Verset à verset Double colonne
Contre l’esprit de parti
Je n’ai pu vous parler comme à des hommes avancés dans la vie spirituelle, mais comme à de petits enfants qu’il faut nourrir de lait, car vous êtes encore charnels (1-3).
Qu’est-ce qui le prouve ? Ce sont vos divisions et l’esprit de parti qui règne parmi vous. Chacun se réclame d’un nom d’homme, mais que sont ces hommes ? De simples serviteurs, dont l’un plante, l’autre arrose, tandis que Dieu seul donne la vie et la croissance (4-6).
Dieu est donc tout et quant à ses serviteurs, égaux entre eux, ils recevront chacun sa récompense selon leur fidélité ; le champ qu’ils cultivent, l’édifice auquel ils travaillent, sont à Dieu (7-9).
Paul a commencé (1 Corinthiens 1.10) une sévère répréhension de l’esprit de parti qui régnait à Corinthe ; il en a trouvé et attaqué la cause dans l’application de la sagesse humaine et de l’art humain à la prédication de l’Évangile (1 Corinthiens 1.17) ; en reprenant maintenant ce sujet, il en appelle, ainsi qu’il l’a déjà fait (1 Corinthiens 2.1-5), à l’exemple et à l’expérience de son propre ministère, tel qu’il lui était prescrit par l’état peu développé de l’Église de Corinthe ; mais bientôt il généralise cet exemple en montrant que Dieu seul en Jésus-Christ est tout pour le fidèle, qui ne doit voir dans les ministres de la Parole que d’humbles instruments ; enfin, il rattache cette démonstration à ce qui précède, en rappelant encore une fois (versets 18-23) que la source des divisions est toujours dans l’estime exagérée de la sagesse humaine.
Ces mots : spirituels, charnels sont employés ici dans un sens un peu différent de celui qu’ils ont dans Romains 7.5-14 ; Romains 8.5 et suivants ; Galates 6.1. Tout chrétien en qui est commencée l’œuvre de la régénération n’est plus charnel, dans le sens absolu du mot, puisque l’Esprit de Dieu travaille en lui (Romains 8.9) ; et l’apôtre estime qu’il en est ainsi de la plupart des membres de l’Église de Corinthe, puisqu’il les appelle des enfants en Christ, par opposition à ceux qu’il a nommés « les parfaits » (1 Corinthiens 2.6).
Mais ceux qui sont encore enfants en Christ, c’est-à-dire nouveaux convertis, peu affermis dans la communion avec le Sauveur, ne sont pas tellement sous la domination de l’Esprit qu’il n’y ait en eux, et, il faut dire, hélas ! Dans la plupart des chrétiens, des moments où la chair, le vieil homme, avec ses convoitises, exerce encore sur eux son empire et où, par conséquent, ils peuvent être appelés charnels.
Paul emploie à dessein un terme si fort, précisément parce que les Corinthiens, à cause de leurs connaissances et de leurs dons (1 Corinthiens 1.5-7 ; 1 Corinthiens 8.1), étaient tentés de se considérer eux-mêmes comme très spirituels et très avancés dans la vie chrétienne. Grande erreur, partout où ne règnent pas l’humilité et la charité (1 Corinthiens 4.8).
C’est-à-dire les premiers éléments de l’Évangile et non « la sagesse pour les parfaits » (1 Corinthiens 2.6, note).
Et même les doctrines profondes de cette épître, comme 1 Corinthiens 2 et 1 Corinthiens 15, ne sont présentées à l’Église de Corinthe qu’incidemment et dans le but de réfuter les erreurs opposées.
Grec : « Ne marchez-vous pas selon l’homme ? »
Cette dernière expression complète et explique le mot charnel ; d’où il faut conclure, puisque l’apôtre emploie ici indifféremment ces deux termes l’un pour l’autre, que le mot charnel ne doit point uniquement s’appliquer à de grossières passions, mais s’étendre à la nature humaine tout entière. « Ce qui est né de la chair est chair ». C’est pourquoi l’Évangile demande que nous naissions de l’Esprit, que nous devenions de nouvelles créatures (comparer 1 Corinthiens 2.14, note).
L’apôtre revient ici à ces partis de l’église de Corinthe, dans lesquels il montre à ses lecteurs la preuve du sévère jugement qu’il prononce sur eux.
Entre les mots envie et querelles, on trouve encore, dans le texte reçu, des dissensions, ce qui n’est pas authentique.
(comparer 1 Corinthiens 1.12, note).
Le texte reçu porte ici, comme au verset 3 « n’êtes-vous pas charnels ? » Nous rétablissons la variante beaucoup plus autorisée : n’êtes-vous pas des hommes ? expression qui correspond à celle du verset 3 « marcher selon l’homme ».
Les Corinthiens auraient dû être plus que des hommes, des chrétiens.
Paul avait fondé l’Église de Corinthe, qu’Apollos avait ensuite contribué à faire avancer dans la vie chrétienne ; mais comme, dans la nature, toute vie et toute croissance viennent de Dieu, sans lequel l’homme planterait et arroserait en vain, de même, dans le règne de la grâce, l’œuvre de l’homme disparaît en présence de l’œuvre de Dieu.
On remarquera que la traduction du verset 5 diffère du texte reçu et de nos versions ordinaires ; la vraie leçon y est rétablie.
La construction grecque de ce verset 9 rend beaucoup mieux l’idée que Dieu est tout et l’homme rien qu’un instrument : « car c’est de Dieu que nous sommes coopérateurs, de Dieu que vous êtes le champ, de Dieu l’édifice ».
Par ce dernier mot, l’apôtre abandonnant sa première image, prise de la culture des plantes, passe à une seconde, empruntée de l’architecture, qu’il développe en détail dans les versets suivants.
Imitant un sage architecte, j’ai posé au milieu de vous le fondement, le seul vrai, Jésus-Christ : que chacun prenne garde comment il édifie dessus (10, 11) !
Il est possible d’employer dans l’édifice des matériaux de valeur fort diverse ; mais il vient un jour où l’œuvre de chacun sera manifestée, subira l’épreuve du feu, subsistera ou sera consumée et il restera pour l’un la récompense, pour l’autre la perte de son travail (12-15).
Cet édifice, c’est l’Église, le saint temple de Dieu où habite son Esprit : or, détruire ce temple, c’est s’exposer aux plus terribles châtiments (16, 17).
En se comparant à un sage architecte, Paul n’entend point caractériser la manière dont il a travaillé et moins encore s’adresser une louange ; car il attribue tout à la grâce qui lui a été donnée ; il ne s’agit ici que du fondement qu’il a posé (verset 11).
Tout sage architecte commence par là avant de songer à bâtir, voilà tout ce qu’il veut dire. La suite explique l’image dont il se sert (verset 15, note) et la mesure de la récompense promise (verset 8).
Personne ne peut moralement, légitimement, poser dans l’Église un autre fondement que le Jésus-Christ historique et vivant sur qui seul elle repose.
Ce fondement est posé, par qui ?
Par l’apôtre, répondent les uns en se référant au verset 10.
Par Dieu lui-même, disent les autres, car Paul parle ici d’une manière générale de l’Église universelle et de son unique fondement qui émane de Dieu (Matthieu 21.42 ; Éphésiens 2.20 ; Actes 4.10 ; Actes 4.11 ; 1 Pierre 2.6).
Ce qui n’empêche pas que tout apôtre, tout évangéliste, tout missionnaire qui annonce Jésus-Christ fidèlement, ne pose, dans un sens restreint, le fondement, comme Paul l’avait fait à Corinthe et ailleurs. Quant à ceux qui posent un autre fondement, ils sont en dehors de l’Église chrétienne.
Pour comprendre le sens spirituel de cette belle image, il faut bien se représenter l’image elle-même : avant d’élever un édifice durable, un temple majestueux (verset 16), il faut d’abord poser un ferme fondement ; tous en conviennent, il n’y a ici nulle différence d’opinions (verset 11).
Mais sur ce fondement, on peut bâtir avec des matériaux fort divers : de nobles métaux, de l’or, de l’argent, servant à l’ornement intérieur de l’édifice ; des pierres précieuses, le marbre, le porphyre, le jaspe, composant les colonnes et les parois du dedans ; ou bien aussi du bois, du foin, du chaume employés dans certaines parties de la charpente et de la maçonnerie.
Arrive le jour où éclate un incendie, les premiers matériaux supportent l’épreuve du feu ; les derniers, s’il y en a, sont consumés. Alors l’ouvrier ne se sauve qu’au péril de sa vie et fait la perte de son avoir et de sa peine.
L’apôtre se contente d’indiquer le sens spirituel : vous êtes l’édifice de Dieu (verset 9 ; comparez verset 16) et laisse tout le reste à l’intelligence de ses lecteurs.
Il dit pourtant clairement quel est le fondement, Christ (verset 11), sans lequel il n’y a point d’édifice spirituel, point de temple où Dieu puisse habiter. Ce fondement a été posé par Dieu lui-même et pour toujours.
Ce qui est bâti ensuite sur ce fondement, ce sont toutes les doctrines vraies ou fausses (comparez verset 6 à 9) annoncées dans l’Église, c’est la manière de faire de chaque serviteur de Dieu, l’esprit qu’il apporte dans son travail.
Si ces matériaux sont de même nature que le fondement, s’ils proviennent directement de Christ, de sa justice, de son Esprit, ils pourront tous résister au feu. Au contraire, tout mélange d’erreur, de souillure, de péché, provenant, soit de l’ouvrier, soit de ceux qu’il travaille à édifier, est destiné à périr.
Le jour de la venue de Christ, du jugement éternel (Hébreux 10.25) manifestera l’œuvre de chacun, la fera passer par l’épreuve du feu (2 Thessaloniciens 1.8). La récompense de l’ouvrier fidèle sera, non seulement son propre salut, mais la conservation de son œuvre, le bien accompli et subsistant pour la vie éternelle, les âmes sauvées, qui seront sa joie et sa couronne. Mais celui qui a employé de mauvais matériaux aura la douleur de voir périr son œuvre et le fruit de sa peine ; lui-même ne sera sauvé qu’au travers du plus terrible danger et uniquement s’il n’a pas abandonné le fondement !
C’est le marchand naufragé qui voit périr sa cargaison et son profit et n’est sauvé lui-même qu’au travers des flots.
Il y a, dans cette instruction de l’apôtre, un avertissement plus redoutable encore : Craignez, semble-t-il dire à ceux qui mettaient leur confiance en l’homme (versets 4 et 5) ; car, s’il est des erreurs dans lesquelles et malgré lesquelles, il y a encore un salut possible, qui peut tracer avec certitude une ligne démarcation entre ce qui sera brûle autour de lui et en lui et ce qui finirait par le perdre lui-même éternellement ?
Cette nouvelle image, très familière à notre apôtre (Éphésiens 2.21 ; 2 Corinthiens 6.16) et inspirée par celle qui précède, en est pourtant indépendante et présente la pensée de l’apôtre sous un autre point de vue.
Ici, au lieu d’un édifice en voie de construction et dans lequel chacun doit prendre garde de ne bâtir qu’avec de bons matériaux, posés sur le bon fondement, c’est un temple achevé et sanctifié auquel l’apôtre compare l’Église de Christ et chaque âme individuelle dans laquelle habite l’Esprit de Dieu. Or, détruire (grec : « corrompre ») le temple de Dieu, le lieu sacré de sa demeure, est un acte bien plus coupable encore que celui de le bâtir avec des matériaux d’inégale valeur. Aussi la menace est-elle ici bien plus terrible.
Détruire, de la part de Dieu, ne peut signifier que la perdition éternelle (Matthieu 10.28 ; Matthieu 16.25). Et cela montre jusqu’où peut conduire une voie d’erreur, décrite sous l’image précédente, si toutefois on y persévère.
C’est se séduire soi-même que de s’estimer sage selon le siècle ; car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu (18-20).
Vous glorifier dans les hommes, c’est méconnaître vos privilèges comme chrétiens. Puisque toutes les choses et tous les hommes sont à vous, vous à Christ seul et Christ à Dieu lui-même (21-23).
En se croyant sage selon le monde (versets 18-20), ou en mettant sa confiance et sa gloire dans les hommes qui ont cette prétention (versets 21 et 22).
L’apôtre jette ici un regard en arrière sur la grande pensée qu’il a développée 1 Corinthiens 1.17 et suivants, concernant la sagesse de ce siècle, mise en opposition avec la folie de la croix. Son but, en le faisant, est de montrer que tout ce qui précède, même les deux dernières images, a rapport à l’esprit de parti qu’il combat et qui, à Corinthe, n’avait d’autre origine que la recherche de la sagesse humaine et des dons brillants sur lesquels elle s’appuie.
Toute sagesse qui s’élève à côté de la sagesse divine de Christ, sera confondue. Quiconque en a poursuivi le prestige trompeur, doit s’en dépouiller d’abord, devenir fou aux yeux du monde, pour trouver la vraie sagesse (1 Corinthiens 1.24, note).
Job 5.13. Donc il est plus sage qu’eux ; et ceux-là seuls deviennent sages, à qui il fait part de son Esprit (1 Corinthiens 2.10).
Psaumes 94.11, où on lit : « les pensées des hommes », c’est-à-dire de tous les hommes, sans en excepter les plus sages que l’apôtre nomme ici pour les prendre à partie.
Mettre sa gloire dans les hommes, ou, comme il y a littéralement se glorifier en eux, ce n’est pas seulement vouloir jouir de leurs dons ou de leur supériorité, mais c’est mettre en eux sa confiance, se placer à leur égard dans un état de dépendance spirituelle (voyez sur le sens complet du mot, Romains 5.2 ; Romains 5.11 ; Galates 6.14).
Or, pour l’enfant de Dieu, c’est là descendre au lieu de monter ; car il est « héritier de Dieu et cohéritier de Christ ; » il a part à tout ce que possède son Père céleste : tous les serviteurs de Dieu, qu’ils s’appellent Paul, Apollos, ou Céphas, sont à lui, car ils sont établis de Dieu pour son salut ; le monde entier, la vie, la mort, toutes les puissances vivifiantes ou destructives du règne de la nature ou du règne de la grâce, tous les événements du présent ou de l’avenir, doivent servir au grand but de son salut, tout ayant été créé pour celui qui, en Christ est redevenu le roi de la création (comparer Romains 8.31-39 ; Matthieu 5.5, note).
N’est-ce pas renier ces glorieux privilèges que de mettre sa confiance et sa gloire en un homme, fût-il même le plus excellent des hommes ?
En tête sont placés les noms des trois docteurs dont on avait fait des chefs de parti et à l’occasion desquels est donné tout cet enseignement. Pour énoncer sa conclusion, Paul ne fait que retourner les trois formules. Au lieu de dire : « Je suis à Paul » Les Corinthiens doivent dire : « Paul est à moi ». L’Église est le but ; les ministres sont le moyen. Ils sont des dons qui lui sont faits et qu’elle doit mettre à profit sans dédaigner l’un, ni s’engouer de l’autre.
Grec : « Vous êtes de Christ et Christ est de Dieu ». En s’élevant ainsi des créatures au Créateur, l’apôtre indique à la fois la garantie et la couronne de tous les privilèges de l’enfant de Dieu qu’il vient d’énumérer.
Être de Christ doit suffire au chrétien pour qu’il ne soit plus ni d’Apollos, ni de Céphas, ni d’aucun homme ; d’autant plus qu’en appartenant à Christ, il appartient à Dieu lui-même, parce que Christ est l’image du Dieu invisible (Colossiens 1.15), la splendeur de sa gloire (Hébreux 1.3), un avec le Père (Jean 10.30).
Le même rapport de communion et d’amour qui existe entre le Père et le Fils, est rétabli par le Médiateur entre le Père et ses enfants (Jean 17.21 ; Jean 17.22).
Quelques interprètes ont voulu voir dans ces dernières paroles un avertissement donné au parti de l’Église de Corinthe qui se réclamait exclusivement et non sans orgueil, du nom de Christ. Paul voudrait élever leur pensée jusqu’à Dieu, pour les ramener à l’unité suprême. C’est possible.