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Pemier fils d’Adam et d’Ève. Il naquit sur la fin de la première année de la création du monde (Ce n’est qu’une conjecture). On croit qu’Ève produisit en même temps une fille, sœur de Caïn, laquelle est appelée, par les uns, Catmana, et par les autres, Azura ou Azrun. Mais l’Écriture n’en parle point.
Lorsque Caïn fut grand, il s’appliqua à l’agriculture (Genèse 4.2), et Abel son frère, s’occupa à faire paître des troupeaux. Un jour Caïn, ayant offert au Seigneur les prémices de son travail, et Abel, des graisses ou le lait de son troupeau, Dieu marqua par quelque signe sensible que les offrandes d’Abel lui étaient agréables, et non pas celles de Caïn [Voila deux actes de culte. Ils ne sont pas sans doute les premiers : Caïn et Abel suivaient en cela l’exemple de leurs parents. Mais ces deux-là sont mentionnés, parce qu’il y a entre eux une différence dont il n’a pas plu à Dieu de nous révéler l’importance. Peut-être Caïn introduisait-il un changement dans le culte : cette raison, en ce cas, n’eût-elle pas suffi, pour que Dieu n’agréât pas son offrande ? Nous le croyons (Voyez alliance, note). Si nous ne pouvons que soupçonner pourquoi Dieu vit une si grande différence entre ces deux actes de culte, nous savons du moins que cette différence existe, de manière à nous faire comprendre que nous ne sommes pas libres de rendre à Dieu le culte que nous voulons, et que nous sommes tenus de lui rendre celui qui lui plait]
Cela mit Caïn dans une telle colère et le piqua d’une telle jalousie, que son visage en fut tout changé. [Le monde était déjà ce monde]. Alors le Seigneur lui dit : Pourquoi êtes-vous fâché et pourquoi votre visage est-il abattu ? Si vous faites bien, n’en recevrez-vous pas la récompense ? et si vous faites mal, la peine ne suivra-t-elle pas votre péché ? Abel vous demeurera assujetti, vous, en qualité de premier-né, vous le dominerez [Dom Calmet donne ici une traduction d’une partie du chapitre 4 de la Genèse ; mais ce passage : Abel vous demeurera assujetti, et vous, en qualité de premier-né, vous le dominerez, exprime une idée qui n’est ni dans l’original, ni dans aucune version, du moins à ma connaissance ; et, de plus, il fait disparaître un des monuments d’une vérité catholique. C’est Calvin qui a imaginé cette fausse interprétation du texte sacré, pour ne pas admettre le libre arbitre de l’homme].
Mais Caïn, se laissant aller à sa jalousie, dit à son frère : Allons aux champs ; et, lorsqu’ils y furent, il s’éleva contre lui et le tua [Suivant le Targum ou la paraphrase de Jérusalem, il y eut dans les champs une conversation entre Caïn et Abel dans laquelle le premier dit à l’autre qu’il n’y a ni jugement à venir, ni récompenses pour les justes, ni châtiment pour les méchants, ni intelligence dans le monde, attendu que son oblation n’avait pas été agréée. Abel soutint le contraire, et ainsi commença la querelle].
Alors le Seigneur dit à Caïn : Où est Abel, votre frère ? Caïn répondit : Je ne sais ; suis-je le gardien de mon frère ? Dieu lui dit : Qu’avez-vous fait ? la voix du sang de votre frère crie vers moi de la terre où vous l’avez versé. Mais, à présent, vous serez maudit sur la terre, qui a ouvert sa bouche et a reçu le sang de votre frère, que vous avez répandu. Lorsque vous la cultiverez, elle ne vous donnera pas son fruit : vous serez errant et vagabond dans le monde. Caïn répondit : Mon iniquité est trop grande pour espérer d’en recevoir le pardon. Vous me chassez aujourd’hui de votre présence, et je serai errant sur la terre, en sorte que quiconque me trouvera me fera mourir. Il n’en sera point ainsi, dit le Seigneur ; mais celui qui tuera Caïn, sera puni sept fois [Par ces paroles, Dieu nous fait comprendre qu’à lui seul appartient la vengeance ; il inflige une peine à quiconque, de son autorité privée, punirait un coupable. La société elle-même n’a le droit de punir que parce que Dieu le lui a donné, dans de certaines limites, et elle ne peut l’exercer que suivant certaines règles].
Et le Seigneur mit un signe sur Caïn afin que quiconque le trouverait ne le tuât point (Genèse 4.25) [On est tort partagé sur ce signe. Les uns veulent que Dieu lui fit naître une corne sur le front ; d’autres qu’il y grava une lettre ; par exemple, la première lettre du nom de Caïn d’autres que Dieu lui imprima un tremblement de tous ses membres, qui marquait sa mauvaise conscience et le remords de son crime. Ce dernier sens est le plus suivi parmi les Pères. Les Rabbins lui donnent un chien qui aboyait continuellement devant lui].
Caïn craignait le ressentiment des enfants d’Abel et de ses autres frères et parents. Il appréhendait qu’ils ne le poursuivissent et ne le tuassent, à moins qu’il ne se retirât loin d’eux, qu’il ne pût jamais tomber entre leurs mains. Car en ce temps-là, et encore long-temps depuis, on se croyait obligé de venger la mort de ses proches, et on s’en faisait un devoir réel. La loi avait ordonné des villes de refuge pour les meurtriers involontaires, tolérant en quelque sorte la vengeance dans les autres cas [Dom Cabinet dit : Car en ce temps-là… on se croyait obligé, etc. ; mais en ce temps-là aucun homicide n’avait été commis : celui dont Caïn se rendit coupable est le premier. Ce n’est donc qu’à l’occasion de ce crime, en ce temps où il n’y avait pas de tribunaux, que les parents de la victime se crurent obligés de la venger. « À Choa, disent MM. Combes et Tamisier, les homicides, reconnus coupables, sont livrés à la famille de la victime, qui se fait elle-même justice ; il n’y a pas, en Abyssinie, de bourreau en titre, et les parents du mort remplissent toujours cet office, qui n’est pas plus déshonorant pour eux que le rôle des soldats qui fusillent un de leurs camarades ; ils sont ordinairement au nombre de six, et si les divers membres de la famille ne suffisent pas, le roi désigne alors ceux de ses hommes qui doivent se joindre à eux. » Voyage en Abyssinie, Paris, 1843, tome Ill, page 7].
Caïn sortit donc de devant la face du Seigneur,
[Le tempérament de justice et de grâce que Dieu avait pris pour contenir les hommes dans l’obéissance, par la foi d’un Sauveur (Voyez alliance, note), ne réussit pas à l’égard de Caïn, dit un auteur. Ce furieux trempe ses mains dans le sang de son frère, et marque l’ouverture du genre humain par l’un des plus grands crimes que les hommes puissent commettre. Le dépit de ce que son sacrifice avait moins plu que celui d’Abel lui fournit le prétexte de cette barbarie. Peut-être en conclut-il qu’il n’était pas lui-même la semence promise ; ou qu’elle ne sortirait point de sa race, et que son ressentiment lui représenta tout permis contre un frère qui semblait le priver d’une si glorieuse espérance. Quelqu’en fut le motif, l’action était certainement à tous égards des plus noires, et les circonstances mêmes demandaient qu’elle fût punie d’une façon exemplaire. Cependant le coupable, qui craint avec raison une mort violente, en est garanti par Dieu lui-même. On s’en étonne, et quel est pourtant ici le sujet de surprise ? Caïn n’en est pas moins mortel dans le cours de la nature et dans les suites de la sentence prononcée contre le péché. Le délai de ce châtiment général est-il donc une grâce pour lui ? Point du tout : c’est plutôt le contraire, si l’on fait attention que Dieu ne lui laisse la vie que pour la passer dans les cruels remords de conscience dont il paraissait agité ; qu’il redouble à cette occasion l’arrêt de malédiction sur la terre qu’il devait cultiver, et qu’enfin il le bannit dans un pays éloigné de sa famille, lui donnant, par cela même, l’exclusion des faveurs et des espérances qu’il réservait à ses frères].
Et se retira dans la terre de Nod, qui est à l’orient de la province d’Éden. Étant en ce pays, il eut un fils auquel il donna le nom d’Hénoch, et il bâtit une ville de même nom en mémoire de ce fils : voilà ce que l’Écriture nous dit de Caïn [Où donc Josèphe a-t-il pris que Caïn, fuyant ses pères, rencontra d’autres hommes qu’il suppose aussi méchants que lui ? La Genèse ne fait allusion qu’a une foule de fils et de petit-fils d’Adam qui auraient voulu venger la monde leur frère. Ce passage de Josèphe a donné peut-être la première idée au Hollandais Lapereyre, chef des Préadamites, qui attribuaient à l’auteur sacré d’avoir seulement présenté Adam comme la souche du peuple hébreu, de sorte que d’autres hommes et des peuples auraient existé avant sa formation].
On forme plusieurs questions sur son sujet, que l’on trouve traitées dans les commentateurs. Par exemple, quel fut le prétexte ou le motif qui porta Caïn à tuer Abel ; de quel instrument il se servit ; de qui il redoutait le ressentiment et la vengeance ; en quel pays il se retira ; quel fut le signe que Dieu mit sur lui ; quelle fut sa mort. Pour ce dernier article, on dit qu’il fut tué par Lamech, un de ses neveux. Lamech était, dit-on, devenu aveugle par quelque aventure. Il ne laissait pas d’aller quelquefois à la chasse ; il se faisait conduire par un jeune homme, qui l’avertissait lorsqu’il voyait du gibier. Un jour, ayant entendu du bruit dans des halliers, son conducteur crut que c’était une bête sauvage : c’était Caïn qui y était ; Lamech tira, et le tua. Aussitôt qu’il eut reconnu sa faute, il entra dans une telle colère, qu’il perça celui qui le conduisait ; et étant de retour dans sa maison, il dit à ses deux femmes, Ada et Sella (Josèphe) : Écoutez, femmes de Lamech, j’ai tué un homme pour mon malheur, et un jeune homme pour ma disgrâce. Le meurtrier de Caïn sera puni sept fois ; mais le meurtrier de Lamech le sera septante fois sept fois. Mais cette tradition n’est nullement certaine.
Josèphe dit que Caïn s’étant établi à Naïd ou Nod, y bâtit une ville pour lui et pour sa famille, et qu’au lieu de se corriger par l’exil dont Dieu l’avait puni, il se corrompit de plus en plus, s’abandonna à toutes sortes de désordres et de violences, et se mit à la tête d’une troupe de voleurs qu’il ramassa et à qui il apprit à s’enrichir comme lui aux dépens des autres. Il changea l’ancienne simplicité et la droiture qui régnaient dans le monde, et introduisit la fraude et la tromperie dans le commerce en inventant les poids et les mesures. C’est lui qui, le premier, mit des bornes aux champs, et qui bâtit et fortifia une ville.
On ne sait pas combien vécut Caïn. Les uns lui donnent huit cents ans ; les autres, sept cent un ans de vie ; les autres, six cent quatre-vingt-huit ans ; les autres, neuf cent trente-et-un ans. Quelques-uns le font vivre jusqu’au déluge. Il y en a qui croient qu’il fut écrasé sous les ruines d’une maison ; les autres, qu’il fut tué par Lamech, comme nous l’avons dit ; d’autres, enfin, qu’il se tua lui-même. Rien de certain sur tout cela, non plus que sur la plupart des autres questions que l’on forme sur son histoire. On peut consulter sur cela les commentateurs [Des voyageurs modernes ont trouvé, chez divers peuples barbares et idolâtres, des traditions qui sont l’histoire défigurée de Caïn. Par exemple, M. de Humholdt, expliquant un monument mexicain qui représente la première femme en rapport avec le serpent, et un homme qui fait violence à un autre, s’exprime en ces termes : « Ce groupe représente la célèbre femme au serpent, Cihuacohuatl… Les Mexicains la regardaient comme la mère du genre humain… La femme au serpent était regardée au Mexique comme mère de deux enfants jumeaux. Ces figures nues (qui représentent la lutte d’un homme contre un autre), sont peut-être les enfants de Cihuacohuatl ; elles rappellent le Caïn et l’Abel des traditions hébraïques. »
M. Dumont d’Urville, parlant des dieux des Nouveaux-Zélandais, dit que, « suivant les uns, Mawi-Moua et Maw Potiki, leurs deux principales divinités, étaient deux frères, dont le premier tua et mangea le cadet. » Il a trouvé, dans l’île de Tonga ; qui est la plus considérable de celles des Amis, une tradition analogue. Tangaloa, un des dieux des habitants de cette île, avait deux fils. « l’aîné, dit M. Dumont d’Urville, se nommait Toubo, et le plus jeune, Volta Akou-Ouli. Celui-ci était doué d’une grande sagesse, et ce fut lui qui inventa le premier les haches, les colliers, les étoffes et les miroirs. Toubo montrait un caractère tout différent, car il était paresseux, ne faisait que courir çà et là ou dormir, et convoitait ardemment les beaux ouvrages de son frère. Pour s’en rendre maître, il résolut de tuer par trahison Vuka Akou-Ouli ; un jour qu’il le rencontra à la promenade, il le frappa jusqu’à ce qu’il fût mort. Alors leur père descendit du Bolotou dans une violente colère, et demanda à Toubo : Pourquoi avez-vous tué votre frère ? ne pouviez-vous pas travailler comme lui ? Oh ! méchant que vous êtes ! »
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