Le nom hébreu de l’âne est Hhamor, qui signifie roux, roussâtre, parce que c’est, en Orient, la couleur ordinaire de cet animal ; on en trouve cependant aussi de gris, et quelquefois même de noirs et de blancs. Bien différent de l’âne humble et méprisé de nos contrées, l’âne oriental est actif, grand et vigoureux, plein d’énergie et de légèreté dans ses mouvements ; son poil est lisse et beau, son pas est sûr et agréable ; en marchant il relève avec vivacité ses pieds légers, et porte la tête haute, en sorte que l’épithète de noble animal pourrait s’appliquer à lui tout aussi bien qu’au cheval. C’est peut-être à cause de sa vivacité qu’il est dit en Proverbes 26.3 : « Le fouet est pour le cheval, et la bride pour l’âne » ; on dirait le contraire chez nous. En Orient l’âne est aussi infatigable et plus fort que le cheval, et on le préfère pour les courses et les voyages dans les contrées montagneuses. Plusieurs voyageurs célèbres, comme Niebuhr ou Myller, rapportent qu’ils faisaient souvent d’une lieue et demie à deux lieues par heure, montés sur ce léger coursier.
On trouve quelquefois en Asie des ânes entièrement blancs ; ils sont considérés comme les plus beaux de leur espèce, et sont un objet de luxe ; on les soigne mieux que les autres, on les couvre d’étoffes et de harnais plus précieux et plus brillants, et l’on n’épargne ni couleurs, ni sonnettes pour les parer. Quelquefois on marque leur poil blanc de taches et de raies rouges, avec le jus d’une plante nommée henna ; la crinière et la queue sont de même teintes en rouge. C’est à cette coutume que se rapporte une discussion sur le sens du passage de Juges 5.10, où il est question d’ânesses blanches (d’après le mot hébreu), et où quelques savants, s’appuyant sur le sens du même mot en arabe, veulent ajouter tachetées de rouge ; toutefois, il est peu probable que les anciens Hébreux connussent l’art de peindre les animaux, et, en tout cas, nous n’avons aucune trace de cet usage. Comme ces ânes blancs sont plus rares et plus beaux que les autres, il n’y a que les grands et les riches qui puissent s’en procurer, et ces animaux sont, par là même, devenus une marque de distinction pour ceux qui les montent.
De tout temps, les ânes ont été fort estimés en Orient ; et autrefois on leur donnait, surtout aux ânesses, autant de soins que les Arabes en donnent maintenant à leurs nobles chevaux. Ils composaient en grande partie la richesse des patriarches (Genèse 12.16 ; 22.3 ; 24.35 ; Exode 4.20 ; Nombres 22.21 ; Josué 9.4 ; Juges 5.10 ; 12.14 ; 2 Samuel 16.2 ; 1 Rois 13.13 ; Néhémie 7.69 ; Job 1.3 ; etc., etc.) ; et l’on comprend que les ânesses surtout dussent être d’un grand prix pour des peuples nomades. Comme l’élevage des chevaux était presque nulle en Palestine, les Israélites se servaient d’ânes pour transporter leurs effets, tourner la meule ou traîner la charrue (cf. Deutéronome 22.10 ; Exode 23 ; 12 ; Ésaïe 30.24) ; on les montait aussi comme nous montons les chevaux (Genèse 22.3-5 ; Exode 4.20), et les riches, comme on l’a vu, préféraient les ânesses, les ânes blancs ou les ânons, coutume qui s’est conservée jusqu’à nos jours. On bride l’animal (Nombres 22.21 ; Juges 19.10) ; on lui jette une couverture ou des habits sur le dos en guise de selle (Matthieu 24.7), et le conducteur marche à côté ou par derrière (Juges 19.3 ; 2 Rois 4.24).
Quand les chevaux commencèrent à être introduits en Israël, on s’en servit principalement pour la guerre et comme montures, et les ânes cessèrent d’être un objet de luxe ; en sorte que la prophétie de Zacharie 9.9, que notre Seigneur ferait son entrée à Jérusalem monté sur un ânon, tout en étant conforme aux idées théocratiques des anciens temps, n’emportait plus l’idée de grandeur, mais celle de paix ; et l’entrée de notre Seigneur dans cette métropole du vrai culte annonçait le triomphe de la paix. Christ allait accomplir, à cet égard, les anciennes prophéties messianiques (cf. Ésaïe 62.11 ; Zacharie 9.9) ; et l’épithète de débonnaire qui lui est donnée, doit être comprise dans ce sens.
Il paraîtrait, d’après 2 Rois 7.7, qu’à la guerre on ne chargeait ordinairement que le bagage sur les ânes ; toutefois, dans la description prophétique de l’armée de Cyrus, roi des Perses (Ésaïe 21.7), il est question d’une cavalerie montée de ces animaux. Strabon, de même, assure que les Caramaniens, peuple soumis aux Perses, se servaient d’ânes pour leur cavalerie, et Hérodote nous raconte que, dans une bataille contre les Scythes, Darius, fils d’Hystaspe, n’avait pas d’autre monture pour ses cavaliers. Les historiens rapportent encore que, huit siècles après Jésus-Christ, un calife possédait une cavalerie montée d’ânes, et que ces animaux étaient si courageux, que depuis cette époque le mot a passé en proverbe chez les Arabes : « Âne de guerre ne fuit pas ».
On croit que la défense (Deutéronome 22.10), d’atteler un âne et un bœuf ensemble à la charrue, de même que plusieurs lois du même genre, était une loi purement symbolique, soit qu’elle eût pour but de rappeler aux Israélites de se garder toujours de toute alliance inconvenante, tant en religion qu’en politique (cf. 2 Corinthiens 6.14), soit qu’elle dût leur apprendre l’humanité, même à l’égard des animaux, soit enfin qu’elle fût destinée à les préserver de certaines pratiques superstitieuses en usage chez les païens, et qui n’étaient pas sans rapport avec ces sortes d’alliances, voir Accouplements.
Quant à l’ânesse de Balaam, à laquelle le Seigneur ouvrit la bouche (Nombres 22.28, voir Balaam), nous ferons seulement observer que chez les Romains aussi l’on trouve des traditions relatives à des animaux qui auraient parlé, et ce cas était toujours un présage funeste. Le passage de Juges 15.19, a été expliqué de diverses manières ; on peut voir Samson et ce que nous avons dit dans l’Hist. des Juges d’Israël, p. 103.La traduction généralement adoptée est la seule littérale, et dans tous les cas, celle qui se justifie le mieux. D’après Lévitique 11.4, l’âne était mis au nombre des animaux impurs dont il était défendu de manger la chair ; mais on comprend que dans les cas de famine, comme 2 Rois 6.25, cette défense n’ait pas été bien strictement observée. L’énormité de la somme payée pour une seule tête d’âne montre à quelle extrémité les habitants de Samarie étaient réduits.
Ane sauvage. Cet animal, connu aussi sous le nom d’onagre, surpasse de beaucoup l’âne domestique, même celui de l’Orient, par la beauté de sa taille et la proportion de ses membres ; il ne saurait être dépassé en vitesse, même par le cheval arabe. Il se distingue par une crinière laineuse et foncée ; son cou est un peu long et courbé, ses oreilles sont droites et très longues, son front est élevé, sa peau lisse et rayée de brun sur un fond couleur d’argent, tirant sur le jaunâtre vers le ventre ; cependant on en trouve aussi d’une couleur plus foncée. Il est sauvage, vit uniquement dans les déserts et ne se laisse pas approcher par l’homme (Job 39.8-9 ; Genèse 16.12 ; Ésaïe 32.14 ; Daniel 5.21). Il ne marche que par petites bandes ordinairement composées d’un mâle et de plusieurs femelles (cf. Jérémie 2.24 ; Psaumes 104.11). De nos jours il habite surtout les déserts de l’Asie centrale, tandis qu’il se trouvait autrefois jusque dans les parties montagneuses et désertes de l’Asie Mineure, de la Syrie et de l’Arabie. Le livre de Job (6.5 ; 39.8-11), donne une belle description de ses habitudes et des lieux où il se tient de préférence. Les Bédouins (Job 24.5), aussi bien que leur père Ismaël (Genèse 16.12), sont comparés à des onagres, à cause de leur vie indépendante et libre dans les déserts, de leur opiniâtreté et de leur rapidité dans la fuite.
Outre l’âne sauvage, que nous venons de décrire, il en existe dans la Mongolie une autre espèce appelée djiggetaï ou ziggetaï (longue oreille), sorte de mulet sauvage et naturel qui tient le milieu entre le cheval et l’onagre. Presque tout ce que la Bible dit de l’âne sauvage pourrait se rapporter à ce djiggetaï ; mais on ne le trouve pas dans l’Asie antérieure, et les anciens ont toujours soigneusement distingué ces deux animaux.