Verset à verset Double colonne
Cette partie commence par la répétition du Décalogue, puis développe le principe fondamental de la religion israélite, à savoir l’unité du Dieu absolu et le devoir pour l’homme d’aimer ce Dieu de tout son cœur (chapitre 6). Comme peuple de l’Éternel, Israël ne doit rien avoir de commun avec les adorateurs des faux dieux, il devra donc détruire les Cananéens (chapitre 7). La jouissance des biens si abondants du pays de Canaan, succédant à l’aridité du désert, ne doit point appesantir son cœur (chapitre 8) et le souvenir de ses rébellions devra constamment l’empêcher de s’élever (chapitre 9 à 10.11). En possession de cette loi de Dieu, qui lui a été donnée à deux reprises et après l’expérience qu’il a faite des bienfaits et des châtiments de l’Éternel, Israël doit s’attendre à d’abondantes bénédictions, s’il est fidèle, à la malédiction, s’il est infidèle (Deutéronome 10.12 à 11.32).
Cette formule très solennelle fait ressortir l’importance toute particulière du Décalogue. Le préambule suivant (verset 2) a le même but.
Ce n’est point avec nos pères…
Les pères sont ici tous les israélites qui ont précédé la génération actuelle depuis Abraham. Cette pensée que le privilège de l’alliance par le moyen de la loi a été réservé à ceux qui composent la génération actuelle, doit les pénétrer du sentiment de la grandeur de cette grâce.
Aujourd’hui tous vivants : merveilleusement préservés de tous les dangers qui vous menaçaient durant la traversée du désert et dans les guerres qui ont suivi. Toute la jeune génération avait été conservée en vie et était là, prête à jouir dès maintenant de tous les bienfaits de cette alliance.
Face à face : non pas dans le sens de Exode 33.11, comme un ami avec son ami ; mais cependant comme un souverain condescendrait à parler directement à son peuple, chose extraordinaire en Orient.
Je me tenais alors… D’après l’Exode (Deutéronome 20.18-19), le rôle de médiateur de Moïse ne commença expressément qu’après que Dieu lui-même eut proclamé le Décalogue tandis que d’après ce verset il semblerait qu’il faut le faire commencer avant. Mais il est évident que ce verset est une parenthèse, comme le prouve le mot disant qui ne peut se rattacher qu’à la fin du verset 4 (l’Éternel vous parla disant). Cette parenthèse (verset 5 jusqu’à montagne) a pour but de faire ressortir avec force le contraste entre la proclamation du Décalogue, dans laquelle Dieu a parlé directement au peuple et tout le reste de la législation sinaïtique, dans laquelle c’est Moïse qui a déclaré au peuple la volonté de l’Éternel. On a expliqué ce verset dans ce sens que Dieu avait bien fait entendre sa voix au peuple, mais que celui-ci ne l’avait pas comprise distinctement et que Moïse avait dû ensuite lui en interpréter le contenu ; comparez Jean 12.28-29. Mais il n’y a rien dans le récit de l’Exode qui conduise à cette supposition ; et elle ne peut guère s’accorder avec le verset 4 et le verset 22.
Et vous ne montâtes point. L’Éternel avait dit, Exode 19.13, qu’un son de trompette annoncerait le moment où l’interdiction serait levée et où le peuple pourrait sans danger monter sur la montagne. Mais le peuple renonça lui-même à ce privilège (Exode 20.19 : il tremblait et se tenait à distance). Ce fait, rappelé ici par Moïse, que le peuple, après la scène de la promulgation, ne voulut point user de la liberté qui lui était accordée de monter sur la montagne, sert (comme le reste du verset) à prouver combien avait été terrifiante pour lui la communication immédiate avec l’Éternel.
Pour les questions générales qui se rapportent au Décalogue, voir Exode 20, notes. Quant aux différences qui existent entre le texte du Deutéromone et celui de l’Exode, différences qui n’altèrent en rien le sens des commandements, on ne peut douter que la forme de l’Exode ne soit l’original. Nous nous rendons compte facilement des modifications apportées ici au texte de l’Exode, en constatant le caractère d’exhortation qui, comme nous le verrons, se fait sentir dans ce morceau aussi bien que dans tout le reste des discours du Deutéronome. Ce n’est plus Dieu qui commande, comme dans l’Exode ; c’est Moïse qui rappelle le commandement divin, comme cela ressort d’ailleurs très expressément de cette formule deux fois répétée : Comme l’Éternel ton Dieu te l’a commandé (versets 12 et 16). Moïse ne change rien pour le fond à la loi divine elle-même, mais il insiste, suivant qu’il le juge à propos, sur certains points propres à toucher le peuple ; voir versets 15 et 16. N’a-t-on pas le droit de dire que Moïse seul pouvait, en exhortant son peuple, se permettre de modifier de la sorte le texte des commandements divins qu’il lui avait lui-même transmis autrefois ? Du reste, cette liberté dont use Moïse n’est pas plus grande que celle avec laquelle Jésus cite les commandements (Matthieu 19.18-19 ; Marc 10.19).
Garde : terme plus énergique que souviens-toi, Exode 20.8. Il faudra de la part d’Israël un sérieux et continuel effort pour ne pas se laisser entraîner par l’exemple des nations voisines à négliger la célébration de ce jour.
Comme l’Éternel ton Dieu te l’a commandé. Ces mots rappellent la proclamation de l’Exode.
Ni ton bœuf, ni ton âne, ni tout ton bétail. L’Exode dit simplement : Ta bête. L’énumération plus complète du Deutéronome est en rapport avec le caractère de ce livre, qui insiste constamment sur les dispositions de bienveillance et d’humanité. Comparez Deutéronome 14.28-29 ; Deutéronome 15.1-2 ; Deutéronome 16.11 ; Deutéronome 16.14 ; Deutéronome 24.17.
Afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. On ne cesse de répéter que Moïse motive ici le commandement du sabbat autrement qu’il ne l’est dans l’Exode, où il est fondé sur le récit de la création. C’est une erreur. Moïse ne motive nullement le commandement en lui-même ; conformément au caractère de ce discours, il rappelle seulement au peuple une circonstance qui doit l’encourager dans son observation. C’est là la raison pour laquelle Moïse ne dit plus, comme dans l’Exode : Car (ki) l’Éternel a fait…, mais substitue à ce car un afin que : Afin que ton serviteur et ta servante… On retrouve donc ici le caractère exhortatif qui domine toute cette répétition de la loi.
Et tu te souviendras… Rien de plus touchant que cet appel au souvenir des douleurs attachées à l’état de servage, souvenir qui doit éveiller dans le cœur d’Israël un sentiment d’intérêt compatissant pour ceux qui servent au milieu de lui. Au jour du sabbat, ils participent en quelque sorte à la délivrance qui fut accordée au peuple entier. On explique souvent la différence entre le texte du Deutéronome et celui de l’Exode, en supposant que le quatrième commandement (et de même le deuxième, le cinquième et le dixième) ne contenaient primitivement qu’une simple et brève défense, comme les autres et que les développements qui l’expliquent sont des adjonctions postérieures provenant de mains différentes. Mais il nous paraît plus aisé d’admettre que Moïse lui-même ait substitué, non pas un motif à un autre, mais à la raison du repos hebdomadaire un motif touchant à l’observer, que de supposer qu’un document de l’importance du Décalogue ait été exposé à subir des adjonctions de la main de celui-ci ou de celui-là, dans tel sens ou dans tel autre.
Comme l’Éternel ton Dieu… Voir verset 12.
Et afin que tu sois heureux. Développement ajouté à la promesse de l’Exode et propre à renforcer l’encouragement qu’elle renferme.
Ces versets forment en hébreu les versets 17 à 18.
La copule et par laquelle sont liés tous ces commandements n’est pas accidentellement ajoutée. Autant la forme brisée sous laquelle ils se suivent dans l’Exode est conforme à la teneur d’une proclamation législative officielle, autant ce et qui les lie ici convient au caractère familier et encourageant du discours dans la situation du Deutéronome.
Faux témoin. Il y a dans l’original un autre terme (schave : néant, vanité) que dans Exode 20.16 (schéker : mensonge).
La femme de ton prochain. Voir Exode 20.17, note. La priorité donnée ici à la femme ne provient point nécessairement, comme on l’a prétendu, d’un état de civilisation plus avancé que celui dans lequel fut donné le commandement de l’Exode. Elle s’explique suffisamment par le fait, que Moïse tient à faire bien ressortir le lien moral supérieur qui unit la femme à l’homme et qui la distingue profondément de toutes les autres propriétés de celui-ci. C’est un sentiment analogue à celui dans lequel la priorité est accordée à la mère par rapport au père, Lévitique 19.3. C’est de là aussi que provient l’adjonction du terme : le champ, à la suite de la maison de ton prochain, qui sert à compléter l’idée de la propriété matérielle. Ce terme est en rapport avec l’entrée prochaine en Canaan. La distinction entre la femme et les autres biens est encore accentuée ici par la différence des verbes chamad, convoiter et ava, envier.
Ce verset correspond en hébreu au verset 19.
Il ne dit rien de plus. Ces mots peuvent s’entendre de deux manières. Ou bien : Dieu n’ajouta pas un onzième commandement. Le nombre dix était en effet à lui seul l’indication d’une totalité complète. Ou bien : Dieu ne parla jamais depuis lors directement à son peuple. Dans ce second sens ce mot rappelle la parenthèse du verset 5.
Il les écrivit… Voir Deutéronome 9.9-11 une mention plus détaillée de ce fait.
Cette démarche du peuple effrayé auprès de Moïse, n’est mentionnée que brièvement Exode 20.18-19 ; elle est sans doute rappelée ici d’une manière plus complète dans le but, d’amener la réponse touchante de l’Éternel (verset 29) qui n’était point rapportée dans l’Exode : Oh ! S’ils avaient toujours ce même cœur…! Cette parole divine est une invitation à la génération actuelle de revenir aux sentiments de crainte profonde de l’Éternel et de sincère humilité, qui animaient en ce moment-là leurs pères. Il est difficile de croire qu’un autre que Moïse eût pu compléter par cette parole de Dieu lui-même le récit de cette scène.
L’homme rester vivant. Comparez Exode 33.20 ; Deutéronome 4.33 ; Juges 13.22 ; Luc 5.8.
Puisque vous ne voulez pas monter sur la montagne, comme vous auriez eu la liberté de le faire, retournez dans vos demeures.
Clôture du discours de Moïse, avant de passer aux exhortations qu’il veut rattacher à la répétition du Décalogue.