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Guerre
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet Westphal Bost

[Voyez Loi, paragraphe 13]. Les Hébreux ont été autrefois une des plus belligueuses nations du monde. Ceux qui nous parlent de leurs guerres ne sont ni des auteurs flatteurs, ou ignorants, ou prévenus : ce sont des écrivains remplis de l’esprit de vérité et de sagesse. Leurs guerriers ne sont ni de ces héros fabuleux, ni de ces conquérants à titre d’office, dont l’emploi était de ravager les villes et les provinces et de réduire les peuples sous leur domination, par la pure envie de se faire un nom et de dominer. Ce sont pour la plupart de sages et vaillants généraux, suscités de Dieu pour faire les guerres du Seigneur et exterminer ses ennemis ; ce sont des Josué, des Caleb, des Gédéon, des Jephté, des Samson, des David, des Josias, des Machabées, dont le nom seul suffit pour faire leur éloge.

Leurs guerres n’ont pas été entreprises pour de petits sujets, ni exécutées avec une poignée de monde. Il était question, sous Josué, de se rendre maître d’un vaste pays que Dieu leur avait abandonné, d’exterminer plusieurs peuples puisssants que Dieu avait dévoués à l’anathème ; et de venger la divinité offensée et la nature outragée par un peuple impie et corrompu, qui avait rempli la mesure de ses crimes. Sons les Juges, il s’agissait de se mettre en liberté en secouant le joug des rois puissants qui les tenaient assujettis ; sous Saül et sous David, on vit les mêmes motifs pour entreprendre la guerre, et on y joignit celui de faire la conquête des provinces dont Dieu avait promis la jouissance à son peuple ; il ne s’agissait de rien moins que d’abattre la puissance des Philistins, des Ammonites, des Moabites, des Iduméens, des Arabes, des Syriens et des différents princes qui possédaient ces pays.

Dans les derniers temps des royaumes d’Israël et de Juda, on a vu ces rois soutenir l’effort des plus grandes puissances de l’Asie, des rois d’Assyrie et de Chaldée, Salmanasar, Sennachérib, Assaraddon el Nabuchodonosor, qui faisaient trembler tout l’Orient. Sous les Machabées, il fallait, avec une poignée de gens, résister à toute la puissance des rois de Syrie, et soutenir contre eux la religion de leurs pères, et secouer le joug d’une domination qui n’en voulait pas moins à leur religion qu’à leur liberté. Dans les derniers temps de leur nation, avec quel courage, quelle intrépidité, quelle constance n’ont-ils pas soutenu la guerre contre les Romains, qui étaient les maîtres du monde 1

Mais quelles armées mettaient-ils sur pied ? Au commencement, sous Moïse et sous Josué, ils étaient tous guerriers. Ils sortirent d’Égypte au nombre de six cent mille combattants ; lorsque Josué entra dans la terre de Chanaan, il combattit tantôt avec des détachements de ses troupes et tantôt avec toute l’armée, selon les occurrences et le besoin. Souvent Dieu, pour signaler sa toute-puissance et pour confondre l’orgueil humain, a donné la victoire à de fort petites armées ; par exemple sous Gédéon, où il ordonna à ce général de renvoyer la plus grande partie de son armée et de n’en retenir que trois cents hommes, avec lesquels il défit une multitude innombrable de Madianites et d’Amalécites.

Si l’on veut des exemples d’armées nombreuses, Abia, roi de Juda, attaqua avec une armée de quatre cent mille hommes Jéroboam, roi d’Israël, qui en avait jusqu’à huit cent mille, et de ces huit cent mille hommes il en demeura d’une seule bataille jusqu’à cinq cent mille de tués sur le champ de bataille (2 Chroniques 13.3-17). Phacee, fils de homélie, roi d’Israël, tua en un seul jour cent vingt mille hommes des troupes de Juda (1 Chroniques 28.6) ; Asa, roi de Juda, ayant une armée de six cent mille hommes (2 Chroniques 14.9-13), fut attaqué par Zara, roi de Chus, qui avait une armée d’un million d’hommes ; Zara fut entièrement défait par les troupes d’Asa. Les forces ordinaires de David et de Salomon étaient de plus de trois cent mille hommes toujours prêts à combattre (1 Chroniques 27). Josaphat, roi de Juda, avait onze cent soixante mille hommes de guerre, sans compter les garnisons de ses places (2 Chroniques 17.14-19).

On distingue deux sortes de guerres parmi les Hébreux. Les unes étaient d’obligation et commandées par le Seigneur ; les autres étaient libres et volontaires. Les premières étaient celles que Dieu ordonnait de faire, par exemple aux Amalécites et aux chananéens, nations dévouées à l’anathème ; les autres étaient entreprises par les chefs du peuple de Dieu pour venger les injures de la nation, pour punir le crime ou l’insulte : par exemple, celle que les Hébreux firent contre la ville de Gabaa et contre la tribu de Benjamin, qui voulut soutenir son crime, et celle que David fit contre les Ammonites, dont le roi avait insulté ses ambassadeurs ; ou pour soutenir et défendre ses alliés, comme celle de Josué contre les rois chananéens, qui attaquèrent les Gabaonites ; enfin toutes les raisons qui peuvent autoriser une nation ou un prince à faire la guerre à une autre nation ou à un autre prince subsistaient à l’égard des Hébreux. Toutes les lois de Moïse supposent partout que les Israélites feraient la guerre et la soutiendraient contre leurs ennemis.

La première des lois de la guerre est qu’on la déclare à son ennemi, et qu’on lui demande premièrement réparation du tort qu’on prétend qu’il a fait, avant de l’attaquer. Lorsque vous irez assièger une ville, dit Moïse (Deutéronome 20.10-11), vous lui offrirez premièrement la paix ; si elle la reçoit et qu’elle ouvre ses portes, tout le peuple qui s’y trouvera aura la vie sauve, mais il vous demeurera tributaire. Que si elle ne veut pas entrer dans votre alliance et qu’elle combatte contre vous, vous l’assiègerez ; et lorsque le Seigneur vous l’aura livrée entre les mains, vous mettrez à mort tous les mâles qui y seront, réservant seulement les femmes, les enfants, les animaux et tout ce qui sera dans la ville. Vous en partagerez le butin à vos soldats, et vous mangerez ce que vous aurez pris sur les ennemis que le Seigneur vous aura livrés. Voilà ce que vous ferez à l’égard des villes qui sont éloignées de vous, et qui ne sont pas du nombre de celles que vous devez posséder comme votre héritage ; car pour celles-ci, je veux dire celles des chananéens, vous n’y laisserez personne en vie, et vous passerez tout au fil de l’épée.

Déclaration de guerre

On a plusieurs exemples de défi, ou de déclaration de guerre, ou de plaintes de la part de ceux qui étaient attaqués sans qu’on leur eût auparavant déclaré la guerre. Les Ammonites ayant inopinément attaqué les Israélites de delà le Jourdain, Jephté, qui avait été élu chef des Israélites, envoya leur dire (Juges 11.12) : qu’y a-t-il entre vous et moi, pour venir ainsi en armes contre moi et ravager mon pays ? Les Ammonites renouvelèrent alors une ancienne querelle, et prétendirent que les Hébreux, au sortir de l’Égypte, avaient envahi leur pays. Josué justifia aisément son peuple de ce reproche ; et comme les enfants d’Ammon ne se rendirent pas à ses raisons, il leur dit : Que le Seigneur soit juge aujourd’hui entre Israël et les enfants d’Anunon. Après quoi il lei attaqua et les défit. Les Philistins étant entrés sur les terres de Juda pour se venger du feu que Samson avait mis dans leurs moissons (Juges 15.10), ceux de Juda vinrent leur demander : Pourquoi étes-vous ainsi venus contre nous dans notre terre ? On leur dit qu’on n’en voulait qu’à Samson, qui avait désolé les campagnes des Philistins. Ceux de Juda promirent de leur livrer le coupable, et les Philistins se retirèrent.

Amasias, roi de Juda, enflé de quelques avantages qu’il avait remportés contre les Iduméens, envoya défier Joas, roi d’Israël, en lui disant (2 Rois 14.8-10) : Venez, voyons-nous ; le roi d’Israël, sans s’émouvoir, lui fit réponse : Le chardon envoya un jour au cèdre du Liban lui demander sa fille en mariage pour son fils ; mais les bêtes du Liban passèrent sur le chardon et l’écrasèrent. Vous avez battu les Iduméens, et votre cœur s’en est élevé. Contentez-vous de la gloire que vous avez acquise, et demeurez chez vous. Arnasias ne se rendit pas. Les deux rois se virent avec leurs armées à Bethsamès ; mais celui de Juda fut battu. Benadad, roi de Syrie, étant venu avec son armée devant Samarie, envoya déclarer la guerre à Achab, roi d’Israël, en disant (1 Rois 20.1) : Votre or et votre argent, vos femmes et vos enfants sont à moi. Achab, qui se sentait trop faible pour lui résister, répondit : Selon votre parole, mon seigneur et mon roi, je suis à vous, moi et tout ce qui m’appartient. Alors Benadad, plus fier qu’auparavant, lui fit dire : Vous me donnerez votre or et votre argent, vos femmes et vos enfants, et demain à cette heure j’enverrai vers vous mes serviteurs ; ils chercheront dans votre maison et dans celles de vos serviteurs, et y prendront ce qu’il leur plaira. Ces demandes parurent injustes et exorbitantes à Achab et à son conseil ils résolurent de se défendre et de soutenir le siège, que Benadad fut obligé d’abandonner avec une grande perte. Voyez ci-après l’article Samarie.

La guerre étant résolue, on assemblait ou tout le peuple capable de porter les armes, ou seulement une partie, selon l’exigence du cas et la nécessité et l’importance de l’entreprise ; car il ne paraît pas qu’avant le règne de David il y ait eu des troupes réglées dans Israël : on leur marquait un rendez-vous général, on en faisà it la revue par tribus et par familles, et on marchait à l’ennemi. Saül, au commencement de son règne, ayant appris la cruelle proposition que les Ammonites avaient faite à ceux de la ville de Jabès en Galaad, coupa en pièces les bœufs de sa charrue et les envoya par tout le pays, disant (1 Samuel 11.7) : C’est ainsi qu’on traitera celui qui ne viendra pas au secours de Jabès. Après cela il marcha contre l’ennemi. Les enfants d’Israël, ayant appris le crime commis par ceux de Gabaa rentre la femme du lévite de Bethléem (Juges 20.8), résolurent d’en tirer vengeance et de ne pas rentrer dans leurs maisons qu’ils n’eussent vengé cet outrage : en même temps ils consultèrent le Seigneur, qui leur dit que la tribu de Juda leur fournirait un chef pour cette entreprise. Ils choisirent dix hommes de cent, cent de mille, et mille de dix mille pour porter les vivres à l’armée ; après cela ils marchèrent contre l’ennemi.

Lorsque les Hébreux allaient faire la guerre à leurs ennemis (Deutéronome 20.2-4), et que l’heure du combat était proche, le prêtre se présentait à la tête de l’armée, et parlait ainsi au peuple : Écoutez, Israël ; ne craignez point vos ennemis ; parce que le Seigneur votre Dieu combat pour vous. Après cela, les officiers criaient à la tête de leurs troupes dans toute l’armée : Y a-t-il quelqu’un qui ait bâti une maison neuve, et qui ne l’ait pas encore habitée ? qu’il s’en aille, et s’en retourne dans sa maison, de peur qu’un autre ne vienne et n’y loge le premier. Y a-t-il quelqu’un qui ait planté une vigne, et qui ne l’ait pas encore vendangée ? qu’il s’en retourne, de peur qu’un autre ne le fasse avant lui. Y a-t-il quelqu’un qui ait été fiancé à une fille, et qui ne l’ait pas encore épousée ? qu’il aille dans sa maison, de peur qu’il ne meure dans le combat, et qu’un autre ne la prenne.

Ils ajoutaient : Y a-t-il quelqu’un qui soit timide, et dont le cœur soit frappé de frayeur ? qu’il s’en retourne, de peur qu’il ne jette rép Ouvante dans le cœur de ses frères, et qu’il ne leur inspire la timidité dont il est rempli lui-mime. Le Seigneur ordonne (Deutéronome 20.10) que quand les Israélites vendront assièger une ville, ils lui offrent d’abord la paix, et que si elle l’accepte et leur ouvre ses portes, ils conservent la vie aux habitants et se contentent de les avoir assujettis. Si elle refuse de leur ouvrir les portes, qu’ils l’assiègent, et qu’après l’avoir prise, ils fassent mourir tous les mâles et réservent tout le reste. Enfin il veut que, dans les sièges qui sont longs, et dans lesquels on est obligé d’employer des machines, on épargne les arbres fruitiers, et que l’on se contente de couper les arbres sauvages, pour les employer dans les divers ouvrages.

Dans les anciens temps, ceux qui allaient à la guerre y portaient ordinairement leurs provisions, ou ils les prenaient sur le pays ennemi ; d’où vient que la plupart de ces guerres étaient de très courte durée, parce qu’il était presque impossible de faire subsister longtemps de nombreuses armées avec les provisions que chacun emportait de chez soi. David, le plus jeune des fils d’Isaï, étant demeuré auprès des troupeaux de son père pendant que ses frères étaient à l’armée de Saül (1 Samuel 17.13), Isaï envoya David porter des vivres à ses frères. Nous croyons que cette manière de faire la guerre s’observa sous Josué, sous les Juges, sous Saül, sous David au commencement de son règne, sous les rois de Juda et d’Israël, successeurs de Roboam et de Jéroboam, et sous les Machabées, jusqu’au temps de Simon Machabée, prince et grand prêtre des Juifs, qui eut des troupes soudoyées et entretenues. Voyez (1 Machabées 14.32). Chacun se fournissait aussi d’armes pour la guerre. Les rois des Hébreux n’ont commencé que depuis David à avoir des arsenaux.

Les rois allaient à la guerre en personne, et dans les premiers temps ils combattaient à pied comme les premiers des soldats. On ne lit en aucun endroit qu’il y ait eu des chevaux, ni pour les généraux, ni pour les officiers, du temps des Juges, de Saül, et de David. Depuis ce temps, ils furent moins rares, et il paraît que les rois de Juda et d’Israël allaient autrefois à la guerre montés sur des chariots. Voyez ci-devant l’article Chariots.

Les officiers de guerre chez les hébreux

étaient premièrement le général des armées, ou le prince de la milice, tel qu’était Abner sous Saül, Joab sous David, Banaïas sous Salomon. Les princes des tribus, ou les princes des pères, ou des familles d’Israël, qui étaient à la tête de leurs tribus. Ils avaient de plus des princes de mille, ou des tribuns, des capitaines de cent hommes, des chefs de cinquante hommes, des tierciers, nommés en hébreu schalisrhim, mais dont on ignore les fonctions ; et enfin des décurions, ou des chefs de dix hommes. Ils avaient aussi des schopherim, des scribes, ou des écrivains, qui étaient des espèces de commissaires qui tenaient registre des troupes, et des schoterim, ou inspecteurs qui avaient autorité pour commander les troupes, sur lesquelles ils avaient inspection. On peut voir la dissertation de M. le chevalier Folard, à la tête de ce Dictionnaire, sur la Tactique des Hébreux ; notre dissertation sur la milice des anciens Hébreux, et celle que nous avons faite sur les officiers de la cour et des armées des rois hébreux.