Verset à verset Double colonne
Le moment était arrivé où l’exécution allait succéder aux menaces. Dieu révèle à Ézéchiel qu’en ce jour même où il lui parle, Nébucadnetsar établit son camp devant la ville sainte et que l’issue du siège sera la destruction totale des habitants, puis de Jérusalem. C’est ce qu’Ézéchiel fait connaître au peuple par une parabole (versets 1 à 5), puis par une première application aux habitants (versets 6 à 8) et par une seconde à la ville elle-même (versets 9 à 14). Le lendemain, au soir, la femme du prophète étant morte subitement, il reçoit l’ordre de faire connaître aux exilés, par sa manière d’agir dans ce deuil domestique, la conduite qu’ils auront à tenir quand la nouvelle de la catastrophe nationale leur sera parvenue (versets 15 à 24). Les trois derniers versets (versets 25 à 27) renferment une direction pour le prophète lui-même sur la manière dont il doit remplir son office prophétique dans ce temps d’attente solennelle. On voit que tout se presse vers l’accomplissement des menaces antérieures.
Il est bien évident que cet acte prophétique qui va suivre n’a point été réellement exécuté ; c’est ce qui ressort des mots : Propose une parabole (verset 3).
C’était la neuvième année après la déportation de Jéhojachin (Ézéchiel 1.2). Le règne de Sédécias, qui n’a duré en tout que onze ans, touchait donc à sa fin.
Ézéchiel reçoit directement de Dieu l’avis que le siège est commencé (comparez Ézéchiel 11.13) et l’ordre de noter ce jour, afin que les exilés puissent constater plus tard la réalité de la révélation qu’il disait avoir reçue. Tous ces détails feraient l’effet d’un vulgaire charlatanisme, s’ils n’étaient, comme on l’a prétendu, que des artifices de composition littéraire. Cette date, à jamais néfaste, du commencement du siège continua à être célébrée par un jeûne jusqu’après le retour de l’exil (Zacharie 8.19). Pour la date indiquée, comparez 2 Rois 25.1 et Jérémie 52.4.
Le but de cette révélation était de faire comprendre aux Juifs exilés que le conquérant visible qui allait frapper Jérusalem, n’était que le ministre du Souverain invisible. qui jugeait son peuple.
L’image employée ici par le Seigneur est la même que celle dont se servaient orgueilleusement les habitants de Jérusalem (Ézéchiel 11.3) pour affirmer l’impossibilité de leur ruine. L’Éternel la retourne maintenant contre eux ; ils vont périr dans cette chaudière dans laquelle ils se croyaient en sûreté, dans Jérusalem même et la chaudière aussi sera détruite, après avoir été vidée de tout ce qu’elle renfermait.
Ses morceaux : les morceaux destinés à la chaudière. Ils représentent la population de la ville et celle du pays, qui est dans Jérusalem à l’arrivée des Chaldéens. Les bons morceaux sont les riches avec leurs trésors ; les os sont l’armée et ses chefs (avec le roi), qui ont la tâche de défendre Jérusalem.
Le feu ardent que doit allumer le prophète sous la chaudière, représente le châtiment prochain, qui s’exécute par l’ordre de Dieu.
Et même entasse… Il y a en hébreu littéralement : Et fais le monceau des os. Ce qui signifie soit : Fais un monceau d’os sous la chaudière pour alimenter la flamme ; mais dans ce cas ne faudrait-il pas un, au lieu de : le monceau ? Soit : Fais (sous la chaudière) le monceau de bois nécessaire pour cuire les os…
Le mot hébreu (dour) signifie proprement un cercle et paraît faire allusion à l’armée ennemie qui bloque la ville (verset 9).
Ces versets donnent une première explication de la parabole, mais tout en entremêlant les traits de l’image avec ceux de la réalité.
C’est pourquoi : Puisque c’est par cette image que je t’ai commandé de représenter le sort de Jérusalem.
La ville de sang. Nous avons déjà vu plusieurs fois et dans Jérémie 22.3 ; Lamentations 4.13 et dans Ézéchiel 9.9 ; Ézéchiel 23.45, etc., que dans les derniers temps les meurtres s’étaient multipliés à Jérusalem, jusque dans le temple et restaient impunis : Le vert-de-gris et non pas, comme on traduit ordinairement, la rouille, représente ce sang versé, qui n’a pas été nettoyé par la mort des malfaiteurs et par la pénitence de la ville entière ; il reste donc là sur la conscience des habitants, comme une couche de vert-de-gris attachée aux parois d’une chaudière.
Vide-la. Comme les morceaux jetés hors d’une chaudière empoisonnée, ainsi les habitants, massacrés ou exilés, seront jetés hors de ville.
Sans tirer au sort : car il n’y en aura aucun d’épargné. Il y a littéralement : au sort sur elle (la ville), pour : sur tout ce qu’elle contient.
Ces meurtriers sont représentés comme des malfaiteurs audacieux qui ont versé le sang de leurs victimes, non point sur la terre où ils auraient pu le recouvrir de poussière, mais sur la roche nue où il demeure visible et sans avoir été expié.
J’ai fait verser… C’est Dieu lui-même qui a voulu que la chose se passât ainsi (verset 7), afin qu’à ces meurtres patents succèdent un châtiment non moins éclatant.
Seconde application de la parabole : la destruction totale doit atteindre, non seulement les habitants, mais la ville elle-même.
Moi aussi : Dieu fera en réalité tout ce que le prophète vient de faire figurément.
Un grand monceau : l’armée des Chaldéens qui assiège la ville (voir au verset 5).
Le tableau allégorique reparaît un instant comme pour servir de thème à la nouvelle menace qui s’annonce.
Brasse la bouillie. Le terme employé ici s’applique parfois à la préparation des onguents et plusieurs ont cru qu’Ézéchiel recevait l’ordre d’assaisonner la viande renfermée dans la chaudière. Mais il n’est pas question d’un mets à apprêter. La viande avait déjà été jetée dehors morceau par morceau (verset 6) et la chaudière doit être maintenant complètement vidée (verset 11).
Il s’agit actuellement de nettoyer de son vert-de-gris la chaudière elle-même ; mais le feu le plus ardent ne réussit pas à détacher cette croûte épaisse. Or, comme une chaudière exposée vide à un feu ardent, est détruite, ainsi Jérusalem, qui a refusé obstinément d’être purifiée par son Dieu, sera consumée après avoir été vidée de ses derniers habitants.
De l’énormité. Cette expression est expliquée par ce qui suit. La souillure de Juda surpassait en noirceur celle de tous les autres peuples ; car Dieu avait tout fait pour l’en nettoyer. Mais ni les moyens de grâce, ni les appels des prophètes, ni les châtiments antérieurs n’avaient produit la purification, qui ne pouvait plus être obtenue que par la ruine et l’exil. Cette menace s’applique avec une double force aux peuples chrétiens infidèles, qui négligent d’user des moyens de sanctification qui leur sont offerts dans l’économie nouvelle (comparez Ésaïe 6.11-13).
Une sentence sans recours et une exécution qui ira jusqu’au bout.
Après avoir annoncé aux exilés l’événement qui va réduire à néant leurs espérances charnelles, le prophète leur donne en sa personne l’exemple de la conduite qu’ils devront tenir.
Ézéchiel apprend de l’Éternel qu’il va perdre sa femme en ce jour même et qu’il ne doit se livrer à aucune des démonstrations de deuil en usage chez son peuple.
En silence : au lieu des lamentations bruyantes (Marc 5.38).
Le deuil des morts : c’est l’expression générale ; les détails suivent.
De ton turban. On avait coutume d’enlever sa coiffure pour se couvrir la tête de cendre (Ésaïe 51.3). Il ne s’agit pas ici de la mitre sacerdotale, qui porte un autre nom (Exode 39.28).
Mets ta chaussure. On restait nu-pieds ; comparez 2 Samuel 15.30 ; Ésaïe 20.2.
Ne te couvre pas la barbe. On se couvrait la barbe et le bas du visage jusqu’au nez (Michée 3.7).
Le pain de condoléance. Il y a littéralement : le pain des hommes. Ce sont les aliments que les amis avaient coutume d’envoyer à la famille en deuil ; comparez Deutéronome 26.14 ; Osée 9.4 ; Jérémie 16.7.
Ce n’est certainement plus ici une simple parabole, comme au verset 3 où il était dit expressément : Propose-leur une parabole. Le fait est donné comme réel et il ne saurait être question en pareil sujet d’une forme rhétorique, D’autre part, on ne peut penser que Dieu ait fait mourir la femme du prophète uniquement pour donner au peuple un signe du malheur qui l’attendait. Dieu applique simplement à son dessein cette circonstance d’ailleurs voulue de lui pour des raisons à nous inconnues.
Le motif de l’ordre divin ressort, nous paraît-il, de Jérémie 16.5-8. La situation actuelle était celle d’un état de châtiment exceptionnel, dans lequel le sentiment de la justice de Dieu devait dominer toute autre considération et comprimer même les manifestations les plus légitimes du sentiment naturel ; comparez Luc 9.59-60. C’était le moment de mettre sa main sur ses lèvres et de se taire, en pensant, comme dit le psalmiste, que c’est Lui qui l’a fait (Psaumes 39.10).
Les exilés comprennent que la conduite extraordinaire d’Ézéchiel renferme une instruction de Dieu à leur adresse et le prophète leur explique la pensée divine (voir la note d’introduction).
L’orgueil de votre force… : voir au verset 25.
Vos fils et vos filles : la partie du peuple restée à Jérusalem à la suite des déportations précédentes. Bien des membres des familles exilées se trouvaient sans doute dans ce nombre.
Cette interdiction de toute démonstration de deuil à l’occasion du dernier coup qui va frapper la nation, a certainement un motif analogue à celui que nous avons développé verset 18. On s’étourdit fréquemment, au lieu de se recueillir, dans les démonstrations et les cérémonies de deuil et l’on perd ainsi le fruit de l’épreuve ou du châtiment. Or le moment était venu où les exilés devaient décidément rentrer en eux-mêmes et commencer à devenir un peuple nouveau. La ruine de Jérusalem, en portant le dernier coup à leurs illusions, devait être le signal de cette crise salutaire.
Vous vous consumerez dans vos péchés… Ils devront se renfermer en eux-mêmes, accablés sous le poids des péchés par lesquels ils ont attiré ce châtiment sans exemple, et, s’ils en parlent avec quelque autre, ne le faire que dans le secret de leur demeure et en versant leur douleur à voix basse l’un dans le cœur de l’autre, comme on le fait dans les moments solennels où la main de Dieu s’appesantit sur l’homme.
Dès ce moment même, l’attitude du prophète doit prendre aussi un caractère nouveau, celui d’une silencieuse attente. Ézéchiel 3.26-27, il lui avait été défendu de parler aux exilés pour s’entretenir familièrement, comme on le fait avec ceux qui vous entourent ; il ne devait ouvrir la bouche que dans le cas où Dieu lui-même lui mettrait une parole sur les lèvres. Dès ce moment, c’est un mutisme complet qui lui est imposé, jusqu’au jour où un réchappé de Jérusalem viendra apporter la nouvelle de sa destruction. Quelle éloquence dans ce long silence ! L’homme se tait pour laisser la parole aux événements, c’est-à-dire à Dieu lui-même. Après cela la parole sera rendue à Ézéchiel pour accomplir la seconde partie de son ministère.
Ce qui fait leur force… C’est du sanctuaire que le prophète veut parler, comme au verset 21. C’était de là en effet qu’ils tiraient la confiance qui les enorgueillissait et les rassurait même contre les menaces de l’Éternel.
Ta bouche s’ouvrira, non, comme on l’a cru, pour parler avec le fugitif, mais pour tenir au peuple un langage nouveau, en ce moment où son dernier espoir s’évanouira. Il devra annoncer alors les grâces futures de l’Éternel et le relèvement du peuple. Il faut que toute espérance terrestre ait été anéantie, pour que le cœur s’ouvre à l’espérance qui vient d’en-haut.
Un emblème : ici dans un sens un peu différent de celui qu’avait cette expression au verset 24. Par son silence complet qui va commencer et qui sera subitement rompu, Ézéchiel doit figurer à leurs yeux l’abaissement total où la nation va être réduite et le relèvement glorieux qui le suivra. C’est ainsi que ce chapitre et les derniers versets en particulier, forment la clôture de la première partie du livre d’Ézéchiel et la transition à la seconde. Le prophète les a séparées en insérant ici, comme partie intermédiaire, le recueil des prophéties contre les peuples étrangers.