1 Voici la postérité des fils de Noé, Sem, Cham et Japheth. Il leur naquit des fils après le déluge. 2 Fils de Japheth : Gomer, Magog, Madaï, Javan, Tubal, Mésec et Thiras. 3 Fils de Gomer : Askénaz, Riphath et Thogarma. 4 Fils de Javan : Élisa et Tharsis, Kittim et Dodanim. 5 C’est d’eux que viennent les peuples dispersés, dans les îles des nations, dans leurs divers pays, chacun selon sa langue, selon leurs familles, en leurs nations. 6 Fils de Cham : Cusch, Mitsraïm, Put et Canaan. 7 Fils de Cusch : Séba, Havila, Sabétha, Raama et Sabthéca. Fils de Raama : Schéba et Dédan. 8 Et Cusch engendra Nimrod ; celui-ci a commencé à être un homme puissant sur la terre. 9 C’était un puissant chasseur devant l’Éternel ; c’est pourquoi l’on dit : Comme Nimrod, puissant chasseur devant l’Éternel. 10 Et le commencement de son empire fut Babel, Erec, Accad et Calné au pays de Sinéar. 11 Étant allé de ce pays-là en Assur, il bâtit Ninive, Rehoboth-Ir et Calach, 12 et Résen entre Ninive et Calach ; c’est la grande ville. 13 Et Mitsraïm engendra les Ludim, les Anamim, les Lehabim, les Naphthuchim, 14 les Pathrusim, les Casluchim, c’est de là que sont sortis les Philistins, et les Caphthorim. 15 Et Canaan engendra Sidon, son premier-né, et Heth, 16 et le Jébusien, l’Amorrhéen, le Guirgasien, 17 le Hévien, l’Arkien, le Sinien, 18 l’Arvadien, le Tsémarien et le Hamathien. Ensuite les familles des Cananéens s’étendirent ; 19 et le territoire des Cananéens alla de Sidon, dans la direction de Guérar, jusqu’à Gaza ; dans la direction de Sodome, Gomorrhe, Adma et Tséboïm, jusqu’à Léscha. 20 Tels sont les fils de Cham selon leurs familles, selon leurs langues, dans leurs divers pays, dans leurs nations. 21 Et des fils naquirent aussi à Sem, qui est le père de tous les fils d’Héber et le frère aîné de Japheth. 22 Fils de Sem : Élam, Assur, Arpacsad, Lud et Aram. 23 Fils d’Aram : Uts, Hul, Guéther et Mas. 24 Et Arpacsad engendra Sélah, et Sélah engendra Héber. 25 Et Héber eut deux fils ; le nom de l’un était Péleg, parce que de son temps la terre était partagée ; et le nom de son frère était Joktan. 26 Et Joktan engendra Almodad, Séleph, Hatsarmaveth, Jérach, 27 Hadoram, Uzal, Dikla, 28 Obal, Abimaël, Schéba, 29 Ophir, Havila et Jobab. Tous ceux-là sont fils de Joktan ; 30 et le pays où ils habitèrent fut la montagne d’Orient, à partir de Mésa, dans la direction de Séphar. 31 Tels sont les fils de Sem selon leurs familles, selon leurs langues, dans leurs divers pays, selon leurs nations. 32 Telles sont les familles des fils de Noé selon leurs générations, dans leurs nations. Et c’est d’eux que sont sorties les nations qui se sont dispersées sur la terre après le déluge.
Après que le morceau précédent a indiqué le caractère spécial de chacune des races qui descendront de Noé, ce chapitre énumère les peuples qui composent ces trois races. Il forme la transition entre l’histoire de Noé, le père de l’humanité nouvelle et celle d’Abraham, le père du peuple élu. Dieu va abandonner pour un temps les nations descendues de Noé à leurs propres voies, pour ne plus s’occuper que d’Abraham et de sa famille, au sein de laquelle il préparera le salut de toutes les nations. Mais tout en laissant ces peuples à eux-mêmes, Dieu n’a pas voulu que toute trace de leur existence fût effacée et il a pourvu par le document que nous allons étudier à ce que leurs noms fussent conservés, en attendant le moment où le besoin du salut se sera développé chez eux et où il pourra enfin leur offrir la bénédiction prononcée sur Noé et sur ses fils après le déluge.
On a pensé que l’auteur de ce document, partant de l’état des choses tel qu’il existait de son temps et qu’il lui était partiellement connu, avait cherché à en donner l’explication en personnifiant les peuples et en représentant sous la forme d’une filiation individuelle les relations qu’ils soutenaient entre eux. De cette manière, notre chapitre ne serait qu’un mythe ethnographique. Mais il nous paraît que c’est précisément l’inverse qui a eu lieu ; l’auteur a voulu, au moyen de la tradition dont il était dépositaire, jeter la lumière sur l’origine des peuples qui occupaient la terre telle qu’on la connaissait alors. Si, après la catastrophe du déluge, l’humanité tout entière est réellement sortie d’une famille unique, il est tout naturel que sa division en branches multiples repose à l’origine sur des relations de parenté et des rapports de filiation. Nous verrons dans le cours de notre étude que l’auteur a rapporté tantôt le nom de l’ancêtre du peuple, tantôt celui du peuple lui-même, lorsque la tradition n’avait pas conservé celui de l’ancêtre.
Nous n’avons pas besoin d’insister sur l’importance de ce document, qui est comme la statistique de l’humanité primitive et qui, malgré ses difficultés et ses obscurités, jette seul quelque lumière sur ces temps préhistoriques. Des savants d’opinions religieuses très diverses sont d’accord pour reconnaître que ce document est le plus ancien de ce genre qui nous ait été conservé et qu’il constitue une source précieuse de renseignements pour la science qui s’occupe de l’origine des peuples et de leur groupement par familles naturelles.
Selon son habitude, l’auteur de la Genèse indique d’abord les races qui ont été éliminées de l’histoire du royaume de Dieu, pour finir par celle d’où sortira la branche élue. Des deux races éliminées, celle de Japheth est placée la première, parce que c’est avec elle que les Israélites ont eu le moins de relations. Nous donnons ici, pour faciliter notre étude, le tableau des peuples mentionnés dans ce chapitre.
À Japheth se rattachent quatorze noms, dont sept appartiennent à la première et sept à la seconde génération ; mais ces sept derniers ne descendent que de deux des fils de Japheth. Comparez le tableau.
Gomer. Ce nom revient dans Ézéchiel 38.6 où il désigne un peuple du nord allié de Gog dans sa grande expédition future contre le peuple de Dieu. Il se retrouve dans les inscriptions assyriennes, à partir du 7e siècle avant Jésus-Christ, sous la forme de Gimirrai, nom de peuple et de Gimir, nom de pays. La contrée désignée ainsi par les inscriptions est, selon toute probabilité, la Cappadoce, partie centrale de l’Asie-Mineure, que les Arméniens appelaient Gamir.
Le nom grec Kimmerioi (Cimmériens) doit aussi être le même mot ; il désigne un peuple qui habitait primitivement au nord de la mer Noire et qui a laissé son nom au détroit reliant cette mer à la mer d’Azof (Bosphore Cimmérien), mais qui, au 7e siècle avant Jésus-Christ, fut refoulé par les Scythes et passa en Asie-Mineure, où il s’empara du royaume de Lydie. Cependant cette race paraît s’être étendue bien au-delà de ces contrées. Ainsi, d’après les historiens anciens, les Thraces, comme d’autres peuples d’Asie-Mineure descendus d’eux, étaient Cimmériens. Pour Homère (Odyssée 11.14), les Cimmériens sont un peuple plus ou moins fabuleux qui habite à l’extrême Occident.
De même, dans diverses contrées, on retrouve chez les anciens des noms qui rappellent Gomer et Kimmerioi : par exemple les Garaméens, avec Gomara comme capitale, en Assyrie ; les Comares, avec la ville de Comara sur les bords de l’Oxus ; les Cumri ou Cymry (Cambriens), peuple celtique habitant le pays de Galles, qui a gardé dans ses traditions le souvenir d’un temps où il habitait les bords de la mer Noire.
Strabon et Plutarque identifient même toute la race celtique, qui habitait l’Europe occidentale, avec les Cimmériens. Quelques savants vont plus loin encore et pensent que la tribu germaine des Cimbres était aussi un rameau de cette race. Il n’est donc pas possible de fixer avec une entière certitude la position géographique de Gomer. Il est probable que ce peuple, parti du berceau primitif de la race humaine, se dirigea vers le nord, s’établit sur la côte septentrionale de la mer Noire et envoya de là ses ramifications vers le sud et vers l’ouest.
Magog doit vraisemblablement être cherché entre Gomer et les Mèdes. Dans Ézéchiel 38.2, Ézéchiel 38.6, Ézéchiel 38.15 ; Ézéchiel 39.2, c’est le nom d’un pays du nord habité par Gog ; Gog domine sur Tubal et Mésec et à lui se joignent Gomer et Thogarma pour envahir les contrées du sud.
Comme il est probable que cette prophétie est en relation avec la grande invasion des Scythes qui venait d’avoir lieu et avait laissé une impression profonde dans l’Asie occidentale, on identifie Magog avec ce peuple, quoiqu’il n’y ait aucune relation entre les deux noms. Il est donc probable que nous devons chercher Magog dans les contrées qui s’étendent à l’ouest de la mer Caspienne et de là vers le nord jusque dans les steppes de l’Oural.
Madaï désigne, d’un accord unanime, les Mèdes, peuple habitant le plateau de l’Iran au sud du lac Caspien et qui apparaît pour la première fois dans l’histoire biblique 2 Rois 17.6, vers l’an 722, comme soumis au roi d’Assyrie. Ils portent exactement le même nom dans les inscriptions assyriennes, où ils sont souvent mentionnés.
D’après cela, Gomer, Magog et Madaï formeraient une ligne continue allant du nord-ouest au sud-est.
Javan commence une nouvelle ligne de l’ouest à l’est. Ce nom est, dans toutes les langues orientales, celui des Grecs et correspond au mot grec Iaônes, ou Ioniens, nom qui, avant de s’appliquer à une branche spéciale de la race hellénique, a servi, selon le témoignage d’anciens historiens grecs, à désigner la race tout entière.
Les Grecs n’occupaient pas seulement la Grèce et les îles de l’Archipel, mais encore la côte occidentale et méridionale de l’Asie-Mineure. La Bible les mentionne souvent : comparez Joël 3.6 ; Ésaïe 66.19 ; Ézéchiel 27.13 ; Daniel 8.21 ; Zacharie 9.13, etc.
Tubal et Mésec sont presque toujours réunis dans l’Ancien Testament, de même que chez les Grecs (Moskoi et Tibarênoi), dans les inscriptions assyriennes (Tabal et Muski) et même dans les hiéroglyphes égyptiens (Tuirasch et Maskouasch). Ce sont les Tibaréniens et les Mosques qui, au temps de l’historien grec Hérodote, habitaient au nord de l’Arménie, entre la mer Noire, le Caucase et la mer Caspienne. Comparez Ézéchiel 27.13 et Ézéchiel 38.2.
D’autre part, d’après des inscriptions assyriennes datant des 8e et 9e siècles avant Jésus-Christ, Tubal était un peuple considérable qui possédait une grande partie de l’Asie-Mineure et dont les frontières touchaient à la Cilicie. Il est donc probable que ce peuple, puissant d’abord, a été refoulé ensuite dans la partie septentrionale de son territoire par les descendants de Gomer (voir à ce nom).
Thiras. Ce nom ne se retrouvant nulle part ailleurs, nous sommes réduits à des conjectures sur le peuple qu’il désigne. Longtemps on a pensé que c’étaient les Thraces tribu puissante de la presqu’île hellénique. Mais, comme nous l’avons vu, ce peuple appartenait à la race cimmérienne. Il est plus probable qu’il faut penser aux Tyrrhéniens, les ancêtres des Etrusques, dans la Toscane actuelle. Ce peuple, dont les origines sont encore mystérieuses, présentait quelque affinité avec les Grecs.
Askénaz. Ce nom se retrouve dans Jérémie 51.27, où il désigne une contrée voisine de la mer Noire et de l’Arménie occidentale. Le nom tout semblable d’Ascagne se retrouve plusieurs fois en Asie-Mineure ; il sert à désigner deux lacs de Phrygie, une localité de Bithynie et un port (le port Ascanien) sur la mer Égée ; il est même probable que la mer Noire portait primitivement le nom de mer d’Ascagne.
Rappelons encore que, dans l’histoire de la guerre de Troie, Homère mentionne parmi les alliés de Priam un Ascagne conduisant les Phrygiens venus de la lointaine Ascanie et que dans l’Enéide le fils du Troyen Enée s’appelle Ascagne. D’après toutes ces données, Askénaz doit être cherché au centre et au nord-ouest de l’Asie-Mineure.
Chose singulière, les Juifs n’ont pas d’autre nom qu’Askénaz pour désigner les Allemands. Plusieurs savants, s’appuyant sur ce fait, ont pensé trouver une assonance entre Askénaz, Saxons et Scandinaves. Quelques traits des traditions primitives de ces peuples seraient favorables à cette supposition.
Riphath. Ce nom ne revient nulle part dans l’Ancien Testament. Josèphe pense à la Paphlagonie, pays montagneux au sud de la mer Noire, où se trouvait un fleuve du nom de Rhébas et un canton appelé Rhébantia. D’autres interprètes ont rapproché ce nom de celui des monts Ripéens, probablement les Carpathes, qui formaient pour les anciens la limite septentrionale du monde connu. Comme les autres descendants de Gomer qui nous sont indiqués habitaient tous au sud de la mer Noire, il faut plutôt donner raison à Josèphe. Mais il est possible qu’un rameau de ce peuple ait passé plus tard en Europe et donné son nom aux monts Ripéens.
Thogarma. Ce nom reparaît dans Ézéchiel 27.14 et Ézéchiel 38.6. Dans le premier de ces passages, il désigne un pays riche en chevaux et en mulets ; or l’Arménie était renommée dans l’antiquité pour ce genre de commerce ; puis surtout, les Arméniens se disaient descendus d’un ancêtre nommé Thorgom, nom qui se rapproche évidemment de Thogarma.
On a supposé aussi que les Turcs descendaient de Thogarma, mais c’est bien peu probable.
Ensuite des résultats auxquels nous sommes arrivés sur Gomer et ses descendants, nous pouvons supposer que cette branche des Japhéthites, établie au nord de la mer Noire, a envoyé ses rameaux vers le sud, en Asie-Mineure et en Arménie. Cependant, comme Gomer reste mentionné à côté de ses descendants, il est probable que quelques-uns d’entre eux seulement sont indiqués ici. Les autres n’ont été connus des Israélites que sous leur nom générique de Gomer (Cimmériens) ; ils sont restés établis au nord de la mer Noire, d’où leurs rameaux se sont probablement répandus vers l’ouest, pour peupler une partie de l’Europe centrale.
Les descendants de Magog et de Madaï ne sont pas indiqués ; il en sera de même de ceux de Tubal, Mésec et Thiras. Il y a deux raisons possibles de ce silence : ou bien ces peuples habitaient aux limites du monde connu de l’auteur, d’où leurs descendants se sont répandus plus loin encore ; c’est le cas de Magog, Madaï et peut-être Thiras ; ou bien, comme Tubal et Mésec, ils ont été entourés par d’autres peuples qui ne leur ont pas permis de s’étendre et de donner naissance à des rameaux considérables.
Ces quatre fils sont groupés en deux paires : Elisa et Tharsis, Kittim et Dodanim.
Elisa. Comme, d’après Ézéchiel 27.7, les Phéniciens tiraient des étoffes de pourpre des îles d’Elisa et comme les côtes de la Laconie et les îles voisines étaient connues dans l’antiquité pour leur pourpre, on a appliqué le terme d’Elisa au Péloponèse, où se trouvait la province nommée Elis. Mais il est probable qu’il ne faut pas restreindre ce nom à cette contrée et que la Sicile et l’Italie méridionale, qui portaient le nom de Grande Grèce, doivent aussi être comprises dans Elisa. Ces pays fournissaient aussi de la pourpre.
Tharsis. Ce mot, souvent employé dans l’Ancien Testament, est le correspondant du grec Tartessos et désigne sans doute l’Espagne. D’après Jérémie 10.9 et Ézéchiel 27.12, Tharsis fournissait en abondance de l’or, de l’argent, du fer, de l’étain et du plomb. Or, on sait que les vaisseaux phéniciens allaient chercher ces métaux en Espagne.
Le nom de Tharsis s’est conservé dans celui d’un peuple transporté par Annibal d’Espagne en Afrique les Thersites et dans celui de leur ville Tharseion. Comparez le nom de Tortose en Catalogne.
Plusieurs auteurs ont pensé à Tarse en Cilicie ; mais ce n’est pas un port de mer et cette contrée n’est pas connue par ses mines.
La seconde paire des fils de Javan, Kittim et Dodanim, doit être cherchée plus près du berceau de la famille ionienne. Kittim désigne l’île de Chypre, où se trouvait la ville de Cittium (Ésaïe 23.1) ; par extension, ce nom s’étendit à d’autres îles, probablement celles de l’Archipel (Jérémie 11.10 ; Ézéchiel 27.6).
Dans des temps plus récents, ce nom reçut une nouvelle extension et s’appliqua à toutes les côtes de la Méditerranée orientale ; en effet, dans 1 Maccabées 1.1 et Genèse 8.5, Philippe et Alexandre de Macédoine sont désignés comme rois de Kittim.
On a voulu étendre cette désignation plus loin encore et l’appliquer même à l’Italie, en s’appuyant sur Daniel 11.30, qui parle de vaisseaux romains comme vaisseaux de Kittim. Mais il est possible que, dans ce passage les vaisseaux romains soient considérés comme partant de Kittim, où ils s’étaient arrêtés quelque temps.
Nombres 24.24 parle aussi de vaisseaux de Kittim qui viendront humilier les Assyriens et les Hébreux.
Cittium était, il est vrai, une colonie phénicienne (Ésaïe 23.4, note) ; mais le déchiffrement de plusieurs inscriptions anciennes trouvées dans l’île a prouvé que sa population était de race hellénique.
Dodanim. On a voulu appliquer ce nom à Dodone, petite ville de la Grèce septentrionale, ou aux Dardaniens, ancien nom des Troyens. Mais Dodone n’était pas habitée par un peuple spécial et les Troyens n’étaient pas de race hellénique. Aussi préférons-nous lire Rhodanim, en adoptant une variante qui se trouve dans 1 Chroniques 1.7 et qu’ont déjà suivie les LXX et le texte samaritain. Les lettres d et r sont très semblables en hébreu. Sous cette forme, ce nom désigne évidemment l’île de Rhodes, peut-être avec les îles qui l’entourent immédiatement.
Rhodes est l’une des premières îles de l’Archipel dont l’histoire fasse mention ; dans Homère, elle apparaît comme l’un des principaux États helléniques et les colonies des Rhodiens dans la Méditerranée occidentale sont parmi les premières fondées.
Nous arrivons ainsi au même résultat pour Javan que pour Gomer ; la race primitive s’est établie en un point central, la Grèce, d’où elle a envoyé ses rameaux dans diverses directions (les îles de l’Archipel, l’Italie méridionale et l’Espagne).
C’est d’eux… : de Javan et de ses fils, non de tous les Japhéthites, car les autres branches de cette race se sont plutôt établies dans des contrées continentales.
Les îles des nations. Le mot hébreu que nous traduisons par îles signifie proprement : un pays de côtes qui ne peut être atteint que par mer. Aussi l’expression les îles des nations désigne-t-elle à la fois les côtes et les îles de la Méditerranée.
Dans leurs divers pays, chacun selon sa langue. La division des langues est envisagée comme coïncidant avec la répartition géographique des peuples. Comparez le récit de la tour de Babel.
Selon leurs familles, en leurs nations. Ces mots indiquent la marche qu’a suivie le développement de l’humanité : les familles en s’étendant sont devenues des nations. Selon indique la norme et en le résultat.
En comparant ce verset avec les versets 20 et 31, on pourrait supposer que les mots : Ce sont là les fils de Japheth, ont été omis devant dans leurs divers pays… Mais il est possible aussi que l’auteur ait voulu parler spécialement de Javan et de ses fils comme des descendants les plus importants de Japheth.
Cette première partie du tableau nous montre la postérité de Japheth se partageant en quatre courants : l’un, Gomer, tourne la mer Noire par le nord et se répand de là en Asie-Mineure et probablement dans l’Europe centrale ; un autre, Javan, passe au sud de la mer Noire et s’en va occuper les pays riverains de la Méditerranée ; un troisième, Magog, se dirige directement au nord ; le quatrième enfin, Madaï, se dirige vers l’est.
Un coup d’œil jeté sur cette ligne non interrompue de peuples japhéthiques, de la mer Caspienne à l’Espagne, montre bien l’accomplissement de la parole de Noé : Que Dieu donne de l’espace à Japheth (Genèse 9.27).
À Cham se rattachent vingt-neuf noms, dont quatre appartiennent à la première génération, vingt-trois à la seconde et deux à la troisième.
Cusch : en égyptien : Casch, Cisch ou Cesch ; dans les inscriptions assyriennes : Casou. Chez ces deux peuples, comme chez les Hébreux (Ésaïe 18.1, note), ce nom désignait un peuple de couleur foncée habitant au sud de l’Égypte, dans la Nubie et l’Abyssinie actuelles.
Cependant ce mot se trouve aussi dans les inscriptions assyriennes sous une forme un peu différente (Casch ou Caschou), pour désigner la population primitive de la Babylonie ; comparez Genèse 2.13, note. Il est donc probable que les Cuschites ont habité d’abord les plaines de la Babylonie, d’où ils se sont avancés peu à peu le long des côtes d’Arabie, pour passer enfin le détroit de Bab-el-Mandeb et se fixer en Éthiopie. Leurs migrations se sont-elles arrêtées là ? Nous n’avons là-dessus aucune donnée, mais il est probable que les habitants des contrées plus éloignées, dans les parties orientales et méridionales de l’Afrique, sont des rejetons de ces Cuschites.
Mitsraïm désigne, dans tout l’Ancien Testament et chez les autres peuples sémitiques, les Égyptiens et leur pays. Dans les inscriptions assyriennes, ce nom apparaît sous la forme de Mousour ou Mousourou ; bien souvent aussi les noms Casou et Mousourou se trouvent réunis dans ces inscriptions, comme en hébreu Cusch et Mitsraïm.
Ce nom de Mitsraïm a la forme d’un duel et signifie selon quelques savants : les deux retranchements, selon d’autres : les deux pays. Il peut difficilement avoir désigné primitivement un individu ; c’est probablement la dénomination géographique de la Haute et de la Basse-Égypte réunies.
Ce nom a donc d’abord désigné la contrée et ses habitants et on l’a reporté plus tard à l’ancêtre de la race, dont le nom s’était perdu. Les noms pluriels en im que nous avons déjà rencontrés, comme Kittim et Dodanim et tous ceux que nous trouverons dans la suite, sont sans doute aussi des noms de peuples, ce qui fait supposer qu’il en est de même pour tous les noms de ce chapitre ; voir cependant nos restrictions versets 8 et 24.
Put est souvent nommé dans l’Ancien Testament à côté de Cusch, de Mitsraïm, des Libyens et des Lydiens (Nahum 3.9 ; Jérémie 46.9 ; Ézéchiel 27.10 ; Ézéchiel 30.5 ; Ézéchiel 38.5).
D’après Jérémie 46.9 et Ézéchiel 30.5, ce peuple servait dans l’armée égyptienne. Les anciens, de leur côté, parlent d’un fleuve nommé Phout dans la Mauritanie (les pays de l’Atlas, au nord de l’Afrique) ; de plus, en langue copte, le district qui touche l’Égypte à l’ouest s’appelle Phaïat, en grec Phoutê. D’après ces indices, nous devons chercher Put le long de la côte septentrionale de l’Afrique, à l’ouest de l’Égypte. Comparez encore Ésaïe 66.19, note.
Les LXX, qui étaient bien au courant de tout ce qui concerne l’Égypte, ont rendu ce nom par Libyens. Nous les avons suivis dans la traduction de Jérémie et d’Ézéchiel. Cependant il ne faudrait pas identifier Put avec les Libyens ; car ceux-ci sont nommés à part au verset 13 (Lehabim) et à côté de Put dans Nahum 3.9. Mais peu à peu le nom des Libyens, le peuple le plus rapproché de l’Égypte, s’était étendu à tous les peuples du nord de l’Afrique et comprenait ainsi Put, qui habitait plus à l’ouest. Toute cette région n’est en effet connue des Grecs que sous le nom de Libye.
Notre chapitre n’indique pas les descendants de Put. Cette race s’est sans doute répandue dans les contrées septentrionales et occidentales de l’Afrique ; mais ces ramifications lointaines n’ont pu être connues de l’auteur.
Canaan. Ce nom désigne ici l’ensemble du peuple, formé par les tribus que mentionnent les versets 15 à 18. Dans d’autres passages (Genèse 15.21 ; Deutéronome 7.1 ; Josué 3.10 ; Josué 24.11), le nom de Cananéens est pris dans un sens plus restreint et désigne l’une de ces tribus en particulier. Les Cananéens, dans ce second sens, étaient ceux qui habitaient les parties basses de la Palestine, c’est-à-dire la côte de la Méditerranée et la vallée du Jourdain (Nombres 13.29 ; Josué 11.3).
On a expliqué par cette circonstance le nom de Canaan, qui parait signifier ; région basse et qui aurait dans ce cas passé, comme Mitsraïm, du pays au peuple et du peuple à l’ancêtre. Mais il serait difficile dans cette supposition d’expliquer l’emploi que fait Noé du nom de Canaan, Genèse 9.25 ; à moins d’admettre que ce nom a été placé par anticipation dans la bouche du patriarche au lieu du nom réel de son petit-fils.
Du fait qu’Abraham et plus tard les Israélites, comprenaient la langue des Cananéens, on a conclu que ces derniers devaient appartenir à la race sémitique et que c’est par haine nationale que notre auteur les range parmi les Chamites. Mais on doit se souvenir qu’il n’est pas possible de conclure de la langue à la nationalité et il est reconnu aujourd’hui que les Cananéens, bien loin d’être venus du nord, comme ce serait le cas s’ils étaient sémites, sont arrivés du sud et que leur culture et leur religion présentaient de grands rapports avec celles d’autres peuples chamitiques, tels que les Égyptiens.
Ils sont au nombre de sept, dont cinq fils et deux petits-fils.
Dans Ésaïe 43.3 et Ésaïe 45.14 Séba est nommé à côté de Mitsraïm et de Cusch. De plus la comparaison d’Ésaïe 45.14 avec Ésaïe 18.2-7 montre que Séba et Cusch devaient appartenir à la même race. Nous sommes donc conduits à placer Séba dans le voisinage de Mitsraïm (l’Égypte) et de Cusch (l’Abyssinie).
Cette conclusion s’accorde avec le rapport de Josèphe, qui dit que Séba était la capitale de l’antique empire de Méroé ; or Méroé était le Sennaar actuel, situé entre l’Égypte et l’Abyssinie. Il est probable que ce peuple s’étendait à l’est jusqu’à la côte de la mer Rouge, car le géographe Strabon (premier siècle après Jésus-Christ) mentionne un golfe et une ville du nom de Séba sur la côte africaine de cette mer.
Havila. Ce peuple a sans doute quitté de bonne heure les côtes du golfe Persique, où il s’était primitivement établi (voir Genèse 2.11 note), pour s’avancer vers le sud-ouest. On a trouvé en effet sur la côte orientale de la mer Rouge, un peu au nord du détroit de Bab-el-Mandeb, un endroit du nom de Haulan, nom qui rappelle celui de Havila.
Il est même probable que ce peuple avait traversé la mer Rouge et passé en Afrique car le géographe Ptolémée (deuxième siècle après Jésus-Christ) parle d’un golfe Avalite et d’un peuple du même nom sur la côte africaine au sud du détroit de Bab-el-Mandeb.
Sabétha doit être cherché, selon toute probabilité, dans la partie méridionale de l’Arabie, où se trouvait la ville appelée par Strabon et Ptolémée Sabatha et par Pline Sabota, centre du commerce de l’encens.
Raama. Voir Ézéchiel 27.22, note. Ptolémée indique une ville de Regma ou Régama, au fond d’une baie du golfe persique.
Sabthéca doit être placé, selon toute probabilité, sur la côte orientale du golfe Persique, où les anciens connaissaient une ville et un fleuve nommés Samudaké. Le m et le b sont des sons très voisins, employés souvent l’un pour l’autre.
Schéba paraît partout dans l’Ancien Testament comme un pays très riche et très commerçant. C’est de là que vint à Jérusalem au temps de Salomon la fameuse reine de Schéba, apportant en présent à ce roi des aromates, de l’or et des pierres précieuses (1 Rois 10.1 et suivants).
L’or de Schéba était renommé comme celui d’Ophir (Psaumes 72.15). Le peuple qui portait ce nom faisait par caravanes le commerce de l’or, de l’encens et des pierres précieuses (Job 6.19 ; Ésaïe 60.6 ; Jérémie 6.20 ; Ézéchiel 27.22). D’après Job 1.15 et Joël 3.8, c’était une tribu belliqueuse et pillarde qui faisait le commerce des esclaves.
Toutes ces données bibliques sont d’accord avec les rapports des géographes anciens, qui parlent fort souvent d’un peuple appelé les Sabéens, fixé dans l’Arabie Heureuse au sud-ouest de la presqu’île. On retrouve aussi des indices de leur habitation plus à l’Est, jusque dans le pays d’Oman, ce qui les rapproche de Raama, la souche d’où ils sont sortis.
D’après les inscriptions assyriennes, ils se seraient même étendus jusque dans l’Arabie septentrionale. Les géographes anciens rapportent que les Sabéens faisaient un commerce fort étendu, transportant les produits de l’Inde et de l’Éthiopie jusqu’en Syrie et en Mésopotamie. Ils étaient le centre de toute une civilisation qui a laissé après elle d’importants monuments et de nombreuses inscriptions.
Il paraît cependant que cette tribu considérable n’appartenait pas exclusivement à la race cuschite, mais était plutôt le résultat du mélange de plusieurs races. Au verset 28, en effet, nous retrouvons une tribu du nom de Schéba qui descend du Sémite Joktan et dans Genèse 25.3 une tribu du même nom parmi les descendants d’Abraham et de Kétura. C’est probablement la réunion de ces trois tribus qui a formé la grande et célèbre nation sabéenne.
Dédan apparaît dans la Bible comme un peuple faisant le commerce par caravanes ; il est nommé comme tel tantôt seul (Ézéchiel 27.15-20), tantôt à côté de Schéba (Ézéchiel 38.13), tantôt à côté de tribus sémitiques de l’Arabie septentrionale (Ésaïe 21.13 ; Jérémie 25.23). Cette dernière donnée s’accorde avec Jérémie 49.8 et Ézéchiel 25.13, où Dédan est rapproché du pays d’Édom.
Peut-être faut-il distinguer deux Dédan, l’un habitant au nord de l’Arabie, qui serait le descendant d’Abraham et de Kétura mentionné Genèse 25.3 et qui a laissé son nom à la ville de Daïdan, dont on a retrouvé les ruines dans l’Arabie septentrionale ; l’autre, le Dédan cuschite, qui aurait habité les bords du golfe Persique et aurait laissé son nom à Daden, l’une des îles de l’archipel Bahrein situé dans ce golfe.
D’après toutes ces données, les Cuschites dont il a été parlé jusqu’ici étaient une population très commerçante, répandue le long des côtes et dans l’intérieur de l’Arabie et jusqu’en Afrique. Nous allons voir une autre branche de la famille cuschite fonder les grands empires assyrien et babylonien.
Ce morceau interrompt la liste des peuples pour raconter les fondations accomplies dans ces temps primitifs par un individu remarquable. C’est, selon toute probabilité, une notice tirée d’un autre document et intercalée ici par le rédacteur.
Cusch engendra Nimrod. Il n’est pas nécessaire de prendre ces mots au pied de la lettre, ils peuvent signifier que Nimrod était un descendant de Cusch à une génération quelconque. Comparez l’expression de fils de David pour désigner le Messie. Si Nimrod était fils de Cusch au sens propre, on ne comprendrait pas pourquoi il ne serait pas nommé en son rang parmi ses frères. La place à part qu’il occupe dans ce tableau montre bien qu’il s’agit d’un individu issu d’une des tribus cuschites, qui se distingua par sa force, ses conquêtes et ses fondations et joua ainsi un rôle éminent dans cette période primitive.
En hébreu, le mot nimrod signifie : Nous nous révolterons. La légende s’est servi de ce sens défavorable de son nom pour amplifier les données si sobres du texte biblique. Josèphe, par exemple, le dépeint comme un homme violent, un despote révolté contre Dieu et à l’instigation duquel les hommes commencèrent à construire la tour de Babel. Mais la forme complètement hébraïque de ce nom ne permet guère de penser qu’il soit le nom primitif de ce personnage de race cuschite.
Les inscriptions babyloniennes parlent d’un héros tout semblable, grand chasseur comme Nimrod et qui, comme lui (voir verset 10), s’établit à Erec. Son nom n’a pas encore pu être déchiffré, mais on est convenu de l’appeler Izdhubar ; c’est le même auquel Hasisatra fait le récit du déluge.
Un homme puissant, en hébreu guibbor, un héros (même mot que Genèse 6.4). D’après les versets suivants, ce fut un homme extraordinaire non seulement par ses exploits à la chasse, mais surtout par ses fondations politiques.
Puissant chasseur. Les bas-reliefs assyriens présentent constamment la chasse comme l’occupation favorite des rois assyriens et babyloniens et même de leurs dieux.
Devant l’Éternel. Cette expression est une sorte de superlatif. Comparez Jonas 3.3 et Actes 7.20. Il était puissant aux yeux de l’Éternel lui-même. La fin du verset est un proverbe populaire dont l’auteur tient à indiquer l’origine.
Le commencement de son empire. Ce passage nous fait assister à la fondation du plus ancien État connu. Il n’est pas dit que Nimrod ait construit ces villes ; il est possible qu’elles aient existé avant lui et qu’il n’ait fait que les agrandir, les fortifier et les réunir en un empire unique.
Babel. La ville de Babylone. Pour la fondation de cette ville et le sens de son nom, voir à Genèse 11.9.
Erec, dans les inscriptions assyriennes Uruk, plus tard Warka, très ancienne ville dont les ruines témoignent d’une haute culture. Elle était située sur la rive gauche de l’Euphrate, au sud-est de Babylone.
Accad. Ce nom n’a pas été retrouvé comme nom de ville ; mais on le retrouve à chaque instant dans les inscriptions, où il désigne, selon toute probabilité, une ancienne province au nord de Babylone.
Calné. Comparez Ésaïe 10.9 ; Amos 6.2. On n’a pas retrouvé ce nom dans les inscriptions ; les anciens commentateurs juifs et les Pères de l’Église croient qu’il s’applique à la ville de Ctésiphon, dont les ruines se trouvent sur la rive orientale du Tigre, à vingt lieues au nord-est de celles de Babylone.
Au pays de Sinéar. Ce nom est probablement le même que celui de Sumir qui, dans les inscriptions babyloniennes, désigne la plaine fertile qui s’étend de Babylone au golfe Persique. Sumir et Accad désignent dans ces inscriptions l’empire babylonien dans son ensemble. Mais pour les Hébreux, le mot de Sinéar avait pris un sens plus général et désignait toute la contrée arrosée par les deux fleuves, puisque, d’après notre verset, Acad, au nord de Babylone, y est aussi compris.
Il résulte de ce passage deux choses :
On a longtemps douté de ces deux faits ; mais ils ont été confirmés d’une manière éclatante par les découvertes faites récemment dans le domaine de l’assyriologie. Sur le premier point, voir Genèse 2.13, note. Quant au second point, il est maintenant historiquement prouvé que toute la culture assyrienne, écriture, art, religion, etc., est d’origine babylonienne et que la puissance politique a été entre les mains de Babylone jusqu’au moment où Ninive s’est séparée d’elle et l’a pour un temps éclipsée en force et en richesse.
Toutes les anciennes versions et quelques commentateurs traduisent : Assur, étant sorti de ce pays-là, bâtit Ninive. Grammaticalement cette traduction peut se soutenir ; mais elle crée plusieurs difficultés : d’abord les mots le commencement de son empire (verset 10) font attendre l’indication subséquente d’un accroissement, qui ne se trouverait nulle part, si le verset 11 avait Assur pour sujet ; puis le pays où alla Assur ne serait pas indiqué ; enfin, d’après le verset 22, Assur était sémite et non chamite.
Voici donc le vrai sens du passage : Le Cuschite Nimrod, après avoir assis son empire à Babylone et dans les contrées environnantes, s’avance vers le nord et arrive dans le pays qui portait déjà le nom d’Assur et qui était habité par un peuple sémitique ; il en fait la conquête et jette les fondements de la grande ville de Ninive.
Ninive. Sur la situation et l’étendue de cette ville, voir Jonas 1.2 ; Jonas 3.3, notes. Des trois agglomérations qui composaient la ville au temps des prophètes, deux seulement sont indiquées ici, Ninive, la ville proprement dite et Calach. La troisième ville, la ville septentrionale, nommée dans les inscriptions Dur-Sarrukin, n’existait pas encore ; elle n’a été construite qu’en 707 par Sargon, ce qui explique pourquoi elle n’est pas mentionnée ici. Quant aux deux premières, les inscriptions confirment leur ancienneté.
Déjà au 15e siècle avant Jésus-Christ, Ninive était la résidence de monarques assyriens, qui ont éternisé leur mémoire par la construction de temples dont on retrouve aujourd’hui les ruines. La fondation de Calach est attribuée à Salmanasar l’ancien (vers 1300 avant Jésus-Christ) ; mais il se peut qu’elle ait déjà existé avant lui et qu’il n’ait fait que lui donner une plus grande extension.
Outre ces deux quartiers de la grande ville assyrienne, notre passage en mentionne encore deux autres qui sont passés sous silence dans les inscriptions : Rehoboth-Ir et Résen. D’après notre passage, cette dernière était située entre Ninive et Calach ; or, la contrée qui s’étend entre ces deux points, est encore aujourd’hui couverte de ruines. Quant à Rehoboth-Ir, c’est là un nom hébreu qui signifie les larges places de la ville ; il désignait donc probablement les faubourgs, en opposition aux villes proprement dites, qui étaient entourées de murailles.
C’est la grande ville. Ces mots se rapportent à tout le complexe des villes qui viennent d’être indiquées et qui furent, dès le temps de Sanchérib (705-681), réunies en une seule ville sous le nom de Ninive qui avait été celui de l’une d’elles.
Ici encore, comme pour Kittim et Dodanim, nous avons affaire à des noms au pluriel, qui doivent désigner des peuples plutôt que des individus. Sur la plupart de ces noms règne encore une grande obscurité.
Les Ludim ne doivent pas être confondus avec le Lud du verset 22 qui appartient à la race sémitique. Ils apparaissent dans l’Ancien Testament comme habiles tireurs d’arc employés dans les armées égyptiennes et tyriennes (Jérémie 46.9 ; Ézéchiel 27.10 ; Ézéchiel 30.5). Comme ils sont souvent, nommés à côté de Cusch et de Mitsraïm, ils doivent sans doute être cherchés dans les contrées à l’occident de l’Égypte. On a essayé de les identifier avec la tribu berbère des Lewata, sur les rives de la Grande Syrte ; mais cette tribu n’est mentionnée qu’à partir du 6e siècle après Jésus-Christ.
Les Anamim. Ce nom ne se retrouve nulle part ailleurs. On l’a rapproché du mot égyptien Anamou, qui désignait des bouviers nomades d’origine asiatique établis pendant, un temps sur les rives de l’un des grands bras du Nil (embouchure de Damiette).
Les Lehabim : les Libyens, le peuple qui est nommé Lubim dans Nahum 3.9, à côté de Put. Sur la position respective de Put et des Libyens, voir verset 6.
Les Naphthuchim. Ce nom, qui ne se retrouve nulle part comme nom de peuple, a été rapproché par les égyptologues du mot Naptah : ceux de Ptah, c’est-à-dire les habitants de Memphis, siège principal du culte de ce dieu. Ce peuple aurait donc habité la moyenne Égypte. D’autres rapprochent ce nom de celui de Napata, ancienne capitale de l’Éthiopie. Mais, dans ce cas, les Naphthuchim seraient sans doute nommés parmi les Cuschites.
Les Pathrusim : les habitants de la Haute-Égypte, appelée par les prophètes Pathros (Ésaïe 11.11 ; Jérémie 44.1-15 ; Ézéchiel 29.14 ; Ézéchiel 30.14)
Les Casluchim. On ne retrouve nulle part un nom exactement semblable. Plusieurs ont pensé à la Colchide, dont la population venait d’Égypte. Mais, même en admettant cette opinion, on doit toujours chercher en Égypte la race qui a formé cette colonie. On est en général d’accord pour placer les Casluchim sur la côte qui s’étend de l’embouchure orientale du Nil à l’angle formé plus à l’est par la Méditerranée. Ptolémée fait de cette côte une province de l’Égypte et l’appelle Kasiôtis ; c’est aussi là que se trouvait le mont Casius.
C’est de là que sont sortis les Philistins. Cette notice, comme celle qui concerne Nimrod (verset 8), interrompt l’énumération. Elle n’indique pas que les Philistins sont descendus des Casluchim, mais seulement qu’ils sont sortis du pays habité par ceux-ci. Notre passage ne nous apprend donc rien sur la race à laquelle appartenait ce peuple des Philistins, qui a joué un si grand rôle dans l’histoire juive.
Les savants ne sont pas d’accord sur ce point. La supposition la plus simple est qu’ils provinrent de la fusion de divers peuples. Ce fut peut-être l’arrivée des Casluchim qui les obligea à émigrer. Il est probable qu’ils se divisèrent en deux courants ; l’un, suivant les côtes de la Méditerranée, arriva dans les contrées méridionales de la Palestine. Plusieurs savants ont retrouvé des traces de cette première émigration dans l’histoire égyptienne et la placent trois siècles et demi avant le moment où les Israélites sont sortis d’Égypte. Cette branche des Philistins existait seule au temps des patriarches (Genèse 26.1) ; elle habitait à Guérar, au sud du pays. C’est la seule que connaisse notre chapitre, puisqu’au verset 19 il fait aller le pays des Cananéens jusqu’à Gaza, laissant en dehors Guérar et son territoire. L’autre courant parti d’Égypte, du pays des Casluchim, se dirigea probablement au nord, vers l’île de Crète (Caphthor) et apporta un élément nouveau à la population grecque de cette île. Plus tard, une partie de ces Philistins de Crète rejoignirent leurs frères de Palestine ; et ce fut alors que fut fondée cette confédération des cinq villes philistines qui donna tant à faire aux Israélites durant les temps des Juges et des Rois.
Ainsi s’expliquent les différents passages relatifs à ce peuple, tels que Deutéronome 2.23 ; Jérémie 47.4 ; Amos 9.7 d’après lesquels les Philistins seraient venus de Caphthor. Cette dernière émigration doit avoir eu lieu avant l’époque de Josué ; car dans Josué 13.3 et Juges 3.3, les Philistins sont nommés parmi les peuples qu’il faut déposséder, tandis qu’au temps d’Abraham leur pays, beaucoup plus restreint, ne fait point partie du territoire promis à la postérité du patriarche (Genèse 15.18-21).
Le nom de Philistins est, probablement en rapport avec le mot éthiopien falasa, étranger, émigrant ; c’est ainsi que l’ont compris les LXX qui, à partir du livre des Juges, le rendent par allophuloi, étrangers. On l’a mis aussi en relation avec le nom de Pélages. Ce seraient dans ce cas des émigrants venus de Grèce, qui auraient colonisé d’abord les côtes d’Égypte, puis de là passé en Asie. C’est du mot Pelischtim (Philistins) qu’est venu le nom de Palestine, qui se trouve déjà chez Hérodote et dans une inscription assyrienne (Palastav).
Les Caphthorim. Ce mot termine l’énumération (les peuples égyptiens, interrompue par la notice sur les Philistins. D’après Jérémie 47.4, Caphthor, la patrie des Philistins, est une île. Or, dans plusieurs passages (1 Samuel 30.14 ; Ézéchiel 25.16 ; Sophonie 2.5), les habitants de la Philistie sont désignés par le mot Crétim (Crétois). Caphthor doit donc être l’île de Crète. Sur la probabilité d’un établissement antérieur des Caphthorim sur le continent, voir la note précédente. Un savant égyptologue croit discerner la même racine c(g)pt à la base des trois noms Caphthor, Égypte et Copte.
Voir la carte
C’est, avec les Joktanides, la liste la plus détaillée qui nous soit donnée dans ce chapitre, ce qui montre que cette branche de la race chamitique était la mieux connue de l’auteur. Sidon et Heth désignent à la fois l’ancêtre et le peuple sorti de lui ; les neuf autres noms sont des dénominations de peuples.
Sidon vient d’une racine qui signifie pêcher. C’est le nom de la plus ancienne ville des Phéniciens qui primitivement se nommaient Sidoniens. Homère ne les connaît encore que sous ce nom. Comparez aussi dans l’Ancien Testament Deutéronome 3.9 ; Juges 3.3 ; 1 Rois 11.1-5 et 33 ; 1 Rois 16.31. La ville et le pays de Sidounou sont aussi mentionnés fréquemment dans les inscriptions assyriennes.
Heth (terreur). C’est le nom de la tribu cananéenne avec laquelle Abraham fut en relation à Hébron (Genèse 23.3 ; Genèse 25.9 etc.). D’après Juges 1.26, elle occupait aussi les environs de Béthel et d’après Josué 1.4, son nom désignait quelquefois tous les Cananéens. Selon d’autres passages (2 Samuel 11.3 ; 1 Rois 10.29 ; 1 Rois 11.3 ; 2 Rois 7.6), les Héthiens étaient un peuple considérable formant plusieurs États dans la Syrie actuelle.
Les noms semblables de Khiti chez les Égyptiens et de Chatti chez les Assyriens désignent évidemment un peuple habitant la même contrée. Les monuments égyptiens portent une quantité d’inscriptions racontant les guerres des Pharaons de la 18e et de la 19e dynastie (temps de la servitude d’Égypte) avec cet État puissant qui leur barrait le chemin de la Babylonie. Ces données ont été confirmées par la découverte faite en Syrie et jusqu’en Asie-Mineure de nombreux monuments appartenant à une civilisation différente de celles des Égyptiens et des Babyloniens et qui ne peut être attribuée qu’à ce peuple.
D’après toutes ces données, les Héthiens étaient probablement une tribu cananéenne considérable qui avait précédé les populations sémitiques en Syrie et dont une colonie existait au milieu des tribus du sud. Chez les peuples étrangers, comme quelquefois chez les Israélites, ce nom servait à désigner l’ensemble des tribus cananéennes. Notre chapitre et le Pentateuque en général ne connaît encore que la tribu héthienne du sud. L’ordre suivi (Héthiens, Jébusiens, Amorrhéens) coïncide, en effet, avec celui de Nombres 13.29. Or, dans ce passage, les espions énumèrent ces peuples dans l’ordre dans lequel ils les avaient rencontrés, en venant du sud.
Le Jébusien. L’article a le sens collectif. Cette tribu habitait dans la montagne, c’est-à-dire sur le plateau qui s’étend entre la plaine maritime et la vallée du Jourdain (Nombres 13.29 ; Josué 11.3). D’après Josué 18.27 ; Juges 1.21 ; Juges 19.10 et 2 Samuel 5.6, Jébus, sa capitale, était la ville qui reçut après la conquête le nom de Jérusalem.
L’Amorrhéen. On a rapproché ce nom du mot amir, sommet (Ésaïe 17.9) ; il signifierait ainsi l’habitant des montagnes. Et en effet, au temps de la conquête, cette tribu, l’une des plus puissantes et des plus belliqueuses du pays, habitait les plateaux d’Éphraïm et de Juda (Nombres 13.29 ; Josué 11.3). Cependant, dans ce même temps, elle s’étendait bien au-delà, car Sihon, qui régnait à l’est du Jourdain entre l’Amon et le Jabbok, était roi des Amorrhéens (Nombres 21.21 et suivants). Og, roi de Basan, également à l’est du Jourdain, mais plus au nord, est aussi désigné comme roi des Amorrhéens (Deutéronome 3.8 ; Deutéronome 4.47 ; Josué 2.10, etc.).
D’après Josué 5.1 ; Josué 7.7 ; Josué 10.5 etc., toutes les tribus habitant dans la montagne du Midi sont comprises sous ce nom, par opposition aux Cananéens, qui habitaient la plaine. Il serait même possible que dans les deux derniers de ces passages ce nom désignât toutes les tribus cananéennes. Au temps des patriarches cette tribu est déjà mentionnée comme habitant les environs d’Hébron (Genèse 14.7-13 ; Genèse 15.16) et de Sichem (Genèse 48.22 ; comparez Genèse 33.19 et Genèse 34.25). Les Amorrhéens reparaissent encore au temps de Salomon (1 Rois 9.20) comme gens de corvée avec les Héthiens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens.
Le Guirgasien. Nous ne savons rien sur ce peuple, sinon qu’il habitait à l’occident du Jourdain (Josué 24.11). Il faut probablement le chercher au nord des Amorrhéens, car notre chapitre énumère les tribus en allant du sud au nord.
Le Hévien ; probablement de havva, bourg ; ce nom désignerait ainsi un peuple bien établi et bien organisé, ce qui est conforme aux données de Josué 9.11. D’après Genèse 34.2, Sichem et d’après Josué 9.7, Gabaon, appartenaient à cette tribu. D’après Josué 11.3, les Héviens habitaient aussi plus au nord, au pied de l’Hermon et d’après Juges 3.3, dans toute la montagne du Liban, de l’Hermon à l’entrée de Hamath.
Outre ces six peuplades qu’Israël devait déposséder, d’autres passages, tels que Deutéronome 7.1 ; Josué 3.10 ; Josué 24.11, en nomment encore une septième, les Phéréziens. Voir à Genèse 13.7.
L’Arkien. Avec ce nom, nous revenons aux populations phéniciennes, dont Sidon faisait déjà partie. Le nom d’Arké ou Arka se retrouve chez les historiens anciens et aussi dans les inscriptions assyriennes ; il désigne une ville située au pied du Liban, à cinq lieues environ au nord de Tripoli. Au temps des Croisades c’était encore une ville forte, en même temps que le siège d’un évêque chrétien ; elle est maintenant en ruines.
Le Sinien, probablement dans la même contrée, Jérôme mentionne les ruines d’une ville de Sin, non loin d’Arka et Strabon parle d’une forteresse de Sinnân dans le Liban. Un voyageur du quinzième siècle parle aussi d’un village de Sin, situé près d’Arka.
L’Arvadien. Ce nom se retrouve dans Ézéchiel 27.8, où il désigne un peuple fournissant d’habiles navigateurs. Ce doit être le peuple mentionné souvent à côté des Tyriens et des Sidoniens chez les auteurs anciens sous le nom d’Aradiens et dans les inscriptions assyriennes sous celui d’Arvada. Ils subsistèrent après la chute de Tyr et de Sidon et occupèrent pendant un temps toute la côte de la Phénicie ; voir encore Ézéchiel 27.8, note.
Le Tsémarien. Les écrivains anciens parlent d’une forteresse nommée Simura, située au pied du Liban, au sud-est d’Arad. Une ville de Simir se trouve souvent mentionnée dans les inscriptions assyriennes à côté d’Arka.
Le Hamathien. Le pays et la ville de Hamath sont souvent mentionnés dans l’Ancien Testament. C’était la frontière normale des Israélites du côté du nord (Nombres 34.8 ; Josué 13.5 ; Juges 3.3) mais cette frontière ne fut atteinte que sous Salomon et Jéroboam II (voir Ésaïe 10.9 ; Amos 6.2 ; Zacharie 9.2, notes).
Les familles des Cananéens s’étendirent : localement, par des colonies ou des conquêtes. Il est fort probable que les Cananéens, quoique venant du sud ou du sud-est (comparez la note sur Canaan, verset 6), sont, comme Abraham, entrés dans le pays par le nord ; c’était, en effet, la route habituellement suivie pour éviter le désert de Syrie.
Établis d’abord dans les environs de Sidon, le premier nom indiqué dans notre liste, ils auront rayonné de là vers le nord et vers le sud et se seront fixés chacun dans la position géographique où nous les trouvons dans les temps historiques. Le verset suivant indique le résultat de ce mouvement pour la branche méridionale de ce peuple qui intéressait surtout l’auteur, puisque son territoire devait devenir celui des Israélites.
Guérar, la ville la plus considérable des Philistins et leur premier établissement ; comparez verset 14.
Gaza, autre ville des Philistins, au nord de Guérar.
Sodome… Voir Genèse 19.28.
Léscha. Ce nom ne se retrouve nulle part ailleurs. Les anciens commentateurs juifs et Jérôme y voient Kallirhoé, ancienne ville de bains sur la côte orientale de la mer Morte. Quoi qu’il en soit, Gaza et la mer Morte sont envisagés ici comme indiquant la frontière méridionale du territoire des Cananéens et Sidon comme marquant sa frontière septentrionale.
Sous une forme un peu différente, ce verset exprime la même idée que le verset 5 : la filiation et la langue ont été les bases de la division des peuples, tels qu’ils se sont établis et constitués dans les divers pays du monde.
À Sem se rattachent vingt-six noms, dont cinq appartiennent à la première génération, cinq à la seconde, un à la troisième, deux à la quatrième et treize à la cinquième. Nous avons déjà constaté que l’auteur, dans son énumération, avait en vue la race de Sem. L’ordre suivi dans la généalogie des Sémites eux-mêmes va nous montrer que tout dans ce chapitre tend à Abraham.
En effet, après avoir énuméré les cinq fils de Sem, l’auteur indique d’abord les descendants du dernier d’entre eux, pour s’arrêter ensuite au troisième, Arpacsad, qui est l’ancêtre direct d’Abraham, par Sélah et Héber. Arrivé à Héber, il énumère d’abord tous les descendants de son second fils, Joktan, se réservant d’indiquer ceux de son fils aîné, Péleg, quand il voudra commencer l’histoire d’Abraham (Genèse 11.18 et suivants).
Père de tous les fils d’Héber. Pour l’auteur, les fils d’Héber sont les Sémites par excellence. Et en effet, ils comprennent tous les Arabes (Joktanides, verset 25 et suivants, Kéturiens Genèse 25.1 et suivants et Ismaélites Genèse 25.12 et suivants), les Ammonites et les Moabites (Genèse 19.37-38), les Édomites (Chapitre 36) et surtout les Israélites. Cette parole répond en quelque sorte à celle de Genèse 9.18 : Cham était père de Canaan. Comme Canaan était aux yeux de l’auteur le descendant principal de Cham, Héber était le descendant principal de Sem.
Frère aîné de Japheth. Sur l’ordre de filiation des trois fils de Noé, voir à Genèse 9.21, note. Le but de cette remarque est de rappeler que, lors même que Sem a été placé le dernier dans ce tableau, il n’en est pas moins l’aîné.
L’énumération va du sud au nord, puis de l’est à l’ouest. En effet, un coup d’œil jeté sur la carte nous montre les tribus sémitiques établies comme en demi-cercle autour de la plaine de Babylone : à l’Est, Elam ; au nord, Assur et Arpacsad ; au nord-ouest, Lud ; à l’ouest, Aram, au sud, les Jotkanides.
Elam. Voir Jérémie 49.3, note. Ce mot dérive du verbe ala, monter et signifie haut pays. Ce nom, comme tant d’autres, a donc passé du pays au peuple, puis du peuple à l’ancêtre. Dans les inscriptions assyriennes, cette contrée s’appelle Ilamtou.
Assur. Voir le verset 11 et Genèse 2.4, notes.
Arpacsad. Un vestige de ce mot parait se trouver dans le nom d’Arrapachitis, que les Grecs donnaient à une contrée située sur le versant méridional de l’Arménie et arrosée par le Zab, qui sejette dans le Tigre près de Ninive. Plusieurs savants ont aussi été frappés de la grande ressemblance qui existe entre la fin du mot (csad) et le mot Casdim (Chaldéens) et ont cru pouvoir traduire Arpacsad par forteresse ou haut pays ou encore territoire des Chaldéens.
Cette étymologie coïncide avec le rapport de Josèphe, qui fait d’Arpacsad le père des Chaldéens. Or nous trouvons les Chaldéens établis au temps d’Abraham près de l’embouchure de l’Euphrate (voir à Genèse 11.28). Il faut donc admettre, si cette étymologie est fondée, que ce peuple, établi d’abord sur le versant sud de l’Arménie, a émigré vers le sud et est arrivé jusque dans la Babylonie méridionale.
Lud ne doit pas être confondu avec les Ludim, peuple égyptien mentionné au verset 43 et dont il est plusieurs fois question dans l’Ancien Testament. Ce nom désigne ici les Lydiens qui, au temps des Grecs, occupaient la partie occidentale de l’Asie-Mineure.
De nombreux traits communs à leurs traditions et à celles des Assyriens et des Babyloniens prouvent leur origine sémitique : d’après Hérodote, par exemple, leur premier roi était, fils de Ninus et petit-fils de Bel, héros mythiques de la vallée de l’Euphrate. Il est probable qu’au moment de la composition de notre chapitre, les Lydiens s’étendaient à l’est jusqu’à Assur et Arpacsad, car jusqu’ici nous n’avons constaté l’existence d’aucun peuple dans la partie méridionale de l’Asie-Mineure.
Aram signifie probablement haut pays ; mais ce nom perdit de bonne heure son sens étymologique et servit à désigner une race considérable qui occupait tout le territoire compris entre la Méditerranée à l’ouest, le pays de Canaan et le désert syrien au sud, le Tigre à l’est et la chaîne du Taurus au nord.
L’Ancien Testament connaît plusieurs pays de ce nom : ainsi les expressions Aram-Naharaïm (Aram des deux fleuves, Genèse 25.10) et Paddan-Aram (champ ou plaine d’Aram, Genèse 25.20 ; Genèse 28.2, etc.) servent à désigner la Mésopotamie ; ailleurs il est question d’Aram de Damas (2 Samuel 8.6), d’Aram de Beth-Rehob et d’Aram de Tsoba (2 Samuel 10.6), trois royaumes syriens en relation avec les Israélites.
Cependant le mot Aram est le plus souvent employé seul et désigne alors la Syrie proprement dite, ou Aram de Damas, au nord de la Palestine. La langue araméenne, très voisine de l’hébreu, était comprise aussi bien des Assyriens et des Babyloniens que des Israélites et était la langue internationale de l’Orient. Comparez Ésaïe 26.11 ; Esdras 4.7 et Daniel 2.4, note.
L’auteur n’indique pas les descendants d’Elam, d’Assur et de Lud et se borne à ceux d’Arpacsad et d’Aram, qui ont une importance particulière dans l’histoire qui suivra.
Uts. Nous retrouvons ce mot comme nom de pays dans Job 1.1 ; Jérémie 25.20 ; Lamentations 4.21 ; d’après ce dernier passage, il doit désigner une contrée située au nord-est d’Édom. Ce même nom se trouve aussi Genèse 22.24, où il désigne le fils aîné de Nachor et Genèse 36.28, parmi les noms des descendants d’Ésaü.
Hul. On ne trouve pas d’autre trace de ce nom que le mot Hulé, qui sert encore aujourd’hui à désigner le lac Mérom, formé par le Jourdain un peu au-dessous de ses sources.
Guéther. Les savants ont indiqué en Syrie et en Mésopotamie plusieurs noms qui rappellent celui-là, mais aucun de ces rapprochements n’est concluant.
Mas. Ce nom se rapproche de celui du mont Masius, au nord de la Mésopotamie, sur la frontière de l’Arménie.
Les noms indiqués dans les versets 24 et 25 désignent évidemment des individus et non des peuples ou des pays. Il semble que l’auteur ait eu des renseignements plus précis sur les chaînons primitifs de cette race. Comparez Genèse 11.10 et suivants. Cela n’empêche pas que les noms indiques n’aient été formés que plus tard par la tradition en souvenir d’événements qui s’étaient passés du vivant, de ces hommes et dont on voulait marquer l’époque.
Sélah dérive du verbe schalach, envoyer, étendre ; ce nom parait rappeler le moment où les Chaldéens commencèrent à émigrer vers le sud.
Héber, de abar, traverser. D’après plusieurs commentateurs, ce nom signifierait : Ceux qui sont venus d’au-delà et se serait formé en Canaan pour désigner la famille d’Abraham (les Hébreux), venue d’au-delà de l’Euphrate. Comparez Genèse 14.13. Mais la famille d’Abraham n’est qu’une branche isolée des descendants d’Héber. Aussi voyons-nous plutôt dans ce nom un monument de l’époque où une partie des descendants d’Arpacsad passèrent le fleuve qui leur servait de frontière méridionale, c’est-à-dire le Tigre, puisqu’ils se dirigeaient vers la Babylonie ; comparez verset 22, note sur Arpacsad.
Péleg, de palag, partager. Le motif de ce nom est indiqué dans les mots suivants.
La terre était partagée. Cette traduction rend seule le vrai sens du temps hébreu ; la traduction habituelle : fut partagée, est inexacte. Péleg ne représente donc pas le moment où la dispersion eut lieu et où chaque peuple se dirigea vers le territoire qu’il occupa plus tard, mais bien celui où la répartition des peuples dans le monde alors connu était un fait accompli. Ce qui confirme ce sens, c’est qu’après les descendants de Joktan, frère de Péleg, aucune ramification de l’humanité n’est plus indiquée.
Joktan est le même personnage que Kahtan, qui, dans les généalogies arabes, désigne l’ancêtre des Arabes proprement dits, par opposition aux habitants primitifs du pays, qui étaient probablement cuschites (comparez verset 7) et aux Ismaélites du nord. Le fait que les Joktanides, en arrivant en Arabie, y trouvèrent des Cuschites déjà établis, prouve évidemment que la dispersion des peuples racontée au chapitre 9 (tour de Babel) avait précédé de beaucoup l’époque de Péleg et de Joktan. Le nom de Kahtan désigne encore aujourd’hui une contrée de la partie septentrionale du Yémen.
Almodad. Ce nom est composé de al, l’article arabe et de modad, qui se retrouve comme nom d’homme sous la forme de Mawaddad dans les inscriptions sabéennes et comme nom de ville (Madudi) dans l’Hadramaut (Arabie méridionale). D’autres interprètes, changeant le premier d en r (comparez Dodanim et Rhodanim, verset 4), lisent Almorad, nom d’une tribu des montagnes du Yémen.
Séleph, même nom que Salif ou Sulaf, qui désigne une tribu du Yémen, au sud-ouest de Sana (Pour la position de Sana, voir plus loin la note sur Uzal). Ptolémée parle d’une tribu appelée les Salapènes, qui habitait dans l’intérieur de l’Arabie.
Hatsarmareth : portique de la mort. Ce nom se retrouve dans les inscriptions sabéennes et s’est conservé jusqu’à nos jours dans le mot Hadramaut, qui désigne une contrée très insalubre, située sur la côte méridionale de l’Arabie à l’est du Yémen. Strabon parle des Hatramotites comme d’une des quatre tribus principales de l’Arabie méridionale. Leur capitale était Sabbatha (ville cuschite), centre du commerce de l’encens. Comparez la note sur Sabétha au verset 7. Il y a probablement eu là un mélange de Cuschites et de Joktanides.
Jérach, mot hébreu qui signifie lune. Le culte de la lune était très répandu chez les Arabes, de sorte que ce nom se retrouve souvent comme désignation géographique dans l’Arabie méridionale : côte de la Lune, montagne de la Lune, Fils de la nouvelle lune, etc.
Hadoram. On n’a donné de ce nom aucune explication satisfaisante. Plusieurs y voient les Adramites dont parle Ptolémée ; mais cette tribu rentre plutôt dans Hatsarmaveth.
Uzal était, d’après les traditions arabes, le nom primitif de Sana, la capitale du Yémen. Au 6e siècle après Jésus-Christ, un écrivain syriaque nomme encore les Auzaliens parmi les tribus du Yémen.
Dikla est inconnu. D’après l’étymologie, ce nom doit indiquer un pays riche en palmiers.
Obal et Abimaël sont aussi complètement inconnus.
Schéba ; voir verset 7, note.
Ophir. Mentionné comme il l’est parmi les Joktanides, dont les limites sont indiquées au verset 30, ce pays ne peut être cherché qu’en Arabie. Il est vrai que d’autres données paraissent contredire cette manière de voir. D’après 1 Rois 9.28 et 1 Rois 10.11-22, les flottes de Salomon, réunies à celles d’Hiram, roi de Tyr, entreprenaient des voyages de trois ans, pour aller chercher à Ophir de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, de l’ivoire, du bois de santal, des singes et des paons.
Un voyage aussi long n’étant pas nécessaire pour atteindre l’Arabie et les produits indiqués ne s’y trouvant pas tous, on a cherché Ophir dans des contrées plus éloignées ; quelques savants ont même pensé aux îles de la Sonde ou au Pérou. Les deux seuls pays en faveur desquels on ait donné des raisons valables sont l’Inde et la côte de Sofala en Afrique.
En faveur de l’Inde, on allègue que les objets rapportés par les flottes de Salomon proviennent en grande partie de ce pays, que leurs noms s’expliquent presque tous par le sanscrit et qu’enfin le nom de Soupara, mentionné par Ptolémée sur la côte de Malabar et celui de Sophir, qui servait à désigner l’Inde chez les anciens Égyptiens, sont en rapport étroit avec le nom d’Ophir.
Pour la cote de Sofala, on ne peut guère invoquer que l’analogie assez éloignée du nom de cette contrée avec celui d’Ophir et le rapport d’un voyageur portugais, mentionnant dans ce pays une montagne d’Afura qui contenait des filons d’or. De plus, quelques-uns des produits cherchés au pays d’Ophir, l’ivoire et les singes en particulier, pouvaient certainement venir d’Afrique.
Mais le nom de Sofala est plutôt en rapport avec le mot schephéla, plaine maritime ; et les autres indices sont peu décisifs. Quant à l’Inde, ni la ressemblance des noms, ni les raisons tirées des produits du pays et de leurs noms, ne peuvent contrebalancer le sens clair de notre verset 30. Comme il y avait des relations très actives entre l’Inde et l’Arabie, les produits de la première pouvaient arriver par mer dans les ports de la seconde et Ophir était sans doute l’un de ces ports servant d’entrepôts pour ce commerce. On comprend donc aisément que les produits de l’Inde fussent cherchés à Ophir.
Quant aux trois ans de traversée, on sait que la navigation était très lente chez les anciens. Au temps de Jérôme (5e siècle après Jésus-Christ), un navire employait encore six mois pour faire le trajet de l’isthme de Suez au détroit de Bab-el-Mandeb. À supposer donc, qu’un navire fût parti en juillet du port d’Ezion-Guéber, au fond de la mer Rouge (c’était le moment le plus favorable pour s’embarquer sur cette mer), poussé par la mousson du nord-ouest, il arrivait à Ophir vers la fin de l’année. Là, il attendait les navires indiens, qui ne pouvaient arriver que vers la fin de juin, poussés par la mousson du sud-est, (de janvier à juin). Aussitôt, la mousson du nord-ouest recommençait à souffler, jusqu’en décembre, de sorte que ce n’est qu’en janvier de la troisième année qu’on pouvait se remettre en route, pour rentrer chez soi plus de six mois après.
Rien ne nous oblige donc à chercher Ophir en dehors de l’Arabie. Mais comme aucun nom analogue ne nous a été conservé, nous ne pouvons fixer exactement sa position.
Havila. Voir verset 7 et Genèse 2.11.
Jobab est tout à fait inconnu.
La montagne d’Orient. Ces mots désignent vraisemblablement le plateau qui occupe le sud-est de l’Arabie.
Mésa est probablement la même localité que Méséné, située au nord du golfe Persique.
Séphar, ancienne ville des Sabéens, à l’angle sud-ouest. de l’Arabie. Ainsi, les Joktanides occupaient toute la portion de l’Arabie située au sud-est d’une ligne allant de l’extrémité septentrionale du golfe Persique au détroit de Bab-el-Mandeb. D’autres interprètes, M. Segond, par exemple, traduisent : Ils habitèrent depuis Mésa du côté de Séphar jusqu’à la montagne de l’Orient. Dans ce sens, il faut identifier Mésa avec une localité du nom de Mouza, située sur le détroit de Bab-el-Mandeb et Séphar avec Saphar, ancien port de mer sur la côte méridionale de l’Arabie. La montagne de l’Orient serait une montagne située au-delà de cette ville et connue des anciens sous le nom de montagne de l’encens.
Mais de cette manière, les Joktanides n’auraient occupé qu’une ligne de côtes au sud de l’Arabie ; or nous avons trouvé des traces de plusieurs de leurs tribus dans l’intérieur, de sorte que notre traduction nous semble préférable.
Résumons brièvement les résultats auxquels nous a conduits l’étude de ce chapitre.
Il nous reste à traiter quelques questions relatives à ce chapitre dans son ensemble.
En comptant les noms de tous les descendants des fils de Noé mentionnés dans ce chapitre, on arrive au nombre soixante-et-onze, qui se réduit à soixante-dix, si l’on retranche Nimrod, dont l’histoire ne rentre évidemment pas dans le cadre primitif de ce morceau et ne se rapporte point à l’origine d’un peuple particulier. Les rabbins juifs, comme nous le voyons dans le Talmud, avaient tiré de là l’idée que l’humanité se composait de soixante-dix nations parlant soixante-dix langues diverses et protégées par soixante-dix anges. Plusieurs commentateurs modernes, d’autre part, s’appuyant sur le caractère symbolique du nombre soixante-dix, ont prêté à l’auteur l’intention arrêtée d’arriver à ce nombre et mis en doute, par cette raison, la valeur historique de ce morceau. Mais nulle part l’auteur ne fait remarquer que les noms indiqués forment cette somme. Et d’ailleurs, s’il y a soixante-dix noms, il est arbitraire de compter soixante-dix peuples.
En effet, les quatre noms des descendants d’Arpacsad mentionnés dans les versets 24 et 25 représentent des chaînons d’une même famille et non des familles différentes ; de plus, Schéba et Havila, mentionnés à la fois parmi les Chamites et parmi les Sémites, forment en réalité chacun un seul peuple, tandis que, dans la liste de Genèse 10 ils comptent chacun pour deux.
Enfin, il est évident que dans les énumérations détaillées, telles que celles des Cananéens, des Égyptiens et des Joktanides, nous avons affaire non à des peuples entiers, mais à des fractions de peuples ; il n’est pas possible, en effet, de mettre une de ces petites tribus sur la même ligne qu’Assur ou Elam. Nous voyons, d’après cela, que l’auteur n’a pas pu songer à donner au nombre soixante-dix une valeur symbolique ; ce sont les rabbins qui lui ont prêté cette intention.
Nous avons admis plus haut que ce chapitre présente l’arbre généalogique réel des peuples descendus de Noé. Mais plusieurs commentateurs ont pensé que l’auteur avait obéi dans cette énumération à un tout autre principe que celui de la filiation. Selon les uns, il classerait les peuples d’après le type physique, en particulier d’après la couleur de la peau. Mais il serait fort difficile de constater une différence de couleur entre Sémites et Japhéthites, de même qu’entre Sémites et Chamites en Arabie, où les deux races sont mélangées. De plus, il est établi par l’histoire et par les monuments que, si une partie des Chamites étaient de couleur foncée, d’autres, tels que les Phéniciens, avaient le teint blanc.
D’autres commentateurs pensent que les peuples sont classés d’après les affinités de langage. Sans doute, dans les temps qui suivirent la dispersion, les peuples se groupèrent selon leurs langues et l’auteur l’indique lui-même dans les versets 5, 20 et 31 : Dans leurs divers pays, chacun selon sa langue. Mais cet état ne fut pas assez stable pour fournir à l’auteur son principe de classification. Il est reconnu, en effet, que, parmi les caractères distinctifs d’un peuple, la langue est l’un des plus fugitifs. Combien, en effet, ne voit-on pas de peuples adopter la langue de leurs conquérants, ou plus souvent encore celle des pays qu’ils envahissent ? Pour nous en tenir aux peuples mentionnés dans ce chapitre, il est reconnu aujourd’hui que les Cananéens et les Phéniciens parlaient une langue sémitique, tout en étant d’origine chamitique.
On pourrait supposer aussi, avec plusieurs interprètes, que l’auteur s’est placé au point de vue géographique. C’est ce que semblent indiquer ces mêmes versets 5, 20 et 31. Si l’on prend les choses en grand, cette opinion peut être soutenue : d’une manière générale, les Japhéthites occupent la zone septentrionale, les Sémites une zone moyenne et les Chamites la zone méridionale. Mais si nous entrons dans les détails, nous trouvons en Asie-Mineure des Japhéthites et des Sémites côte à côte et en Arabie, les Sémites et les Chamites sont tellement mêlés que sur plusieurs points ils se sont fusionnés.
Toutes ces tentatives de classification étant démontrées infructueuses, nous sommes ramenés au principe énoncé en commençant : l’auteur a été guidé par une tradition solide sur la parenté réelle des peuples. C’est le principe énoncé au verset 5 : selon leurs familles, en leurs nations. Mais si le mode général de classification est historique, cela n’empêche pas qu’en dedans de chaque groupe l’auteur n’ait suivi un ordre géographique.
On a cru longtemps que ce morceau formait un tout unique, écrit d’un jet par son auteur. Une étude plus attentive a montré que l’auteur avait eu devant lui au moins deux sources. En effet, dans les versets 24 et 25, sont énumérées quatre générations de descendants de Sem. Les mêmes indications se retrouvent chapitre 11 versets 12 à 19. Or, le passage du chapitre 11 porte avec évidence les caractères du document élohiste, tandis que les termes de l’autre, Genèse 10.24-25, rappellent le mode de narration du document jéhoviste. Cette observation nous porte à attribuer aussi à ce dernier document les passages suivants : versets 8, 13, 15 et 21, qui présentent la même forme : Un tel engendra un tel, au lieu de la forme : Les fils d’un tel furent… , qui se trouve versets 2, 3, 4, 6, 7, 22, 23. De là il paraît résulter que la notice sur Nimrod (Genèse 10.8-12) et les listes des descendants de Mitsraïm (Genèse 10.13-14), de Canaan (Genèse 10.15-19) et de Joktan (Genèse 10.26-30) appartenaient au document jéhoviste. Si maintenant nous enlevons ces morceaux intercalés dans le cadre formé par les morceaux de l’autre série, il reste un tout bien ordonné et bien proportionné, une généalogie qui, sauf un seul cas (Schéba et Dédan), ne dépasse nulle part la seconde génération. C’est là la partie élohiste du chapitre, qui comprend versets 1 à 7, 20, 22, 23, 31, 32. Il suffira de relire séparément ces deux séries de morceaux pour être frappé de la différence qui existe entre eux.
Le rédacteur de la Genèse a donc eu ici, comme pour les chapitres précédents, deux sources à sa disposition : le document élohiste et le document jéhoviste. Mais les auteurs de ces documents doivent avoir employé des sources spéciales dont plusieurs indices trahissent la haute antiquité. Ainsi les Perses ne sont pas nommés, ce qui serait incompréhensible si, comme quelques-uns le pensent, ce tableau avait été dressé d’après les données d’Ézéchiel, au temps de l’exil.
Un autre trait nous fait reculer plus haut encore, avant le 7e siècle avant Jésus-Christ. C’est le fait que le nom de Ninive n’est donné qu’à l’un des quartiers de la grande ville et ne comprend pas encore, comme plus tard, l’ensemble des agglomérations dont elle s’est formée. L’absence du nom de Tyr nous transporte également dans les temps antérieurs à David (11e siècle avant Jésus-Christ), puisque, sous le règne de ce roi, les Tyriens étaient un peuple puissant qui entretenait des rapports suivis avec les Israélites. La ville de Tyr existait même longtemps avant David, dès l’époque de la conquête de Canaan par les Israélites (Josué 19.29). Nous devons donc conclure du silence total de ce chapitre à l’égard de Tyr que les renseignements qu’il renferme sur les tribus phéniciennes sont antérieurs à ce moment-là ; car, si Tyr avait existé, cette ville aurait certainement été mentionnée avec Sidon à côté des Arkiens, des Siniens et des Tsémariens, populations bien moins importantes que celle de Tyr.
Les limites assignées aux Cananéens (verset 19) prouvent également que, au moment où nous transporte notre chapitre les Philistins n’occupaient encore que le district de Guérar ; par conséquent, la seconde immigration de ce peuple n’avait pas encore eu lieu (comparez verset 14). Enfin, l’ordre dans lequel sont mentionnées les tribus cananéennes montre que l’auteur qui a dressé cette liste connaissait exactement leur situation au temps de la conquête (comparez versets 15-16).
Il résulte du caractère spécial de certaines listes que l’auteur devait posséder des renseignements très sûrs et très détaillés sur les habitants de l’Égypte, de l’Arabie et du pays de Canaan, trois pays avec lesquels le peuple d’Israël a eu des relations toutes particulières dans les premiers siècles de son existence. Dans tous les cas, quels que soient le caractère et l’âge des sources auxquelles a puisé le rédacteur de la Genèse, son but a certainement été, de nous présenter dans ce tableau l’ensemble des nations au sujet desquelles l’Éternel va parler à Abraham en lui disant : Toutes les familles de la terre seront bénies en toi (Genèse 12.3).
Cette intention ressort des deux faits suivants : la place assignée à ce tableau précisément au moment où l’auteur va passer de l’histoire générale de l’humanité primitive à l’histoire particulière du peuple élu, puis la circonstance significative qu’aucun des chaînons indiqués dans ces généalogies ne descend plus bas qu’Abraham.
D’autres peuples anciens ont essayé, comme les descendants d’Abraham, de dresser le tableau des nations qu’ils connaissaient. Chez plusieurs, tels que les Égyptiens, les Iraniens et les Babyloniens, on trouve une division de l’humanité en trois branches qui correspondent aux familles issues de Sem, de Cham et de Japheth. Les Égyptiens divisaient, il est vrai, l’humanité en quatre branches, mais comme ils prétendaient former à eux seuls la première branche, leur division se ramène à trois.
Mais ces peuples ne se préoccupent guère des étrangers : ils se considèrent chacun comme le centre du monde et les nations qu’ils jugent dignes de figurer dans leurs listes sont celles qui entretiennent avec eux des relations commerciales ou celles qui leur sont soumises. Le plus souvent, les étrangers ne sont à leurs yeux que des barbares méprisables.
Un tout autre esprit règne dans notre chapitre : aucun peuple n’y occupe une position centrale ; l’humanité primitive tout entière nous y est présentée sur le même plan. Tous les hommes, tous les peuples ont une commune origine, sont égaux en dignité et marchent vers une même destination : c’est pour eux tous que va être préparé le salut dont l’histoire commence au chapitre 12 avec la vocation d’Abraham.
Remarquons même que, tandis que tous les autres peuples se considèrent comme nés sur leur propre sol et comme la première nation constituée, le peuple d’Israël, au sein duquel ce document a vu le jour, reconnaît la haute antiquité des autres nations qui l’entourent et se présente modestement comme le plus jeune d’entre les peuples.
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