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Ou Phoenix, oiseau rare et unique dans son espèce, dont on raconte plusieurs choses merveilleuses. On dit qu’il vit plusieurs siècles, et qu’il revit de ses propres cendres. Les rabbins enseignent que tous les oiseaux ayant obéi à la femme, et ayant mangé avec elle du fruit défendu, le phénix seul n’en voulut point manger ; d’où vient qu’il demeura en quelque sorte immortel : car au bout de mille ans, il sort de son nid un feu qui brûle le phénix, mais en telle sorte, qu’il en demeure comme un œuf, d’où cet oiseau se reproduit et ressuscite. D’autres disent qu’étant arrivé à l’âge de mille ans il se dépouille de ses plumes, et meurt de pure défaillance ; mais bientôt après il se reproduit de son propre corps, et retourne à la vie.
D’autres rabbins ajoutent que cet oiseau étant dans l’arche avec Noé, et n’ayant osé, par respect pour le patriarche, lui demander à manger avec les autres oiseaux, Noé lui dit : Je prie Dieu que tu ne meures point ; et il répondit : Je mourrai dans mon nid, et je vivrai aussi longtemps que le phénix (Job 29.18). Nous examinerons ci-après ce passage ; il suffit de remarquer ici que les rabbins l’expliquent du phénix.
Les naturalistes qui ont parlé de cet oiseau en disent des choses tout à fait incroyables. C’est, disent-ils, un oiseau de la grandeur de l’aigle, qui a la tête timbrée d’un panache exquis, qui a les plumes du cou dorées, et celles de la queue pourprées, mêlées de pannes incarnates. Il a les yeux étincelants comme deux étoiles. On assure qu’il n’y en a jamais qu’un dans le monde. Il vit, selon les uns, cinq cents ans, selon les autres, mille ans. Chérémon, dans Tzelzès, lui donne sept mille ans de vie. Pline ne lui en donne que six cent soixante, ou même cinq cent soixante, ou cinq cent vingt et un ; car ses exemplaires ne sont pas uniformes : Solin, cinq cent quarante. Hésiode dit que le phénix vit autant que neuf corbeaux, et le corbeau autant que neuf hommes, ou que neuf générations d’hommes.
Tacite dit qu’il y en a qui le font vivre jusqu’à quatorze cent soixante ans ; mais que pour l’ordinaire on ne croit pas qu’il aille au delà de cinq cents ans ; qu’enfin son âge est incertain. On racontait de son temps que le premier qu’on eût vu en Égypte avait paru sous Sésostris, le second sous Amasis, et le troisième sous Ptolémée Èvergètes, ou le Bienfaisant. Pline dit qu’on apporta à Rome un phénix sous le règne de l’empereur Claude, l’an 800 de la fondation de Rome, qu’on le fit voir dans l’assemblée du sénat, et qu’on marqua cet événement dans les actes publics ; mais, ajoute Pline, personne ne douta qu’il ne fût faux.
Quant à la manière dont il finit sa vie, les auteurs ne sont point d’accord sur ce fait non plus que sur son âge. On dit que quand il sent approcher le temps de son renouvellement, il se construit un bûcher de branches d’arbres odorants, sur lequel il se place pour mourir. De ses os et de sa moelle il naît d’abord un ver, qui en croissant prend la forme d’un oiseau. Et étant devenu grand, il se charge des cendres de son père, et les porte dans l’Arménie ou dans l’Arabie sur l’autel du Soleil. Hérodote dit qu’il porte le corps de son père dans une pelote de myrrhe, qu’il dépose dans le temple du Soleil à Héliopolis en Égypte.
Les Pères ont souvent employé la comparaison du phénix pour prouver la résurrection future. Quelques-uns parlent avec doute sur ce qu’on racontait du phénix. D’autres en parlent comme étant très-persuadés. On a des lettres du roi d’Éthiopie qui écrivait à un pape que le phénix naissait dans son propre royaume ; et on raconte que le pape Clément VIII envoya, comme un grand présent, à la reine Élisabeth une prétendue plume de phénix. Mais les plus éclairés sont persuadés que tout ce que l’on avance du phénix est entièrement fabuleux. On peut voir Bochart, de Animal sacr., pageu, 56, chapitre 5 et notre dissertation sur ce passage de Job, 29.18 : imprimée à la tête du commentaire sur le livre de Job.
Les Septante interprètes, en deux endroits, ont employé le nom de phénix dans le sens de l’oiseau dont nous parlons, si l’on en croit quelques interprètes. D’autres soutiennent au contraire qu’en l’un et en l’autre endroit ils ont entendu le palmier, nommé phoinix en grec. Voici les deux passages (Psaumes 91.13) : Le juste fleurira comme le phénix ; et Job (Job 29.18) : Je mourrai dans mon nid, et je multiplierai mes jours comme le phénix.
Tertullien et saint Épiphane expliquent du phénix le premier passage. Bède et plusieurs rabbins entendent du même oiseau le passage de Job que l’on vient de citer. Mais, pour le premier, il ne faut que jeter les yeux sur l’Hébreu pour se convaincre qu’il veut marquer un palmier. Le terme Thamar n’est point équivoque ; on sait qu’il signifie un palmier en hébreu, de même que phoinix en grec. Le terme hébreu chul ou chol, que les Septante ont rendu par phénix, est plus incertain. Plusieurs rabbins croient qu’il marque un oiseau. Mais on sait que chol en hébreu et dans les langues orientales qui y ont du rapport signifie du sable. La similitude prise de la multitude des jours comparée au sable est expressive et commune dans l’Écriture. Les plus habiles interprètes, le Chaldéen, le Syriaque, l’Arabe, Montan, Pagnin, Munster, Castalion, Junius, Mercer, Vatable, Codurque et une infinité d’autres l’entendent en ce sens. Les Septante même l’insinuent, en traduisant : Mon âge vieillira comme le rejeton du palmier ; car que voudrait dire, le rejeton du phénix ?
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