Péché, pardon, rédemption
Nous avons entendu déjà, dans les psaumes des pèlerins, plus d’un accent douloureux, suivi de paroles d’espoir ; l’Israélite, souffrant du triste état du peuple de Dieu, s’efforçait de s’affermir dans la foi à la délivrance. Ici, le psalmiste sonde plus profondément encore les maux de son peuple. Le péché ! Voilà le vrai mal et la vraie délivrance est la rédemption. Dans sa brièveté, ce psaume exprime avec une incomparable énergie le sentiment du péché (versets 1 à 4) et la certitude d’une complète rédemption (versets 5 à 8). Aussi Luther le rangeait-il au nombre de ceux qu’il appelait : Psaumes pauliniens, tant il le sentait pénétré de la sève même de l’Évangile. Le Psaume 130 est l’avant-dernier des sept Psaumes pénitentiaux
(voir Introduction).
Le péché (1-4)
Je t’invoque…, hébreu : Je t’ai invoqué… Il y a déjà un certain temps que les fidèles appellent, attendant la réponse divine.
Dans sa détresse, le psalmiste a l’impression d’être au fond d’un abîme d’où aucune force humaine ne peut le sortir. Comparez Psaumes 69.15-16.
Si tu gardes les iniquités. Le verbe hébreu signifie garder et aussi regarder, prendre garde à, sens qu’ont adopté plusieurs versions. Le sens premier du verbe, que nous avons conservé, semble confirmé par le contraste que forme avec lui la question qui suit immédiatement : Qui subsistera ? Il ne saurait subsister, celui dont Dieu garde devant lui les péchés (Job 14.17).
Car le pardon… Les traductions remplacent ce car par un mais, qui, au premier abord, se comprend plus facilement. Cependant, la traduction littérale donne à ce verset et au psaume entier une portée plus grande. Qui subsistera ? Demande le psalmiste, car le pardon aurait dû être suivi de la crainte de pécher de nouveau, et cela, n’a pas été le cas. Continuer à ne pas craindre de pécher, après avoir passé par le pardon, c’est le chemin de la perdition. C’est avec cette pensée angoissante que se termine la première partie du psaume. La seconde partie nous fait assister à la lutte et au triomphe de la foi du psalmiste, qui attend d’une intervention directe de l’Éternel lui-même une rédemption plus complète encore que ce pardon dont Israël use et abuse à sa propre condamnation.
L’attente et la certitude de la rédemption (5-8)
J’ai attendu l’Éternel. Les dons actuels de l’Éternel, les gages de salut que donnent au peuple les institutions légales ne suffisent pas au fidèle. Il attend l’Éternel lui-même. Cette attente du pécheur repentant est exprimée à trois reprises dans ce verset, pour revenir sous une autre forme et avec plus d’insistance encore dans le verset suivant ; le psalmiste lutte contre ses craintes ; il fait effort pour croire, en dépit de tout ; mais c’est à l’Éternel qu’il s’attend et non à tel ou tel de ses dons.
J’ai compté et non : J’ai espéré. J’ai fait plus que d’attendre ; j’ai compté, sans admettre la possibilité d’une déception, sur l’accomplissement de la parole de l’Éternel, qui promet salut et, délivrance au misérable qui s’attend à lui.
Mon âme désire le Seigneur, hébreu : Mon âme au Seigneur ! On peut sous-entendre différents verbes : Mon âme est au Seigneur, tend vers lui, s’attend à lui.
Tout, dans ces deux versets, dit M. Bovet, s’élargit et s’agrandit : ce n’est plus lui seul que le psalmiste exhorte à s’attendre à l’Éternel, c’est Israël tout entier. Il ne parle plus seulement du pardon qui se trouve auprès de l’Éternel (verset 4), mais de son amour (sa grâce) et de la rédemption qui est auprès de lui et qui y est même en abondance. Et son regard, pénétrant l’avenir, aperçoit le jour où ce sera l’Éternel lui-même, qui rachètera son peuple de toutes ses iniquités.
Rédemption : rachat complet de la servitude du péché. Les sacrifices expiatoires couvraient le péché d’Israël (Lévitique 16.1 et suivants). Le psalmiste attend plus que cela et par là même il dépasse les limites de l’ancienne alliance et entrevoit la délivrance complète que l’Éternel opérera sans aucun intermédiaire. On comprend que, dans une telle attente, il se compare au guet qui, sur la colline du temple, pendant les longues veilles de la nuit, attendait le premier rayon du jour, pour faire savoir aux adorateurs de l’Éternel que l’heure était venue de le louer.
Ce psaume, dirons-nous avec M. Bovet, marque un des points culminants du développement religieux en Israël. Israël est arrivé à entrevoir ce qu’a développé plus tard l’auteur de l’épître aux Hébreux (chapitres 9 et 10) ; il a pressenti que les sacrifices prescrits par la loi et que l’on devait répéter toujours de nouveau, ne pouvaient amener à la perfection ceux pour qui on les offrait… ; il lui faut une expiation qui ne se borne pas à couvrir ses péchés, mais qui l’en affranchisse (Romains 6.18). Cet affranchissement que la loi ne peut donner (Romains 8.3), l’Éternel peut l’opérer et il l’opérera. C’est dans cette même certitude que Zacharie annonçait un jour où l’Éternel ôterait l’iniquité du pays (Zacharie 3.9). Au moment même de la venue du Sauveur, Siméon, semblable à l’un de ces guets dont parle notre psaume, obtenait la promesse qu’il ne mourrait point, qu’il n’eût vu le Christ du Seigneur (Luc 2.26).