface sur le psaume 89.

Quelques anciens ont cru que Moïse avait composé le livre de Job. Origène prétend qu’il le traduisit simplement de syriaque en hébreu. Mais ce sentiment n’est reçu ni des Juifs ni des chrétiens ; et s’il était vraiment de Moïse, les Juifs l’auraient-ils séparé du Pentateuque ? On cite aussi une Apocalypse, ou Révélation de Moïse, une Petite Genèse, une Ascension de Moïse, une Assomption de Moïse, le Testament de Moïse, les Livres mystérieux de Moïse, qui sont cités par quelques anciens, et dont on trouve des passages dans leurs ouvrages. On croit que saint Paul a tiré de l’Apocalypse de Moïse ces mots : Dans Jésus-Christ (Galates 5.6 ; 6.15) ni la circoncision, ni l’incirconcision ne servent de rien ; mais la foi qui est animée par la charité. Et encore : En Jésus-Christ la circoncision ne sert de rien, ni l’incirconcision ; mais l’être nouveau que Dieu crée en nous. On veut aussi que ce que saint Jude (Jude 5.9-10) a dit du combat de saint Michel contre le Dragon, à l’occasion du corps de Moïse, soit tiré de l’Assomption de Moïse. On peut voir sur ces livres apocryphes le recueil de M. Fabricius sur les livres apocryphes de l’Ancien Testament.

À l’égard de la mort et de la sépulture de Moïse, on forme sur cela de grandes difficultés. L’Écriture (Deutéronome 34.5-6) dit expressément qu’il est mort suivant l’ordre de Dieu. Mais comme l’Hébreu porte à la lettre, sur la bouche du Seigneur, les rabbins se sont imaginé que le Seigneur avait tiré son âme, par un baiser qu’il lui donna. On peut voir ce sentiment exprimé fort au long dans les livres que M. Gaulmin a publiés en hébreu et en latin, sous le titre de Petirath-Mosé. [Voyez Ange de mort]. D’autres ont sautenu qu’il n’était pas mort, et d’autres, sans nier sa mort, ont prétendu qu’il avait été transporté au ciel. Nos maîtres nous ont enseigné, dit Maimonides, que Moïse notre maître n’est pas mort ; mais qu’il est monté au ciel, et qu’il sert Dieu dans l’éternité. Josèphe dit qu’il disparut, mais que lui-même a écrit sa propre mort, de peur que les Juifs, éblouis de l’éclat de sa vertu, ne crussent qu’il était allé vers la Divinité (Joseph. Antiquités judaïques, 1. 4). Et comme personne n’a su où était son tombeau, et qu’il parut avec Élie dans la transfiguration de Jésus-Christ ; et qu’enfin saint Jude dit qu’il y eut une dispute entre le démon et saint Michel sur le sujet de son corps [Voyez Michel], on en a inféré, ou qu’il n’était point mort, ou qu’il était monté au ciel en corps et en âme. On peut voir sur la mort de Moïse la dissertation que nous avons mise à la tête de notre dernier tome sur le Nouveau Testament. Et à l’égard de son tombeau, que l’on prétendit avoir trouvé en l’an 1655, on peut voir la même dissertation, page 80, 81, et Hornius, Histoire ecclésiastique, n. 74, et Basnage, continuation de Josèphe, t. 1V, tome 6 chapitre 17, art. 13, édition Paris. ; enfin Bartolocci, Biblioth rabbinica, tome 3 page 513 et 928.

Les rabbins, dans le récit qu’ils font de la vie de Moïse, ne se contentent pas des merveilles que l’Écriture en raconte, ils enchérissent encore beaucoup sur cela. Ils disent, par exemple, qu’il naquit circoncis, que la fille de Pharaon, qui le trouva sur le bord du Nil, était lépreuse, et qu’aussitôt qu’elle eut touché le coffre où était renfermé cet enfant, elle fut guérie de sa lèpre. Bathia, c’est ainsi qu’ils appellent cette princesse, ayant porté Moïse, âgé de trois ans, à Pharaon, il prit la couronne du roi et se la mit sur la tête. Balaam, fameux devin, connu dans l’Écriture, étant alors à la cour, conseilla de faire mourir cet enfant. Mais les magiciens voulant essayer si Moïse avait fait cela avec connaissance, ou simplement par hasard, mirent devant lui des diamants et des charbons de feu. Moïse portait sa main aux diamants, mais l’ange Gabriel lui retira la main et la lui fit porter aux charbons de feu. Il les mit sur sa langue et se brûla, ce qui le fit bégayer le reste de sa vie. Cette action fut cause qu’on lui sauva la vie. Lorsque le meurtre qu’il avait fait d’un Égyptien fut connu de Pharaon, il le condamna à perdre la tête ; mais Dieu permit que son cou devint aussi dur qu’une colonne de marbre, et le contre-coup du sabre tua le bourreau. Moïse s’enfuit, et personne ne put l’arrêter, Pharaon étant devenu muet sur l’heure, et les autres assistants de même sourds, ou muets, ou aveugles.

Moïse se retira chez Korkon, roi d’Éthiopie, qui était alors en Arménie. Balaam s’étant aussi trouvé en Éthiopie, souleva le peuple contre son prince. Moïse prit la défense de Korkon. Il se mit à la tête de l’armée, assiègea Balaam dans la capitale d’Éthiopie. Ce magicien, pour rendre l’approche de la ville plus difficile, mil tout autour une infinité de serpents ; mais Moïse enchanta les serpents et se rendit maître de la ville. Il épousa la reine veuve du roi, qui était mort pendant la guerre, et régna quarante ans en Éthiopie. La reine se plaignit que Moïse ne la traitait pas comme sa femme ; le peuple se mutina, et Moïse fut contraint de se retirer chez Jéthro, où il trouva une fameuse verge, que Dieu avait d’abord créée pour Adam. Elle passa ensuite à Abraham, puis aux rois d’Égypte, à qui Jéthro la prit lorsqu’il se retira de leur cour. Il la planta dans son jardin, et promit sa fille à celui qui la pourrait arracher. Le nom de Dieu était gravé sur cette verge, et c’est ce qui la rendait miraculeuse. Il épousa Séphora, qui lui donna bientôt un fils. Mais Jéthro ayant stipulé que son premier enfant mâle ne serait point circoncis, Dieu envoya aussitôt deux anges qui engloutirent Moïse, en sorte qu’il n’en resta que les pieds ; mais aussitôt que Séphora eut donné la circoncision à son fias, Moïse fut garanti de ce danger.

Les Juifs racontent cent merveilles de la manière dont Moïse reçut la loi. Ce n’est pas assez dire, selon eux, qu’il monta sur le mont Sinaï ; ils veulent qu’il soit monté au ciel, et qu’étant arrivé au sommet de Sinaï, une nuée l’enleva et le porta dans le ciel. Il rencontra sur sa route l’ange Kémuel, chef de douze mille anges, qui voulut se joindre à lui ; mais en prononçant le nom de Dieu, composé de douze lettres, il le fit fuir à douze mille stades de là. Continuant son chemin, il trouva l’ange Adarniel qui lui fit grand’peur ; car cet ange avait une voix terrible, qu’il fit retentir dans les deux cent mille sphères environnées d’un feu blanc. Moïse, effrayé, voulait s’enfuir ; mais le Seigneur le rassura, et en prononçant le nom de Dieu, composé de soixante-douze lettres, il épouvanta à son tour l’ange, qui lui cria en s’enfuyant : Que vous êtes heureux, Moïse, de connaître ce que les anges ignorent ! Ils croient que les tables de la loi, sur lesquelles la loi fut écrite, étaient de saphir, et que Moïse s’enrichit seulement des morceaux qu’il tira de ces tables en les polissant (Exode 34,1). Ils disent de plus que Moïse fit mourir les complices de la révolte de Coré, en mettant dans leurs encensoirs un poison mortel dont la fumée les tua. Nous avons parlé plus haut de sa mort et des fables que les rabbins en content. Il faut voir les Pétirath-Mosé, publiées par M. Gaulmin et Sixte de Sienne, tome H, 1.5 annotations 59, 61, et 1. 6 annotion 91.

Ceux qui ont comparé l’histoire de Moïse à ce que l’histoire fabuleuse nous apprend de Bacchus, de Mercure et de Musée, y ont trouvé un grand nombre de caractères de ressemblance, qui ont fait juger que les païens avaient eu quelque idée de l’Histoire sainte, et qu’ils avaient fait honneur à leurs faux dieux de ce qui n’appartenait qu’à Moïse. On peut voir sur cette tullière M. Huet dans son ouvrage de la Démonstration évangélique. [Voyez Cham, Josué, Liber].

L’histoire de Moïse est si célèbre depuis plusieurs siècles dans presque tous les pays du monde, qu’il ne doit pas paraître étonnant que les écrivains de différentes nations en aient parlé chacun à sa manière. Les Orientaux, les anciens Grecs, les Égyptiens les Chaldéens, les Romains, ont tous ajouté à son histoire. Les uns ont exagéré les merveilles que l’Écriture nous raconte de sa vie ; les autres ont défiguré son histoire par des circonstances également fausses et humiliantes. Voici le précis de ce que les Orientaux ont dit de lui : Moïse naquit cinq cent six ans après le déluge, et perdit son père un mois après qu’il fut né. Valid, roi d’Égypte qui régnait alors, avait épousé Assiah, nièce d’Amram, père de Moïse, et cousine germaine de ce législateur. Cette alliance, qui procurait à Amram un grand crédit à la cour, ne put calmer les défiances que Nagiah, mère de Moïse, avait conçues de la haine de Pharaon Valid contre les Hébreux. Elle exposa son fils dans un petit coffre sur le Nil, et le coffre fut mené par le coulant de l’eau jusqu’au pied du palais du roi, où l’on prit l’enfant, et il fut nourri dans le palais.

Il y vécut jusqu’à l’âge de 44 ans. Alors, ayant tué un Égyptien, il fut obligé de se retirer dans le pays de Madian, où il épousa Séphora, fille de Schoaïb, ou Jéthro. Au bout de quelques années, il résolut de s’en retourner en Égypte. En chemin il trouva, sur le fleuve Aimon, une robe de prophète avec un bâton. Aussitôt qu’il se fut revêtu de la robe et qu’il eut pris le bâton, sa main devint blanche et brillante comme un astre. Dieu lui apparut et lui donna ses ordres pour tirer les Hébreux de l’Égypte. Les Arabes faisant allusion à cela, lorsqu’ils veulent marquer un homme miraculeux ou un médecin, par exemple, qui fait des cures extraordinaires, disent qu’il a la main blanche de Moïse, et le souffle du Messie.

Moïse parut devant Pharaon, et lui déclara les ordres de Dieu au sujet des Israélites. Le roi lui demanda des prodiges ; car, dit-il, les lettres de créance des prophètes sont les miracles. Moïse jeta son bâton par terre, qui fut aussitôt changé en un dragon épouvantable qui ouvrant la gueule et regardant fixement le roi, répandit la frayeur dans son âme et lui fit prendre la fuite. Il pria Moïse de faire retirer ce serpent. Il le prit et il devint un bâton comme auparavant. Pharaon lui demanda ensuite d’autres miracles. Moïse lui ayant montré sa main qui était brune comme le reste du corps, après l’avoir mise sous son aisselle, il la retira aussi blanche que la neige et aussi claire qu’un astre. Les Orientaux ajoutent beaucoup de particularités à ce que l’Écriture nous apprend des magiciens de Pharaon que l’on peut voir sous le nom de Jannès et Mambrès.

Les auteurs grecs et latins ont pris le contre-pied de ceux dont on vient de parler ; les Juifs et les Orientaux, pour l’ordinaire, ont augmenté le nombre des miracles, et ont exagéré les belles actions de Moïse ; les autres les ont exténuées ou rendues douteuses par leurs récits mêlés de fables. Par exemple, Manéthon dit que Moïse ait un prêtre d’Héliopolis, nommé Osarsiph, qui, s’étant mis à la tête d’une troupe de lépreux et d’hommes souillés, dont le roi Aménophis avait voulu purger ses États, se révolta contre le roi d’Égypte, et se fortifia avec ses gens dans la ville d’Avaris ou de Typhon. Ce nouveau chef commença par faire jurer les siens qu’ils lui obéiraient fidèlement ; puis il leur donna des lois qui consistaient à ne pas adorer les dieux, à ne pas s’abstenir des animaux qui passent pour sacrés dans l’Égypte, et à ne s’allier avec aucun autre peuple qu’avec ceux qui voudraient entrer dans leur parti. Après cela, Osarsiph changea de nom et se fit appeler Moïse.

Il envoya des ambassadeurs aux pasteurs que le roi Themutis avait chassés de l’Égypte, et qui s’étaient retirés à Jérusalem pour leur persuader d’entrer dans son complot, et de venir joindre leurs forces aux siennes coutre le roi Aménophis ; les pasteurs, ravis de cette invitation, se rendirent en diligence au nombre de deux cent mille hommes dans la ville d’Avaris. Le roi Aménophis ramassa une armée de trois cent mille hommes, et, au lieu de combattre les rebelles, se retira en Éthiopie, où il trouva un asile, parce que le roi du pays était dans son alliance. Les rebelles ne craignant plus rien, se répandirent dans toute l’Égypte, et y exercèrent mille cruautés non-seulement contre les hommes, mais aussi contre les animaux sacrés, brûlant, détruisant, tuant, saccageant partout. Au bout de treize ans, le roi Aménophis ayant joint ses troupes avec celles du roi d’Éthiopie, vint fondre sur les rebelles, et les chassa jusqu’aux frontières de Syrie. Voilà comme Manéthon racontait l’histoire de Moïse.

Justin n’en était pas mieux informé ; il dit que Joseph, ayant été vendu par ses frères et conduit en Égypte, s’insinua bientôt dans l’amitié du roi par la magie dans laquelle il était devenu très-savant. Il avait, outre cela, le don d’expliquer les songes, et, sans lui, toute l’Égypte serait morte de faim ; car il prédit une grande famine, dont on évita les suites en ramassant par son conseil, plusieurs années auparavant, les blés qui se trouvèrent dans le pays. Moïse fut son fils et l’héritier de ses secrets ; outre sa science, il était encore recommandable par une beauté extraordinaire. Mais les Égyptiens étant incommodés de la lèpre, et craignant que le mal ne se communiquât plus avant, consultèrent les dieux, qui ordonnèrent de chasser du pays tous ceux qui étaient attaqués de ce mal. On chassa donc Moïse et tous les autres lépreux ; en partant, ils volèrent les dieux des Égyptiens. Ceux-ci, voulant les ravoir, poursuivirent les lépreux en armes ; mais ils furent obligés par des tempêtes de retourner dans leurs maisons.

Moïse donc s’étant mis à la tête de ces exilés, les conduisit dans le pays de Damas, l’ancienne patrie de leurs ancêtres, Abraham et Israël ; il se rendit maître du mont Sina, après sept jours de Marche et de jeûne ; c’est en mémoire de ce septième jour, qu’ils observent le repos du sabbat, et qu’ils consacrent au jeûne le même jour. Et, de peur que la lèpre dont ils étaient attaqués ne les rendit odieux aux habitants du pays, ils résolurent de n’avoir commerce avec aucune autre nation, ce qui peu à peu est devenu un point de leur religion. Après Moïse, Arrat, son fils, qui était prêtre des dieux égyptiens, fut créé roi des Juifs, et depuis ce temps la royauté et la prêtrise ont toujours été réunies dans la même personne. Voilà ce que Trogus, dont Justin a abrégé l’histoire, racontait de Moïse. Il y a là presque autant de fautes que de mots. On peut voir, sous le nom de Jules, quelques autres passages des anciens, qui parlent de Moïse et de l’origine des Hébreux.

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