Verset à verset Double colonne
Ce récit d’une fraîcheur et d’une beauté littéraire remarquables appartient au document jéhoviste. Nous y admirons l’intimité dans laquelle Abraham vit avec l’Éternel. Il intercède hardiment auprès de lui en faveur des villes du pays menacées de ruine ; et l’Éternel le renseigne sur le jugement qu’il va accomplir. Ce sont ces rapports familiers avec l’Éternel qui ont valu à Abraham le titre d’ami de Dieu (Ésaïe 46.8 ; Jacques 2.23).
Trois êtres célestes acceptent l’hospitalité d’Abraham. Cette visite de l’Éternel a eu lieu dans le même temps que la révélation du chapitre 17, c’est-à-dire un an avant la naissance d’Isaac. Comparez Genèse 17.21 et Genèse 17.10. Après treize ans de silence (entre les chapitres 16 et 17), les communications divines se multiplient, car l’accomplissement est proche.
La première partie du verset 1 est le sommaire de tout le récit. De là vient que l’auteur nomme déjà l’Éternel, tandis que dans le récit même il ne le désigne comme tel que dès le moment où Abraham le reconnaît.
Dans la chênaie de Mamré : près d’Hébron ; c’était son domicile habituel depuis son retour d’Égypte (Genèse 13.18 ; Genèse 14.13).
Se tenant devant lui. S’arrêter à quelque distance de l’entrée de la tente est encore aujourd’hui chez les Arabes une manière de demander l’hospitalité.
Se prosterna en terre. Forme ordinaire de la salutation orientale.
Abraham reconnaît immédiatement la prééminence de l’un des trois hommes sur ses deux compagnons et c’est à lui qu’il s’adresse.
Seigneur. Les copistes du texte hébreu, estimant qu’Abraham a dès l’abord reconnu l’Éternel, ont écrit ce mot avec l’orthographe spéciale qui convient au nom d’Adonaï, le Seigneur. Mais Abraham n’a point encore reconnu son hôte ; car il continue à le traiter comme un simple homme.
Ici Abraham s’adresse à tous les trois : ils ont tous besoin de repos et de nourriture.
Vous laverez vos pieds. Comme on ne, portait que des sandales, laver les pieds des voyageurs était le premier devoir de l’hospitalité.
Un morceau de pain. Manière délicate d’offrir un repas complet.
C’est pour cela… : C’est Dieu qui a dirigé ainsi votre marche, afin que j’eusse le privilège de vous héberger.
L’offre acceptée, Abraham se hâte. Le pain, la viande, le beurre et le lait sont encore aujourd’hui les aliments habituels des bédouins du désert. Abraham veille à l’excellence et à l’abondance des mets.
Trois mesures : en hébreu, séim. Le séa valait un tiers d’épha. C’est à dessein qu’Araham ne dit pas un épha, mais trois séas : un pour chaque voyageur. D’après les indications des rabbins, l’épha était à peu près l’équivalent de vingt de nos litres.
Des gâteaux : de petits gâteaux ronds, cuits sur des pierres plates chauffées, comme on les fabrique encore aujourd’hui chez les Arabes.
Au bétail. Le terme employé désigne le gros bétail.
Lui se tenait debout. Encore à cette heure, quand le scheik arabe reçoit un hôte de distinction, il se tient debout près de lui pour le servir.
Renouvellement de la promesse relative à la naissance d’un fils de Sara.
Il dit. L’Éternel seul parle ; il s’agit d’une promesse que lui seul peut faire. Il réitère, mais cette fois en présence de Sara, la promesse faite précédemment à Abraham seul (chapitre 17).
Notice introduite pour expliquer le rire de Sara.
L’Éternel. Dès le verset 10, Abraham devait avoir pressenti la nature supérieure de son hôte. Mais maintenant la toute science dont il fait preuve ne peut plus lui laisser aucun doute. Sara en effet se tenait derrière l’Éternel (verset 10) et c’était en elle-même seulement qu’elle avait ri (verset 12). L’Éternel sait cependant qu’elle a ri.
L’Éternel dit à Abraham : non à Sara, car, selon la coutume de l’Orient, Sara était restée dans la tente. Le rire de Sara est blâmé parce que c’est un symptôme d’incrédulité.
Le commencement de ce verset est comme la paraphrase du nom de El-Schaddaï. Dieu répète la promesse avec une précision qui exclut toute objection.
Sara n’avait ri qu’intérieurement ; de là sa dénégation. L’Éternel coupe court à toute discussion par une parole brève et énergique, propre à la faire rentrer en elle-même.
L’Éternel instruit Abraham de son intention à l’égard des villes de la Plaine.
Pour les accompagner. Le scheik arabe accompagne encore aujourd’hui les hôtes auxquels il vient de donner l’hospitalité. Tous quatre partent d’Hébron, se dirigeant à l’est vers les plateaux du haut desquels on contemple toute la plaine où se trouvaient Sodome et Gomorrhe.
Ces trois versets interrompent le fil du récit ; ils expriment la réflexion qui a déterminé l’Éternel à faire à Abraham la communication contenue dans les versets qui suivront (20 et 21).
Cacherai-je à Abraham… ? Amos dit (Amos 3.7) : Le Seigneur ne fait rien qu’il n’ait révélé son conseil à ses serviteurs les prophètes. Abraham est traité ici en prophète ; et dans les versets suivants nous le voyons agir comme tel.
Comparez Genèse 12.2-3. L’idée principale est renfermée dans le verset suivant : Si je m’ouvre ainsi à lui sur l’œuvre que je vais faire, c’est qu’il aura la mission d’instruire la postérité promise dont il doit être le père.
Je l’ai choisi, littéralement connu : Je suis entré dans une relation intime avec lui, afin que ses descendants, instruits par lui à marcher dans la bonne voie, puissent me servir d’instruments pour accomplir mon plan de reconquérir le monde rebelle.
Pour réaliser ce plan, il faut que le peuple élu soit fidèle et pour qu’il le soit, il lui faut l’intelligence des jugements divins qu’Abraham ne manquera pas de lui transmettre. Voilà pourquoi Dieu trouve bon de lui faire connaître la sentence de condamnation qu’il vient de prononcer, afin qu’il discerne, dans le bouleversement des éléments qui va se produire, autre chose qu’un simple phénomène naturel, qu’il y reconnaisse la main du juge de toute la terre.
La destruction de Sodome et de Gomorrhe est restée pour Israël le type des jugements de Dieu. Comparez Deutéronome 29.23 ; Ésaïe 1.9 ; Osée 11.8 ; Amos 4.11, etc.
Le cri. Tout crime commis sur la terre crie vers le ciel jusqu’à ce qu’il soit vengé. Comparez Genèse 4.10.
Je veux descendre. Ce mot ne doit pas se prendre ici dans le même sens que Genèse 11.5 ; Genèse 11.7 (descendre du ciel). Il s’agit de descendre de la montagne dans la plaine où sont les villes criminelles.
Arrivé au comble. L’Éternel punit quand la mesure déborde, c’est-à-dire quand il n’y a plus d’espoir d’amélioration. Comparez Genèse 15.16.
Ou si cela n’est pas… Dieu veut éviter toute apparence de partialité ou de précipitation ; se soumettant aux règles de la procédure humaine, il consent à faire une enquête pour constater le crime. Cette enquête aura lieu par le fait même de l’entrée de ses deux envoyés dans Sodome et de la conduite des habitants de la ville à leur égard.
L’Éternel descend à Sodome, mais seulement en la personne de ses envoyés. Lui-même reste avec Abraham, qui profite de ce moment pour lui adresser sa requête.
Abraham, sachant que les villes de la Plaine vont être détruites, pense à Lot, déjà délivré une fois (chapitre 14) et aux justes qui pourraient se trouver avec lui dans ces villes.
Il existe entre les membres d’un même peuple une solidarité en vertu de laquelle ou bien les justes doivent périr à cause des méchants, ou bien les méchants être préservés à cause des justes.
Celui qui juge toute la terre… Le juge suprême et sans appel doit être aussi le juge le plus équitable.
Tant qu’il y a encore un certain nombre de justes dans une ville, fussent-ils une infime minorité, ils détournent les jugements de Dieu, car l’Éternel, pour l’amour d’eux, épargne les pécheurs au milieu desquels ils vivent.
Chaque exaucement enhardit Abraham à présenter une nouvelle requête. On se demande pourquoi il s’arrête à dix. Peut-être parce que moins de dix personnes ne peuvent plus être envisagés comme une fraction de la nation ; elles ne forment plus qu’une famille qui, si elle existe, pourra être sauvée seule, sans que la nation en bénéficie. Il faut remarquer dans cette intercession, à côté d’une sainte hardiesse, un sentiment d’humilité qui devient de plus en plus profond à chaque acte nouveau de la condescendance divine.
Ce récit présente un intérêt tout particulier en ce qu’il nous montre Abraham agissant comme protecteur de ce pays qui lui avait été promis. Ce qu’il avait fait en remportant la victoire sur les rois ennemis lors de l’invasion de Kédorlaomer, il essaie de le faire de nouveau en intercédant auprès de Dieu.