Verset à verset Double colonne
1 Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit une grande lumière, et la lumière resplendit sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre de la mort.Le peuple qui marchait… : en première ligne, les habitants de la Galilée, mais ensuite ceux de toute la Palestine, car tout le pays est devenu le pays de l’ombre de la mort.
L’ombre de la mort. La nuit qui règne dans le séjour des morts, la plus épaisse qu’on puisse imaginer (Psaumes 23.4), est l’image de l’abaissement profond où gémit Israël en attendant le Messie.
Tu as accru la nation. Israël, réduit par le jugement à un faible reste (Ésaïe 7.17-22), redevient un grand peuple par le concours des nombreux païens qui se joignent à lui au moment du retour de l’exil et de l’avènement du Messie ; car ces deux termes se confondent dans l’horizon du prophète (Ésaïe 11.10 ; comparez Ésaïe 14.2 ; Ésaïe 49.18-23 ; Zacharie 8.22-23 ; Ézéchiel 37.26). C’est là le motif de la joie (Jérémie 30.19).
Devant toi. Leur joie sera sainte, comme celle des repas de sacrifice (Deutéronome 12.7). L’image de la moisson (Psaumes 126.5-6 ; Jean 4.36) et celle du partage du butin se rattachent à l’accroissement du peuple dont il vient d’être parlé : Israël sera enrichi des trésors des païens (Ésaïe 60).
Joug, verge, bâton. Le peuple est comparé à une bête de somme : le joug qui pèse sur elle, la verge dont on le frappe, l’aiguillon avec lequel on l’excite, tout cela est brisé.
Exacteur : le mot hébreu désigne proprement le piqueur, l’ânier, qui aiguillonne sa bête. La servitude d’Égypte est caractérisée par les mêmes termes (Exode 3.7 ; Exode 5.6). Ici l’exacteur est l’Assyrien (Ésaïe 10.5 ; Ésaïe 10.24 ; comparez Michée 5.5-6), qui est dans la pensée d’Ésaïe, le représentant de tous les ennemis du règne de Dieu (Luc 1.69-71).
La journée de Madian. Comparez Ésaïe 10.26. La victoire de Gédéon sur les Madianites (Juges 7) est choisie comme type de la délivrance messianique parce que la déroute de l’ennemi fut aussi complète que possible et que ce triomphe fut dû, plus visiblement qu’aucun autre, à l’intervention de Dieu (Juges 7.2 ; Juges 7.7). Remarquez qu’il fut remporté sur les confins de la Galilée et par les tribus qui habitaient cette contrée (Juges 6.35 ; Juges 7.23).
Car toute armure… L’oppression a cessé et pour toujours : les dépouilles de l’ennemi sont brûlées par les Israélites ; les derniers vestiges de la lutte disparaissent. Comparez Ézéchiel 39.9-10.
Car un enfant… un fils… Ces mots expliquent la victoire (verset 4), en désignant celui qui en est l’auteur. Ésaïe ne dit point de qui ce personnage est fils, mais le verset 6 (comparez Ésaïe 11.1) ne laisse aucun doute là-dessus : il est l’héritier promis à David (2 Samuel 7). Cet enfant est évidemment identique à Emmanuel (Ésaïe 7.14).
Sur son épaule. Les insignes d’une charge se portaient sur l’épaule (Ésaïe 22.22).
L’enfant reçoit quatre noms ; chacun d’eux se compose de deux mots. Ce ne sont évidemment pas des noms propres, mais des titres destinés à exprimer ce qu’il est réellement.
Prince de paix. Il réalise en sa personne les deux types les plus glorieux de la royauté théocratique : celui du conquérant et celui du pacificateur ; il est le vrai David et le vrai Salomon. La paix de son peuple est pour toujours assurée par le triomphe qu’il a remporté sur ses ennemis (versets 3 et 4 ; comparez Ésaïe 11.6-9 ; Michée 5.4 ; Luc 1.74-79).
Comparez 2 Samuel 7.12-16.
Pour augmenter, c’est-à-dire : il est né, il a été donné… pour…
Trois traits caractérisent la prospérité de ce règne :
Le zèle de l’Éternel (Ésaïe 37.32) est sa volonté arrêtée de réaliser ses desseins et de briser toute volonté qui s’y opposerait. Ce zèle n’est point en désaccord avec la patience de Dieu, qui découle précisément de sa volonté de sauver tout ce qui doit être sauvé (Luc 18.7 ; 2 Pierre 3.9).
La portée messianique du passage Ésaïe 9.1-6 a été reconnue par les anciens interprètes juifs eux-mêmes ; plus tard, les besoins de la polémique contre le christianisme ont engagé les rabbins à abandonner cette interprétation et à affaiblir le sens des expressions prophétiques pour les appliquer au roi Ézéchias. Mais cette explication n’est pas soutenable, vu le rapport étroit qui existe entre notre prophétie et d’autres, dont le caractère messianique ne saurait être contesté (Ésaïe 2.2-4 ; Ésaïe 11.1-9).
Ce discours a pour objet la ruine de Samarie et du royaume des dix tribus ; ruine dont Ésaïe n’avait parlé jusqu’ici qu’incidemment et en relation avec la délivrance de Juda (Ésaïe 7.16 ; Ésaïe 8.4). Il se résume dans le nom prophétique de Maherschalal-Chaschbaz (versets 3 et 4), comme celui du chapitre 8 dans le nom d’Emmanuel. L’idée du morceau est celle-ci : Le peuple d’Éphraïm a déjà été frappé, par la main de Dieu et il s’imagine que le jugement est passé, mais ce n’en est encore que le, commencement et les coups vont se répéter jusqu’au jour de la grande catastrophe, de l’exil, au-delà duquel le prophète fait pressentir que le jugement se prolongera encore. Ces châtiments sont mérités, car le peuple ne s’est point humilié après un premier jugement (versets 7 à 11) ; il est aveugle et perverti (versets 12 à 16) ; il est dévoré par le le feu de la discorde intérieure (versets 17 à 20) ; l’injustice envers les petits met le comble à son iniquité (Ésaïe 10.1-4).
Quatre strophes, terminées par le même refrain, reproduction littérale du passage Ésaïe 5.25 ; ce qui dénote chez l’auteur l’intention de faire du jugement d’Éphraïm (chapitre 9) le pendant du jugement prononcé, chapitres 2 à 5, sur Israël en général et Juda en particulier.
Le morceau Ésaïe 7.1 à 9.6 était antérieur à l’expédition assyrienne contre Éphraïm et la Syrie ; le morceau Ésaïe 10.5 à12.6 est postérieur a la prise de Samarie (Ésaïe 10.9). Le discours Ésaïe 9.7 à 10.4 date du temps qui s’écoula entre l’expédition de Tiglath-Piléser et la ruine de Samarie (740-722). Voir Ésaïe 9.9 note.
Le Seigneur a envoyé une parole. La parole de Dieu est personnifiée, elle vient comme un messager du haut du ciel (Reuss). Cette parole est la prophétie même qui va suivre.
En Jacob, en Israël. La prophétie concerne le royaume des dix tribus (verset 8), mais c’est le peuple tout entier, Jacob même, qui est frappé dans l’un de ses membres, Éphraïm.
Les Assyriens (Tiglath-Piléser) ont déjà pillé et démembré le royaume des dix tribus (Ésaïe 8.4, note). Des pierres sont tombées de l’édifice. Mais on se flatte de le reconstruire plus solide qu’auparavant. L’image est tirée de l’état présent du pays, où l’on s’occupe à rebâtir les villes détruites par l’ennemi.
Le sycomore est une espèce de mûrier très commun dans les parties basses de la Palestine. Le bois de cèdre a bien plus de valeur.
Les adversaires de Retsin : les Assyriens qui lui ont ôté, son royaume et sa vie (Ésaïe 8.4, note). Ces mots supposent la ruine de Retsin déjà consommée.
Il amène pêle-mêle. Des peuples, d’ordinaire ennemis, se mettent ensemble pour se jeter sur Éphraïm.
Les Syriens et les Philistins sont les ennemis séculaires d’Israël. Ils sont nommés ici, comme représentants de l’Orient et de l’Occident (comparez Ésaïe 2.6) ; Israël sera attaqué de tous les côtés à la fois. Il n’est donc pas nécessaire de chercher dans l’histoire un accomplissement littéral de cette parole.
Ne s’est point détournée, proprement n’est point revenue. Le même terme est employé au verset suivant, évidemment à dessein, en parlant du peuple : Dieu n’est point revenu de sa colère, parce que le peuple n’est pas revenu à lui.
12 à 16. Grands et petits sont tous des rebelles ; Dieu va donc les frapper tous de nouveaux jugements. Comparez les menaces adressées à Juda Ésaïe 3.2 et suivants.
Comparez ce verset avec Deutéronome 4.29-30
Tête et queue, palme et jonc, ce qu’il y a de plus noble et de plus méprisable dans le corps des animaux et dans le monde des plantes, est une expression proverbiale pour dire : tous sans exception. Ces images sont appliquées au verset 15.
La tête, la palme (la couronne élevée du palmier), c’est ce qu’il y a de plus distingué, dans la nation, ceux qui guident, les chefs indignes, princes, magistrats, faux prophètes, qui conduisent Israël à la ruine (Ésaïe 3.2-3, Ésaïe 3.12) ; la queue, le jonc, c’est le menu peuple, ceux qui sont guidés. Comparez les mêmes images appliquées à la chute de l’Égypte Ésaïe 19.15.
Ce verset est évidemment une glose tirée de Ésaïe 3.2. L’explication des images, donnée ici, contredit celle du verset 15 ; le faux prophète est au nombre de ceux qui guident, il appartient à la tête et non à la queue (comparez Deutéronome 28.13.44). La strophe versets 12 à 16 aurait d’ailleurs un verset de trop.
Ceux qui guident ce peuple l’égarent. Il va de soi qu’en égarant les autres, ils se perdent eux-mêmes : le guide et le guidé tombent tous deux dans la fosse (Matthieu 15.14).
Nos anciennes traductions disent, au lieu de : ceux qui guident et ceux qui sont guidés, ceux qui font accroire à ce peuple qu’il sera heureux et ceux auxquels on fait accroire qu’ils seront heureux.
Sens qui est possible, mais qui revient au même que le nôtre, puisque c’était par de fausses promesses de bonheur que les prophètes menteurs égaraient le peuple.
Dieu restera indifférent aussi bien à ce qui réjouit les regards, la jeunesse (il la laissera périr dans le combat), qu’à ce qui est, selon sa propre loi, le plus digne de pitié, la veuve et l’orphelin.
Ils seront détruits par leur propre injustice ; elle les perdra par l’anarchie. Même menace faite à Juda, Ésaïe 3.5.
Le peuple est comparé à une forêt, l’injustice à un incendie qui dévore tout, buissons et grands arbres (dans l’application, le peuple et les chefs ; même image appliquée à l’armée assyrienne, Ésaïe 10.16-18). L’homme est consumé par sa propre méchanceté (Ésaïe 1.31).
Au verset 17, le feu est la méchanceté de l’homme ; au verset 18, c’est la colère de Dieu. Il n’y a pas contradiction : Dieu dans sa colère livre l’homme à sa propre injustice. C’est le pire des châtiments (Romains 1.24). Chacun ne connaissant d’autre loi que celle de ses appétits égoïstes, il y a guerre de tous contre tous.
Son bras : chacun nuit à ses plus proches ; et tous ensemble ruinent le peuple dont ils font partie.
Manassé et Éphraïm : les deux principales d’entre les dix tribus, qui auraient dû être le plus unies, étant issues toutes deux de Joseph. L’histoire du royaume des dix tribus n’est qu’une longue série de meurtres et de révolutions. Les tribus étaient divisées entre elles, unies seulement dans leur commune haine contre Juda. Voir 1 Rois 15.27 ; 1 Rois 16.21 ; 2 Rois 9.14-15, etc.