L’auteur du second évangile, est probablement le fils de Marie ; cousin de Barnabas, et peut-être comme lui Lévite de naissance, compagnon d’œuvre de Paul et de Pierre, il est désigné dans les Actes sous les noms de Jean Marc (12.12-25), de Jean (13.5-13), et de Marc (15.39). C’est dans la maison de sa mère que les apôtres étaient réunis après la mort de Jacques, lorsque Pierre fut délivré de son cachot et de ses fers (12.12). Quelques anciens veulent qu’il ait été au nombre des soixante-dix disciples, et Origène, Procope, etc., ajoutent qu’il se retira pour un temps du Sauveur, de même que Luc, à cause de ce qu’avait dit le Messie : « Si vous ne mangez ma chair, vous ne pouvez avoir la vie en vous-mêmes » (Jean 6.53). Toutefois cette anecdote n’est rien moins que sûre, et si l’on en croit Irénée et Papias, Marc n’aurait pas connu Jésus, et il aurait été gagné à l’Évangile par la prédication de Pierre.
Ce fut Barnabas son parent qui l’introduisit dans la société des apôtres, et on le voit déjà compagnon de saint Paul, lors de son premier voyage missionnaire d’Antioche dans l’Asie Mineure (12.25 ; 13.5). On ignore pour quels motifs, après avoir suivi ses compagnons de voyage dans l’île de Chypre, à Salamis et à Paphos, il se sépara d’eux à Perge en Pamphylie (13.13) ; mais la manière dont Luc parle de cette séparation (15.38), semble jeter un certain blâme sur ses motifs, et l’on suppose que cette vie agitée et l’éloignement de sa patrie, avaient fatigué son zèle encore jeune, et sa foi encore peu éprouvée, peu habituée aux renoncements de la vie missionnaire.
Marc rentra cependant dans la carrière, et probablement après un intervalle qui ne fut pas fort long ; mais Paul ne le voulut pas d’abord pour compagnon de voyage, il prit Silas avec lui, tandis que Marc et Barnabas retournaient en Chypre. Aucun détail ne nous est donné sur les résultats de sa mission dans cette île, mais il faut croire qu’elle fut bénie, et qu’il se distingua par un redoublement de zèle pour faire oublier ses précédentes hésitations ; plus tard en effet, il est rentré en grâce auprès de Paul, qui le compte à Rome au nombre de ses compagnons d’œuvre (Phm. 24), le recommande à l’Église de Colosses (Colossiens 4.10), et prie Timothée de le lui ramener (2 Timothée 4.11).
Il paraîtrait que, pendant l’espace de temps qui sépara les deux captivités de Paul, Marc fut le compagnon de Pierre, auquel l’unissait une affection filiale, et qui l’avait auprès de lui quand il écrivit sa première épître (5.13). D’autres pensent que le Marc nommé dans ce passage était véritablement un fils de l’apôtre, ce qui serait bien possible, puisqu’il était marié ; mais la tradition n’est pas favorable à cette opinion. D’autres encore, afin de multiplier autant que possible, les saints et les évêques des temps primitifs, et de pourvoir ainsi tous les évêchés, ont distingué trois Marc, le fils de Marie, le fils de Pierre et l’évangéliste ; c’est encore plus improbable, et cette manière de voir n’a pas même pour elle les apparences.
Si, comme on doit le conclure de 2 Timothée 4.11, Marc assista aux derniers jours de Paul, on peut supposer qu’après la mort de cet apôtre, il revint en Asie, et qu’il y rejoignit Pierre. Une tradition ajoute que Pierre l’envoya prêcher l’évangile en Égypte, qu’il fonda a Alexandrie une Église considérable, que ses travaux en divers lieux de la Basse et de la Haute Égypte, et jusqu’à Cyrène, furent couronnés des plus beaux succès, et qu’enfin il fut massacré au milieu d’une fête païenne par les païens d’Alexandrie, irrités du grand nombre de prosélytes qu’il faisait chaque jour, et des attaques victorieuses qu’il avait portées à leur culte idolâtre ; son corps fut brûlé selon les uns, transporté selon les autres à Venise, où un temple magnifique qui porte son nom lui aurait été donné comme mausolée. Tous ces bruits ont leur teinte fabuleuse, et l’on sera d’autant moins porté à y ajouter foi que déjà Cyprien, Tertullien et Augustin refusent à l’Église d’Afrique une origine apostolique.
Son Évangile est le second en date : Eusèbe dit que c’est à Rome, à la demande des fidèles de cette église, et sous les yeux de Pierre, qu’il l’a composé. Quelques manuscrits grecs, le perse, l’arabe, et le Pseudo-Damase dans sa vie avec Pierre, ajoutent, en outre, que cet ouvrage a été primitivement écrit en latin, ce qui est aussi l’opinion de quelques modernes, Selden, Baronius, Bellarmin ; mais il n’est pas même sûr que ce soit en Italie que Marc a écrit, et plusieurs auteurs, cités par Chrysostome, portent que ce travail a été fait en Égypte, et pour l’Égypte. Quant à la part que Pierre a prise à la rédaction de cet évangile, la tradition est assez unanime, au point que saint Athanase, Eutyche d’Alexandrie, et d’autres pères grecs et orientaux, ont cru que cet apôtre l’avait dicté, et peut-être écrit de sa propre main. Supposé même que Marc eût écrit à Rome pour les chrétiens de cette ville, il ne serait pas prouvé qu’il se fût servi du latin : le grec était connu ; les deux ouvrages de Luc sont en grec, et l’épître aux Romains l’est aussi, sans que personne ait prétendu que Paul eût dû se servir d’une autre langue que celle qu’il parlait ordinairement en s’adressant aux païens. Il y aurait bien un moyen de décider cette question, puisque le texte original de Marc se trouve encore actuellement à Venise, où il est soigneusement conservé, depuis 1564 (Calmet), dans un caveau dont la voûte est plus basse, en tout temps, que la mer voisine ; mais, malheureusement, ce manuscrit est tellement altéré et illisible, que l’on ne peut pas même en déchiffrer quelques lettres pour voir si elles sont grecques ou romaines. Ce manuscrit (qui est peut-être tout autre chose qu’un Marc) est écrit sur du papyrus d’Égypte extrêmement délicat, et Montfaucon le fait remonter au moins au quatrième siècle. Cet auteur veut y avoir remarqué des caractères latins ; mais un autre auteur qui l’avait vu avant lui, et, par conséquent, dans des conditions meilleures et dans une moins grande vieillesse et détérioration, croit avoir distingué des lettres grecques. Ce débat, au reste, n’a plus d’importance, comme il ne se résoudra jamais non plus.
Quant au but que Marc s’est proposé en écrivant son évangile, on croit qu’il a eu sous les yeux le travail de Matthieu, et qu’il a voulu le mettre à la portée des lecteurs païens, en en retranchant tout ce qui se rapportait trop exclusivement aux mœurs, aux espérances et aux préjugés des Juifs ; il a un but plus catholique que le premier des évangélistes, mais sa couleur, sous ce rapport, est moins prononcée que celle de Luc, qui l’a suivi. Il est, avant tout, historien évangélique ; il raconte ce que le Sauveur a fait, et l’on pourrait donner, pour épigraphe à son livre, ces paroles de Pierre, qui fut son compagnon et son père spirituel : « Il allait de lieu en lieu, faisant du bien » (Actes 10.38). Tout est rapide dans son récit, tout est bref, et le mot aussitôt (en grec) se rencontre neuf fois dans le chapitre premier ; il dit les faits, et omet ou abrège les paroles et les discours. Le chapitre 1 renferme déjà la mission de Jésus et celle du précurseur, l’effusion du Saint-Esprit sur le Sauveur après son baptême, l’histoire de la tentation, la vocation de quatre apôtres, la guérison d’un démoniaque, celle de la belle-mère de Pierre, l’évangélisation de la Galilée, et la guérison d’un lépreux. Il ne fait guère de réflexions, et entre sommairement en matière. Cependant, il ne s’est pas borné à compléter Matthieu, et à donner à l’évangile un caractère universel ; il le complète conformément à son plan, et l’on y trouve beaucoup de faits que Matthieu n’avait pas rapportés, l’histoire de l’aveugle dont la guérison est progressive, celle du jeune homme enveloppé d’un linceul, qui suit la troupe qui vient d’arrêter Jésus, quelques mots sur Simon Cyrénéen, la pierre roulée à l’entrée du sépulcre, etc., ainsi qu’un grand nombre d’observations de détail qui donnent du relief à l’action, et trahissent le témoin oculaire qui a dirigé l’auteur, (Exode 1.13-20, 29, 33, 35, 45 ; 3.5-6 ; 4.26 ; 5.5-13, 26 ; 6.13 ; 10.46-50 ; etc.). Il ajoute quelques traits de la vie de Pierre, et en omet d’autres qui seraient à l’honneur de cet apôtre (Matthieu 16.16 ; 17.24). Il ne le nomme pas, non plus que Matthieu, dans l’anecdote de Malchus.
On ne peut rien déterminer sur l’époque de la rédaction ; au dire d’Irénée, Marc n’aurait écrit qu’après la mort de Paul et de Pierre ; mais, comme la mort de Pierre n’est pas connue, cette vague indication ne suffit pas, et l’on doit, avec Valois, Heidegger, Calmet, consentir à ne rien décider.