(Actes 11.19)
Ce nom dérive, suivant les uns, du mot grec φοίνιξ, ικός, ὁ qui signifie palmier ; suivant d’autres, de Phénix, frère de Cadmus, lequel, après avoir en vain cherché sa sœur Europe, que Jupiter avait enlevée, sous la forme d’un taureau, se fixa sur cette côte à laquelle il donna son nom. D’autres disent que des Phéniciens, qui habitaient d’abord sur les bords de la mer Rouge, vinrent former plus tard des établissements sur un point des côtes de la Méditerranée, auquel ils donnèrent leur nom.
La Phénicie n’est qu’une langue de terre resserrée entre la mer et les montagnes ; quelques auteurs en prolongent l’étendue jusqu’aux limites de l’Égypte ; mais, depuis la conquête de la Palestine par les Hébreux, la Phénicie était assez bornée, et ne possédait rien dans le pays des Philistins ; elle avait aussi très peu d’étendue du côté des terres. Avant que Josué eût fait la conquête de la terre promise, tout ce pays était habité par les fils de Cham, partagés en onze familles ; celle de Canaan, la plus puissante, reçut des Grecs le nom de Phénicie, à cause des nombreux palmiers qu’ils trouvèrent chez eux. Ce furent les seuls peuples dont quelques débris conservèrent leur indépendance sous Josué, les juges et les rois. Plus tard, sous les Macchabées, la Phénicie devint une province de Syrie, unie à la Célésyrie, et gouvernée avec cette dernière province par un seul et même chef ou sous-gouverneur (2 Maccabées 3.5), etc. Dans le livre des Actes 11.19 ; 15.3 ; 21.2-3, elle est unie tantôt à Chypre et à la Syrie, tantôt à la Samarie, et désignée comme un pays de côtes ; elle était alors romaine, et appartenait à la province de Syrie.
Les limites de la Phénicie étaient peu déterminées ; elle comprenait les îles situées près des côtes, telles que celle d’Aradus. Ses frontières septentrionales étaient marquées par le fleuve Eleutherus ; à l’orient s’élevait la chaîne du Liban ; à l’occident la mer ; au sud peut-être la ville de Dora et les hauteurs du Carmel. Le nom de Phénicie était ainsi pris dans un sens tantôt plus large, et tantôt plus restreint. Toute la contrée formait une plaine fertile, bien arrosée, semée de collines, de villes et de campagnes magnifiques ; c’est maintenant encore une des plus belles parties de l’Asie Mineure. Tyr et Sidon sont les villes les plus connues de la Phénicie ; d’autres sont encore nommées, soit dans l’Écriture sainte, soit dans les apocryphes, Orthosia (Aradus), Tripolis, Byblos, probablement aussi Bérytus (voir Bérothaï).
Les Phéniciens surent mettre à profit toutes les ressources que leur offrait leur étroit territoire ; le Liban leur fournissait en abondance du bois de construction ; près de Sarepta, ils trouvaient des mines de fer et de cuivre ; les côtes abondaient en coquillages à pourpre ; l’argile et le sable servaient à la fabrication du verre. Tout se réunissait pour faire des Phéniciens le peuple le plus industrieux et le plus commerçant de l’ancien monde ; ils eurent, en conséquence, des colonies et des stations de commerce dans tout l’Orient, dans les îles de la Grèce, en Italie, en Sicile, en Espagne, sur les côtes d’Afrique, pour l’écoulement, soit de leurs propres produits en verre, en fin lin, en teintures, soit des produits des nations qu’ils visitaient, et avec lesquelles ils faisaient des échanges (Ez.27.12ss ; Ésaïe 23.1). Ils tiraient l’ambre du nord de l’Europe, l’étain de l’Angleterre, et faisaient, du temps de Salomon, le voyage d’Ophir (1 Rois 9.27 ; 10.22). D’après quelques indications de Diodore de Sicile (4.23 ; 5.19), il paraîtrait même qu’ils poussèrent jusqu’en Amérique. La plus célèbre de leurs colonies fut celle de Carthage. D’après l’historien Procope, on trouva à Tingis (Tanger), en Afrique, deux colonnes de marbre blanc dressées près de la grande fontaine, où on lisait, en caractères phéniciens : « Nous sommes des peuples qui avons pris la fuite devant Jésus (Josué), fils de Navé (Nun) ». Ils se distinguaient comme architectes et sculpteurs ; on les regarde comme les inventeurs de la navigation et des voiles de vaisseaux. Ce fut enfin, dit-on, un Phénicien, Cadmus, qui porta en Grèce la connaissance des lettres de l’alphabet.
C’est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux. Et par des traits divers de figures tracées, Donner de la couleur et du corps aux pensées (Brébeup).
Les villes phéniciennes issues de Sidon, la ville-mère, se rendirent promptement indépendantes les unes des autres, et adoptèrent pour gouvernement une monarchie modérée ; cependant Tyr ne tarda pas à faire sentir sa prépondérance, à grouper les autres villes autour d’elle et à les dominer. La Phénicie, perdue au milieu des immenses monarchies de l’ancien monde, fut soumise pas les Assyriens, resta sujette des Babyloniens et des Perses, passa des Séleucides aux Romains, et fait aujourd’hui partie de l’empire Ottoman.
Sanchoniathon est le principal auteur connu qui ait illustré l’ancienne Phénicie, mais ses ouvrages sont perdus ; Philon Byblius les traduisit dans le second siècle de notre ère, et cette traduction est également perdue ; nous n’en possédons qu’un fragment qui nous a été conservé par Eusèbe ; encore n’est-il peut-être que de troisième ou quatrième main. On a cru un moment, il y a une dizaine d’années, avoir retrouvé au Portugal un manuscrit complet de Byblius, mais cette découverte n’a pu soutenir l’examen de la critique. On possède encore quelques inscriptions phéniciennes en Chypre, à Malte, à Athènes, en Sicile, et ailleurs, soit sur des monuments, soit sur des médailles ; les caractères ne diffèrent pas essentiellement de ceux que l’on retrouve sur les monnaies samaritaines, et paraissent leur avoir servi de types.