Verset à verset Double colonne
La législation donnée en Horeb et celle qui avait été ajoutée dans les plaines de Moab étaient terminées. Avant de mourir, Moïse sent le besoin de les reproduire aux oreilles du peuple, moins pour lui en répéter la lettre que pour lui en inculquer l’esprit et sous la forme d’une recommandation pleine d’amour, plutôt que sous celle d’un impératif catégorique. Une telle reproduction était d’autant plus en place que le peuple qu’il avait devant, lui était une génération nouvelle qui n’avait pu participer aux émotions des grandes scènes du Sinaï. Remarquons encore cette différence que, tandis que c’était Dieu qui parlait au peuple dans les législations précédentes, c’est maintenant Moïse lui-même qui, en paternel ami, cherche à faire pénétrer, comme par une sorte de Pentecôte, l’esprit de la loi dans le cœur de ceux qui doivent l’exécuter.
Le Deutéronome se divise en deux parties. La première (chapitres 1 à 30) contient trois discours de Moïse adressés au peuple, avec une introduction (Deutéronome 1.1-4) et un court appendice historique à la fin du premier discours (Deutéronome 4.41-43). La seconde (chapitres 31 à 34) rapporte les événements qui ont suivi jusqu’à la mort de Moïse. Les traces que l’on a parfois cru retrouver des documents élohiste et jéhoviste dans l’introduction et dans la partie narrative finale, sont peu distinctes et incertaines.
Ce préambule indique le lieu et le moment où furent prononcés les trois discours suivants.
Ce sont ici et non pas : ce sont là. On ne peut rapporter ces mots qu’aux discours qui suivent, car les discours du livre précédent ont déjà eu leur conclusion (Nombres 36.13).
À tout Israël : lorsque Israël était encore tout entier réuni ; ainsi avant la séparation des deux tribus et demie d’avec le reste du peuple.
Au-delà, c’est-à-dire à l’est du Jourdain. Voir Nombres 32.19. Dans ce contexte cette expression fait naturellement supposer un auteur écrivant en Canaan, à l’ouest du Jourdain, lors même qu’il ressort de passages tels que 1 Samuel 14.10 et 1 Rois 4.24 que cette conclusion n’est pas absolument nécessaire.
Dans le désert. On a souvent rapporté les déterminations géographiques qui suivent à toutes les paroles que Moïse avait transmises à Israël de la part de Dieu depuis la sortie d’Égypte. Le désert et la plaine seraient les contrées traversées depuis ce moment en général. Souph serait le nom de la mer Rouge, que l’Exode appelle Jam souph : mer des roseaux (Exode 10.19 ; Exode 15.22, etc.). Paran désignerait le désert de ce nom (Nombres 13.1) ; Tophal, le Wadi Taphilé, qui aboutit au sud de la mer Morte ; Laban, Libna (Nombres 33.20) ; Hatséroth, l’oasis de ce nom à l’entrée du désert de Paran ; Dizahab, qui signifie abondance d’or, une île riche en or dans le golfe élanitique. Mais la relation de tous ces termes avec le premier : au-delà du Jourdain ne se prête nullement à une telle interprétation, non plus que l’ordre dans lequel ils sont placés. Nous croyons qu’ils désignent uniquement les points principaux du pourtour du campement israélite.
Dans le désert. Comparez Nombres 24.1 c’est la contrée des pâturages à l’est du Jourdain.
Dans la plaine : en opposition à la montagne qui borde à l’est la vallée du Jourdain.
Souph. Ce mot n’est jamais employé pour désigner à lui seul la mer Rouge ; il doit s’agir ci de quelque localité inconnue.
Paran, avec la préposition entre, ne peut désigner qu’une localité déterminée et non toute une contrée comme le désert de Paran. Le mot signifie un lieu riche en cavernes ; et l’on sait qu’elles abondent en Palestine.
Tophel. Ce mot signifie chaux, calcaire ; localité inconnue.
Laban signifie blanc ; il n’y a aucune raison de l’identifier avec le Libna de Nombres 33.20, près de Kadès.
Hatséroth. Si ce nom désignait ici l’oasis ainsi nommé Nombres 11.35 ; Nombres 33.17, il ne pourrait ètre placé après Paran et Libna. Le mot signifie enclos et employé au singulier désigne un grand nombre de localités palestiniennes.
Dizahab : une localité riche en or, mais inconnue. Si l’auteur eût voulu récapituler dans cette liste le voyage à travers le désert, il n’y eût pas introduit des noms complètement inconnus et non mentionnés jusqu’ici.
L’auteur fait remarquer le contraste entre les onze journées qu’aurait pu durer le voyage d’Horeb à la Terre Sainte et les quarante ans que l’incrédulité d’Israël l’a fait durer. De Sinaï, en cheminant un peu plus de huit heures par jour, le voyageur américain Robinson arriva le onzième jour à Kadès.
Horeb : voir Exode 17.6, note.
Par le chemin de la montagne de Séir. Celui qui conduit de Sinaï à travers le désert, jusqu’à la partie septentrionale du pays d’Édom (plateau d’Azazimat).
Au onzième mois : six mois après la mort d’Aaron (Nombres 33.38), la dernière date du livre des Nombres.
Aux fils d’Israël. Comparez : à tout Israël, verset 1.
Conformément à tout… S’agit-il de toute la législation précédente, que Moïse va leur répéter, ou bien du contenu des discours suivants ? Cela revient à peu près au même.
Voir Nombres 21.21-35.
Asharoth et Edréi. C’étaient en effet, d’après Josué 12.4, les deux résidences du roi Og. Sur Edréi, voir Nombres 21.33.
Cette introduction n’est pas nécessairement l’œuvre du même rédacteur que les discours qui vont suivre ; mais elle appartient sans doute à l’auteur du morceau historique qui termine le livre.
Le premier discours sert à préparer les deux suivants en rappelant au peuple tous les bienfaits dont Dieu l’a comblé depuis la sortie d’Égypte et l’ingratitude avec laquelle il y a répondu. Ce coup d’œil rétrospectif doit lui inspirer un vif sentiment d’humilité et l’enflammer du désir de répondre mieux désormais à la haute vocation dont Dieu l’a honoré et que lui rappelleront les discours suivants.
Expliquer cette loi. L’explication proprement dite commence seulement au second discours ; les quatre premiers chapitres sont un préambule ; de là le mot commença. Voir aussi Deutéronome 4.44.
Vous avez assez séjourné : trois cent cinquante-cinq jours, ainsi que cela résulte de Exode 19.1, comparé à Nombres 10.1.
Les Amorrhéens : terme pris ici dans le sens large dans lequel il comprend toute la population du pays de Canaan (Genèse 15.16), la peuplade la plus puissante étant prise pour le tout.
La vallée, la montagne et le bas pays sont les trois grandes divisions de la Palestine ; ce sont trois zônes parallèles allant du nord au sud.
La vallée, c’est-à-dire la profonde dépression dans laquelle coule le Jourdain, depuis le lac de Génézareth à la mer Morte.
La montagne : le vaste plateau qui borde à l’ouest cette vallée et forme la partie centrale et la plus importante de la Palestine.
Le bas pays : la plaine maritime entre le plateau et la Méditerranée.
Le Midi, la côte de la mer… Les termes suivants décrivent un grand cercle formé par les pays environnants.
Le Midi ou Négueb ; voir Genèse 12.9, note. La côte de la mer : le pays des Philistins, au nord-ouest du Négueb.
Le pays des Cananéens : la partie septentrionale de la plaine côtière, depuis le Carmel jusqu’à la Phénicie comprise. Comparez Josué 5.4 ; Juges 3.3 ; 2 Samuel 24.7 ; Ésaïe 23.11 ; Abdias 1.20 ; Matthieu 15.22. D’après Genèse 10.16, les Phéniciens étaient la principale famille issue de Canaan, petit-fils le Noé. Le nom de Cananéens est donc pris ici dans un sens très restreint. Il était souvent appliqué aux Phéniciens seuls, d’où il a même parfois le sens de marchands.
Liban : la chaîne qui borde à l’ouest la côte phénicienne.
Jusqu’au grand fleuve : voir Genèse 15.18, note. Le territoire permanent d’Israël n’a jamais atteint l’Euphrate ; mais la tribu de Ruben a souvent poussé ses expéditions et ses conquêtes jusqu’à cette extrême limite (1 Chroniques 5.9-10) ; et même, sous les règnes de David et de Salomon, les limites du royaume y atteignirent momentanément (2 Samuel 8.3 ; 1 Rois 4.22-24).
Établissement des juges ; voir Exode 18. De tous les événements survenus pendant le voyage à travers le désert, Moïse ne relève que celui-là ; c’était en effet cette institution qui avait inauguré l’organisation sociale du peuple et commencé à lui garantir une vie nationale bien réglée. L’importance que Moïse attribue à cette organisation judiciaire, ressort de plusieurs passages dans les discours suivants (Deutéronome 16.18 et suivants ; Deutéronome 17.8 et suivants ; Deutéronome 25.1).
L’accomplissement des antiques promesses de l’Éternel, faites aux patriarches, garantit celui des promesses non encore accomplies.
Comme il vous l’a dit : Genèse 15.5 et suivants.
Moïse ne fait pas mention de l’initiative de Jéthro, parce que cette circonstance n’avait aucune importance pour la situation présente.
Votre charge : le peuple lui-même, dont l’existence et la direction pesaient sur lui ; comparez Nombres 11.14.
Vos fardeaux : les difficultés et les privations du voyage, auxquelles venaient encore se joindre les murmures et les exigences du peuple.
Vos contestations : les litiges qui s’élevaient entre eux.
Prenez : Choisissez et présentez-moi. Moïse supplée ici une circonstance passée sous silence dans l’Exode.
Sages, intelligents : justice et pénétration.
Je les établirai : Je leur confierai la charge. Comparez Actes 6.3.
Les principaux de vos tribus ceux qu’il venait d’établir comme tels. Une fois installés devant l’assemblée comme chefs, Moïse les introduit dans l’exercice effectif de leur emploi.
Dizaines : des groupes de dix pères de famille.
Exode 18.22-25
Avec l’étranger. Beaucoup d’étrangers s’étaient joints à Israël lors de la sortie d’Égypte (Exode 12.38).
Le jugement est de Dieu. C’est la justice divine qui se prononce par la sentence des juges ; de là l’expression : faire venir devant Dieu, pour citer devant les juges (Exode 21.6) ; comparez Psaumes 82.6 ; 2 Chroniques 19.6 ; Jean 10.34.
Outre ce fait de l’établissement des juges, Moïse ne fait ressortir que celui qui a motivé le long séjour du peuple dans le désert, sa révolte à Kadès, qui a été le commencement de l’époque douloureuse à la fin de laquelle Israël est enfin arrivé. Comparez la relation entre le verset 2 et le verset 3.
La montagne des Amorrhéens : voir au verset 7.
Je vous dis… Ces détails sont destinés à faire sentir au peuple la vigilance dont il a besoin, lui qui appartient à une race tellement rebelle. Sans doute les auditeurs appartenaient à une nouvelle génération ; mais le peuple dans son ensemble forme une unité.
Vous voudrions envoyer. Moïse supplée encore ici la circonstance, non mentionnée dans l’Exode, de l’initiative qu’avait prise le peuple dans l’envoi des espions. Voir Nombres 13.2-3, note.
Jusqu’à la vallée d’Escol. Voir Nombres 13.22-23, note.
Anakim. Ce nom signifie proprement hommes au long cou, d’où géants ; Nombres 13.29-34.
Le sens est : Pas d’effroi ! Pas même de peur !
Contre moi aussi. Sans doute la condamnation de Moïse, dont il parle ici lui-même, n’eut pas lieu à la même occasion et dans le même moment, mais trente-huit ans plus tard seulement. S’il la rappelle, c’est qu’elle lui attira la même peine que celle dont furent frappés tous les autres Israélites et qu’elle eut une cause semblable, le manque de foi. On sent parfaitement que, par la relation établie ici entre ces deux faits, le peuple doit comprendre que lui aussi il a contribué à cette défaillance de foi de ses chefs, résultat de la lassitude et de l’irritation produites chez eux par son incrédulité persistante. C’est donc avec raison qu’il peut dire : L’Éternel s’irrita contre moi à cause de vous !
Le temps que vous y avez séjourné. Ces mots semblent superflus ; ils rappellent ce temps comme quelque chose de bien connu et douloureusement senti. Voir une locution pareille Deutéronome 9.25.