Verset à verset Double colonne
Ce récit est le plus ancien document, le texte fondamental pour la connaissance du temple de Salomon. Malheureusement il est à bien des égards fragmentaire et il renferme de nombreuses expressions techniques d’architecture dont plusieurs ne reviennent nulle part ailleurs dans nos livres sacrés. Il présente ainsi de réelles difficultés d’interprétation. La description plus détaillée, chapitres 3 et 4 de 2 Chroniques, complète celle des Rois sur quelques points. Celle d’Ézéchiel (chapitres 40 à 44) s’accorde pour l’ensemble et pour beaucoup de particularités avec la nôtre. Mais elle réunit à l’élément historique un élément symbolique et idéal. Le prophète trace le type du règne de Dieu à venir en se servant du souvenir de l’ancien temple qu’il avait contemplé et où peut-être il avait fonctionné dans sa jeunesse. On ne peut l’utiliser qu’avec une grande réserve. Quant à Josèphe, qui n’avait connu que le troisième temple, il ne paraît pas avoir possédé d’autres renseignements que ceux que nous possédons nous-mêmes.
La date de la construction du temple est indiquée (verset 1) d’une manière très précise et même avec une certaine solennité. Ce moment inaugure en effet une période toute nouvelle dans l’histoire du peuple de Dieu. Tandis que, depuis la sortie d’Égypte, l’existence de ce peuple, agitée par des guerres et des troubles continuels, avait eu un caractère plus ou moins instable et nomade, avec Salomon commence l’époque de la possession tranquille et complète de la Terre promise. Le temple, succédant comme lieu de culte à une tente mobile, est le gage de ce nouvel état de choses qui durera jusqu’au moment où s’achève le récit des livres des Rois (2 Rois chapitre 25).
La construction de cet édifice fut d’ailleurs un événement historique de premier ordre, car dans cet ancien monde, couvert d’une innombrable multitude de temples, il fut le seul consacré au vrai Dieu. Sur le chiffre de 480 ans écoulés depuis la sortie d’Égypte, voir l’introduction au livre des Juges.
Description de l’édifice extérieur.
Au mois de Ziv. Le mot Ziv, qui signifie éclat, splendeur, désignait le mois des fleurs ; il pourrait se traduire par Floréal. C’était le second mois, correspondant à notre mois de mai, puisque l’année commençait à l’équinoxe du printemps. Comme les mois, après l’exil, ont porté d’autres noms chez les Israélites, ce terme prouve l’antiquité du document que nous avons sous les yeux.
La maison. Ce mot désigne ici l’édifice sacré dans son ensemble, comprenant et le Lieu saint (hécal) et le Lieu très saint (débir).
Soixante coudées de longueur… Il s’agit, d’après 2 Chroniques 3.3 de la coudée ancienne, qui était plus longue que celle en usage au temps de l’exil et mesurait 56 centimètres (comparez Ézéchiel 40.5 ; Ézéchiel 43.13). La longueur du temple était donc de 60 coudées (33,6 m) , sa largeur de 20 coudées (11,2 m) et sa hauteur de 30 coudées (16,8 m). Ces dimensions sont pour la longueur et la largeur le double de celles du Tabernacle et pour la hauteur le triple, ce qui donnait une meilleure proportion architecturale.
La maison était précédée d’un portique ou vestibule, par lequel on entrait, comme dit le texte, dans le temple de la maison, le hécal. Ce mot, qui signifie proprement la grande salle (de l’arabe : être grand), désigne la première pièce de l’édifice, le Lieu saint, par opposition au Lieu très saint, beaucoup plus petit. Le portique qui conduisait au Hécal, avait 20 coudées de longueur, dans le sens de la largeur de la maison, soit 14,2 m ; sa largeur, nous dirions sa profondeur, était de 10 coudées (5,6 m). Ces dimensions, comme celles du verset précédent, mesurent l’espace intérieur ; pour avoir les dimensions extérieures de l’édifice, il faudrait y ajouter l’épaisseur des murs qui était considérable (voir figure). Le passage 2 Chroniques 3.4 donne outre cela au portique 120 coudées de hauteur. Ce chiffre, probablement exagéré, car il semble disproportionné au reste de l’édifice, ne pourrait s’appliquer qu’à la hauteur des pylônes qui dominaient le portique (mais voir la notice finale à la fin du chapitre 8).
Les fenêtres, par lesquelles l’air et la lumière pénétraient dans l’intérieur et s’échappait le parfum, se trouvaient à la partie supérieure des murs latéraux (sud et nord) du Lieu saint ; car la partie inférieure de ces murs était masquée par une construction adossée au temple, dont il va être parlé. Elles étaient à demi fermées par un grillage en forts barreaux (peut-être de pierre) fixés dans le mur et non par un treillis pouvant être ouvert ou fermé à volonté, comme dans les maisons ordinaires (2 Rois 13.17 ; Daniel 6.10 ; Ézéchiel 40.16). Nous en ignorons le nombre et la grandeur.
Un bâtiment latéral (voir Ézéchiel 41.5-11), comprenant trois étages de cellules, était adossé extérieurement aux murs du temple, des trois côtés nord, ouest et sud ; car il est clair que le portique, du côté de l’entrée, restait libre.
Le Lieu très saint est appelé ici débir. Ce mot paraît signifier extrémité et désignait le Lieu très saint comme la partie la plus reculée de l’édifice à l’occident. Jérôme l’a dérivé du mot dabar, parler et par cette étymologie est arrivé au sens d’oracle, employé dans plusieurs traductions.
Et il fit des chambres latérales à l’entour. D’après Ézéchiel 41.6 et Josèphe, chacun des étages comprenait trente chambres ou cellules, à savoir douze sur chacun des côtés nord et sud et six sur le derrière. Ces chambres étaient des appartements ou magasins dans lesquels étaient conservés les ustensiles sacrés et les trésors de la maison de l’Éternel (1 Rois 7.51).
Cette construction avait cette singularité que les étages supérieurs étaient plus larges du côté du temple que les inférieurs. Cet élargissement graduel des étages correspondait à la disposition particulière des murs du temple qui servaient d’appui à l’édifice latéral : ils diminuaient d’épaisseur à la hauteur de chaque étage de celui-ci, de sorte que les poutres supportant les planchers des cellules reposaient par leur extrémité intérieure sur le mur du temple bâti en retraites successives d’une coudée, et cela, sans entamer le mur lui-même (voir figure). Car les magnifiques pierres de taille dont il a été question au chapitre 5 devaient rester intactes. Ces retraites successives d’une coudée, pratiquées trois fois dans le mur, autorisent à penser que celui-ci avait à sa base une épaisseur de cinq ou six coudées (entre 3 et 3,5 m). L’édifice latéral que décrit Ézéchiel, présente une particularité semblable (Ézéchiel 41.7).
Le caractère sacré de l’édifice, indiqué déjà au verset 6, explique le fait relevé dans ce verset. Le mode d’érection du temple eut quelque chose de très solennel par le silence religieux qui fut observé dans ce travail. Les pierres avaient été façonnées dans la carrière, ou peut-être dans un endroit voisin de Jérusalem, de telle sorte qu’elles n’avaient plus qu’à être posées et assemblées sans le bruit ordinaire des instruments de travail.
Ou bien il faut corriger le texte et lire : inférieur au lieu de du milieu et dans ce cas on serait entré par une simple porte au rez-de-chaussée, pour monter de là par un escalier intérieur à l’étage du milieu ; ou bien, conservant le texte, on peut admettre qu’il n’est pas parlé du tout de l’entrée au plain-pied et que l’auteur indique uniquement l’escalier par lequel on montait aux étages. La description d’Ézéchiel mentionne deux portes introduisant dans l’édifice latéral, l’une au côté nord, l’autre au côté sud ; il parle aussi d’un couloir circulant le long des étages pour donner entrée dans les cellules (Ézéchiel 41.7, Ézéchiel 41.11).
Le toit était sans doute plat, comme à l’ordinaire dans les maisons orientales. Il est probable que les poutres et les planches étaient recouvertes de dalles de pierre, quoique le texte n’en parle pas.
Les cinq coudées (2,8 m) indiquent la hauteur de chacun des étages, mesurée à l’intérieur, soit au total quinze coudées. En ajoutant cinq coudées pour l’épaisseur des planchers intermédiaires et pour la toiture, on obtient vingt coudées pour la hauteur du bâtiment latéral. Le mur du temple le dépassait donc de dix coudées et c’est dans cette partie libre que se trouvaient les fenêtres (verset 4).
Tenaient à la maison. Les poudres de cèdre qui séparaient les étages s’appuyaient sur les retraites du mur du temple, de manière à unir l’édifice latéral et le temple en seul corps de bâtiment.
Elle devait l’encourager au cours de sa grande entreprise. Elle lui fut sans doute adressée soit par un prophète, comme Nathan ou Gad, soit par une révélation divine, comme 1 Rois 3.5 et 1 Rois 9.2.
Que j’ai faite à David : comparez 2 Samuel 7.13-26.
Décoration intérieure et division du temple.
Les parois de la maison : spécialement de la grande pièce ou Lieu saint ; voir pour le Lieu très saint verset 16. Un revêtement de planches de cèdre couvrait toute la pierre des murs jusqu’au plafond.
Et il couvrit de planches de cyprès le sol… Le bois de cyprès est moins précieux et plus dur que celui de cèdre ; il croît en abondance dans le Liban (1 Rois 5.8).
Le tiers le plus reculé des soixante coudées de longueur de l’édifice (verset 2), soit vingt coudées, fut réservé pour le sanctuaire ou Lieu très saint (Débir, verset 5). Il y a littéralement : pour lui en faire un sanctuaire, c’est-à -dire à la maison. Le Hécal devait être doté d’un Débir pour être lui-même un vrai Hécal. On se demande si la séparation entre les deux pièces était formée par un mur ou par une simple cloison. Le texte ne le dit pas, mais le revêtement de cèdre dont il est parlé au verset 16 fait plutôt supposer que c’était un mur. Dans Ézéchiel 41.3 la séparation est formée par un mur de deux coudées d’épaisseur.
La maison : ici, la grande pièce de devant, le Hécal.
Coloquintes : ce mot désigne les concombres d’Orient, fruit de forme ovale.
Fleurs épanouies : apparemment des rosaces formant des guirlandes (verset 29).
On ne voyait pas la pierre : la pierre nue, non revêtue, ce qui n’aurait pas convenu à la dignité de cet intérieur.
Il s’agit ici du Lieu très saint.
À l’intérieur de la maison… Le Lieu très saint était en effet la pièce la plus intime de l’édifice, séparée de l’extérieur au devant par le Lieu saint, sur les côtés et par derrière par les chambres latérales.
Vingt coudées de long. Le Lieu très saint avait donc, comme dans le Tabernacle, la forme d’un cube parfait, seulement avec une dimension double, comme il convenait à un édifice proprement dit. Mais, comme il n’avait que vingt coudées de haut, il restait un espace de dix coudées jusqu’à la hauteur du toit du Lieu saint. Il est probable que cet espace supérieur était occupé par des chambres hautes (2 Chroniques 3.9).
D’or fin : d’or sans alliage ; c’étaient des feuilles d’or fixées par des clous et qui reproduisaient fidèlement les contours des ciselures.
Il revêtit l’autel de cèdre. Cela signifie-t-il qu’il revêtit aussi d’or l’autel fait de cèdre, ou bien qu’il revêtit de cèdre l’autel (l’autel des parfums dans le Lieu saint) ? Le premier sens nous paraît le plus naturel. L’autel du Tabernacle était aussi en bois, couvert d’or (Exode 37.25). Comparez verset 22.
L’intérieur de la maison : le Lieu saint.
Il ferma de chaînes d’or… Le texte hébreu a été traduit de différentes manières. On a sous-entendu le mot voile et compris la phrase dans ce sens que des chaînettes d’or rattachées par des anneaux à une tringle permettaient de tirer le voile à volonté. Dans le Tabernacle, il y avait aussi un voile entre le Lieu saint et le Lieu très saint et ce voile était fixé par des clous d’or (Exode 26.32). Mais d’après notre traduction, les chaînes d’or passaient horizontalement devant la porte du Lieu très saint et servaient à indiquer que cette porte, même restât-elle momentanément ouverte, était sacrée (versets 31 et 32).
La maison tout entière : le Lieu saint et le Lieu très saint ; car le portique ne faisait pas partie du temple lui-même.
Tout l’autel : non le côté de devant seulement. On a supposé, malgré l’expression si absolue de notre verset, que les ornements en relief furent seuls revêtus d’or, de telle sorte que les dorures se seraient détachées en clair sur le brun jaune des lambris de cèdre.
Qui appartenait au sanctuaire, littéralement : qui était au Débir. Quoique l’autel d’or fût proprement dans le Lieu saint, il était situé devant la porte du Lieu très saint et pouvait être considéré comme y appartenant puisque le parfum qui y était offert devait monter vers le Dieu invisible qui siégeait au-dessus de l’arche. C’est ce qui explique la parole qui a tant étonné les interprètes, Hébreux 9.3-4 : Le Lieu très saint qui avait l’autel d’or et l’arche de l’alliance. Comparez Exode 30.6, note.
Le Lieu très saint contenait deux statues colossales, celles des deux chérubins, hautes de dix coudées (5,6 m).
Bois d’olivier sauvage : bois d’une fibre très dure et d’un grain très fin, susceptible d’une belle polissure. Sur les chérubins, comparez Genèse 3.24 ; Exode 25.18-21 ; Ézéchiel 1.5, notes. Ce sont des êtres symboliques personnifiant les forces de la nature créée de Dieu pour obéir à ses ordres et concourir à l’exécution de ses desseins ; ils présentent chez Ézéchiel la figure des quatre chefs-d’œuvre de la création animée. Ils ont dans notre passage, comme dans Apocalypse 4.6-8, la forme de la créature par excellence, du roi visible de la création, la figure humaine.
L’une des ailes. Chaque chérubin en avait deux, longues chacune de cinq coudées, ensorte que les quatre ailes étendues occupaient toute la largeur du sanctuaire, soit vingt coudées.
L’aile extérieure de chaque chérubin allait jusqu’à la paroi latérale du sanctuaire, tandis que leurs deux ailes intérieures se rencontraient bout à bout et formaient ainsi une sorte de dais qui couvrait de son ombre l’arche de l’alliance. Cette disposition, en faisant des chérubins comme les gardiens de l’arche, laissait pressentir mystérieusement la présence du Dieu qui trônait invisiblement au-dessus d’eux (Psaumes 80.2 ; Psaumes 99.1). Mais ces deux chérubins ne doivent pas être confondus avec ceux, beaucoup plus petits, qui étaient sur l’arche elle-même. Le passage 2 Chroniques 3.13 nous dit en outre qu’ils se tenaient sur leurs pieds et qu’ils avaient leur face tournée vers la maison, vers le Lieu saint. Ceux de l’arche au contraire étaient penchés sur le propitiatoire (Exode 25.20).
La décoration des parois, des planchers et des portes.
Des chérubins, des palmiers… : représentants de la nature végétale et animale dans leurs plus beaux types. Ces ornements, sculptés sur la surface intérieure de la maison, étaient probablement, d’après Ézéchiel 41.18-20, distribués de telle sorte que chaque chérubin était entre deux palmiers et que les coloquintes et les fleurs épanouies (verset 18) formaient des guirlandes séparant les rangées de chérubins et de palmiers situées les unes au-dessus des autres sur le champ de la paroi.
À l’intérieur : dans le Lieu très saint ; à l’extérieur : dans le Lieu saint.
Le sol de la maison. Le parquet en cyprès était aussi doré.
La porte du sanctuaire : du Lieu très saint. Elle était à deux battants, tournant sur des gonds d’or (1 Rois 7.20). Elle remplaçait le simple voile qui séparait le Lieu saint du Lieu très saint dans le Tabernacle.
L’espace entre les linteaux était… Nous expliquons ainsi cette phrase énigmatique : la valeur, les poteaux, un cinquième.
Le cinquième, c’est-à -dire quatre coudées sur les vingt de la paroi. Outre cette porte, il y avait un voile, d’après 2 Chroniques 3.14. Voir verset 21, note.
Etendant l’or sur les chérubins. On a conclu de ces mois que les figures seules étaient dorées (voir verset 22, note).
Du quart de la largeur du mur. Cette largeur étant, comme celle de tout l’édifice, de vingt coudées, la porte avec son encadrement était de cinq coudées. La porte à l’entrée du Lieu saint devait naturellement avoir des dimensions plus grandes que celle du Lieu très saint (verset 31).
En bois de cyprès. Les deux battants étaient faits en bois plus léger, pour rendre la porte moins lourde, précisément parce qu’elle était plus grande.
Deux feuillets tournants. Chaque battant était divisé dans toute sa hauteur en deux feuillets mobiles, tournant sur des charnières et se repliant l’un sur l’autre.
Et deux feuillets tournants. Ici le mot hébreu rendu par feuillet diffère par une lettre, sans doute par erreur, du mot employé dans la ligne précédente.
Le parvis intérieur. L’auteur désigne par ce nom la première cour qui environnait l’édifice du temple et où fonctionnaient les sacrificateurs. Ce parvis est appelé aussi parvis des sacrificateurs (2 Chroniques 4.9). C’est le seul dont parle le livre des Rois. Mais ce nom même suppose un second parvis, une cour plus extérieure encore, que mentionne le livre des Chroniques (2 Chroniques 4.9) et dont il attribue aussi la construction à Salomon. Si le parvis intérieur avait une dimension double de celui du Tabernacle, comme c’était le cas de toutes les autres parties du sanctuaire, il devait former un rectangle de deux cents coudées de long et de cent coudées de large (112 X 56 m) ; comparez Exode 27.9-13 ; Exode 28.9-13. Ézéchiel, dans son nouveau temple, lui assigne cent coudées de chaque côté, de manière à en faire un carré parfait (Ézéchiel 40.47).
Trois rangées… Cette enceinte n’était pas assez élevée pour empêcher le peuple de voir ce qui se passait dans le parvis des sacrificateurs.
La durée de la construction.
Au mois de Bul. Ce mois désigne le mois de la pluie, correspondant à notre mois de novembre. C’était le huitième dans l’année juive. On mit donc (voir verset 1) sept ans et demi à bâtir le temple. Cet espace est relativement court si on le compare à la durée de la construction d’autres édifices analogues, anciens et modernes.