La plupart des pierres précieuses aujourd’hui connues sont mentionnées dans la Bible, mais il est parfois difficile de dire ce qu’étaient exactement ces pierres, car la désignation qui en est faite et les caractères oui en sont donnés ne correspondent pas toujours à la nomenclature actuelle. Elles sont citées, en certains passages, parmi les productions naturelles d’un pays (Genèse 2.12 ; 1 Rois 10.11 ; Job 28.6 ; Ézéchiel 27.16). Ailleurs, il s’agit de matières premières ou d’instruments de travail (Jérémie 17.1, Job 281 5-19 ; 1 Corinthiens 3.12 ; Marc 14.3 ; Matthieu 26.7; Luc 7.37), ou de trésors incomparables (1 Rois 10.2 ; 1 Rois 10.10 ; 2 Chroniques 32.27). Elles sont employées pour la confection des ornements sacerdotaux (Exode 28.17 ; Exode 28.20 ; Exode 39.10-13 ; Siracide 45.11 ; Sagesse 18.24) ou royaux (2 Samuel 12.30 ; Apocalypse 17.4) et pour la décoration du Temple (1 Chroniques 29.2-8 ; 2 Chroniques 3.6). Elles peuvent être citées, soit pour leur couleur (Apocalypse 9.17), soit le plus souvent en un sens symbolique : symbole de la dureté (Ézéchiel 3.9 ; Zacharie 7.12), de la grande valeur (Job 28.15-19 ; Proverbes 17.8 ; Sagesse 7.9) et surtout de la splendeur (le trône de l’Éternel : Exode 24.10 ; Ézéchiel 10.1 ; Apocalypse 4.3 ; Apocalypse 4.6 ; Jérusalem : Ésaïe 54 : et suivant, Apocalypse 21.11-19 ; Apocalypse 22.1 ; le roi de Tyr : Ézéchiel 28.13 ; les princes de Sion : Lamentations 4.7 ; le bien-aimé : Cantique 5.14 ; la vision : Ézéchiel 1.15 ; Ézéchiel 1.28 ; Daniel 10.6).
Le diamant mis à part, qui est du carbone pur, ces pierres peuvent être classées en trois groupes :
L’Inde et l’Arabie fournissaient une grande partie de ces pierres précieuses. Trois listes à peu près complètes en sont données dans la Bible : la première (Exode 28.17-20, liste reproduite dans Exode 39.10-13) décrit le pectoral du grand-prêtre et comprend douze pierres ; la seconde (Ézéchiel 28.13), qui décrit la parure du roi de Tyr, n’a plus que neuf pierres dans nos versions, mais les LXX ont les douze pierres des listes précédentes ; enfin les fondations de la « Jérusalem nouvelle » (Apocalypse 21.19 et suivant) sont aussi douze pierres précieuses (il y a ici quelques divergences dans les noms). Il faut ajouter la brève énumération de Tobit 13.16 et suivant.
Seule la première liste désigne des pierres réelles. Des indications données à propos des vêtements sacerdotaux, il est possible de dégager quelques informations générales sur les dimensions et la nature des pierres employées. Les deux onyx fixés aux épaulettes de l’éphod devaient être d’assez grande taille, puisque six noms de tribus étaient gravés sur chacun d’eux. De même, les dimensions du pectoral (environ 25 x 25 cm.) donnent à penser que les douze pierres le garnissant étaient de belle taille, même si l’on suppose entre elles de larges intervalles ; d’ailleurs le lapidaire pouvait y graver un nom de tribu (Exode 28.11). On peut en conclure que des pierres aussi volumineuses et se prêtant à la gravure ne devaient pas être d’une très grande rareté.
Quant à la liste d’Apocalypse 21, si l’on tient compte de la relation dans laquelle l’astronomie antique mettait les douze pierres précieuses avec les douze signes du zodiaque des monuments égyptiens et arabes (Philon, Josèphe, etc.), on constate que les pierres précieuses y sont énumérées exactement dans l’ordre inverse des constellations que parcourt le mouvement apparent du soleil de l’est à l’ouest (cf. l’ordre des portes au verset 13). On doit en conclure que l’apocalypticien désolidarise la Cité sainte des superstitions de son temps sur les cités consacrées aux dieux : non seulement il voit sur ses portes et ses fondations en pierres précieuses les noms des 12 tribus (verset 12) et ceux des 12 apôtres (verset 14), mais encore il prend le contrepied des élucubrations astronomiques pour montrer que la Jérusalem de Dieu n’a rien de commun avec les spéculations du paganisme (cf. Charles, Révélation, ICC, II, pages 167ss). L’agate (Exode 28.19) est aujourd’hui une variété de silice se présentant sous forme de nodules dont la coupe montre des bandes concentriques de transparence et de largeur variables ; mais les anciennes agates comprenaient sans doute les variétés opaques, colorées, que nous appelons jaspe. Peut-être le terme hébreu employé désignait-il aussi la cornaline (voir plus loin). L’améthyste (Exode 28.19 ; Apocalypse 21.20), sous la forme commune, est un cristal de roche transparent (c’est-à-dire de la silice) coloré en pourpre par du fer ou du manganèse ; l’améthyste orientale, beaucoup plus rare, est un corindon violet (alumine). L’antiquité considérait cette pierre comme un préservatif de l’ivresse. Le béryl (Apocalypse 21.20 ; Tobit 13.17) désigne aujourd’hui une variété d’émeraude incolore, bleue, rosé ou jaune ; le mot hébreu qui correspond au béryl des LXX est généralement traduit dans nos versions par onyxLa calcédoine (Apocalypse 21.15) est une pierre semi-opaque, d’un blanc laiteux, mais la pierre ancienne était probablement une sorte d’émeraude, trouvée dans les mines de cuivre de Chalcédoine. La chrysolithe (Exode 28.20 ; Ézéchiel 28.13 ; Apocalypse 21.20 ; Daniel 10.6 ; Ézéchiel 1.16) était une pierre couleur d’or, un quartz jaune verdâtre analogue au péridot moderne. La chrysoprase (Apocalypse 21.20). Pline nomme prasius une calcédoine vert-poireau. La chrysoprase en serait une variété teintée d’or, à moins qu’il ne s’agisse ici du béryl jaune. Aujourd’hui, c’est une forme de silice brillante, translucide, colorée en vert-poireau par un oxyde de nickel. Le corail, qui pouvait passer pour une pierre précieuse, est le squelette, ramifié en arbuste, d’un zoophyte vivant sur les fonds rocheux du littoral méditerranéen et de la mer Rouge. L’espèce la plus commune est le corail rouge, susceptible d’un beau poli ; elle est désignée par l’hébreu penînîm (Lamentations 4.7), traduit à tort par perles dans Job 28.18 ; Proverbes 3.15 ; Proverbes 8.11 ; Proverbes 20.15 ; Proverbes 31.10 autant de passages qui en font un terme de comparaison comme objet précieux. Le corail noir, modification chimique du corail rouge lorsqu’il a séjourné dans les fonds vaseux, est appelé en hébreu râniôth et cité dans Ézéchiel 27.16 comme marchandise, dans Job 28.18 (premier mot) comme objet de grand prix. La cornaline (Apocalypse 21.20) est actuellement une variété d’agate transparente, rouge foncé. La Version Synodale traduit ainsi dans Apocalypse le mot grec dont elle traduit l’équivalent hébreu par « sardoine » dans Exode 28.17 et « rubis » dans Ézéchiel 28.13. Le cristal (Ézéchiel 1.22 ; Apocalypse 4.6 ; Apocalypse 22.1) est sans doute le quartz hyalin, c’est-à-dire la silice incolore, ou cristal de roche, bien connu des anciens. Par contre, le diamant (Exode 28.18 ; Ézéchiel 28.13), ou carbone pur, était inconnu, de l’antiquité. Indépendamment de la difficulté qu’il y aurait eu à le graver ; un diamant assez gros pour porter le nom d’une tribu et figurer sur le pectoral du grand-prêtre aurait été d’une valeur fabuleuse. Il s’agit sans doute de l’onyx, ainsi que traduisent les LXX Dans Jérémie 17.1 ; Ézéchiel 3.9 ; Zacharie 7.12. C’est un autre mot hébreu que la Version Synodale traduit par diamant ; il s’agirait ici du corindon, la pierre la plus dure après le diamant, dont les variétés précieuses constituent la série des gemmes orientales tandis qu’une forme impure et granuleuse, l’émeri, est utilisée pour le polissage. L’émeraude (Exode 28.17 ; Ézéchiel 28.13 ; Tobit 13.16 ; Apocalypse 4.3 ; Apocalypse 21.19) est aujourd’hui le corindon vert. Le mot des LXX dans Exode et Ézéchiel semble désigner plutôt une pierre d’un rouge flamboyant, peut-être alors l’alexandrite, émeraude à beaux reflets rouges. Pline connaissait douze variétés d’émeraudes. On a pensé aussi à un cristal de roche verdâtre donnant par réfraction les couleurs du prisme, ce qui expliquerait l’image de Apocalypse 4.3. L’escarboucle (Exode 28.18 ; Ézéchiel 27.16 ; Ézéchiel 28.13 ; Ésaïe 54.12 ; Tobit 13.17) désigne une pierre lumineuse ayant l’aspect d’un charbon embrasé et qui pourrait être soit le rubis moderne (corindon rouge), soit le grenat oriental rouge brun (silicate d’aluminium et de fer). L’hyacinthe, ou jacinthe (Apocalypse 9.17 ; Apocalypse 21.20), désignerait notre saphir moderne (corindon bleu) ou bien un silicate de zirconium de couleur bleuâtre. Le jaspe (Exode 28.20 ; Ézéchiel 28.13 ; Apocalypse 4.3 ; Apocalypse 21.11 ; Apocalypse 21.17 ; Apocalypse 21.19), variété de calcédoine, est actuellement une pierre dure, opaque, colorée de bandes ou taches noires, marron, vertes, rouges ou jaunes. Pline en parle comme d’une pierre verte, mais il en cite plusieurs sortes. Dans Apocalypse 21.11, il s’agit d’une pierre claire, comparable au cristal. L’onyx (Exode 25.7 ; Exode 28.9 ; Exode 28.20 ; Exode 35.9-27 ; Exode 39.6 ; Ézéchiel 28.13 ; Genèse 2.12 ; 1 Chroniques 29.2 ; Job 28.16) est une variété de silice semi-transparente, comparable à l’agate et veinée de rayures parallèles de différentes couleurs. L’opale (Exode 28.19) est de la silice hydratée. C’est une pierre à reflets changeants. Au lieu d’opale, les anciennes versions avaient « ligure », simple transcription du mot grec employé par les LXX et qui désigne, soit l’ambre, soit un marbre jaune. La pierre connue sous ce nom passait, aux yeux des anciens, pour de l’urine de lynx congelée. Le rubis (Exode 28.18 ; Ézéchiel 27.16 ; Ézéchiel 28.13 ; Ésaïe 54.12 ; Cantique 5.14) est un corindon rouge, très précieux, qui correspondrait mieux à l’escarboucle déjà mentionnée ; le rubis désignerait alors, de façon générale, une pierre rouge. Le saphir (Exode 24.10 ; Exode 28.18 ; Job 28.6-16 ; Cantique 5.14 ; Ésaïe 54.11 ; Lamentations 4.7 ; Ézéchiel 1.26 ; Ézéchiel 10.1 ; Ézéchiel 28.13 ; Tobit 13.16, Apocalypse 21.19) n’est pas le saphir moderne (corindon bleu), qui correspond davantage à l’hyacinthe. Pline, en effet, le décrit comme une pierre resplendissante, opaque, de couleur azurée, avec des points d’or ; ce signalement convient à l’outremer naturel, ou lapis-lazuli (silicate d’aluminium, de soude et de chaux), pierre bleue, brillante, souvent tachetée de points jaunes. La sardoine (Exode 28.17 ; Apocalypse 4.3 ; Apocalypse 21.20) est une calcédoine brune rouge sang. Ce serait, dans nos textes, la cornaline transparente ou le jaspe rouge, de même composition, mais opaque. La Version Synodale traduit le même mot grec sardion par « sardoine » dans Apocalypse 4.3 et par « cornaline » dans Apocalypse 21.20 ; par contre, dans ce même verset, elle traduit le mot grec sardonyx par « sardoine ». Le sardonyx était une variété d’onyx renfermant des couches de sardoine ; la pierre présentait des bandes alternativement noires, blanches et rouges. Au dire de Pline, on l’imitait en cimentant des pierres de différentes couleurs. La topaze (Exode 28.17 ; Ézéchiel 28.13 ; Job 28.19 ; Apocalypse 21.20) est un corindon jaune ; la fausse topaze n’est qu’un quartz jaune. Mais les Grecs désignaient ainsi soit le péridot (silicate jaune bleu de magnésium), soit la serpentine verte (autre silicate de magnésium), employée en Égypte.
On peut ajouter à cette nomenclature l’albâtre (Marc 14.3 parallèle Matthieu 26.7 ; Luc 7.37), variété de marbre blanc, susceptible d’un beau poli, avec lequel on fabriquait les vases destinés à contenir les onguents et les parfums. Ce mot finit par désigner les vases eux-mêmes, même s’ils n’étaient pas toujours en albâtre (figure 290).
Voir Ornements, Perle, Verre.
G. V.
Numérisation : Yves Petrakian