Verset à verset Double colonne
1 Et l’Éternel parla à Moïse et à Aaron dans le pays d’Égypte, en ces termes :Dans le pays d’Égypte. Cette remarque oppose cette loi à toutes les autres qui ont été données plus tard au désert de Sinaï et dans la plaine de Moab. Il est clair que le récit n’a été écrit qu’après la sortie d’Égypte.
Les Juifs pensent que c’est ici que commence la loi proprement dite.
Ce mois, qui s’appelait alors mois d’Abib, c’est-à-dire des épis (marquant le commencement de la moisson), et, après la captivité, mois de Nisan, correspond en grande partie à notre mois d’avril.
Jusqu’ici les Hébreux avaient sans doute commencé leur année civile et agricole en automne, à l’époque des semailles, ainsi que plusieurs peuples asiatiques (Genèse 7.11, note) et ils ont conservé cette manière de compter. Mais Dieu institue ici une année religieuse différente de l’année civile et qui devra commencer avec la fête qu’il établit en ce moment. Il fait ressortir par là l’importance capitale de cette fête et de l’événement qu’elle rappelle.
Le dixième jour du mois paraît, d’après diverses analogies, avoir eu une certaine importance comme terminant la première décade du mois. Par cette ordonnance, le peuple est invité à se préparer à la fête prochaine.
Un agneau, ou un chevreau, comme cela est dit expressément au verset 5 (voir aussi 2 Chroniques 35.7). Le mot hébreu, qui n’a pas de correspondant en français, se dit de toute pièce de petit bétail, chèvre ou mouton.
Les mots par maison (c’est-à-dire par ménage) ont un sens plus restreint que l’expression par famille. La famille pouvait comprendre plusieurs ménages.
La société formée pour manger ce repas sacré ne devait pas être composée d’individus arbitrairement réunis. D’après la tradition juive postérieure, elle devait se composer au moins de dix personnes.
Selon ce qu’elle peut manger : s’il y a plusieurs femmes et enfants, la société pourra être un peu plus nombreuse.
Sans défaut : comme dans tous les autres sacrifices, sauf les offrandes volontaires.
Mâle : comme dans les sacrifices particulièrement solennels, tels que l’holocauste. Comparez l’ordonnance postérieure Lévitique 22.17-23
D’un an : cet âge est celui de la pleine vigueur de l’animal ; comparez Michée 6.6. Même ordonnance pour les agneaux offerts dans certains cas en holocauste. Ces prescriptions n’ont donc rien qui se rapporte spécialement à la Pâque. Il en est, autrement des suivantes.
Dans la soirée, littéralement : entre les deux soirs (Lévitique 23.5 ; Nombres 9.3 ; Nombres 9.5) ou, comme il est dit Deutéronome 16.6 : le soir, vers le coucher du soleil.
Probablement, le premier soir désigne les heures qui précèdent le coucher du soleil et le second celles qui le suivent (ainsi : de 3 heures à 7 heures). D’après d’autres, les deux soirs désigneraient l’un le moment du coucher du soleil, l’autre celui de la nuit close. La pratique des Samaritains et des Caraïtes est conforme à cette seconde interprétation. La première est soutenue par plusieurs célèbres rabbins juifs. Elle paraît préférable, parce que, selon l’autre, il n’y aurait pas eu le temps nécessaire pour préparer l’agneau et manger le repas, qui devait être terminé à minuit.
La totalité de l’assemblée : chaque père de famille, pour sa maison, à la même heure que tous les autres. Plus tard, ce furent les Lévites qui immolèrent l’agneau dans le sanctuaire (2 Chroniques 30.15-17).
Cette nuit-là : dans les heures qui suivront l’aspersion du sang de l’agneau sur les montants et le linteau de chaque porte. Ce sera l’expiation opérée par ce sang qui mettra la maison et ses habitants, réunis pour le repas, à l’abri du fléau qui frappera toutes les familles de l’Égypte (verset 23). Israël n’ayant pas encore de centre et n’étant pas encore constitué comme peuple, ne pouvait être purifié que par familles.
Rôtie au feu ; proprement mise à la broche. Le mot hébreu tsala paraît appartenir à la même racine que thala, suspendre, empaler, mettre en croix.
Des pains sans levain : voir au verset 15.
Des herbes amères : laitue sauvage, chicorée ou autres. Ce mets est un simple accessoire dans le banquet, comme chez nous la salade. Il était destiné soit à assaisonner les autres aliments, soit plutôt à figurer l’état de souffrance dans lequel Israël avait vécu et dont il allait sortir ; comparez l’expression Exode 1.14 : Ils leur rendirent, la vie amère.
Rien cru ou bouilli. À l’ordinaire la viande des sacrifices était mangée bouillie (Exode 29.31 ; Lévitique 8.31, etc.). Mais l’agneau devait être conservé intact et paraître dans son intégrité sur la table du repas et aucune partie après le repas ne devait se perdre. C’est ce qui n’aurait pu avoir lieu s’il eût été bouilli.
Tête, jambes, entrailles. Le but de cette ordonnance est le même : l’agneau doit rester au complet ; entrailles, naturellement nettoyées de leur contenu. Les voyageurs dans le désert préparent toujours leur viande en la rôtissant, cet apprêt étant plus expéditif et n’exigeant pas d’ustensiles. Mais le motif de la prescription donnée ici aux Israélites était évidemment tout autre. Les ustensiles ne leur manquaient point en Égypte.
Toujours dans le but de préserver le corps de l’agneau de toute profanation.
Les reins ceints… : en costume de voyage ; car l’heure du départ allait sonner (verset 12).
La longue robe orientale est relevée et fixée autour des reins pour la marche (1 Rois 18.46 ; 2 Rois 4.29 ; Luc 12.35).
En rentrant à la maison, on dépose les sandales, qu’on ne remet que pour sortir (Matthieu 3.11 ; Marc 1.7 ; Actes 12.8).
Vous le mangerez et à la hâte : Le départ d’Égypte n’était pas une surprise pour Israël. Il savait par la foi à la promesse divine que le signal pouvait retentir d’un moment à l’autre ; il devait, par conséquent, se tenir prêt à marcher.
C’est la Pâque… Le mot pâque (hébreux pésach, de pasach, sauter, passer par-dessus, épargner) désigne proprement le passage de l’Éternel près des maisons israélites, en les épargnant (Ésaïe 31.5). Le sens est donc : Ce repas, je vous le prescris en mémoire de la préservation qui vous sera accordée en cette nuit-là.
Les dieux de l’Égypte. On pense généralement que ces mots font allusion aux animaux, symboles des divinités égyptiennes, dont les premiers-nés furent aussi frappés ; comparez Nombres 33.4. Mais, en tout cas, il s’agit surtout de l’impuissance des dieux des Égyptiens à protéger leurs adorateurs contre le courroux de l’Éternel. De là ces derniers mots qui expliquent tout : Je suis l’Éternel.
Je passerai, sans frapper ; c’est l’explication du mot pâque (verset 11)
Les mots : le sang sera un signe et il n’y aura pas de plaie, ne laissent aucun doute sur la valeur expiatoire du sang de l’agneau ; comparez Lévitique 14.25
Par la raison que le terme de sacrifice n’est pas appliqué à la Pâque dans l’ordonnance versets 1 à 14, on a parfois nié qu’elle eût ce caractère. Mais les qualités de la victime, énumérées verset 5, le repas sacré qui suit l’immolation et surtout l’emploi du sang pour préserver Israël, ne permettent pas de douter que l’immolation de l’agneau ne soit un vrai sacrifice. Seulement ce sacrifice diffère de toutes les espèces de sacrifice réglementées plus tard par la loi.
Il a de commun avec le sacrifice d’expiation l’emploi du sang, avec l’holocauste le passage de la victime par le feu, avec le sacrifice d’action de grâces le repas sacré qui le complète. Mais il diffère essentiellement de tous les autres en ce qu’il est un sacrifice de famille. Il n’y a encore ni sanctuaire, ni autel, ni sacrificateur et même plus tard, lorsque l’acte de l’immolation fut transporté dans le sanctuaire et confié aux sacrificateurs, ce caractère domestique originaire demeura, dans ce trait spécial du repas de famille qui le terminait.
Ce repas était un signe de communion avec Dieu. C’est là le côté positif de la grâce dont l’expiation n’est que le côté négatif ; deux choses qui se retrouvent dans l’Eucharistie. Jésus-Christ, dont le sang a été répandu en rémission des péchés, devient en même temps pour nous une nourriture, un principe de vie que nous avons à nous assimiler. La Pâque est donc de beaucoup le plus important de tous les sacrifices de l’Ancien Testament. Tandis que, dans les autres, une des deux faces de l’idée du sacrifice, soit l’expiation, soit la communion, l’emporte toujours sur l’autre, la Pâque est le sacrifice complet et par excellence. Aussi est-ce toujours à celui-là que les hommes du Nouveau Testament ont comparé celui de Jésus-Christ. Comparez Jean 1.36 ; 1 Corinthiens 5.7 ; 1 Pierre 1.19 et toute l’Apocalypse, dans laquelle Jésus est représenté, comme l’Agneau ou l’Agneau immolé.
À propos de la mort de Jésus-Christ, Jean (Jean 19.36) relève cette prescription particulière à l’agneau pascal : Pas un de ses os ne sera rompu.
Sur la question de savoir si avant Moïse il existait déjà une fête en Israël destinée à célébrer le renouvellement de la vie à l’époque du printemps, voir au verset 21.
Cette prescription, placée, comme elle l’est, à la suite du verset 14, ne peut point s’appliquer à la première Pâque qui devait être célébrée en Égypte ; elle a trait uniquement aux Pâques subséquentes, anniversaires de cette Pâque première et originelle. Nous devons donc l’envisager comme une ordonnance supplémentaire, que Moïse a reçue plus tard, après la sortie d’Égypte et qui a été insérée ici pour compléter les prescriptions relatives à la célébration de la Pâque. C’est ce que confirment :
Le terme hébreu mattsoth : pains sans levain, azymes, vient probablement d’un terme arabe qui signifie pur ; il désigne donc des gâteaux faits d’une pâte non altérée par la présence et l’action du levain. La fermentation que produit le levain dans la pâte est en même temps un principe de corruption ; c’est pourquoi le levain est exclu des gâteaux d’offrande présentés sur l’autel (Lévitique 2.11) ; aussi l’Écriture en fait-elle le symbole de la corruption morale (1 Corinthiens 5.7-8).
On a supposé que la coutume d’éloigner le levain en certains moments provenait d’un usage antérieur au temps de Moïse et était en rapport avec le commencement de la moisson. On aurait jugé convenable de manger les prémices de la récolte dans leur état de pureté naturelle, sans y rien mêler d’étranger. Rien n’empêche, en effet, que Dieu n’ait transformé un usage primitivement agricole en rite théocratique, afin de célébrer par ce symbole de renouvellement et de purification l’événement qui allait faire d’Israël lui-même un peuple nouveau.
La prescription donnée dans ce verset élève le premier et le septième jour de la semaine pascale au rang de sabbats, si ce n’est qu’en ces jours-là Dieu permet de préparer les aliments, tandis que cet acte même est interdit le jour du sabbat (Exode 35.3).
Une sainte assemblée : en vue de l’adoration commune. Dès le voyage à travers le désert de pareilles convocations purent avoir lieu dans le camp.
Étrangère. Le verset 38 montre qu’au moment même de la sortie d’Égypte de nombreux étrangers se joignirent au peuple.
Indigène ; proprement née dans le pays. Ce terme ne peut avoir en vue la terre de Gossen, où Israël n’était pas chez lui ; il doit donc s’appliquer à la terre que Dieu lui avait promise. C’est ce que confirment les mots : dans tous les lieux où vous habiterez, verset 20, comparez verset 25 et suivants.
Ce morceau se rattache historiquement à l’ordre divin versets 1 à 14, dont il a été séparé par l’insertion de l’ordonnance postérieure, versets 15 à 20.
Il résulte clairement des mois : choisissez… prenez … que cette communication eut lieu dès avant le dixième jour de ce mois, jour auquel son exécution devait commencer (verset 3).
Familles. Le mot hébreu n’est pas le même que verset 3 où il avait déjà un sens très large. Le terme employé ici a un sens plus étendu encore (comme Exode 6.14). D’après ce sens, il n’y a par tribu que deux ou trois familles, comprenant chacune quelques milliers d’âmes. À la tête de chacune d’elles était un de ces Anciens auxquels Moïse transmit la communication divine verset 1 et suivants ; comparez Exode 3.16, note et Exode 4.29.
On a conclu de ce terme la Pâque, employé sans explication, qu’il s’agit d’une fête de même nom qui avait dû exister déjà en Israël pour célébrer le retour du printemps (comme cela avait lieu chez la plupart des peuples anciens). Mais l’instruction donnée par Dieu à Moïse n’est reproduite ici qu’en abrégé ; ce discours doit être complété d’après les versets 1 à 14 ; et l’expression la Pâque trouve son explication dans celle du verset 11 : C’est la Pâque de l’Éternel. Du reste, comme nous l’avons fait entendre au verset 15, nous ne prétendons point que déjà il n’existât en Israël une fête du printemps. Peut-être était-ce précisément la fête que Moïse demandait à Pharaon d’aller célébrer hors d’Égypte (Exode 3.18 ; Exode 5.3 ; Exode 8.27, etc.).
Hysope. Petite plante (1 Rois 4.33) appartenant au genre des labiées (lavande, thym, etc.), très aromatique, employée par cette raison sans doute aux purifications (Lévitique 14.4 ; Psaumes 51.9) et, de plus, très velue, ce qui la rendait propre aussi aux aspersions. On discute sur la question de savoir si c’est la plante appelée hysope officinale ou l’origan (marjolaine).
Le mot hébreu rendu par bassin est traduit dans beaucoup de versions par seuil. Mais si le sang eût été sur le seuil, en passant on se serait exposé à le profaner. Pour le sens adopté, voir Zacharie 12.2, note.
Le bassin : celui dans lequel le sang avait été recueilli au moment de l’immolation.
Les Israélites eux-mêmes n’étaient en sûreté dans cette nuit de jugement que sous l’abri du sang de l’agneau.
Au Destructeur. Quelques-uns donnent au terme hébreu le sens abstrait : la destruction, c’est-à-dire ici la peste. Mais l’expression : entrer dans les maisons, s’applique plutôt à un être personnel. Il s’agit de l’ange par lequel Dieu exécutera s’agit ce jugement, lequel n’est pas pour cela un mauvais ange, comme on l’a pensé. C’est en la personne de cet ange que Dieu lui-même traversera et frappera l’Égypte (verset 12). Comparez 2 Samuel 24.15. D’après plusieurs, c’est ici l’ange de l’Éternel dans le sens le plus élevé du mot ; comparez la note Genèse 21, fin. C’est ce que l’on ne peut ni affirmer, ni nier.
L’organisation du peuple par tribus, familles, maisons, permettait de faire parvenir en très peu de temps les ordres de l’Éternel à tout le peuple. Le verset 3 prouve d’ailleurs que, dans le cas actuel, les ordres avaient dû être donnés plus de cinq jours avant celui de la Pâque.
Il ne paraît pas que l’on puisse attribuer à cette dernière plaie une cause naturelle, telle que l’une de ces pestes qui sévissent parfois au printemps dans la contrée du Nil. Car le fléau ne frappe que les premiers-nés, il les frappe tous ; il les frappe à la même heure ; il atteint aussi ceux des bêtes ; enfin ceux des Israélites sont tous préservés. Dieu veut faire sentir par là que c’est bien lui cette fois qui passe et qui frappe.
Il appela. Il n’est pas probable que, dans l’état de douleur et de consternation où il se trouvait, Pharaon ait reçu lui-même Moïse. Par le récit de la scène Exode 10.28-29, l’auteur a d’avance écarté cette pensée. Le roi fit connaître sa volonté par l’un des siens.
On a conclu des mots : comme vous l’avez dit, que Pharaon n’autorisait le départ qu’à la condition du prochain retour dont Moïse avait d’abord parlé. Mais cette conclusion est contraire à l’expression de Pharaon lui-même : Sortez du milieu de mon peuple ; puis à cette autre parole de Pharaon : Qu’avons-nous fait de laisser partir Israël pour ne plus nous servir ? (Exode 14.5) ; enfin à sa résolution de poursuivre Israël pour le ramener de force dans un moment où le peuple n’avait pas encore quitté le sol de l’Égypte. Les Égyptiens ne songeaient pas non plus à un retour d’Israël quand ils s’écriaient : Partez, nous sommes tous morts !
Depuis les premières démarches de Moïse, qui précédèrent les quatre premières plaies les choses avaient marché. À la suite des scènes Exode 10.28 et Exode 11.8 toute négociation à l’amiable était remplie. Les mots comme vous l’avez dit, portent donc uniquement sur l’idée de partir, hommes et troupeaux.
Bénissez-moi pourrait signifier seulement : Prenez congé de moi ; laissez-moi ! Mais, dans l’état de terreur où se trouve le monarque, ils signifient plus : Priez pour moi, que Dieu cesse de me frapper et qu’il épargne ma vie ! Quelle rétractation de la bravade Exode 10.10 ! Comparez Exode 8.28 ; Exode 9.28
Accomplissement de la prophétie de Moïse, Exode 11.8 ; comparez aussi Exode 3.20-22
Les bédouins pétrissent quelquefois la pâte sur de simples morceaux de peau il est possible que les maies ou pétrins des Hébreux ne fussent pas autre chose.
On a prétendu que l’explication donnée ici du rite des pains sans levain à la fête de Pâques (par la précipitation du départ différait absolument de celle qui résulte du verset 8, où cet usage est motivé uniquement par une ordonnance de l’Éternel donnée au peuple bien des jours avant la sortie ; et l’on a vu là la preuve que l’auteur suit simultanément deux documents contradictoires, dont il se borne à juxtaposer les récits.
Mais il ne peut être question de contradiction là où il s’agit de deux choses différentes. L’ordonnance du verset 8 portait sur l’usage des azymes dans le repas pascal du 14 au soir ; l’explication verset 34 et 39 porte uniquement sur l’extension de cet usage à la fête des sept jours qui, d’après une institution postérieure, fut ajoutée au repas primitif. Le rite du repas pascal fut réglé par l’ordonnance divine dans tous ses détails que nous avons expliqués plus haut (versets 1 à 8). Celui de la semaine pascale fut établi que plus tard, après la sortie d’Égypte et c’est celui-ci qui s’explique par les circonstances de la sortie et que motivent nos versets 34 et 39. L’extension de l’usage des pains sans levain à toute une semaine fut établie en souvenir de la précipitation avec laquelle avait eu lieu le départ et de la nécessité où s’étaient trouvés les Israélites d’emporter leur provision de pâte non encore levée. On comprend facilement comment se passèrent les choses. Ne devant manger dans le repas du 14 au soir que du pain non levé, les Israélites n’avaient pu mettre du levain dans leur provision de pâte. Et lorsque immédiatement après le repas ils durent se préparer au départ, ils furent obligés d’emporter leur pâte telle qu’elle était s ans levain et de la manger ainsi pendant les premiers jours du voyage. C’est cette dernière circonstance que rappelait l’usage des azymes durant la semaine pascale instituée plus tard. Comparez Deutéronome Exode 16.3 qui confirme expressément cette explication.
Il n’y a donc pas plus de contradiction dans le récit de l’auteur, qu’entre les sources où il l’a puisé. Le verset 8 explique le rite du repas pascal, les versets 34 et 39 celui de la semaine pascale, ainsi que la relation historique entre tous les deux.
Ramsès. Ce nom était celui de tout un pays dans le Delta, qui renfermait celui de Gossen et il ne serait pas impossible de lui donner ici ce sens général. Mais il est plus probable qu’il s’agit de la capitale de ce pays que les Israélites avaient eux-mêmes bâtie (1.41) et où ils habitaient sans doute en fort grand nombre.
On identifie souvent cette ville avec Tanis (Tsoan), la principale résidence des rois hyksos, située dans la partie nord-est du Delta, près du lac Menzalé (voir Genèse 45.10, note). Dans ce cas, la marche des Israélites se serait dirigée du nord-ouest au sud-est. Lepsius avait cru pouvoir démontrer que la ville de Ramsès était située beaucoup plus au sud et aussi plus à l’est, près des lacs Amers, un peu à l’ouest de la ville actuelle d’Ismaïlia. Mais les découvertes récentes de M. Naville (Mémoire publié par l’Égypt Exploration Fund. Londres 1887) conduisent à placer Ramsès, résidence fréquente de Ramsès II (Sésostris), assez loin à l’ouest de l’endroit indiqué par Lepsius, dans la localité où se trouve la ville de Phakousa, au sud-est de Zagazig, d’où part le canal qui unit le Nil avec la mer Rouge en suivant dans sa première partie le Wadi Tumilat (voir carte).
De cette manière, cette ville aurait été située dans la partie occidentale du pays de Gossen, de sorte qu’en se dirigeant de Ramsès vers l’est la colonne principale des Israélites aurait eu à traverser tout le pays où étaient établis la plupart de leurs compatriotes.
Succoth. Ce nom désigne en hébreu des cabanes construites de branchages (Genèse 33.17). D’après M. Naville (Mémoire publié par l’Égypt Exploration Fund. Londres 1885), il faut placer cette localité à l’extrémité orientale du Wadi Tumilat, entre 15 et 20 kilomètres à l’ouest d’Ismaïlia, près de l’endroit nommé aujourd’hui Tel-Maskhutah. Le savant genevois pense que Succoth désignait une contrée de pâturages et c’est là qu’il place, d’après une foule d’indices, la ville de Pithom.
Le nom hébreu de Succoth paraît être identique à celui de Thuku (changement fréquent de T en S), qui accompagne plusieurs fois dans les inscriptions celui de Pithom et qui désigne un district habité par des étrangers, un pays de frontières ; comparez les remarques sur les mots Mosché et chartoummim, Exode 2.10 et Exode 7.11
Si ces rapprochements sont fondés, on comprend aisément que, à mesure que la colonne principale, partie de Ramsès sous la conduite de Moïse, traversait de l’ouest à l’est le pays de Gossen, elle ait pu recueillir au fur et à mesure les contingents de la population israélite habitant la contrée et prêts à partir. La nation entière se trouva ainsi réunie à l’étape de Succoth et c’est là qu’elle jouit pour la première fois du sentiment de sa liberté. Ainsi les deux villes qui avaient été le théâtre de l’oppression la plus dure (Exode 1.11), ont joué le principal rôle au jour de la délivrance.
Si l’on se demande comment, le mot d’ordre pour le départ put être donné à un si grand nombre de personnes et comment ce départ put s’exécuter en bon ordre, il faut se rappeler que l’organisation du peuple entier en tribus, branches, familles, maisons, avec des chefs établis, selon la forme patriarcale, sur chacune de ces divisions et subdivisions, rendait possible cette exécution prompte et bien réglée de l’ordre divin.
Au nombre d’environ six cent mille piétons. Les femmes et les enfants allaient à âne, comme c’est l’ordinaire en Orient, ou sur des chariots. Si Ramsès et Succoth sont situés comme nous l’avons dit, une distance de quarante à soixante kilomètres séparait ces deux endroits ; il est peu probable que, malgré le départ très matinal, une telle foule de gens ait pu la franchir en un jour. Mais le texte ne le dit pas non plus. Le premier campement eut lieu dans les pâturages de Succoth. Ce fut là qu’on attendit les traînards et qu’on se compta approximativement. Comparez Nombres 1.46 et Exode 3.9
Six cent mille hommes supposent une population de deux millions d’âmes environ. On demande s’il est possible que la famille de Jacob eût pu multiplier à ce point pendant quatre siècles. Sans même tenir compte de la fécondité particulière qui distingue l’Égypte et de la bénédiction extraordinaire accordée à Israël, on a calculé qu’en attribuant à chacun des petits-fils de Jacob qui, d’après les généalogies subséquentes, paraissent avoir fait souche, deux à trois descendants mâles par couple, à chaque génération, on obtient pour la dixième génération, celle qui sortit d’Égypte (10 générations pour 400 ans), un chiffre de près de 500 mille hommes, auxquels on doit ajouter tous les hommes de la huitième et de la neuvième génération qui vivaient encore. Le nombre indiqué n’a donc rien d’invraisemblable. Mais où trouvaient-ils la place pour se mouvoir tous ensemble ? Sur des routes étroites et fermées de droite et de gauche, cela ne se concevrait pas. Mais dans de vastes plaines, en partie inhabitées et incultes, chaque tribu avec ses subdivisions pouvait se mouvoir aisément.
Une foule de gens. Cette foule se composait sans doute des restes de diverses tribus sémitiques entrées en Égypte sous les Hyksos, puis aussi de beaucoup de gens à qui la misère et l’oppression faisaient saisir avec empressement cette occasion d’émigrer sous les ailes d’un peuple plus libre, plus heureux, plus béni du ciel que le leur. Ces gens sont appelés ailleurs un ramassis (Nombres 11.4). Ils paraissent avoir rempli les métiers de coupeurs de bois et de puiseurs d’eau (Deutéronome 29.11).
Ainsi commence avec l’existence même du peuple, comme peuple, l’accomplissement de la promesse faite à Abraham Genèse 12.3 : Toutes les familles de la terre seront bénies en toi.
Voir au verset 34.
Et d’ailleurs… Ils n’avaient, en effet, pour tout aliment que la pâte qu’ils avaient emportée et ce qu’ils pouvaient trouver sur place.
Quatre cent trente ans. Au lieu des mots en Égypte, les LXX disent, corrigeant le texte : en Égypte et dans le pays de Canaan et le texte samaritain, pour améliorer cette correction : dans le pays de Canaan et en Égypte. D’après ces deux versions, par conséquent, les 430 ans devraient se compter non depuis l’établissement de Jacob en Égypte, mais depuis l’appel d’Abraham (Genèse 12) et comme il s’est écoulé 215 ans de la vocation d’Abraham à l’entrée de Jacob en Égypte, il ne resterait que 215 ans, au lieu de 430, pour le séjour des Israélites dans ce pays.
Plusieurs critiques modernes défendent ce dernier chiffre et condamnent le texte massorétique. Mais en adoptant le chiffre de 215 ans pour le séjour en Égypte, on rend plus difficile à expliquer l’immense accroissement de la nation israélite pendant ce temps ; et l’on met l’Exode en contradiction avec Genèse 15.13, où Dieu annonce à Abraham un exil et une servitude qu’auront à subir ses descendants pendant quatre cents ans.
On allègue sans doute le petit nombre de générations indiquées dans quelques listes généalogiques ; ainsi, dans la généalogie Exode 6.16 et suivants, quatre générations seulement entre Lévi et Moïse. Nous avons discuté cette question (voir la note sur ce passage). Un grand nombre de généalogies présentent pour le même temps beaucoup plus de générations : Nombres 26.29 et suivants ; Exode 27.1 ; Josué 17.3 (de Joseph à Tsélophcad), six ; Ruth 4.18 et suivants ; 1 Chroniques 2.5-10 (de Juda à Nahason), six ; 1 Chroniques 2.20 (de Juda à Betsaléel), sept ; 1 Chroniques 7.20 et suivants (de Joseph à Josué), dix. Tsélophead, Nahason, Betsaléel, Josué, sont tous des contemporains de Moïse. Ce chiffre de dix générations (en comptant chaque génération à quarante ans) convient en gros au chiffre de 430 ans, mais il serait beaucoup trop fort pour une durée de 215 ans seulement. Saint Paul parait accepter la chronologie des LXX, Galates 3.17. Mais cela n’est pas parfaitement sûr, puisqu’il peut dater l’époque de la promesse non du moment où elle a commencé (avec Abraham), mais de celui où elle a fini (au départ de Jacob pour l’Égypte). Il se trouverait ainsi en parfait accord avec l’Exode (texte hébreu).
En ce même jour-là : non le jour même de l’année où Jacob était entré en Égypte mais le jour dont il est parlé dans tout ce chapitre, celui qui va du soir du 14 au soir du 15 de ce premier mois (versets 17 et 51).
Les armées de l’Éternel. Ce terme rappelle simplement l’organisation des Israélites dont nous avons parlé verset 37 et leur marche bien réglée (verset 6).
Une nuit à célébrer. On a traduit aussi : une nuit de préservation, de délivrance, ou bien encore : une nuit de veille à cause de…
Dans la prescription sur la Pâque donnée à Moïse, versets 3 à 11, avant la sortie d’Égypte, il n’y avait pas encore lieu d’établir une règle au sujet de ceux qui pouvaient prendre part au repas pascal. Cette première Pâque ne pouvait naturellement concerner que les familles israélites. Mais après qu’une foule de gens étrangers au peuple s’étaient joints à lui au moment de la sortie (verset 38), il devenait nécessaire de compléter sur ce point l’ordonnance primitive. Il est donc certain que cette prescription n’a été donnée que plus tard, après la sortie. Cependant, elle doit avoir été donnée pendant la vie d’Aaron (verset 43) et sans doute avant la célébration de la Pâque racontée Nombres 9.1 et suivants. Elle a été placée ici pour compléter ce qui se rapporte à l’institution de la Pâque (voir au verset 50).
Fête de la délivrance du peuple élu, la Pâque ne doit être célébrée que par les membres de ce peuple.
Mais, comme toujours, à la rigueur de la loi s’associe la tendance universaliste de la grâce. L’esclave étranger qui fait partie de la famille israélite peut se faire incorporer au peuple par la circoncision et alors il mangera la Pâque avec lui.
Le domicilié : l’étranger établi au milieu d’Israël (ceux qu’on appelait à Athènes les métèques).
Le mercenaire : l’ouvrier étranger qui travaille au service d’un Israélite. Si ces gens désirent participer à la Pâque ils le peuvent, à la condition indiquée verset 48
Le caractère sacré de l’agneau, si énergiquement rappelé dans ce verset, sert à expliquer pourquoi nul incirconcis (non consacré) ne petit être admis à ce repas.
Nul Israélite ne doit s’abstenir de ce repas ; car il sert à lier toutes les familles israélites avec Dieu et entre elles. C’est le symbole de l’unité du peuple.
Une même loi : toujours l’universalisme le plus large perçant à travers le particularisme le plus rigoureux.
On pourrait appliquer cette remarque à l’accomplissement subséquent de cette ordonnance, à Sinaï (Nombres 9) et en Canaan. Mais il est plus naturel de voir ici la reprise du récit interrompu par la prescription précédente et le résumé de tout ce qu’avait fait le peuple en exécution des ordres qui lui avaient été donnés pour la sortie maintenant consommée. Dans ce sens, le verset 51 se rattache tout naturellement au verset 50.