La loi condamne le vol : Non furtum facies (Exode 20.15). Mais elle n’y ajoute aucune peine, sinon la restitution plus ou moins grande, selon la nature du vol. Mais le vol d’un homme libre ou d’un Hébreu, pour le réduire en servitude, est puni de mort. Les Juifs ne croient pas que le vol d’un homme d’une autre nation mérite la peine de mort, mais seulement le vol d’un homme hébreu libre ; si on vole un étranger, on est seulement condamné à restitution. Ils fondent cette distinction sur une loi du Deutéronome (Deutéronome 24.7) qui limite la loi dont nous parlons. Exception que les Septante et Onkélos ont même exprimée dans le texte de l’Exode (Exode 21.16). Les lois des Athéniens condamnaient à mort le plagium ou vol d’un homme libre ; et les lois romaines condamnent à la même peine le vendeur et l’acheteur de l’homme libre, s’ils connaissent sa condition.
Le voleur d’un bœuf était puni par la restitution de cinq bœufs ; celui d’une brebis ou d’une chèvre, par la restitution de quatre brebis ou de quatre chèvres (Exode 22.1). On croit que le vol du bœuf et de son espèce est puni plus sévèrement, parce que cet animal est d’une plus grande utilité que les autres. Le législateur limite cette loi un peu après, en disant v. 4 : Que si ce qu’il a volé se trouve chez lui encore vivant, soit que ce soit un bœuf, un âne ou une brebis, il rendra le double ; ou, selon l’Hébreu : Si l’on trouve entre ses mains ce qu’il a volé, il en rendra deux vivants, pour un qu’il a volé.
Le voleur nocturne pris sur le fait pouvait être tué impunément. Mais il n’était pas permis de tuer un voleur qui volait pendant le jour (Exode 22.2). On présume que celui qui se présente pour percer un mur et pour voler la nuit en veut à la vie de celui attaque, et celui-ci, dans cette présomption, peut prévenir celui qui vient pour le tuer ; mais il n’en est pas de même de celui qui vole pendant le jour : on peut se défendre contre lui s’il attaque ; et s’il vole, on peut poursuivre devant les juges la restitution de ce qu’il a pris.
Si le voleur n’avait pas de quoi restituer le vol, selon la loi, on pouvait le vendre ou le réduire en esclavage (Exode 22.3). Les enfants mêmes des débiteurs insolvables étaient vendus pour les dettes de leurs pères. Nous en voyons la pratique dans le quatrième des Rois (4 Reg 4.1). Une femme veuve vint trouver Élisée et lui dit que son mari, qui était craignant Dieu et disciple des prophètes, était mort ; et que son créancier venait pour enlever ses deux enfants et les réduire en servitude. Le prophète multiplia eu sa faveur un peu d’huile qu’elle avait en sa maison, afin qu’elle la vendit pour payer son créancier. Et dans l’Évangile (Matthieu 18.25) un débiteur qui se trouvait en arrière de dix mille talents fut vendu, lui, sa femme, ses enfants et tout ce qu’il avait, pour satisfaire à ce qu’il devait à son maître.
Les rabbins enseignent qu’une femme qui était convaincue de vol ne pouvait être vendue ; qu’on ne vendait jamais un voleur, à moins que son vol ne fût plus grand que le prix qu’il valait lui-même ; s’il valait vingt écus, il n’était pas vendu pour un vol de dix écus, et le voleur ainsi vendu n’était obligé de demeurer en servitude que jusqu’à la concurrence de la valeur de ce qu’il avait volé : c’est la doctrine des rabbins. Quant à la restitution an double, au triple ou au quadruple, elle ne se faisait que quand il était mis en liberté.
On demande si le vol, outre la peine de la restitution, n’était pas soumis à quelques peines corporelles ? Quelques-uns croient qu’on mettait quelquefois le voleur à mort, parce que Jacob dit à Laban (Genèse 31.32) : Et quant à ce que vous m’accusez de vol, si vous trouvez vos dieux chez quelqu’un, qu’il soit mis à mort en présence de nos frères. Estius croit que s’il était insolvable, il était châtié à coups de fouet, ou même qu’il était pendu, s’il était convaincu d’avoir volé plusieurs fois. Mais je ne crois pas que chez les Hébreux le simple vol fût puni de mort, ni même de peines corporelles. La loi n’impose la peine de mort qu’au plagium, ou au vol d’un homme libre.
Salomon, dans les Proverbes (Proverbes 29.24), dit que celui qui s’associe avec un voleur hait sa propre vie. Il s’expose à faire une mauvaise vie ; non que toute sorte de vol emporte la peine de mort, mais parce qu’il y a certains cas où le vol était puni du dernier supplice, ainsi qu’on l’a vu ; et d’ailleurs parce qu’il s’expose à faire un faux serment et à se parjurer à l’occasion du vol, auquel cas il mérite la mort, non pas précisément à cause du vol, mais à cause du parjure : Adjurantem audit, et non judicat, dit Salomon ; et Moïse (Lévitique 5.1) : Si quelqu’un est interrogé en justice et qu’il ne veuille pas déclarer ce qu’il sait, ou ce dont il a été témoin, ou complice, il portera son iniquité. It sera puni du dernier supplice, à cause du parjure et de la profanation du nom de Dieu. Voyez aussi (Proverbes 30.9) : Seigneur, ne me donnez ni les richesses ni la pauvreté, de peur que je ne sois contraint de voler, et qu’ensuite je ne me parjure et que je ne profane le nom de Dieu.
Il semble que le simple vol parmi les Hébreux n’emportait point une infamie particulière. Ce n’est pas une grande faute qu’un homme dérobe ; car il vole pour se rassasier, dit le Sage (Proverbes 6.30) ; ou selon l’Hébreu : On ne méprise point un homme qui a volé pour se rassasier ; la loi ne lui inflige aucune peine particulière, et on ne lui fait souffrir aucun supplice honteux et infamant. Salomon ajoute : S’il est pris, il en rendra sept fois autant, et il donnera tout ce qu’il a dans sa maison. Voilà à quoi il s’expose en volant.
Plusieurs peuples des environs de la Judée faisaient une espèce de profession de volerie (Genèse 27.40). Isaac avait prédit à Ésaü qu’il vivrait de son épée, c’est-à-dire qu’il vivrait de brigandages. Ismaël, fils d’Abraham, n’eut point d’autre métier que la guerre et que le brigandage ; il devint feras homo (Genèse 26.12) et juvenis sagittarius (Genèse 21.20), et il fut toujours en guerre avec ses voisins. Les Ismaélites, ses descendants, ont imité leur père ; et ils ne se font nul scrupule de dérober sur les grands chemins ; ils s’en font même une gloire et une espèce de métier. Ils ne font point d’autre mal aux passants, quand ils se dépouillent volontairement et qu’ils leur donnent toutes leurs hardes sans résistance et sans leur donner la peine de mettre pied à terre. Dès qu’ils aperçoivent quelqu’un en chemin, ils se couvrent le bas du visage jusqu’aux yeux avec leur turban ou bustmani, qui pend sur leurs épaules afin de n’être point connus ; ils lèvent la lance et viennent dessus à toute bride ; ils disent d’abord en leur langue : Dépouille-toi maudit, ta tante est toute nue.
Ils veulent marquer sous ces paroles leur femme, qu’il serait très-indécent de nommer, selon leurs mœurs. Ils l’appellent tante de celui qu’ils attaquent, supposant que tous les hommes sont parents. Cependant ils tiennent la lance devant la poitrine du pauvre voyageur jusqu’à ce qu’ils en aient ce qu’ils désirent. Ils lui laissent quelquefois un caleçon ou la chemise, lorsqu’après s’être dépouillé de bon gré il les prie de ne le pas renvoyer tout nu ; ils lui laissent encore sa monture, parce qu’ils n’en ont que faire et qu’elle pourrait les faire reconnaître. Si toutefois le cheval du voyageur avait une bonne selle ou un bon harnais, ils l’échangent contre le leur s’il vaut moins. Si le passant s’est défendu et les a blessés jusqu’au sang, ils ne lui pardonnent point, et s’il ne peuvent s’en venger sur lui, ils en tuent tout autant qu’ils en peuvent rencontrer. Ainsi se vérifie l’horoscope d’Ismaël, père des Ismaélites ou Arabes.
L’Écriture parle souvent des troupes de voleurs de Moab, de Syrie, de Chaldée, d’Ammon et d’autres semblables gens qui exerçaient leur brigandage partout où ils le pouvaient faire impunément. Jephté, qui devint chef du peuple de Dieu, était d’abord à la tête d’une troupe de voleurs (Judic 11.3) ; David et ses gens eurent souvent affaire à ces voleurs des environs de la Palestine (2 Rois 3.22). Ce furent de ces sortes de gens qui pillèrent Siceleg, et dont David tira vengeance à son retour de l’expédition où il avait accompagné Achis, roi de Geth (1 Rois 30.8-23). Isboseth, fils de Saül, avait à son service deux chefs de voleurs (2 Rois 4.2) qui lui tranchèrent la tête pendant qu’il dormait. Razon, qui devint roi de Damas, était auparavant chef de voleurs (2 Rois 11.23-24). Les trois troupes de Chaldéens qui enlevèrent les chameaux de Job (Job 1.17) étaient de ces troupes de voleurs.
Le vol, parmi ces peuples, n’était pas si odieux ni si honteux qu’il l’est parmi nous ; cela paraît aussi dans les temps héroïques, et même encore depuis parmi les Grecs. On ne se cachait point d’être venu dans un pays pour voler ; il paraît, par Homère, qu’on s’en faisait une espèce de gloire, de faire une conquête légitime. On demande tranquillement à une troupe de gens qui abordent dans une province, ou dans une île, s’ils y viennent pour voler ou pour quelque autre affaire : Nos ancêtres, dit Josèphe, contents de leur pays, qui est très-fertile, ne se sont appliqués ni au commerce, comme les Phéniciens, qui habitent sur les côtes de la Méditerranée, ni aux voyages, ni même à la guerre, pour faire des conquêtes, ni enfin au brigandage, comme plusieurs autres. Il veut apparemment marquer les Arabes, et même les anciens Grecs ; ils se sont appliqués à cultiver leurs terres, à élever leurs enfants, à étudier leur loi.