À l’époque où la vie des hommes était dix fois ce qu’elle est à présent, et plus tard encore lorsque, moins longue, elle n’était pourtant pas encore réduite aux étroites limites que lui assigne Moïse (Psaumes 90.10), le nom d’enfants se donnait à des personnes que maintenant nous appellerions des jeunes gens ou des hommes faits. Joseph a seize ans, Isaac en a vingt, Benjamin en a plus de trente lorsqu’ils sont désignés de ce nom (Genèse 22.5 ; 37.2-4 ; 44.20). Les Hébreux donnaient aussi, comme les Grecs et les Romains, ce nom à leurs serviteurs de tout âge. Et dans plusieurs passages (Psaumes 33.13 ; Ésaïe 2.6 ; 65.20), des hommes, même le centenaire, sont appelés enfants, sans doute par rapport à l’éternité du Créateur et Père des hommes. Le mot enfant se prend souvent dans une acception tout à fait générale, pour désigner la nature, l’origine ou la destination dernière de quelques hommes : enfants d’iniquité, enfants du malin, enfants de perdition. Les juges et les magistrats sont appelés enfants du souverain (Psaumes 82.6), comme les prêtres (Psaumes 29.1). Enfin l’expression enfants de Dieu, qui se trouve fréquemment dans le Nouveau Testament (1 Jean 3.1-2 ; Romains 8.14 ; Galates 3.26), s’applique aux rachetés que Jésus n’a point pris à honte d’appeler ses frères, et auxquels Dieu, dans sa grande charité, a bien voulu donner le droit de s’appeler ses enfants, privilège malheureusement inapprécié comme il est inappréciable, et dont l’habitude ne paraît que trop souvent avoir émoussé le charme excellent. Un pauvre sauvage converti nous a donné une leçon à cet égard lorsque, à la lecture du passage de 1 Jean 3.1-2, il s’écria en se tournant vers le missionnaire : « Non, non, ce n’est pas possible ! mais il veut bien permettre que nous lui baisions les pieds ! »
Les anges sont appelés enfants de Dieu (Job 1.6 ; 2.1 ; Psaumes 89.7), de même que les juifs opposés aux gentils (Osée 1.10 ; cf. Jean 11.52).
Le passage de Genèse 6.2, où les fils de Dieu sont opposés aux filles des hommes, a donné naissance à bien des interprétations ; nous en relevons ici les trois principales, laissant au lecteur le soin de se décider :
1°. Les fils de Dieu seraient les mêmes qu’en Job 1.6 ; 2.1, c’est-à-dire les anges. C’est l’opinion de Rabbi-Éliézer et des premiers pères de l’Église, développée dans Lactance. L’idée que les géants étaient le produit d’une alliance entre les anges et les femmes, se retrouve dans toutes les traditions de l’antiquité, et joue encore un rôle important dans le système des Indous. Les grands docteurs de l’Église chrétienne ne tardèrent pas à s’élever contre cette opinion, Augustin, Chrysostôme, Cyrille d’Alexandrie, et Théodore !. Calvin prétend qu’elle se réfute d’elle-même, et s’étonne que des hommes savants aient pu être éblouis par des radotages si grossiers et si monstrueux ;
2°. les fils de Dieu seraient les hommes nobles, fils de magistrats et de princes, opposés aux hommes d’une condition inférieure ; c’est l’opinion des Juifs Onkelos, Jarchi, Aben-Ezra. On peut combiner cette explication avec la suivante ;
3°. les fidèles, les enfants de Dieu, la famille de Seth, opposée à celle de Caïn. Le nexe, et l’usage de la langue favorisent cette dernière opinion ; tout indique d’ailleurs que l’Église commençait à déchoir ; quant à la difficulté qui résulte des géants issus de ces unions, voir Géants.
On verra aux articles fils, fille, mariage, etc., ce qui concerne les enfants des Hébreux et leurs rapports avec leurs parents. Disons seulement que les enfants illégitimes étaient flétris jusqu’à la dixième génération (Deutéronome 23.2), mesure bien propre à combattre l’impureté et la prostitution, et que nécessitait d’ailleurs la constitution théocratique du peuple juif.